- Langue de bois
-
La langue de bois (appelée parfois humoristiquement xyloglossie ou xylolalie, du grec xylon : bois et glossa : langue ou λαλέω / laleô : parler) est une figure de rhétorique consistant à détourner la réalité par les mots.
C'est une forme d'expression qui, notamment en matière politique, vise à dissimuler une incompétence ou une réticence à aborder un sujet en proclamant des banalités abstraites, pompeuses, ou qui font appel davantage aux sentiments qu'aux faits.
Mais il ne s'agit pas toujours d'impressionner l'interlocuteur en passant pour plus savant qu'on l'est. La langue de bois en politique a en sus d'une utilité sophistique, une utilité diplomatique : les mots servent alors à neutraliser ou à adoucir les choses qu'ils qualifient. De ce point de vue elle est l'œuvre de la prudence et de la ruse qui sont les qualités cardinales du souverain (on parle de ces qualités si importantes aux yeux de Machiavel).
Sommaire
Origine de l'expression
Cette expression est apparue dans ce sens en France au début des années 1970[1] et s'est répandue dans les années 1980. Elle serait un emprunt au russe par l'intermédiaire du polonais : avant la Révolution russe, les Russes se moquaient de l’administrative bureaucratique tsariste et sa « langue de chêne ». L’administration de la Russie bolchévique continue à utiliser un style très codifié qualifié aussi de « langue de chêne » puis progressivement de « langue de bois »[2]. La locution transite par la Pologne pendant le mouvement Solidarność qui perçoit la langue russe comme oppressive et est reprise par la presse française[3].
Langage militaire
Dans tous les pays, les militaires ont des expressions qui leur sont propres pour présenter des réalités sanglantes : on neutralise un adversaire (meurtre), on pacifie une région (mise de la population devant la réalité de l'invasion), on vitrifie un objectif (destruction d'une ville et d'une partie de ses habitants), etc.
Langage politique
Les dépenses de maladie sont comptées au nombres des dépenses de santé. La mesure de la pollution de l'air est nommée qualité de l'air, etc.
Utilisations particulières
La langue de bois est l'ingrédient de certains slogans, formules très générales, censées frapper les esprits et faciles à retenir, mais cachant une certaine obscurité de l'argumentation et des buts recherchés.
Une forme particulière de langue de bois est la logorrhée (ou le blabla), qui cherche à noyer l'interlocuteur sous un flot de paroles inutiles, par exemple dans le but de faire passer une idéologie ou d'éluder une question délicate.
Humour
Certains mots créés de toutes pièces à partir de racines grecques ou latines dans un but humoristique sont progressivement passés dans le langage courant (ex: capillotracté = « tiré par les cheveux »)[4].
Exemples
- Des générateurs aléatoires, largement diffusés sur le net, permettent des restitutions saisissantes d'exemples de langue de bois[5] :
- « Où que nous mène la dualité de la situation conjoncturelle, on se doit de se préoccuper de la totalité des problématiques de bon sens. »
- « Du fait de la crise de cette fin de siècle, il est préférable de prendre en considération la majorité des voies de bon sens. »
- « Et c'est en toute conscience que je déclare avec conviction, que l'aspiration plus que légitime de chacun au progrès social entraîne une mission somme toute des plus exaltantes pour moi : l'élaboration d'un plan correspondant véritablement aux exigences légitimes de chacun.»
Notes et références
- Gilles Martinet (1971). Elle figure notamment dans Les cinq communismes, de
- L'adjectif russe дубовый (« de chêne ») dans l'expression дубовый язык est ordinairement traduit dans les dictionnaires par « grossier, lourd, maladroit ».
- Hermès n°58, 6 janvier 2011 Michael Oustinoff, Les Langues de bois, revue
- http://www.cledut.net/xylo.htm
- Générateur aléatoire de discours langue de bois
Articles connexes
Bibliographie
- Robert Beauvais, L'Hexagonal tel qu'on le parle, 1970.
- Françoise Thom, La Langue de bois, Paris, Julliard, coll. « Commentaire », 1987, 225 p. (ISBN 2-260-00525-X)
- Christian Delporte, Une histoire de la langue de bois : De Lénine à Sarkozy, Paris, Flammarion, coll. « Histoire », 2009, 352 p. (ISBN 978-2-08-121993-9)
- Corinne Maier,"Intello Academy", Michalon edit., 2006.
Liens externes
- Des générateurs aléatoires, largement diffusés sur le net, permettent des restitutions saisissantes d'exemples de langue de bois[5] :
Wikimedia Foundation. 2010.