- La Cause du peuple
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La Cause du peuple, journal créé par George Sand en 1848 en pleine fronde populaire parisienne a connu une brève seconde vie de 1968 à 1972. Le quotidien actuel Libération en est directement issu. La seconde vie du titre commence en mai 1968.
Le journal est créé le 1er mai 1968 par le futur architecte Roland Castro lui-même fondateur de Vive La Révolution (VLR), autre mouvement d’inspiration maoïste.
La gauche prolétarienne prend pour porte-parole officiel La Cause du peuple.
Sans tenir compte des écrits documentés du sinologue Simon Leys qui dénonçait dès 1966 l’horreur de la « Politique des Cent Fleurs » et de la Révolution culturelle chinoise en cours, la lignée éditoriale du journal est avant tout définie par le Bureau Politique de la Gauche Prolétarienne entièrement favorable à la politique de Mao. Tout comme le mouvement l'UJC (ML), ou VLR, la Gauche Prolétarienne veut directement s'inspirer de la révolution culturelle. L'écrivain chinois Lao She (Gens de Pékin) a péri bastonné à mort lors de ces événements tragiques, célébrés à l’époque par les journalistes de La Cause du peuple.
Tout d'abord hebdomadaire, le journal se lance dans le quotidien. Après la saisie d'un numéro en mars 1970, Serge July devient le responsable de fait de la Gauche prolétarienne. Et par là-même hérite du contrôle éditorial de La Cause du peuple. Il signe une tribune libre dans Le Monde du 11 avril 1970. L'écrivain Michel Le Bris prend alors la direction du journal interdit. Il est pour cela condamné à huit mois de prison ferme en 1971 et en deviendra par la suite un observateur engagé. Avec l'aide de Guy Lardreau, Jean-Paul Sartre assure la relève en tant que gérant et distribue La Cause du peuple en marque de protestation devant les caméras de télévision à l’entrée des usines Renault de Boulogne-Billancourt.
Fin 1971, en perte de lectorat après la retombée de l’effervescence sociale française, La Cause du peuple s’engage sur le créneau du fait divers en décidant de le politiser au service de l’idéologie du mouvement. La caution médiatique de Jean-Paul Sartre alors vieillissant, ainsi que de celle du philosophe marxiste Louis Althusser, ont alors joué un grand rôle dans le maintien de l’audience du journal. Cette stratégie ambiguë s’est retournée en partie contre celui-ci lors de l'affaire de Bruay-en-Artois.
Lorsque le 6 avril 1972, sur un terrain vague de Bruay-en-Artois, on retrouve le corps d'une adolescente de 16 ans, Brigitte Dewevre, Serge July et un autre journaliste de La Cause du peuple, Joseph Tournel, lancent une campagne médiatique contre Pierre Leroy, un notaire soupçonné à tort d'être l'assassin ou l'instigateur du crime.
L'agence de presse Libération (APL), ouvertement liée à la Gauche prolétarienne, couvre l’événement.
Plusieurs dirigeants de la Gauche prolétarienne, dont André Glucksmann et Jean-Pierre Le Dantec, s'élèvent contre cette campagne. Jean-Paul Sartre lui-même exprime son désaccord dans les colonnes du journal, mais celui-ci lui répond dans le même numéro : « Pour renverser l'autorité de la classe bourgeoise, la population humiliée aura raison d'installer une brève période de terreur et d'attenter à la personne d'une poignée d'individus méprisables, haïs ».
C'est donc en filiation directe de La Cause du peuple que le 18 avril 1973, le titre historique Libération, fondé à l’origine en 1927 par l'anarcho-syndicaliste Jules Vignes puis repris en 1941 par la Résistance française, va renaître de ses cendres. Pierre Victor, secrétaire personnel de Jean-Paul Sartre, demande à Serge July de s'occuper du nouveau quotidien. Jean-Paul Sartre en sera le premier directeur de publication, Serge July lui succède en 1980 et ouvre peu après les pages de Libération à la publicité, rompant définitivement avec les principes éditoriaux de La Cause du peuple.
Catégories :- Presse écrite française disparue
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