- L'homme armé
-
L'Homme armé
L'Homme armé est une chanson française profane de la Renaissance. C'est une mélodie extrêmement populaire qui a été souvent réutilisée par les compositeurs pour mettre en musique l'ordinaire de la messe. Plus de quarante œuvres de cette époque portent le nom de Missa L'homme armé.
Sommaire
Histoire
Il existe plusieurs théories quant à l'origine et la popularité de cette chanson. Certains musicologues ont fait l'hypothèse que l'homme armé est l'archange saint Michel, et c'est ainsi que le compositeur Johannes Regis (c.1425 – c.1496) semble l'entendre dans son Dum sacrum mysterium/Missa l'homme armé, qui utilise la mélodie en incorporant dans l'œuvre d'autres textes musicaux et des éléments de cantus firmus en plain-chant en l'honneur de l'archange.
D'autres critiques pensent qu'il s'agit simplement de l'enseigne d'une taverne de Cambrai, la maison de l'homme armé, qui se trouvait près de l'endroit où habitait Guillaume Dufay.
La chanson pourrait également être un appel à une nouvelle croisade contre les Turcs. On a la preuve que cette chanson avait une importance spéciale pour l'ordre de la Toison d'or. L'apparition de la chanson coïncide avec la chute de Byzance devant l'empire Ottoman en 1453, événement traumatisant pour l'Europe de l'époque. Des musiciens tels que Guillaume Dufay ont d'ailleurs composé des Lamentations pour déplorer l'événement. Il est également possible que la chanson soit le produit d'une concaténation de ces facteurs, si l'on considère le mouvement d'opinion qui balaie l'Europe du nord et du centre en appelant à une riposte armée contre les Ottomans.
Une théorie récente voit dans la chanson une synthèse du cri de la rue et de l'appel aux armes sonné à la trompette, synthèse qui date peut-être de la fin du XIVe siècle étant donné sa métrique[1].
Réemploi dans la musique sacrée
L'Homme armé est resté très connu parce que les compositeurs de la Renaissance l'ont utilisé comme cantus firmus pour mettre en musique les textes latins qui composent l'ordinaire de la messe. Plus de quarante exemples nous en sont parvenus. De nombreux compositeurs ont écrit au moins une messe qui utilise cette mélodie, mais on en connaît au moins deux écrites par Josquin des Prez : Missa L'homme armé super voces musicales et Missa L'homme armé sexti toni qui figurent parmi les plus célèbres. On peut aussi citer Pierre de La Rue, Cristóbal Morales, et Giovanni Pierluigi da Palestrina qui y ont eu plusieurs fois recours et un cycle de six messes, anonymes mais sans doute d'une même main, qui se trouvent dans un manuscrit napolitain offert à Béatrice d'Aragon, manuscrit qui contient une anthologie des morceaux de musique préférés de Charles le Téméraire [2].
Si l'on trouve encore des exemples qui datent du XVIIe siècle, dont une messe de Carissimi, la majorité des messes de l'Homme armé datent des années 1450 à 1510[3].
Un des réemplois les plus anciens de l'air est sans doute Il sera pour vous conbatu/L'homme armé attribué à Robert Morton, que les références historiques contenues dans le texte permettent de dater des environs de 1463. On connaît une version anonyme pour trois voix qui lui est peut-être antérieure et qui figure dans le chansonnier Mellon conservé à la bibliothèque de l'université Yale. En 1523, Pietro Aron publie un traité intitulé Thoscanello dans lequel il propose le nom d'Antoine Busnois comme compositeur de l'œuvre. S'il existe bien des similitudes stylistiques avec l'œuvre connue de Busnois qui en font une hypothèse plausible, aucune source ne vient corroborer les affirmations d'Aron qui écrit environ soixante-dix ans après la première apparition de la mélodie. Richard Taruskin défend la position selon laquelle Busnois serait le premier à avoir composé une messe en utilisant cette mélodie, mais la plupart des musicologues pensent que ce titre revient à Guillaume Dufay. Parmi les compositeurs qui ont écrit une messe de l'homme armé dans les années 1450, on peut citer Guillaume Faugues, Johannes Regis, et Johannes Ockeghem[3].
La mélodie se prête particulièrement bien au contrepoint. Les lignes sont clairement délimitées et il existe plusieurs possibilités pour la transcrire sous forme de canon. Inversement, il est très facile de démêler la mélodie du contrepoint.
Époque moderne
Les compositeurs continuent à se référer à cette chanson dans laquelle ils trouvent une source d'inspiration spirituelle ou thématique. En 1968, le compositeur britannique Peter Maxwell Davies compose une Missa super l'homme armé[4]. Le compositeur gallois Karl Jenkins ajoute à cette tradition multi-séculaire une messe au titre en forme d'oxymore : The Armed Man: A Mass for Peace, composée en 1999 pour répondre à une commande des armureries royales britanniques qui fêtent le millième anniversaire de leur création. En 2003 encore Christopher Marshall compose L'Homme armé : Variations for Wind Ensemble.
Annexes
Bibliographie
- (en) Penguin History of Music, Vol 2 ed. Robertson & Stevens (1963)
- (en) Pryer : article sur Dufay dans le New Oxford Companion to Music, ed Arnold (1983)
- (en) Lockwood , Grove Dictionary of Music and Musicians (1980)
- (en) David Fallows: "L'homme armé." Grove Music Online, ed. L. Macy (consulté 2004–2007), (abonnés seulement)
- (en) Bonnie J. Blackburn, "Masses on Popular Songs and Syllables", Richard Sherr, ed., The Josquin Companion. Oxford University Press, 1999. (ISBN 0-19-816335-5)
Notes et références
Articles connexes
- Portail de la musique classique
Catégories : Chanson française | Musique de la Renaissance
Wikimedia Foundation. 2010.