Analyse transactionnelle

Analyse transactionnelle

Lanalyse transactionnelle (aussi appelée AT) est une théorie de la personnalité et de la communication. Elle postule des « états du Moi » (Parent, Adulte, Enfant), et étudie les phénomènes intrapsychiques à travers les échanges relationnels, appelés « transactions ». Cette théorie a été fondée par Éric Berne, médecin psychiatre américain, dans les années 1950 à 1970.

Lanalyse transactionnelle vise à permettre une prise de conscience ainsi quune meilleure compréhension de « ce qui se joue ici et maintenant » dans les relations entre deux personnes et dans les groupes. Lanalyse transactionnelle propose des grilles de lecture pour la compréhension des problèmes relationnels ainsi que des modalités dintervention pour résoudre ces problèmes.

Sommaire

Principaux concepts

Outre les États du Moi, lanalyse transactionnelle propose de repérer les jeux psychologiques, des types déchanges qui se répètent de manières semblables, et qui se terminent par un sentiment de malaise. Parmi les autres concepts de lanalyse transactionnelle, on trouve les positions de vie, des éclairages sur la gestion des signes de reconnaissance et des sentiments, la structuration du temps, les drivers ou messages contraignants, les méconnaissances et les différents degrés de passivité.

Éric Berne postulait que les grandes orientations de la vie sont décidées dès lenfance, et peuvent prendre la forme dun scénario de vie. Berne définit également trois critères de bonne santé psychique : « conscience, spontanéité et intimité ».

Les états du Moi

Berne a conclu, dans le cadre des observations liées à sa pratique que, dans certains contextes, ses patients agissaient comme le faisait lun de leurs parents, sans avoir toujours conscience de lorigine de ces comportements, ainsi que des émotions et manières de penser qui y étaient associées. À dautres moments, des résurgences des comportements issus de lenfance de ses patients se reproduisaient, également avec les affects et les états desprits dalors.

Il décrit un de ses patients, M. Segundo, un avocat, dont le rapport à largent était de trois types[1] :

  • « Dans son activité dhomme de loi, et dans ses opérations financières, il montrait une épreuve de la réalité très sûre ». « [Il] maniait de grosses sommes dargent avec lassurance, le jugement et le bonheur dun banquier et il était prêt à dépenser de largent pour en gagner. »
  • À dautres moments, il « rêvait de tout prodiguer pour le bien public. » Il « imitait effectivement la conduite et létat desprit de son père lors de ses activités de bienfaisance. »
  • En outre, il lui arrivait de voler « des chewing-gums et dautres babioles dans les grands magasins. » Et il le faisait avec « la même attitude désinvolte et la même technique avec lesquelles il volait des chewing-gums étant enfant. »

Berne a défini un état du Moi comme un « système cohérent de pensées, démotions, et de comportements associés »[2]. Du point de vue de la structure de la personne, il distingue trois types détats du Moi[3] :

  • Le Parent correspond aux pensées, émotions, et comportements dune personne quelle a fait siens par imitation de figures parentales ou éducatives marquantes.
  • LAdulte caractérise les émotions, pensées et comportements qui sont congruents avec la réalité de lici et maintenant.
  • LEnfant correspond aux pensées, émotions, et comportements qui sont une reviviscence de notre propre enfance.

Dans lexemple de M. Segundo, les trois types de rapport à largent étaient respectivement Adulte, Parent, et Enfant.

Dans lanalyse de Berne, les termes Parent, Adulte et Enfant ne sont pas en relation avec lâge de la personne. Exemple : dans une classe un enfant qui réexplique la leçon à un de ses camarades de la même manière que le fait son maître ou sa maîtresse active son État du Moi Parent.

Enfin, ils ne sont pas synonymes du ça, du moi et du surmoi de la psychanalyse freudienne.

Article détaillé : États du Moi.

Les transactions

Une transaction est le nom donné à un échange verbal et comportemental entre deux personnes. On distingue le stimulus, ou message envoyé dune personne à lautre, de la réponse de celle-ci. Les transactions peuvent ainsi être observées et analysées en termes détats du moi.

