Karim Meïssa Wade

Karim Meïssa Wade

Karim Wade

Karim Wade en 2007

Karim Meïssa Wade, né le 1er septembre 1968 à Paris – fils du président actuel de la République du Sénégal, Abdoulaye Wade – figure parmi « les 100 personnalités qui feront l’Afrique en 2009 », selon l'hebdomadaire Jeune Afrique[1]. Il a été nommé ministre d'État, de la Coopération et des Transports en mai 2009.

Pourtant, conseiller personnel de son père et président de l'Agence nationale de l'Organisation de la conférence islamique (ANOCI)[2], dont le 11e sommet s'est tenu à Dakar en mars 2008, il a été battu aux municipales de Dakar où il est devenu conseiller municipal d'opposition, sa première fonction élective. Mais une question anime depuis quelques années le débat politique au Sénégal : « Jusqu'où ira Karim Wade ? »[3]. Si les rumeurs de son ambition présidentielle à l'horizon 2012 n'ont longtemps pas été confirmées ni par l'intéressé ni par son père[4], en revanche la candidature de Karim Wade aux élections municipales de Dakar le 23 mars 2009 s'est concrétisée[5]. Investi sur la liste du président du Sénat et maire sortant, Pape Diop, il se voyait bien lui succéder à la tête de la capitale, voire, par la suite, succéder à son père à la présidence[6]. Les électeurs sénégalais en ont décidé autrement.

Cependant, à la faveur du changement de gouvernement – Souleymane Ndéné Ndiaye succédant à Cheikh Hadjibou Soumaré comme Premier ministre –, le 1er mai 2009 Karim Wade entre dans le gouvernement du Sénégal comme ministre d'État, ministre de la Coopération internationale, de l'Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures[7].

Sommaire

Biographie

Dans l'ombre : Paris, Londres

Né à Paris, Karim Wade est le fils d'Abdoulaye Wade et de son épouse française, née Viviane Vert. Il a une sœur cadette prénommée Sindiély. À Dakar, le jeune garçon fréquente l'École franco-sénégalaise de Fann, puis le Cours Sainte Marie de Hann[8]. Lorsqu'il entre en classe de seconde, il devient interne dans un établissement privé français, Saint Martin de France, à Pontoise. C'est là qu'il obtient son baccalauréat en 1987, dans une filière dédiée aux sciences économiques (B). Peu de publications témoignent de cette période et Abdoulaye Wade, dans sa volumineuse autobiographie[9], ne fait pratiquement aucune référence à son fils[10].

À la sortie du lycée, Karim Wade entreprend des études supérieures à l'Université de la Sorbonne, où, après une maîtrise en sciences de gestion (MSG), il prépare un DESS en ingénierie financière qu'il obtient en 1995 avec un mémoire intitulé Utilités et perspectives de développement du corporate governance en France et coécrit avec sa sœur cadette[11]. C'est aussi à la Sorbonne qu'il fait la connaissance d'une jeune Française, Karine, qu'il épouse et avec laquelle il a trois fillettes (3, 5 et 7 ans en 2009). Karine Wade est morte le 10 avril 2009[12]. En marge de ses études, il s'implique dans le combat politique de son père et, à Paris, il participe à des réunions à la permanence du PDS, à des manifestations, et distribue des tracts avec sa sœur, également étudiante[13].

Dans le cadre de son DESS, il a effectué son stage de 6 mois à Paris, à la Société de banque suisse qui lui propose dans la foulée un poste de cadre au département fusion-acquisition qu'il occupe pendant un an, avant d'être recruté à Londres par la banque d'affaires UBS Warburg, une filiale de l'UBS (en 1998 la Société de banque suisse fusionne avec l'Union de banques suisses pour former l'UBS). Ses activités se situent dans le secteur des mines, dans le conseil à plusieurs gouvernements africains, mais aussi en relation avec des sociétés multinationales telles que De Beers (diamants), Anglo American (mines) ou Texaco (pétrole)[14].

Le tournant de l'année 2000

Après s'être présenté sans succès aux élections présidentielles de 1978, 1983, 1988 et 1993, Abdoulaye Wade décide de briguer à nouveau le mandat présidentiel en 2000. Fin 1999 Karim Wade rentre à Dakar et aurait participé activement à la campagne électorale. La victoire de son père à l'élection présidentielle de 2000 fait sortir Karim de l'anonymat, les médias découvrant à présent sa haute stature (1m 90)[15] et la ressemblance physique avec son père, et se penchant sur ses goûts et sa personnalité. Le fils du nouveau président retourne néanmoins à Londres où il est promu directeur associé, avec de substantiels avantages, au sein de UBS Warburg[16].

