Hrant Dink

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Fırat Hrant Dink (en arménien : Հրանդ Տինք) (né le 15 septembre 1954 à Malatya et mort le 19 janvier 2007 à Istanbul) est un journaliste et un écrivain turc d'origine arménienne[1]. Il a été assassiné par un nationaliste turc de 17 ans dans le quartier d'Osmanbey à Istanbul, devant les locaux de son journal bilingue Agos.

100 000 personnes manifestent à Istanbul lors des funérailles de Hrant Dink, scandant « Nous sommes tous des Hrant Dink, nous sommes tous arméniens » en turc, arménien et kurde

Sommaire

Biographie

Hrant Dink a été le fondateur, le directeur de publication et le chroniqueur en chef de l'hebdomadaire Agos, un journal édité à Istanbul en arménien et en turc. Il a également écrit pour les journaux nationaux Zaman et Birgün.

Né à Malatya le 15 septembre 1954 d'une famille modeste, Dink est arrivé à Istanbul à l'âge de 7 ans où il a passé son enfance dans des orphelinats. Toute sa scolarité a eu lieu dans les écoles arméniennes et il a été diplômé du lycée Surp Haç à Üsküdar. Il est diplômé en zoologie de l'université d'Istanbul et il a continué à étudier dans la même université la philosophie. Il a épousé Rakel Dink en 1977, qui a grandi également en orphelinat, avec laquelle il a eu deux filles (Delal et Séra) et un fils (Arat).

Il fonda Agos en 1996, et devint peu à peu le leader d'opinion de la communauté arménienne de Turquie.

En octobre 2005, Dink, défendu par l'avocate et écrivaine Fethiye Çetin, a été condamné à six mois de prison avec sursis pour un article affirmant que les Arméniens devaient se libérer de l'« obsession turque » par une périphrase évoquant « le sang s'écoulant de la noble veine reliant les Arméniens à l'Arménie se substituera à celui empoisonné par l'“élément turc” ». Il défendait, dans une série de huit articles publiés dans Agos, la thèse que l'identité arménienne devait se reconstruire autour de la question de survie du jeune État arménien et non uniquement sur l'exigence de la reconnaissance du génocide par la Turquie. Une partie de la presse avait alors interprété cette phrase sortie de son contexte comme une déclaration raciste ce qui l'avait profondément choqué, lui qui défendait avec acharnement le « vivre ensemble ».

Le tribunal, contre l'avis d'une commission d'experts, avait estimé que ces propos allaient à l'encontre de l'article 301 du code pénal turc révisé qui sanctionne le « dénigrement de l'identité nationale turque » et rend ainsi possibles les poursuites d'auteurs ou d'universitaires pour insulte à l'identité turque. Dink avait alors dit à l'agence Reuters : « Il se peut que j'en paie le prix mais la démocratie turque y gagnera, je l'espère. »[2] Ce verdict a été vivement critiqué par l'Union européenne, à laquelle la Turquie aspire à adhérer.

Ses propos concernant le génocide arménien commis sous l'Empire ottoman lui valurent l'hostilité du gouvernement turc, mais également et surtout des menaces de mort de la part des milieux nationalistes, dont son assassin Ogün Samast serait issu. Les autorités turques refusent de reconnaître le caractère génocidaire des massacres d'Arméniens commis en 1915-1917 et pratiquent une politique de négation du génocide arménien. Mais le coup d'envoi des attaques contre lui fut donné suite à la publication dans Agos d'un reportage démontrant que Sabiha Gökçen, fille adoptive d'Atatürk et héroïne républicaine, était d'origine arménienne.

Hrant Dink a toujours souligné sa citoyenneté turque et sa « chance » de vivre en Turquie qui lui donnait la possibilité de comprendre à la fois les sensibilités des Turcs et des Arméniens, une compréhension nécessaire pour la réconciliation de ces deux peuples qui ont partagé mille ans d'histoire commune. Il a affirmé le besoin de démocratisation de la Turquie, soulignant que le règlement du problème arménien n'est qu'un volet de la démocratisation générale du pays. Dans la même perspective, il défendait fermement l'adhésion de la Turquie au sein de l'Union européenne, comme une garantie de la démocratisation. Tout au long de sa vie, il s'est focalisé sur les questions des droits des minorités, des droits civiques et des problèmes concernant la communauté arménienne de Turquie. Il était un activiste des mouvements de gauche et pacifistes.