Il existe des transactions simples (complémentaires ou croisées) se répondent alternativement un état du moi seulement chez chacun des deux protagonistes, et des transactions doubles se répondent en apparence des État du Moi spécifiques (exemple Parent) et en même temps, à un niveau sous-jacent, dautres États du Moi (exemple Enfant).

Transactions simples complémentaires

Les transactions sont complémentaires lorsque les deux partenaires sadressent à lEtat du Moi dans lequel lautre se trouve.

Exemple 1

A : « Avez-vous pu rédiger le rapport ? »
B : « Oui - je suis sur le point de vous lenvoyer par courriel. » (Échange Adulte - Adulte)

Exemple 2

A : « Voulez-vous vous passer après cette réunion et aller voir un film avec moi ? »
B : « Avec plaisir - Je nen peux plus de travailler, que pourrions-nous aller voir ? » (Échange Enfant - Enfant)

Exemple 3

A : « Tu aurais avoir fini de ranger ta chambre ! (Parent - Enfant) »
B : « Arrête de me pourrir la vie, je vais le faire ! (Enfant - Parent) »

Des échanges sur ce mode peuvent continuer indéfiniment. Évidemment, ils sarrêtent au bout dun certain temps, mais ce mode de communication est stable.

Les transactions simples croisées

La communication sarrête ou change de mode lorsque les transactions sont croisées : lorsquune personne sadresse à un autre État du Moi que celui dans lequel se trouve son partenaire.

Exemple 1 bis

A: « Avez-vous pu rédiger le rapport ? » (Adulte - Adulte)
B: « Arrêtez de me pourrir la vie, je vais le faire ! » (Enfant-Parent)

Cette transaction croisée est susceptible de causer des problèmes entre les personnes. « A » pourrait répondre avec une transaction de Parent à Enfant, comme :

A: « Si vous ne changez pas dattitude, vous serez viré ! »

Exemple 2 bis

A: « Est-ce que ta chambre est enfin rangée ? » (Parent-Enfant)
B: « Regarde, je suis en train de le faire. » (Adulte - Adulte)

Cette transaction croisée change léquilibre entre les protagonistes.

Transactions doubles

Dans ce type de transactions, une conversation se déroule à un niveau social, explicite, et en même temps, dautres transactions sont échangées à un niveau psychologique, non-dit. Par exemple :

A: « Jai besoin que vous restiez au bureau ce soir avec moi. » (Mots Adulte)

le langage corporel indique lintention sexuelle (Enfant flirtant)

B: « Bien sûr. » (Réponse à la déclaration Adulte)

sourire ou clin dœil (lEnfant accepte le motif caché)

L'économie des signes de reconnaissance

Éric Berne utilise un terme polysémique en anglais : « Stroke » qui signifie à la fois caresse et coup de pied. Ce terme est soit conservé tel quel dans les textes français, soit traduit par « Signe de reconnaissance ».

Chaque individu recherche en permanence des signes de reconnaissance car ils sont vitaux pour lui. Une des lois fondamentales de léconomie des signes de reconnaissance observe quune personne accepte plutôt par défaut (de signes de reconnaissance positifs) des signes de reconnaissance négatifs que pas de signe de reconnaissance du tout. Le poids du conditionnement éducatif se vérifie souvent ici : une personne habituée dès le plus jeune âge à recevoir des signes de reconnaissance négatifs sera plus encline à en recevoir toute sa vie, voire à refuser les signes de reconnaissance positifs.

Les signes de reconnaissance sont classés selon des critères conditionnels (portant sur le faire) ou inconditionnels (portant sur lêtre), et selon deux polarités : positifs ou négatifs.

Léconomie des signes de reconnaissance requiert la capacité de savoir les donner, savoir les recevoir, savoir les demander, savoir les refuser et savoir se les donner à soi-même. Ces capacités sont variables dune personne à une autre.

Il existe deux croyances limitantes, lune concerne la rareté (exemple : il ny en na pas assez pour tout le monde) et lautre le contrôle : seuls quelques privilégiés peuvent en donner.

