Insularité

Insularité

En géographie, linsularité est le caractère isolé dun espace ou dun territoire incarné par la notion d'« Île ». Cette isolation peut être une cause ou un effet selon si lobjet en question est isolé (forme passive de lisolation) ou s'il sest isolé (forme active de lisolation)[1].

Sommaire

Définition détaillée

Le Dictionnaire de l'Académie française définit linsularité comme étant la « configuration dun territoire constitué dune ou de plusieurs îles ; ensemble de caractères propres à un tel territoire, à sa population ». De manière simplifiée, linsularité désigne une terre entourée deau qui se différencierait du continent de par sa petite taille principalement.


Cette notion ne doit pas être confondue avec iléite (système de représentation centré autour dune île, déterminant lespace perçu et vécu dun individu[2]) et insularisme (Tendance dun peuple insulaire à se renfermer sur lui-même[2]).

À défaut de parler d« île », notion difficile à définir, les chercheurs parleront en général dinsularité. Ce concept est complexe, ainsi sa définition est souvent donnée par lélaboration de ses limites. Il est difficile de définir linsularité en raison de la diversité des objets que cette notion désigne[3]. On observe cependant des particularités géographiques communes entre les îles, dont notamment une situation géographique de discontinuité entre la terre et la mer[3]. Lorsque lon parle dinsularité il faut prendre en compte les notions; denclavement, de périphéries, de contiguïté, de connexité et d'isolement. Ce sont ces particularités, en comparaison aux territoires continentaux, qui vont faire des îles des objets d'étude spécifiques.


Linsularité est un concept multidimensionnel utilisé en géographie mais aussi dans d'autres domaines tels que léconomie, la démographie, les statistiques ou encore la biologie.

Dans le domaine de la biologie, les îles ont représenté un laboratoire détude important. La faune et la flore qui y résident ont notamment été l'objet d'études de nombreux scientifiques insulaires mais aussi continentaux. L'insularité présente en effet une altération des phénomènes biologiques continentaux. Sur les îles se développent par exemple des caractéristiques dévolution différentes, comme l'accélération de certains mécanismes évolutifs ou encore des modes de reproductions différents, chez les insectes notamment [Bourgoin, Dutrillaux, Insularité et radiations.].

En géographie linsularité est perçue selon les approches soit comme un objet disciplinaire (au même titre que la montagne par exemple), soit comme lélément clé de la problématique propre et commune aux îles[3]. Létat dinsularité provoque un effet de loupe qui favorise lobservation. La caractéristique dinsularité offre donc notamment aux géographes un laboratoire détude. Dans cette thématique, la notion de frontière détermine les configurations géopolitiques, et joue le rôle de « marqueur différenciant de lidentité insulaire[4] ».


Le terme insularité peut également décrire lisolation dun être humain par un statut, par exemple ladolescence, ou une institution, comme un hôpital psychiatrique ou une prison[1]. Cependant, cet article traite de l'aspect géographique de la notion dinsularité, soit autour de la définition développée ci-dessus.

Cette notion a été le sujet d'innombrables recherches menées par des géographes tels que Philippe Pelletier, François Doumenge ou encore François Taglioni, mais aussi par des historiens, des sociologues ou encore des anthropologues. Le caractère multidisciplinaire de linsularité est illustré par les nombreux ouvrages que lon peut trouver lorsque lon fait état de la littérature de ce sujet. Par exemple, louvrage du professeur en lettre Foued Laroussi; «Langues, identités et insularité: Regards sur Mayotte» (2009), louvrage édité en 2003 sous la direction du professeur en économie et droit Georges J.Virassamy intitulé «L'entreprise insulaire: moyens et contraintes» ou encore louvrage de lhistorienne Christine Pérez sur «La perception de linsularité dans les mondes méditerranéen ancien et archipélagique polynésien davant lépoque missionnaire».


