K.S. Karol

K.S. Karol

K.S. Kewes est un journaliste français d'origine polonaise, spécialiste des pays de l'Est et proche de l'extrême gauche italienne.

Né en Pologne en avril 1924, Karol Kewes est le fils d’un commerçant de la première guilde installé à Rostov jusqu’à ce qu’il soit ruiné par la Révolution d’Octobre et obligé de se réfugier en Pologne. C'est là que, trois ans après son installation, sa jeune et brillante épouse, une juriste de formation, avait donné naissance au petit Karol.

Sommaire

Un jeune polonais sensible aux idées communistes

Elevé par un couple d’athées, ce dernier suit une scolarité dans un lycée catholique de Lodz. S’il est politiquement ancré à gauche par une mère socialiste, il est surtout marqué par l’influence d’un grand frère communiste qui l’oriente vers des ouvrages de vulgarisation marxiste tels que L’Abc du communisme. A l’adolescence, il intègre même le cercle d’intellectuels communisants de son professeur Stefan Wegner et ne cache pas sa fascination pour l’Union soviétique et son modèle de société. Telle n’est donc pas sa surprise lorsqu’en 1939, il voit le pays de Staline envahir le sien en coordination avec l’Allemagne nazie. Engagé malgré son jeune âge, il est gravement blessé à l’œil droit durant les combats contre l’armée allemande.

Un itinéraire exceptionnel du Goulag au Front russe

Mais, refusant de vivre sous tutelle germanique, il se rend dans les provinces incorporées par l’Union soviétique. Il y est alors arrêté et, avec plus d’un million d’autres personnes , il est déporté en Sibérie par le NKVD. Il réussit toutefois à quitter la Sibérie et à rejoindre, après un passage à Moscou, une tante vivant à Rostov-sur-le-Don. Parfaitement bilingue, il y poursuit ses études secondaires avant d’être mobilisé dans les rangs de l’Armée rouge. Il combat alors l’envahisseur nazi avec vigueur mais parvient à se réfugier à Londres à la fin de la guerre. De là, il rejoint la France où, après avoir un temps travaillé comme ouvrier à Grenoble, il monte à Paris pour travailler à la Société Générale de presse.

Un journaliste de politique étrangère passé de l'Express au Nouvel Observateur

Recommandé par Léone Georges-Picot pour sa connaissance “presque charnelle[1]” des pays de l’Est, il entre comme pigiste à L'Express en novembre 1954. Il s’y lie très vite d’amitié avec des hommes qui, comme Serge Lafaurie et Jean Daniel, partagent sa passion pour la politique étrangère, sa position anticolonialiste sur la Guerre d'Algérie et un sens de l’humour dont il use avec talent pour égayer les conférences de rédaction. Il lui arrive aussi de suivre l’actualité algérienne lorsque, comme en 1960, il accompagne Jean Daniel à l’O.N.U. pour s’entretenir avec les représentants du G.P.R.A.. C'est ainsi qu’il en vient à suivre ses amis lorsqu’en novembre 1964, ils fondent Le Nouvel Observateur.

Jean Daniel lui décerne alors toute sa confiance en ce qui concerne les pays de l’Est et, plus globalement, les régimes communistes. D’emblée, il manifeste un « comportement intransigeant [...] à l'égard de Elena de la Souchère, de François Fejtö et de Paul-Marie de la Gorce », refusant d’écrire « dans le même journal qu'eux »[2]. Obtenant leur éviction, il peut alors donner le ton du journal sur le régime cubain et sur la révolution culturelle chinoise pour laquelle il s’enthousiasme. Interviewant Chou En-Lai (26 mars 1965), il publie sa version de la révolution culturelle dans La Chine de Mao : l'autre communisme (R. Laffont, 1966). Ne cachant pas son amour du pays et de ses habitants, il défend les mérites du maoïsme contre un Jules Roy nettement plus réservé dans les colonnes du journal et ceci, durant plusieurs semaines de septembre et octobre 1966. Mais s’il s’oppose à la version soviétique que présente son confrère, il déplore les excès de la révolution culturelle, les mises en accusation de vieux communistes (tels que Liou Chao Chi) ou les affiches murales de dénonciation.

Un intellectuel très à gauche, fervent soutien du "Manifesto"

Son attention se porte aussi sur la révolution cubaine sur laquelle il publie un livre chez Robert Laffont en 1970 (Les Guérilleros au pouvoir : l'itinéraire politique de la révolution cubaine). Mais il est aussi marqué par le modèle communiste italien au travers de son aile gauche et d’une de ses figures, Rossana Rossanda. Devenu le concubin de cette dernière, il collabore à son journal Il Manifesto au point d’en être un militant passionné. Toute cette mouvance d’extrême gauche à la fois maoïste, antitotalitaire et révolutionnaire qu’il côtoie l’amène alors à prendre ses distances avec Le Nouvel Observateur au début des années 1970. Mais son livre sur La deuxième révolution chinoise (R. Laffont, 1973) marque l’apogée son engagement maoïste.

Dès l’été 1973, il manifeste à Jean Daniel son souhait de réintégrer Le Nouvel Observateur, se situant alors à mi-chemin entre les idées de son directeur et celles du Manifesto. Malgré les doutes de Jean Daniel quant à la possibilité d’une collaboration trop présente et trop régulière, il retrouve sa place au journal. Mais dès janvier 1974, il se différencie sur la question du soutien à Soljenitsyne, lui préférant d’autres dissidents. En plus, il affronte progressivement les critiques portées sur son traitement du régime maoïste, débattant de ce sujet avec Claude Roy durant l’hiver 1976/1977 dans les colonnes du journal. Le soutien du journal aux Nouveaux Philosophes accroît ses différents avec le directeur.

A l’automne 1977, il participe avec Rossana Rossanda à un Colloque de Venise débattant sur les conditions dans lesquelles une révolution anti-capitaliste ne déboucherait pas sur un totalitarisme. Or, la non participation et la sous-estimation de ce colloque par Jean Daniel l’amène à rompre avec ce dernier au point de signer une pétition plus ou moins directement dirigée contre lui. Il s’oppose surtout sur le type d’intellectuels avec qui il est possible de discuter du totalitarisme. Il critique surtout l’admission au débat de Philippe Robrieux et d’André Glucksmann, préférant le limiter à un axe allant de Bettelheim à Rancière. Ses rapports amicaux ne sont pourtant pas altérés comme l’illustre sa promotion au rang d’éditorialiste en septembre 1979. Mais ce poste consacre son passage d’un statut de journaliste à celui d’intellectuel.

Notes

  1. Michel Jamet, L'Express de Jean-Jacques Servan-Schreiber : ruptures et continuités, Paris X-Nanterre, Thèse d’histoire, 1979, p. 85.
  2. Lettre de Jean Daniel à K.S. Karol en date du 30 décembre I977, communication de Jean Moreau à François Kraus.

Sources biographiques

  • Pierre Beuchot, “ KS-Karol : portrait d'un spectateur engagé”, Ina, Histoire, 2002-2003, 4 x 52'
  • Karol K-S, Solik. tribulations d'un jeune polonais dans la Russie en guerre, Paris, Fayard, (coll. “Grands documents contemporains), 1983

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article K.S. Karol de Wikipédia en français (auteurs)

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