La structuration du temps

Berne observe et décrit six manières de structurer le temps. Ces différentes séquences sont classées selon leur apports quantitatif/qualitatif en signes de reconnaissance, du plus faible au plus intense.

  • le retrait : la personne se met à lécart physiquement ou psychologiquement.
  • le rituel : il sagit de séquences normalisées, standardisées (ex. se saluer), déchanges codifiés socialement. Permet déchanger des signes de reconnaissance. Chaque groupe a ses propres rituels.
  • le passe-temps : caractérise les conversations aux sujets stéréotypés telles que les conversations de salon.
  • lactivité : comme son nom lindique, il sagit ici de séquences dont le but est de faire quelque chose.
  • lintimité : correspond aux moments la communication est ouverte, basée sur la confiance, le respect, et lacceptation de lautre. Permet des échanges de signes de reconnaissance positifs de grande qualité et de grande intensité.

Les positions de vie

Positions de vie selon le modèle de lanalyse transactionnelle.

Lenfant acquiert des certitudes sur lui et les autres. Ces certitudes seront à la base du scénario de vie par le choix préférentiel mais pas exclusif dune position de base parmi les positions de vie suivantes :

  1. Je suis OK, vous êtes OK (++) : la relation idéale selon lanalyse transactionnelle
  2. Je suis OK, vous nêtes pas OK (+-) : mépris, supériorité
  3. Je ne suis pas OK, vous êtes OK (-+) : sentiment dinfériorité
  4. Je ne suis pas OK, vous nêtes pas OK (--) : position de renoncement

La gestion des sentiments

Il existe selon lanalyse transactionnelle trois formes de sentiments dont la spécificité est de brouiller les transactions par leur non congruence :

  • les sentiments accumulés ou « Timbres ». Un timbre est un sentiment non exprimé sur le coup et conservé, il peut se retrouver avec dautres dans une « Collection de timbres » de taille variable. Une collection de timbres pleine se transforme alors en violence, maladie, mortetc.
  • les sentiments parasites ou « Rackets ». Depuis le cercle familial primaire certains sentiments sont plus permis que dautres, lenfant puis ladulte utilisera un sentiment « autorisé » plutôt que celui qui est « interdit » et néanmoins pertinent.
  • les sentiments réactivés ou « Élastiques ». Une situation actuelle peu affective rappelant une ancienne situation fortement chargée affectivement.

Les jeux psychologiques

Dans la structuration du temps selon lanalyse transactionnelle, cest la séquence qui vient juste avant lintimité. Elle est riche en signes de reconnaissance mais négatifs (on peut envisager cette séquence comme le revers de lintimité). Cest un enchaînement de transactions doubles dont la fin dramatique est toujours prévisible et néanmoins surprenante.

Éric Berne[4] a intitulé de nombreuses séquences de ce type de manière imagée. Un exemple est le « Oui, mais… ». Une personne a un problème, une autre lui donne des conseils dont chacun est ponctué par la première par un « Oui, mais… ». Lassée, la seconde peut semporter de parler dans le vide si ce nest la première qui ne se sentirait pas écoutée. Les transactions de surface disent bien « je cherche de laide » mais celles qui sont cachées disent en même temps « personne ne peut maider ». Dautres jeux existent : « Battez-vous », « Au viol », « Sans toi », « Jambe de bois », etc.

Stephen Karpman a élaboré une matrice de tous ces jeux : le triangle dramatique Victime-Sauveur-Persécuteur (obligatoirement avec une majuscule). À chaque pôle se trouve un rôle : une personne dans celui de la Victime, une autre dans celui de Sauveur et une troisième le rôle de Persécuteur (on peut observer que ce jeu se joue fréquemment à deux avec tiers symbolique). Il y a donc interactions entre ces trois rôles qui sont interchangeables. Dans le cas du jeu « Oui, mais… » cité ci-dessus la première est Victime, la seconde Sauveur mais in fine la première peut se retrouver Persécuteur « tu ne maides pas » et lautre Victime « jai essayé de taider ».