Le terme insularité définit également les populations habitant les îles. Jean Pierre Castelain évoque dans son article «Insularité» différents complexes d'opposition auxquels les îles auraient tendance à être soumises. Parmi ceux-ci, il évoque les querelles sous-jacentes qui demeurent entre les «néo-insulaire» et les «authentiques». En effet, les habitants des îles se distinguent entre résidence ancienne et nouvelle. Les premiers seraient des «authentiques» insulaires car vivant sur le territoire avant la deuxième guerre mondiale, alors que les deuxièmes sont appelés «néo-insulaires» du fait de leur arrivée plus tardive dans les îles, en lien notamment avec la croissance économique de ces dernières[5].

Genèse des approches

La notion dinsularité a été développée par les sciences sociales dans les années 60 suite aux particularités qui ressortaient de létude de ces lieux. Cette notion fût à lépoque basée sur lidée que lobjet était une terre isolée par rapport au continent. Cette idée doit à présent être réactualisée suite au développement des NTIC (Nouvelles technologies de l'information et de la communication)[6]. En effet, les réseaux de communication, de transports et d'échanges marchands s'étant considérablement développés, la distance géographique contrairement à l'imaginaire passé ne constitue plus un obstacle significatif au bon fonctionnement des îles.

Par le passé, les îles étaient des espaces de fermeture et de contrainte la population vivait en autarcie et était de ce fait souvent pauvre car dépendante des récoltes annuelles. Ces dernières étaient de petits territoires organisés à l'échelle locale. Les aménagements territoriaux étaient complexes afin dexploiter au mieux chaque ressource dont notamment l'eau, le sol et la lumière. Ces îles ont cependant toujours été intégrées dans les systèmes économiques, principalement en raison de leur utilité dans les secteurs de la production et des transports[6].


Il existe de nombreuses approches de l'île et de l'insularité, variant selon les acteurs et les enjeux:

  • Définition de l'ONU: «une étendue naturelle de terre entourée deau qui reste découverte à marée haute».
  • Définition selon la Conférence des nations unies pour le commerce et le développement: «les États en développement présentant une population de moins de 400 000 habitants et parfois moins de 1 million ainsi quune superficie de moins de 700 km2 et parfois supérieure à 4 000 km2. Ces données sont basées sur le concept de «viabilité économique[7] », cest-à-dire sur la capacité dun État à être fonctionnel dun point de vue économique.
  • Définition de Lunion européenne: «Une île est une terre dau moins 1 km2 de superficie, habitée en permanence par une population statistiquement significative (supérieure à 50 habitants), non reliée au continent par des dispositifs permanents, séparée du continent européen par une étendue deau dau moins 1 km2, ne comprenant pas une des capitales dun État membre[8] ».

De nombreuses définitions ont tenté de cadrer les termes dîle et dinsularité dans des limites (superficies, nombre d'habitants, etc.), mais la diversité de ces approches donnent un caractère flou à la définition. La difficulté d'établir des critères généraux de linsularité, constitue un obstacle à l'élaboration d'une définition universelle.

Françoise Péron se base en 2003 sur le sentiment que ressent la population à habiter un territoire clos, comme élément caractérisant linsularité. Les revendications identitaires liées au sentiment d'appartenance au territoire sont en effet courantes sur les îles. Pour elle, linsularité serait plutôt à concevoir comme un système plutôt quune caractéristique territoriale. Cependant, Les facteurs influençant ce système restent difficiles à définir, à commencer par celui de la taille et du niveau disolement significatif. Pour Philippe Pelletier, qui a notamment travaillé sur la situation insulaire du Japon, l'insularité est «la relation dynamique qui se construit entre un espace insulaire et la société qui y vit[3] ».

