Juvénal

Juvénal
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Juvénal (en latin Decimus Iunius Iuuenalis) est un poète satirique latin de la fin du Ier siècle et du début du IIe siècle de notre ère. Il est l'auteur de seize Satires rassemblées dans un livre unique et composées entre 90 et 127.

Après un oubli de deux siècles, Juvénal a été très lu dès l'Antiquité tardive et au Moyen Âge - il existerait près de 500 manuscrits médiévaux des Satires - ; sa vie est cependant très mal connue. Les biographes en sont réduits à des conjectures qui s'inspirent des événements, peut-être réels pour certains d'entre eux, dont il fait état dans les Satires.

Sommaire

Biographie

Né probablement pendant le règne de Claude - mais les dates varient de 45[1] à 65[2] - à Aquinum en Campanie, si l'on en croit ses dires, il commence sa carrière comme professeur d'éloquence, métier dont il paraît avoir vécu assez convenablement, car il semble qu'il ait acheté une petite ferme à Tibur (actuelle Tivoli).

Une grande amitié le liait à Martial, l'auteur des Épigrammes. Il semble qu'il ait visité l'Égypte, alors qu'il était octogénaire. D'aucuns font même de ce voyage un exil assorti d'une vague mission militaire, résultat de la disgrâce impériale d'Hadrien. La satire XV évoque d'ailleurs longuement l'Égypte et fait le récit d'une scène d'anthropophagie qui s'y est déroulée en 127. Il serait mort, peut-être en exil, après 128.

Son œuvre

Article détaillé : Satires (Juvénal).

Détestant Rome, ou plutôt ce qu'elle est devenue, Juvénal fait de ses contemporains une peinture acerbe et sans pitié. C'est un monde sur lequel difficile est saturam non scribere (il est difficile de ne pas écrire la satire) [3].

La Rome impériale s'est en effet transformée en une ville gigantesque, une monstrueuse scène de théâtre remplie de bouffons qui s'ignorent et d'aigrefins, un lupanar.

Il ne reste plus guère de choix aux vieux Latins : ils prendront la fuite et se réfugieront en province, ou devront se résoudre à faire la cour aux parvenus de tout poil, de l'empereur au gigolo enrichi. Enfin, et c'est le choix de Juvénal, ils peuvent se poster aux carrefours et hurler de rire à la vue, par exemple, d'un castrat, ancien esclave enrichi, qui peine à porter sa bague, tant la pierre est lourde !

Juvénal ignore tout du politiquement correct : il s'en prend, tour à tour, aux femmes qui, quand elles ne cocufient pas leurs maris, les empoisonnent par leur érudition avant de le faire pour de bon et de toucher l'héritage ; aux pères-la-pudeur qui dissimulent mal leur homosexualité sous leurs mâles paroles et leurs vêtements de soie diaphane ; aux riches à la fois raffinés dans leur dépravation et atteints d'une avarice sordide quand il s'agit de traiter leurs clients ou leurs gitons ; aux efféminés qui se marient entre eux à défaut de pouvoir enfanter ; aux Orientaux de tout poil, esclaves affranchis, tout spécialement les Grecs, qui évincent les vieux Romains des responsabilités ; aux faux dévots, qui n'invoquent les dieux que pour mieux délester le gogo de son bel argent. Juvénal n'hésite pas à aborder sur le ton de la farce le jeu politique, jeu dangereux, où parler de la pluie et du beau temps vous vaut vite la disgrâce ou la mort. Le tableau (parodie d'une œuvre perdue) qu'il propose de la cour de Domitien, le « Néron chauve », s'il est riche de notations grotesques, rend très bien l'atmosphère cauchemardesque d'une époque qui exsudait la terreur. Enfin, dans la Rome de Juvénal, il arrive qu'une impératrice, plus souvent qu'à son tour, fasse le tapin ou qu'une princesse accouche d'une série d'avortons, tous copie fidèle de celui qui est à la fois leur oncle et père, l'Empereur.

On ne saurait parler sans anachronisme de liberté d'expression quand il s'agit de la Rome impériale, et Juvénal se garde bien de s'en prendre aux empereurs régnants. Ce qui n'empêcha pas ses contemporains de lire dans ses propos des allusions à l'actualité de son temps. Cela lui aurait valu l'exil en Égypte, sous couvert d'une vague mission militaire. Il y serait mort.

La langue de Juvénal permet de se faire une idée de la variété des parlers latins, selon les classes sociales et les régions. Elle est à la fois vigoureuse, voire crue, et savante. Juvénal aime jouer du contraste entre les mœurs des anciens Romains, frugaux et barbus, et celles de ses contemporains, perdus de luxe et efféminés.

Avec Horace, Juvénal sera un modèle au XVIIe siècle pour les Satires de Nicolas Boileau (1666)[4]. Emmanuel Kant retiendra de ses satires leur dimension morale, et citera Juvénal, à plusieurs reprises, en latin, dans sa Critique de la raison pratique. Alfred de Vigny verra dans la XIIIe satire les mêmes préceptes que dans le Discours sur la montagne (Matthieu, V-VII).

Citations

Juvénal est surtout connu pour ces expressions :

  • « Dat veniam corvis, vexat censura columbas », « La censure épargne les corbeaux et tourmente les colombes ».
  • « panem et circenses » : « du pain et des jeux », expression relative aux mœurs du peuple sous l'Empire romain (voir évergétisme)
  • « sed quis custodiet ipsos custodes? » : « mais qui garde ces gardiens ? » (XV, 331)
  • « mens sana in corpore sano » : « un esprit sain dans un corps sain » (X, 356)
  • « rara avis in terris » : « oiseau rare sur terre » (VI, 165)
  • « Vitam impendere vero » : « Consacrer sa vie à la vérité » (IV, 91)
  • « minuti semper et infirmi est animi exiguique uoluptas ultio » : « La vengeance est le plaisir des âmes faibles, étroites et mesquines » (XIII, 189-191)
  • « Desperanda tibi salva concordia socru » : « Sans espoir, la paix de ton ménage, tant que ta belle-mère est en bonne santé » (VI, 232)
  • « in Tiberim defluxit Orontes » : « L'Oronte s'est déversé dans le Tibre » (III, 62), expression qui dénonce les dérives du syncrétisme romain.

Notes et références

  1. 45 est la date retenue par Olivier Sers dans la présentation des Satires parue aux éditions des Belles Lettres.
  2. 65 est la date retenue par Hubert Zehnacker et Jean-Claude Fredouille, Littérature latine, p. 311.
  3. Satires, 1, 30.
  4. Dans « Les embarras de Paris » par exemple.

Bibliographie

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