Attention il convient de distinguer par exemple le sauveteur qui est une personne tout à fait efficiente du Sauveur qui ne lest pas, ou la victime qui subit un traumatisme bien réel de la Victime qui se plaint pour se plaindre (en toute méconnaissance).

À ce titre, le film Oui, mais (2001) avec Gérard Jugnot et Émilie Dequenne illustre bien ce type de situations, jonglant habilement entre lhéritage dEric Berne et de Stephen Karpman.

Les méconnaissances et les passivités

Lanalyse transactionnelle repère trois domaines de méconnaissance : de soi, des autres et de la situation. Elle distingue trois registres de méconnaissance : des signes du problème, du problème lui-même et des options de solutions ; et quatre niveaux de méconnaissance : de lexistence du phénomène, de la signification de celui-ci, des possibilités de changement de celui-ci et des aptitudes personnelles vis-à-vis du phénomène. Chaque problème est analysé à travers ces trois classes au moyen dune grille des méconnaissances.

Lanalyse transactionnelle distingue quatre types de passivité ou « comment faire pour ne pas y arriver » :

  1. ne rien faire ;
  2. se suradapter ;
  3. lagitation ;
  4. la violence contre les autres ou soi-même (incapacitation).

Les drivers (ou mots d'ordre)

On doit à Taibi Kahler davoir identifié que des situations de stress peuvent rendre manifestes des systèmes de croyances personnelles. Il a identifié cinq groupes de comportement quil a nommé Drivers, et qui peuvent conduire à des situations déchec. Nous illustrons ces cinq Drivers avec des exemples de croyances sous-jacentes :

  • Fais Plaisir : Jai besoin de faire plaisir aux autres pour être aimé.
  • Sois Fort : Je peux tout gérer, et je nai besoin de personne.
  • Sois Parfait : Jai besoin de me sentir irréprochable et que tout soit exécuté de manière parfaite.
  • Fais des Efforts : Plus je macharne, plus je transpire, plus ce que je fais est important, peu importe le résultat.
  • Dépêche-Toi : Je vais pouvoir tout faire, même si je suis débordé, il suffit que je me dépêche.

Injonctions et permissions fondamentales

Bob et Mary Goulding ont discerné douze types dinterdits, quils ont appelés « injonctions », et qui restreignent la liberté dont dispose un individu dans sa vie.

Gysa Jaoui, quant à elle, met laccent sur les points forts de la personne, et propose à chacun dévaluer il en est par rapport aux permissions fondamentales[5], qui sont en lien avec notre relation à nos propres ressentis, à nous-mêmes, aux autres et au monde. Ces permissions sont les inverses des injonctions.

Le scénario de vie

On lappelle aussi « style de vie » ou « plan de vie ».

Il est déterminé par les injonctions, les prescriptions et le programme (ou modèle technique). Ce dernier indique comment appliquer injonctions et prescriptions dans son existence. Le programme est hérité du parent du même sexe.

Il y a plusieurs classes de scénario de vie :

  • gagnant - perdant ou harmatique - non gagnant ou banal
  • jamais - toujours - avant ou jusquà - après - sans cesse - sans but
  • sans pensée - sans amour - sans joie

L'autonomie

Pour Eric Berne, lobjectif est de sorienter sans cesse vers ce quil appelle lautonomie et qui répond à trois critères : conscience, spontanéité et intimité[4]. Se diriger vers lautonomie cest ainsi quitter les influences négatives de son scénario personnel.

Capacité de conscience : être en plein contact avec lici et maintenant, prendre la réalité telle quelle est, sans la filtrer, la déformer.

Capacité de spontanéité : développer notre faculté à ne pas réagir à lenvironnement par des comportements automatiques, mais comme nous le souhaitons et dune manière adéquate à lenvironnement. Cela implique notamment dêtre capable dutiliser nos trois États du moi, et denrichir le panel de comportements de chacun.

Capacité dintimité : être dans une relation authentique avec lautre, cest-à-dire vraie et appropriée. Cela exclut toutes manipulations ou jeux. Cela peut être un moment de partage amical comme une mise au point très franche. Il sagit de développer une capacité à proposer un moment relationnel fort, comme de savoir le recevoir.