Tout ceci montre la complexité quil y a à définir une «île» et par conséquent son caractère d'insularité. Outre les acteurs et les points de vue adoptés, la définition de linsularité peut dépendre des buts voulus par un programme, comme par exemple dans les cas de projet soutenus par les Nations unies. Par ailleurs, cette difficulté résulte dun flou épistémologique ancien. En effet, la problématique rencontrée dans la définition de linsularité date, comme lillustre ces propos tenus par J.Blache en 1948 in F.Taglioni 2006: «Y a-t-il une géographie des îles qui soit autre chose quune énumération, un classement commode [7]? »

Typologie

Divers indices basés sur la taille de la population, la longueur des côtes par rapport à la surface du territoire ou encore la distance de lîle au territoire continental le plus proche ont été élaborés pour mesurer le degré dinsularité[9].

La définition des petits espaces insulaires par François Taglioni est donnée comme suit: « Des terres entourées deau de tous côtés, dun seul tenant, dont la superficie est inférieure à 11 000 km2 et la population inférieure à 1,5 million dhabitants[7] ».

Il existe de part le monde une grande quantité de terres susceptibles d'être inscrites dans cette définition. Il existerait 33 États indépendants de type petits espaces insulaires ainsi que plusieurs dizaines de terre de ce type associées à des États continentaux ou à un archipel. Ceux-ci sont principalement situés dans le Bassin Caraïbe, la Méditerranée, le sud ouest de lOcéan Indien et lOcéanie.

Le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) a élaboré une typologie des États insulaires en fonction de plusieurs paramètres: le statut institutionnel, l'architecture géographique et l'IDH (Indicateur de développement humain). Cet exercice a été effectué à titre indicatif dans le but d'observer le niveau de développement et d'intégration des ces territoires isolés. On distingue cinq types d'insularité :

  1. monoinsulaire: désigne un territoire constitué d'une seule île ;
  2. multiinsulaire: désigne une île principale entourée d'îles satellites ;
  3. hypo-insularité: exprime le phénomène de continentalisation du phénomène insulaire ;
  4. simple insularité: exprime la situation d'une île à mi-chemin entre isolation et continentalisation ;
  5. surinsularité: désigne un territoire totalement isolé.

Les statuts politiques de ces espaces peuvent varier entre souveraineté soit micro État et dépendance institutionnelle soit micro territoire. Le caractère insulaire de ces îles ne détermine donc pas un statut politique particulier. Par exemple, certains territoires sont reconnus par lONU alors que dautres ne le sont pas. Ainsi, sur les 192 pays reconnus par l'ONU, 46 sont considérés comme insulaires. (Liste des États insulaires)

D'autres typologies concernant les territoires insulaires ont été établies. Sanguin par exemple distingue plusieurs systèmes insulaires[10] :

  1. le système insulaire à État ou territoire administratif unique ;
  2. le système insulaire à deux ou plusieurs unités politiques ;
  3. les espaces insulaires à réseaux.


Les 3 types dinsularité, développés en sous-catégories ont notamment été différenciés par F. Taglioni[7]:

Hypo-insularité :

  • (1) îles-États développées ou îles-Territoires intégrées à une ville industrialisée. Exemples: Bahreïn, Barbade, La Martinique, La Réunion.
  • (2) îles principales d'un archipel indépendant développé ou îles principales d'un archipel intégré à une métropole industrialisée. Exemples: Malte, Bahamas, La Guadeloupe, Tenerife, Tahiti, Nouvelle-Calédonie.

Insularité :

  • (3) Îles-États en développement. Exemples: Ste Lucie, Dominique, Nauru.
  • (4) Îles principales d'un archipel indépendant en développement. Exemples: Exemples: Trinidad, St Kitts, Maurice.
  • (5) Îles secondaires d'un archipel intégré à une métropole industrialisée. Exemple: St Barthélémy, Îles Loyauté, Minorque, Moorea.

Surinsularité :

  • (6) Îles secondaires d'un archipel indépendant en développement. Exemple: Barbuda, Anjouan, Rodrigues, Praslin, Esperitu Santo.
  • (7) Cas particuliers d'îles non côtières sans port ou aéroport. Exemple: Pitcairn, certaines "îles éloignées" de la Japonésie

Selon Taglioni, les îles en situation dhypo-insularité semblent mieux intégrées à léconomie mondiale au contraire de la surinsularité, mais lenvironnement politique économique et régional ont un impact également.


