- La maison des oiseaux
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Couvent des oiseaux
L'une des prisons de la Terreur était un Eden de captivité. Rien n’y manquait que le droit d’en sortir. C’était la maison des Oiseaux - un propriétaire avait établi, dans le jardin, d’immenses volières peuplées d’oiseaux exotiques. Sa position à l’encognure du boulevard des Invalides, le jardin profond et calme comme un parc, donnaient à la société qui y était détenue une apparence de liberté.
Cette geôle était presque de tout repos, si bien que Jules Michelet a pu écrire spirituellement que la prison des Oiseaux, pendant la Terreur, était une assurance contre la guillotine. Pendant plus de six mois, sur 160 personnes qui y étaient renfermées, deux seulement avaient été exécutées. Cette prison était très recherchée et regorgeait de suspects riches ; on les y écrouait par faveur et moyennant finances ; les prix étaient d’ailleurs exorbitants. La section en tirait de jolis profits. Le comité choyait, gardait son petit troupeau, faisait le silence autour des incarcérés et cachait leurs noms aux oreilles indiscrètes.
Pendant longtemps, l'accusateur public Fouquier-Tinville chercha la princesse de Chimay dans toutes les geôles. Un beau jour, par inadvertance, le commis-greffier Ducret, en parlant du beau domaine de la princesse, à Issy (devenu Issy-les-Moulineaux), laissa échapper que la propriétaire était encagée aux Oiseaux. “Aux Oiseaux, s’écria Fouquier, assis dans un coin, et dire que je la cherche depuis trois mois!”
Le 7 thermidor, une charrette s’arrêta vers cinq heures du soir devant la maison de la rue de Sèvres. On y chargea une fournée de ses précieux pensionnaires, qui allèrent passer à la Conciergerie leur dernière nuit. C’était la princesse de Chimay, la comtesse du Plessis-Chatillon de Narbonne-Pelet, sa nièce la comtesse veuve de Narbonne-Pelet, le duc de Clermont-Tonnerre, le marquis de Crussol d’Amboise, Mgr. de Saint-Simon, évêque d’Agde, la comtesse de Gramont, dame d’atours de Marie-Antoinette, Mme de Colbert-Maulevrier, Mme d’Armenthières...
L'une d'elles, une femme de chambre nommée Lusigny, fut vaguement accusée “d’être sortie du territoire avec sa maîtresse pour se rendre à Bruxelles, d’avoir partagé avec elle ses sentiments contre-révolutionnaires et d’avoir été la confidente discrète de tous ses complots liberticides”. Condamnée à mort le 8 thermidor, elle réclama une entrevue avec Fouquier-Tinville, pour lui déclarer « qu’elle avait eu un commerce charnel avec le nommé Boucher, négociant, qui a été détenu dans la même maison, et qu’elle serait enceinte d’environ trois semaines, attendu que ses règles n’ont pas paru à l’époque ordinaire. » Les médecins Enguchard, Quinquet, et la sage femme Prioux procédèrent immédiatement à son examen et ne reconnurent chez elle aucun signe de grossesse. Elle fut conduite à l’échafaud le lendemain 9 thermidor, sur la dernière charrette.
Le domaine des Oiseaux fut vendu par le bureau du Domaine national de Paris. Il fut acquis par la Congrégation de Notre-Dame le 14 avril 1824, et termina sa carrière suite à la loi du 7 juillet 1904 relative à la suppression de l’enseignement congréganiste. Il fut alors rasé.
Voir l’étude intéressante et documentée sur l’ancien couvent des Oiseaux, situé rue de Sèvres 84, publiée par M. Lucien Lambeau dans le Procès-verbal de la séance de la Commission du Vieux Paris, le 27 février 1909.
Deux détenus des Oiseaux rédigèrent leurs mémoires :
- Renée Caroline Victoire de Froullay, marquise de Créquy, 1714-1803 (mémoires apocryphes).
- A. M. F. de Dompierre d’Hornoy, arrêté le 20-4-1794, libéré le 14-10-1794.
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