Comment appliquer l'analyse transactionnelle

Permettre des prises de conscience

Une des idées induites par cette approche est que la connaissance de nos propres comportements, de leurs sources peut nous aider à changer les comportements douloureuxla souffrance nest pas inéluctable. Lanalyse transactionnelle est utilisée en psychothérapie même si elle nest pas reconnue partout comme approche unique.

Une psychothérapie en analyse transactionnelle seffectue dans le cadre dun contrat accepté par le thérapeute et le patient. Ce contrat porte sur les objectifs à atteindre et la manière dont le thérapeute comme le patient pourront constater que le but de thérapie est atteint.

Les techniques dintervention portent autant sur le contenu de ce quapporte le client que sur le processus mis en œuvre dans la relation transférentielle avec le thérapeute (et avec les membres du groupe lorsque le traitement seffectue en groupe). Lanalyse du processus est considérée avec attention.

Lanalyse transactionnelle marque aussi sa spécificité par son caractère éminemment explicite : la transparence en est une manifestation constante dans la transmission des concepts au patient comme dans lattitude du thérapeute, considéré davantage comme une personne que comme un écran de projection. Lanalyse transactionnelle intègre parfois des outils empruntés à dautres approches (exemple Gestalt).

Les quatre champs dapplication

La formation en analyse transactionnelle est une formation complémentaire liée à une activité professionnelle. La certification est assortie dune mention indiquant le champ de spécialisation qui correspond à cette activité.

Concerne le développement des personnes, le traitement des dysfonctionnements par la psychothérapie individuelle ou en groupe. Le Champ Psychothérapie, choisi par les professionnels dont les activités visent la guérison des clients, cest-à-dire quelles visent à soulager leurs symptômes et/ou à les aider à restructurer leur personnalité et/ou leur cadre de référence au sein de la société. Il sinscrit dans le respect des implications légales de lexercice dans ce domaine.

  • Organisation

Concerne la dynamique des personnes et des groupes au sein des organisations (manageurs, consultants, chefs de personnel et subordonnés…). Le Champ Organisation, choisi par les professionnels qui travaillent dans ou pour des organisations, en tenant compte à la fois du contexte institutionnel et du développement de lorganisation. Leur rôle est de favoriser la croissance et le développement des personnes ainsi que laccroissement de lefficacité des individus travaillant dans lorganisation.

  • Éducation

Concerne les personnes liées aux activités déducation et de formation (enseignants, conseillers en éducation, parents, éducateurs, et ceux à qui ils sadressent…). Le Champ Éducation, choisi par les professionnels travaillant avec les enfants, les jeunes ou les adultes dans le domaine de léducation et de la formation, en milieu scolaire ou non, dans une optique déducation et/ou de développement de la personnalité et dintégration sociale.

  • Conseil

Concerne les personnes liées aux activités daccompagnement. Le Champ Conseil, choisi par les professionnels dont lactivité vise la croissance et le développement des personnes et de leur cadre de référence social : infirmiers, travailleurs sociaux, fonctionnaires de justice, avocats, médecins, pasteurs

Évolution de l'analyse transactionnelle

Origine

Eric Berne a souhaité simplifier le discours psychiatrique pour permettre au praticien et au patient davoir un langage commun. Berne a volontairement choisi des termes simples, dans le registre courant ou métaphorique, afin que chaque patient puisse être co-acteur de son diagnostic et de sa guérison. Son idée était de créer un système de psychiatrie sociale[6].

Le cœur de lapproche actuelle de lanalyse transactionnelle consiste à permettre, selon le champ dapplication, un changement chez un individu ou une collectivité, dans le cadre dun accord appelé contrat, conjointement accepté par lintervenant et le client.