Les PEID « petits Etats insulaires en développement »:

Les PEID (Small Island Developing States) est un concept crée en 1994 par les Nations Unies, regroupant les pays qui « ont en commun leur petite taille et l'insularité qui souvent, indiquent leur vulnérabilité[11] ».

Hypo-insularité

Lapparition de multiples flux humains, informationnels, productifs mais aussi didées dues au développement des transports a changé la donne des lieux dits insulaires caractérisés par un isolement certain. Lhypo-insularité concerne les îles dont la discontinuité avec le continent est beaucoup moins marquée du fait d'un développement significatif dans les domaines de la communication et des transports.

En 1985, François Doumenge a mis en place un indice disolement océanique se fondant sur des données chiffrées et insistant essentiellement sur la rupture de la continuité terrestre[12].

Principe : diviser la surface de la Zone économique exclusive (ZEE) par la surface émergée du territoire. Plus cet indice sera fort, plus l'isolement sera prononcé. Doumenge définit ainsi quatre catégories d'insularité[13] :

  • les territoires archipélagiques structurés ;
  • les territoires océaniques très cohérents ;
  • les territoires archipélagiques dispersés à îles isolées ;
  • les îles extrêmement isolées.

Lhypo-insularité cherche à dépasser ce type de critères purement physiques tentant de définir le niveau d'isolation d'un territoire. Allant au-delà dune mesure de discontinuité, cette approche se veut être une analyse du désenclavement ou non de ces territoires spécifiques. «Lisolement nest pas systématiquement plus fort dès lors quune île est petite et éloignée des continents[12]".

Transports maritimes et aériens contribuent à diminuer léloignement physique des îles en jouant notamment sur le facteur temps afin damoindrir la distance. En effet, depuis le milieu des années 90les transports se sont considérablement améliorés. À titre d'illustration, le voyage des Antilles vers le continent en 1960 prenait près dune semaine. Ce développement a engendré des flux migratoires temporaires et définitifs importants. Les déplacements humains entre les îles et les continents se sont banalisés. La communication également a permis de réduire la distance entre insulaires et continentaux. La radio, la télévision ainsi que les ordinateurs ont considérablement augmenté les flux informationnels[12]. Les espaces insulaires sont partagés entre lidée de proxémie et celle de téléprésence.

Ainsi, dans ce nouvel aspect de linsularité, la notion d'isolement ne fait plus vraiment sens. Le concept de distance métrique est dépassé par dautres paramètres la communication virtuelle et la mise en réseau sont au cœur des dynamiques. Pour reprendre les propos de Guy Mercier, lévolution dune île est à observer en lien direct avec les relations quelle développe autour de la télécommunication, le commerce, les investissements, l'endettement mais aussi la migration[14]. Ainsi, lintensité de ces interactions va déterminer le niveau dintégration de lîle à l'espace monde.

Le terme «île» peut être employé dun point de vue purement géométrique, soit une terre entourée deau mais cela ne suffit pas à appréhender sa réalité. Il faut prendre en compte la notion de flux et relativiser ses frontières géométriques. On se trouve ici dans une évolution du concept dinsularité plus complexe et plus multidimensionnel que par le passé[12].

Insularité et économie

La relation entre insularité et développement économique est lobjet de nombreuses recherches depuis le début des années 1980[2]. Diverses études se sont penchées sur la situation dinsularité comme atout ou handicap économique.

Pour certains, la situation dinsularité présente des handicaps : exiguïté du territoire, faible peuplement, surcoûts, etc. Les îles sont donc des espaces isolés par la mer et restreintes en termes despace, de ressources naturelles et humainesetc.[2]. Les îles font également face à des surcoûts liés à la discontinuité physique et léloignement[2]. Selon Taglioni, la fragmentation géographique est une « entrave majeure à la diffusion de l'éducation, des soins de santé, de l'approvisionnement alimentaire, de la technologie, des échanges de biens et de personnes, mais aussi de l'information[7] ». Cependant, certains réfutent cette thèse en relativisant les coûts liés à lisolement et en avançant par exemple, l'argument selon lequel les coûts de transports maritimes ne sont pas plus élevés que les coûts de transports terrestres[15].