Il effectue de fréquentes navettes entre Londres et Dakar, puis décide en 2002 de s'installer au Sénégal pour travailler dans l'administration de son père. Il est nommé conseiller personnel du président de la République, chargé de la mise en œuvre de grands projets, tels que le futur Aéroport international Blaise Diagne (AIBD) prévu à Diass, la restructuration des Industries chimiques du Sénégal (ICS) ou la mise en place d'une zone économique spéciale intégrée dans la capitale, devenant ainsi son homme de confiance, son expert financier, son watchdog – selon la formule d'Abdoulaye Wade lui-même[17].

2008 : entrée en scène internationale

Jusque là chargé de dossiers plutôt techniques, Karim Wade franchit une étape[18] lorsqu'en juin 2004, il est nommé président de l'Agence nationale de l'Organisation de la conférence islamique (ANOCI) avec pour mission de préparer et d'organiser le onzième sommet de l'OCI devant réunir quatre ans plus tard à Dakar les responsables de 57 pays musulmans. Pour le président Wade il s'agit d'attirer les investisseurs arabes afin de mieux prendre ses distances à l'égard de la France et des États-Unis. Sans doute voit-il aussi dans l'événement une remarquable « rampe de lancement politique »[19] pour son fils qui négocie les contrats, voyage et devient l'interlocuteur privilégié des pays du Moyen-Orient.

Dans son pays, il crée en 2006, avec Abdoulaye Baldé, l'association « Génération du concret » visant à assurer l'adhésion populaire aux (coûteux) grands chantiers qui bouleversent le paysage dakarois. Petit à petit, ce nouveau slogan omniprésent donnera naissance à un nouveau mouvement politique.

Cependant les travaux prennent du retard et l'opacité de leur gestion n'est pas du goût du président de l'Assemblée nationale, Macky Sall, qui demande des explications à Karim Wade et le convoque en octobre 2007. La convocation est aussitôt annulée par Abdoulaye Wade et Macky Sall – candidat potentiel à la prochaine élection présidentielle – se trouve désormais en mauvaise posture.

Sur le terrain, les infrastructures promises ne sont pas toutes achevées à temps, mais le sommet de l'OCI a bien lieu les 13 et 14 mars 2008 sans incident majeur et Karim Wade s'est trouvé sous les feux des médias : pour le seul mois de décembre 2007, 24 couvertures de périodiques et plus de 200 articles de presse lui avaient déjà été consacrés[20]. Néanmoins, avec le recul, la gestion de l'évènement apparaît opaque et incertaine. À la fin de l'année 2008, la France a dû consentir à l'État sénégalais un prêt de 125 millions d'euros – soit l'équivalent d'une année d'aide publique au développement[21].

2009 : élections à Dakar

Le bilan officiel des élections régionales, municipales et rurales du 22 mars 2009 indique une défaite du camp présidentiel. Karim Wade, malgré son engagement dans la campagne, est battu dans son propre bureau de vote [22]. Il est nommé ministre d'État par son père, en mai 2009, malgré ses déboires électoraux.

Horizon 2012 ?

Même si Abdoulaye Wade, né en 1926, n'exclut pas de se représenter à l'élection de 2012 et met volontiers en avant la remarquable longévité des membres de sa famille (son propre père est décédé à 99 ans[23]), les spéculations sur sa succession vont bon train au Sénégal et ailleurs. Les anciens Premiers ministres Idrissa Seck et Macky Sall ont longtemps fait figure de successeurs potentiels, mais sont tombés en disgrâce, notamment à la suite d'incidents qui les ont opposés au fils du président[24]. L'« irrésistible ascension de Karim Wade »[25], les ambitions qu'on lui prête chaque jour davantage ne sont pas du goût de tous. Certains, comme le journaliste Abdou Latif Coulibaly ou l'ancien ministre et leader du PIT, Amath Dansokho, l'accusent d'affairisme, voire de détournements de fonds publics, et dès lors les procès en diffamation se sont succédé depuis quelques années. D'autres, notamment les milieux populaires, ne le jugent « pas assez sénégalais »[26]. On lui reproche en particulier d'avoir vécu la plus grande partie de sa vie à l'étranger et de ne maîtriser aucune des langues nationales du Sénégal, tout particulièrement le wolof, parlé par la majorité de la population. « Si Karim veut être président, il doit parler le wolof », titrait à la une L'Idéal, un journal populaire[27]. Selon le quotidien d'opposition Wal Fadjri, la mise en avant récente d'un second prénom Meïssa (celui de son arrière-grand-père paternel[28]) viserait à renforcer son identité sénégalaise aux yeux du peuple[29]. D'autres remarquent que le candidat potentiel ne ménage pas sa peine pour affirmer sa « sénégalité »[30] (tenues traditionnelles, goûts musicaux affichés, dévotion musulmane…). Selon le site d'information sénégalais Wadeukeubi, il aurait confié la gestion de son image au publiciste marocain Richard Attias, spécialiste de communication évènementielle et responsable depuis 1994 de l'organisation du Forum économique mondial de Davos[31].