Controverse historique

Dans les années 1970, une analyste transactionnelle américaine, Jacqui Schiff prétend guérir les schizophrènes en les « reparentant »[7]. Elle reçoit, en 1974, le prix Eric Berne Scientific Memorial Award[8] de lAssociation internationale danalyse transactionnelle (ITAA). Elle est radiée de lITAA, en 1978, suite à la mort dun patient en 1972, qui avait subi des mauvais traitements assimilables à des tortures. Les méthodes de Jacqui Schiff sont dénoncées par Patricia Crossman, une autre analyste transactionnelle américaine, dans un article paru sur le site SkepticReport[9]. Jacqui Schiff est parfois encore défendue par certains[10], mais les dérives totalitaires de ses méthodes et de ses théories sur le reparentage ont clairement été démontrées par Alan Jacobs[11], analyste transactionnel qui reçoit, en 1996, le Eric Berne Memorial Award de lITAA. Le cas de Jacqui Schiff est complexe, car, à côté de ses pratiques condamnables, elle propose avec les membres de son école des concepts théoriques qui restent intéressants et utiles, comme la symbiose, les méconnaissances et le cadre de référence.

Les pratiques de type reparentage nexistent plus aujourdhui en analyse transactionnelle, en raison du risque demprise quelles entraînent. Dans son rapport 2006, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires reprend la controverse historique concernant certains aspects de la théorie de lanalyse transactionnelle et pointe les dérives de certains praticiens de lanalyse transactionnelle à propos des dangers qu’« une pratique inappropriée de lanalyse transactionnelle est susceptible dengendrer[12] ». Ce rapport ne remet pas en cause lensemble des théories et des pratiques de lanalyse transactionnelle.

Courants actuels

Les valeurs et tendances des débuts ont intégré les racines psychanalytiques de lanalyse transactionnelle, ainsi que des approches nouvelles. On observe des tendances assez différentes dans le type de travail privilégié par les différents thérapeutes en analyse transactionnelle[13]. Le courant cognitivo-comportemental cherche à comprendre et à expérimenter à travers des échanges, des schémas et des explications. Lécole de la redécision a été développé par Robert & Mary Goulding, suite à la rencontre avec la gestalt-thérapie. Le courant corporel intègre la dimension corporelle dans le travail thérapeutique. Le courant psychanalytique met laccent sur les phénomènes de transfert et de contre-transfert, et les processus intrapsychiques inconscients. Le courant relationnel met laccent sur la relation entre le thérapeute et son client. Le courant intégratif se propose dintégrer différentes approches thérapeutiques orientées vers les domaines affectif, cognitif, comportemental, psysiologique et systémique. Le courant constructiviste met laccent sur la construction narrative suivant laquelle la personne se définit, et comment ces représentations évoluent au cours de la thérapie. Le courant Cathexis, basé sur les théories des Schiff, est tombé en désuétude depuis un certain nombre dannées.

La « Process communication »

La Process communication est un modèle développé par le psychologue Taibi Kahler lui même issu de lécole Analyse Transactionnelle. À partir de lobservation de ses patients dès les années 1970, le Dr kahler établit une typologie aboutissant à la présentation de six types de personnalités. Ses travaux couronnés par le prix Eric berne en 1977 intéresseront la NASA qui financera une grande partie de la recherche. Aujourdhui[Quand ?] près dun million de personnes dans le monde ont utilisé le profil Process Communication. Les formations ou le coaching utilisant la Process Communication sont assurés par des professionnels ayant suivi un parcours certifiant. Les applications couvrent un domaine large allant du recrutement jusquà léducation en passant par les activités de lentreprise comme la cohésion déquipe ou le management. Lappellation « Process Com® » est exploitée en France à des fins commerciales et fait lobjet dun dépôt de marque.

Un outil d'accompagnement et un cadre d'exercice

Les concepts théoriques de lanalyse transactionnelle sont utilisés dans le contexte daccompagnements en développement professionnel, personnel ou de thérapie.

Les questions qui concernent lencadrement et lévaluation des pratiques sont capitales comme pour tout outil daccompagnement.

Un outil d'accompagnement

Les questions du fondement théorique et de lévaluation pratique des outils daccompagnement ne concernent pas uniquement lanalyse transactionnelle et, dun point de vue plus large, elles font partie du débat actuel sur lévaluation des psychothérapies. La question de la scientificité des apports théoriques a été posée également pour la psychanalyse, et fait toujours lobjet de débats[14]. Cette question est également en discussion chez les analystes transactionnels[15].