De plus, certaines îles particulièrement ancrées dans linsularité et difficiles daccès ont un succès touristique important, comme l'île de Pâques (Rapa Nui), malgré les 3 700 km qui la sépare du Chili et les 4 800 km qui la sépare de Tahiti[2]. Les caractéristiques disolement et déloignement ont également été des facteurs attractifs.

Si les échanges économiques des îles au niveau mondial étaient restreints en raison de leur insularité, elles ont sadapter aux marchés internationaux. Cependant, leur faible niveau de concurrentialité a eu pour conséquence de les marginaliser peu à peu. En découle un état de dépendance, un exode de la jeunesse et donc de capital humain, ainsi qu'une augmentation du taux de chômage. La spécialisation des régions est de plus en plus fréquente, mais au vu des ressources relativement limitées quelles possèdent, leurs principaux marchés se concentrent en général autour du tourisme et de la main d'œuvre bon marché qu'elles peuvent constituer. Certaines îles se sont notamment différenciées au niveau du secteur tertiaire/bancaire, en devenant des centres bancaires offshore, paradis fiscaux zero heaven (paradis zéro-impôts). Les Bahamas par exemple sont notamment réputés pour être un paradis fiscal. Certaines îles se sont mutées de manière progressive en paradis fiscaux pour attirer des capitaux étrangers, notamment de continentaux voulant échapper aux impositions fiscales de leur pays[2]. Ainsi, selon la « liste grise » des paradis fiscaux décrétée par lOCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique), la plupart des États y figurant sont des îles. (voir Paradis fiscal).

Le tourisme insulaire attire de nombreux continentaux, ce qui représente un boom dans l'activité économique de ce secteur. L. et M. Briguglio parlent de dépendance des petits états insulaires face au tourisme. Le secteur touristique emploie également une part importante de la population locale en termes de main dœuvre. Le phénomène touristique peut par ailleurs provoquer une crise sociale et écologique sévère. En effet, le tourisme engendre également un accroissement de la dégradation environnementale. Face à cela, les réflexions se sont particulièrement centrées ces dernières années sur la pratique du tourisme durable. Il semble être un des enjeux auxquels les États insulaires doivent faire face[16].

Les îles ne sont donc pas déterminées à présenter des handicaps au développement économique, car le tourisme représente un secteur important dans la plupart de ces îles. Le tourisme, conséquence directe du niveau de dynamisme d'un État insulaire, sera un vecteur déterminant dans le futur des îles.

Imaginaire de l'insularité

La fascination pour les îles date de leur découverte et est liée à limaginaire des continentaux. La barrière de la mer ou de l'océan représente le passage à un autre monde, une alternative à un continent stressant/oppressant[17]. «Pour les visiteurs continentaux notamment ceux des classes moyennes vivant dans les grandes villes, se rendre dans une île équivaut à accéder à un monde premier plutôt que primitif, indemne des maux de la civilisation urbaine[17] ».

Permissif, antimonde, facile à approprier, à labri des regards[7], sont le résultat de l'imaginaire que renvoie les territoires insulaires. Sublimé par lesprit à travers le cinéma, le culturel, le politique, la littérature ou encore la peinture. Elle représente lailleurs, laventure et la découverte[14].

L'idée selon laquelle le retard des îles serait synonyme de rempart des systèmes capitalistes actuels et serait considéré comme une richesse renforce notre imaginaire autour de l'île. Les espaces insulaires sont vus comme une échappatoire à la civilisation, un moyen de se retirer du monde, dêtre en retraite. Le désir dîle cultivé par les mythes du bon sauvage, comme celui de «Robinson Crusoé», en illustre la portée. «Lîle impose des limites à la démesure humaine[6] ». Elle permet de retrouver des sensations perdues, lattente, la coupure, laustérité. L'île est perçue comme un territoire résistant à la société de consommation. L'activité touristique n'est d'ailleurs que la résultante de cette imaginaire cultivé.