Notes et références

  1. Jeune Afrique, n° 2502-2503, du 21 décembre 2008 au 3 janvier 2009, p. 43 [1]
  2. « Karim Wade » [2]
  3. Marwane Ben Yahmed, « Jusqu'où ira Karim Wade ? », Jeune Afrique, n° 2454, du 20 au 26 janvier 2008, p. 24-30 [3]
  4. « Wade se défend de promouvoir son fils Karim pour lui succéder » (AFP, 23 décembre 2008 [4]
  5. « Élections municipales à Dakar : le fils du président Wade candidat » (AFP, 22 janvier 2009) [5]
  6. Philippe Bernard, « À Dakar, Karim Wade rêve tout haut de succéder à son père », Le Monde, 23 mars 2009
  7. « Sénégal : le fils du président Wade nommé ministre des infrastructures » (AFP, 01 mai 2009) [6]
  8. Jeune Afrique, n° 2454, du 20 au 26 janvier 2008, p. 26-27
  9. Une vie pour l'Afrique (entretiens avec Jean-Marc Kalflèche et Gilles Delafon), Michel Lafon, Neuilly-sur-Seine, 2008, 330 p. (ISBN 978-2-7499-0503-7)
  10. À l'exception d'un incident ayant opposé Karim Wade à trois journalistes en 2005, Une vie pour l'Afrique, op. cit., p. 303
  11. Fiche du catalogue SUDOC [7]
  12. Décès de Karine Wade : les condoléances jeudi et vendredi au Point E, Agence de presse sénégalaise, 14 mars 2009.
  13. Jeune Afrique, n° 2454, loc.cit.
  14. Jeune Afrique, n° 2454, loc.cit.
  15. « Enquête sur le fils du président : la face cachée de Karim Wade », article de L'As, en ligne sur Seneweb [8]
  16. Jeune Afrique, n° 2454, loc.cit.
  17. Jeune Afrique, n° 2454, loc.cit.
  18. Philippe Bernard, « Promoteur des travaux de Dakar, le fils du président Wade entre en politique », Le Monde, 14 mars 2008
  19. Le Monde, loc. cit.
  20. Jeune Afrique, n° 2454, p. 25
  21. Ph. Bernard, Le Monde, 23 mars 2009
  22. Deux articles du 24 mars 2009 sur Sud Online : Madior Fall, « Les Urnes ont-elles levé l'hypothèque Karim ? » [9] ; Abou Abel Thiam, « Enseignements de la déroute des Wade » [10]
  23. Une vie pour l'Afrique, op. cit., p. 19
  24. « Comment Karim Wade a barré la route à Idrissa Seck et Macky Sall », Wal Fadjri, n° 4745, 14 janvier 2008, p. 3
  25. Titre d'un article mis en ligne par Nettali [11]
  26. Jeune Afrique, n° 2502-2503, loc. cit.
  27. L'Idéal, n° 2, du 17 au 24 janvier 2008
  28. Une vie pour l'Afrique, op. cit., p. 15
  29. « Karim Wade a-t-il les moyens de prendre le pouvoir ? », Wal Fadjri, n° 4745, 14 janvier 2008, p. 3
  30. « L'irrésistible ascension de Karim Wade », loc. cit., Nettali [12]
  31. « À la conquête du pouvoir : Karim Wade confie son image à Richard Attias », Wadeukeubi, 4 mars 2008

Voir aussi

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