Comme le souligne Tobie Nathan[16], les méthodes de psychothérapie atteignent leurs limites quand elles ne se renouvellent pas. Lanalyse transactionnelle est un courant théorique qui bénéficie de réflexions actuelles, comme celles de Helena Hargaden et Charlotte Sills[17] ou celles de José Grégoire[18].

Le cadre d'exercice

Les structures officielles de lanalyse transactionnelle (EATA pour lEurope) prescrivent le suivi dun cursus de formation long et le respect dun code de déontologie.

La certification en analyse transactionnelle correspond à la validation de 750 heures dexpérience pratique, dont 500 doivent être en analyse transactionnelle, de 600 heures de formation professionnelle, dont 300 doivent être en analyse transactionnelle, et de 150 heures de supervision, en plus dun savoir-faire propre à son exercice professionnel initial. Lexamen lui-même, qui nécessite la rédaction dun mémoire et une épreuve orale devant un jury de professionnels, est un mode de sélection qui veut répondre à cet impératif.

Les praticiens en analyse transactionnelle sont soumis à un code de déontologie édité par lEATA qui stipule quil ne peut y avoir dinterventions sans un cadre contractuel préalablement défini et librement consenti entre le professionnel et le client. Les processus de sélection, de formation et dexercice sinscrivent dans le droit fil des dispositions légales.

Notes et références

  1. Eric Berne, Analyse transactionnelle et psychothérapie, Petite Bibliothèque Payot, 1977, p. 32.
  2. Eric Berne, Que dites-vous après avoir dit bonjour ?, Tchou, 1972-1983, p. 19.
  3. Eric Berne, Principes de traitement psychothérapeutique en groupe, Éditions dAnalyse Transactionnelle, 2006, p. 226.
  4. a et b Eric Berne, Des jeux et des hommes - Stock, 1967.
  5. La roue des permissions, de Gysa Jaoui, dans (France Brécard et Laurie Hawkes, Le grand livre de lanalyse transactionnelle - Eyrolles 2008).
  6. « LAnalyse structurale et lAnalyse transactionnelle offrent de la personnalité et de la dynamique sociale une théorie systématique et cohérente construite à partir dune expérience clinique et une forme de thérapie active et rationnelle qui convient à la majorité des malades relevant de la psychiatrie, quils peuvent comprendre facilement et qui se prête sans difficulté à leur cas. » (Éric Berne, Analyse transactionnelle & psychothérapie - Éditions Payot, « Considérations générales », page 19).
  7. Jacqui Schiff, All my children, New-York, Harper & Row 1975, Ils sont tous devenus mes enfants, Interéditions.
  8. (en)Eric Berne Scientific Memorial Awards.
  9. (en) The Etiology of a Social Epidemic par P.Crossman, dont une traduction en français est faite par Ph. Nicot.
  10. Nasielski S. In memoriam : Jacqui Lee Schiff, Actualités en Analyse Transactionnelle, vol. 26 no 104, p. 141-143, Octobre 2002.
  11. Alan Jacobs, Théorie, idéologie et reparentage, Actualités en Analyse Transactionnelle, 77, 1996, p. 20-39 - Theory as Ideology: Reparenting and Thought Reform, Transactional Analysis Journal, 24(1), janvier 1994, p. 39-55.
  12. Miviludes Rapport 2006 [PDF], p. 137.
  13. France Brécard et Laurie Hawkes, Le grand livre de lanalyse transactionnelle - Eyrolles 2008.
  14. http://www.isc.cnrs.fr/wp/wp00-4.htm Psychanalyse et science(s).
  15. Le no 104 des Actualités en Analyse Transactionnelle fait état dun débat entre P.Crossman, pour laquelle lAnalyse Transactionnelle et la Psychanalyse nont pas les caractères dune science, et Bill Cornell, éditeur du journal The Script, lorgane de liaison de lITAA.
  16. Canal U - Psychothérapies - problèmes de définition et autres problèmes, par Tobie Nathan.
  17. Analyse transactionnelle : une perspective relationnelle, par Helena Hargaden et Charlotte Sills.
  18. Les États du moi, 3 systèmes interactifs, par José Grégoire.