Les îles sont donc perçues comme lenvers du monde occidental alors quelles sont de plus en plus intégrées[6]. Ce paradoxe n'entache pas l'idée que l'on a de l'île différente du continent et exotique de ce fait. La recherche de l'exotisme, cette envie d'"ailleurs", est un moteur du tourisme insulaire. Ces territoires sont souvent l'objet de réinsularisation par le biais de la préservation du patrimoine (c.f île de la réunion) ou encore par le maintien volontaire de son isolement[6].

Selon Nicolas Thierry, « les îles exercent une réelle fascination sur les continentaux[2] ». Ce désir dîle serait, au sens de Françoise Péron, une réponse à la nécessité de lHomme de créer de nouvelles formes de relations. Ceci afin de se distinguer de la modernité et des technologies, produits des sociétés occidentales industrialisées[6].

Spécificité du caractère insulaire

Il est aisé dobserver les phénomènes naturels propres aux îles. Cependant, on ne saurait prétendre à une quelconque influence des caractéristiques des îles sur lêtre humain, sans retomber dans un déterminisme originel non souhaité par les géographes[7].On ne peut guère prétendre que linsularité génère des situations identiques dans les territoires définis comme tel. C'est pourquoi, ce terme est parfois remis en question du fait de la généralité auquel il peut renvoyer. Par ailleurs, certains auteurs considèrent la notion dinsularité comme obsolète car comme l'évoque le géographe J. Bonnemaison en 1997 ; «le monde peut être regardé non pas comme un seul espace, mais comme un archipel».

Les îles ne sont plus marginalisées en fonction de leur distance physique mais peuvent l'être de part leur manque d'intégration aux différents flux mondiaux. Les îles dans leur diversité font face à des problématiques différentes. La vision de l'île n'est plus celle d'un simple territoire détaché du continent. Les territoires insulaires sont à présent, des entités à part entière ayant leur propre fonctionnement[18].

Les îles ne seraient pas un objet scientifique à part entière, mais un domaine détude privilégié et méthodique: On est plutôt dans la vision de lîle laboratoire exprimé par Pierre Lozato Giotard. En effet, lidentité insulaire n'est pas à considérer comme homogène à tous ces territoires. Sa construction par rapport à l’«autre», le continent, serait par contre commune aux identités insulaires. Selon G. Mercier ce concept correspondrait à un projet politique et culturel de différenciation[14].

Bien que les territoires insulaires soient difficiles à définir théoriquement dans leur complexité, ils sont néanmoins de bon cas détude pour observer la sensibilité de certains phénomènes[14]. Ils sont à appréhender comme des régions dexception tendant à la théorisation. Cependant la diversité des îles rend "hasardeux" ce raisonnement[14].

Le caractère d'insularité ne peut donc aboutir à des conséquences généralisées[14]. Pour reprendre les propos de Guy Mercier, on ne peut établir une définition «individuant» les îles car leurs caractéristiques sont trop diverses et variées[14].

Notes et références

  1. a et b [Gutton Phillippe, Linsularité. In: Adolescence, p.907.]
  2. a, b, c, d, e, f, g et h [Taglioni François, Lîle est-elle un objet géographique spécifique? Étude conceptuelle et critique, p.24.]
  3. a, b, c et d [Hypergéo, insularité]
  4. [Riou François, La frontière, marqueur différenciant de lidentité insulaire, In : Espaces n°278, 2010, p.6.]
  5. [Castelain Jean Pierre, Insularités. In: Ethnologie française, p.1.]
  6. a, b, c, d, e et f [Péron Françoise, Fonctions sociales et dimensions subjectives des espaces insulaires, p.5.]
  7. a, b, c, d, e, f et g [Taglioni François. Les petits espaces insulaires face à la variabilité de leur insularité et de leur statut politique.]
  8. [Définition donnée par Eurostat, organe statistique de la commission européenne.]
  9. [1]
  10. [Sanguin André-Louis Introduction, In : Vivre dans une île, dir. André-Louis Sanguin, LHarmattan, Paris, 1997, p.14]
  11. [2]
  12. a, b, c et d [Nicolas Thierry, «LHypo-insularité», une nouvelle condition insulaire: lexemple des Antilles françaises, p.2.]
  13. [Taglioni François, «Lîle est-elle un objet géographique spécifique ? Étude conceptuelle et critique.]
  14. a, b, c, d, e, f et g [Mercier Guy, Étude de linsularité. In: Persée, Norois. N°145,1990.]
  15. [Mari Sergi, Coûts et bénéfices de linsularité du point de vue économique, le cas de Minorque, p.211.]
  16. [L. et M. Briguglio, Le tourisme durable dans les petites îles, lexemple de Malte. In: Vivre dans une île, dir André-Louis Sanguin, LHarmattan.]
  17. a et b [Nicolas Thierry, Linsularité aujourdhui : entre mythes et réalités.]
  18. [Péron Françoise,Des îles et des Hommes,l'insularité aujourd'hui, p.13.]

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

  • Belrose Eric, Introduction,insularité et isolement-Economie des petites îles, le cas des Antilles françaises, [en ligne] http://www.ericbelrose.fr/tag/statut-institionnel.
  • Bourgoin Dutrillaux, et al. Insularité et radiations Origine, Structure et Evolution de la Biodiversité, http://www.mnhn.fr/oseb/insularite-et-radiations.
  • Briguglio L. et M., Le tourisme durable dans les petites îles, lexemple de Malte. In: Vivre dans une île, dir. André-Louis Sanguin, LHarmattan, Paris, 1997, 389p.
  • Castelain Jean Pierre, Insularités. In: Ethnologie française, XXXIV, 2004, pp.1-2.
  • Gutton Phillippe, Linsularité. In: Adolescence, 2005, 23,4, pp. 907-914.
  • Mari Sergi, Coûts et bénéfices de linsularité du point de vue économique, le cas de Minorque, In : Vivre dans une île, dir. André-Louis Sanguin, LHarmattan, Paris, 1997, 389p.
  • Martinetti Joseph, Insularité et marginalité en Méditerranée occidentale,l'exemple corse,Le signet,1989,Ajaccio.
  • Mercier Guy, Etude de linsularité. In: Iles et sociétés insulaires N°145, 1990, pp.9-14.
  • Nicolas Thierry, Linsularité aujourdhui : entre mythes et réalités, Etudes caribéennes, mis en ligne le 4 février 2008, consulté le 5 mars 2011, [en ligne]. http://etudescaribeennes.revues.org/509
  • Nicolas Thierry, «LHypo-insularité», une nouvelle condition insulaire: lexemple des Antilles françaises. In: Espace géographique n°4, 2005, pp. 329-341.
  • Péron Françoise,Des îles et des Hommes,l'insularité aujourd'hui, Ed. de la cité, Rennes, 1993.
  • Péron Françoise, Fonctions sociales et dimensions subjectives des espaces insulaires (à partir de lexemple des îles du Ponant), Ann. Géo., no 644, 2005, pages 422-436.
  • Riou François, La frontière, marqueur différenciant de lidentité insulaire, Espaces n°278, février 2010, 6p.
  • Sanguin André-Louis, Introduction, In : Vivre dans une île, dir. André-Louis Sanguin, LHarmattan, Paris, 1997, 389p.
  • Taglioni François, Lîle est-elle un objet géographique spécifique ? Etude conceptuelle et critique http://www.taglioni.net/Section%202.pdf .
  • Taglioni François. Les petits espaces insulaires face à la variabilité de leur insularité et de leur statut politique. In: Annales de Géographie, 2006, t. 115, n°652. pp. 664-687.

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