Voir aussi

Bibliographie

  • Actualités en analyse transactionnelle - Série darticles - sept volumes disponibles. Éditions dAnalyse transactionnelle
  • Eric Berne, Que dites-vous après avoir dit bonjour ?,  éd. Tchou, (ISBN 2-7107-0361-0)
  • Eric Berne, Analyse transactionnelle et psychothérapie,  éd. Petite bibliothèque Payot (ISBN 2-228-89425-7)
  • Eric Berne, Des jeux et des hommes,  éd. Stock (ISBN 2-234-01766-1)
  • Eric Berne, Principes de traitement psychothérapeutique en groupe,  éd. dAnalyse transactionnelle, 2006 (ISBN 2-9518389-6-4)
  • Eric Berne, Structure et dynamique des organisations et des groupes,  éd. dAnalyse transactionnelle, 2005 (ISBN 2-9518389-4-8)
  • France Brecar et Laurie Hawkes, Le Grand livre de lanalyse transactionnelle,  éd. Eyrolles, 2008, (ISBN 978-2-212-54168-7)
  • Dominique Chalvin, Les Outils de base de lanalyse transactionnelle & Les nouveaux outils de lanalyse transactionnelle,  éd. ESF, coll. Formation permanente (ISBN 2-7101-1463-1)
  • Gérard Chandezon et Antoine Lancestre, LAnalyse transactionnelle,  éd. Presses universitaires de France, coll. Que sais-je ? no 1936 (ISBN 2-13-043464-9)
  • Christine Chevalier et Martine Walter, Découvrir lanalyse transactionnelle, Interéditions, 2008, (ISBN 978-2-10-051518-9)
  • Laurie Hawkes, Le Cours de notre vie : lanalyse transactionnelle aujourdhui,  éd. La Méridienne / Desclée de Brouwer, 2007, (ISBN 978-2-220-05835-1)
  • Muriel James et Dorothy Jongeward, Naître gagnant,  éd. Interéditions (ISBN 2-7296-0056-6)
  • Dorothy Jongeward et Dru Scott, Gagner au féminin,  éd. Interéditions, 1996 (ISBN 2-7296-0609-2)
  • Agnès Le Guernic, Sortir des conflits - Méthode et outils pratiques, avec lanalyse transactionnelle, Interéditions, 2009, (ISBN 978-2-7296-1003-6)
  • Agnès Le Guernic, États du moi, transactions et communication, Interéditions, 2004, (ISBN 978-2-10-048742-4)
  • Martine Maurer, Comment choisir son psychothérapeute ? Attention risque de pratiques déviantes,  éd. Hommes Perspectives/Journal Psych, 2001, (ISBN 2-911616-86-3)
  • Martine Maurer, Psychothérapie, démocratie et loi. Comment protéger les demandeurs de soins,  éd. Mare et Martin, 2005, (ISBN 2-84934-012-X)
  • (en) Jut Meininger, Succes Through Transactional Analysis, New American Library Signet
  • Jean-Pierre Minary, Modèles systémiques et psychologie,  éd. Mardaga (ISBN 2-87009-479-5)
  • Ian Stewart et Vann Joines, Manuel danalyse transactionnelle,  éd. Interéditions (ISBN 2-7296-0638-6)
  • Claude Steiner, Des scénarios et des hommes,  éd. Desclée de Brouwer (ISBN 2-220-03848-3)
  • Claude Steiner, LABC des émotions, InterEdtions, 2005, (ISBN 978-2-10-049204-6)
  • Claude Steiner, Le Conte chaud et doux des chaudoudoux, illustrations de Pef, InterEditions, (ISBN 978-2-7296-1000-5)
  • Michel Tougne, Ni prince ni crapaud : lanalyse transactionnelle, savoir ou mystification ?,  éd. C.F.P. (ISBN 2-911634-00-4)
  • René de Lassus, Lanalyse transactionnelle,  éd. Marabout

Articles connexes

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