Le 11 octobre 2007, son fils, Arat Dink, et Serkis Seropyan, respectivement directeur de la rédaction et responsable de l'hebdomadaire Agos, sont reconnus coupables d'avoir « insulté l'identité turque » et, à ce titre, condamnés à un an de prison avec sursis par un tribunal turc, en vertu de l'article 301 du code pénal turc, pour avoir reproduit, au cours de l'été 2007, dans les colonnes d’Agos, une partie des propos de Hrant Dink qui avaient valu à celui-ci les poursuites judiciaires qui ne s'étaient interrompues qu'avec son assassinat[3].

Le 14 septembre 2010, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Turquie dans l'affaire de l'assassinat de Hrant Dink. La Cour a jugé que l'absence de protection du journaliste face aux menaces pesant sur lui ainsi que les poursuites pénales pour « dénigrement de la turcité » constituaient une violation du droit à la vie et du droit à la liberté d'expression imputables aux autorités turques[4].

Le 25 juillet 2011, Ogün Samast a été condamné à 22 ans et 10 mois d'emprisonnement[5],[6],[7] pour meurtre avec préméditation et possession illégale d'une arme à feu par la cour criminelle pour enfants d'Istanbul. Il pourra être libéré sur parole en 2021, après avoir purgé une peine correspondant à 2/3 de la condamnation.

La justice turque poursuit l'enquête sur les commanditaires de l'assassinat de Hrant Dink. Sont en particulier soupçonnés Erhan Tuncel (un ancien informateur de la police) et Yasin Hayal[8].

Hommages

  • Le 10 décembre 2007, l'Institut international de la Presse (IPI), principale organisation de défense de la liberté de la presse selon l'UNESCO[9] a déclaré Hrant Dink 52e « héros de la liberté de la presse dans le monde »[10].
  • Le 19 janvier 2008, au premier anniversaire de son assassinat, 10 000 personnes (8 000 selon la police[11]) ont défilé dans les rues d'Istanbul pour lui rendre hommage. Des rassemblements en l'honneur de Hrant Dink ont également eu lieu dans d'autres grandes villes de Turquie. A Istanbul, sa veuve Rakel a lu un discours, appelant la justice à terminer son travail après l'arrestation de 19 personnes en lien avec la mort de son mari. Le quotidien turc Milliyet note en effet dans son édition du jour que « la justice n'a pas avancé d'un pouce » et que les questions sans réponses restent trop nombreuses. Une appréciation reprise par la presse nationale turque en général.
  • En France, une « rue Hrant-Dink » est inaugurée le 19 janvier 2008 à Lyon. Le journaliste avait déjà une école qui porte son nom à Arnouville-lès-Gonesse.
  • À Bouc-Bel-Air (13320), un rond-point « Hrant-Dink » a été inauguré le 25 juin 2010, en présence de Rakel Dink, de la Ministre arménienne de la diaspora, Hranouche Hakopian, et de Monseigneur Norvan Zakarian, représentant l’Église arménienne de France[12]
  • Son nom a été donné à un jardin public sur l'île de Kinaliada, dans les îles de prince à Istanbul le 15 septembre 2010. Il s'agit de la première fois qu'un espace public porte son nom en Turquie.

Galerie de photos

Notes et références

  1. Le journaliste turc d'origine arménienne Hrant Dink assassiné à Istanbul Le Monde
  2. « Un journaliste turco-arménien abattu à Istanbul », Reuters, 19 janvier 2007
  3. Sources : articles (en) « Pair guilty of 'insulting Turkey' » (11 octobre 2007) et « Trial unnerves Turkish Armenians » (12 octobre 2007, sous la signature de Sarah Rainsford), sur le site de BBC News.
  4. Nicolas Hervieu, « Assassinat de Hrant Dink, condamnation de la Turquie en raison de la passivité des autorités » sur http://combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/, 20 septembre 2010. Consulté le 22 septembre 2010.
  5. « En Bref : Turquie - Un tribunal d’Istanbul a condamné à vingt-trois ans de prison le meurtrier du journaliste turc d’origine arménienne Hrant Dink », dans Libération, 26 juillet 2011 [texte intégral (page consultée le 1er octobre 2011)] 
  6. (en) « Turkey: Sentence in Editor’s Death », dans BBC News, 25 juillet 2011 [texte intégral (page consultée le 1er octobre 2011)] 
  7. (en) Sebnem Arsu, « Hrant Dink murder: Turk Ogun Samast jailed », dans The New York Times, 25 juillet 2011 [texte intégral (page consultée le 1er octobre 2011)] 
  8. (en) « Key suspect in Dink murder case has criminal liability », dans Today's Zaman, Istanbul, 14 novembre 2011 [texte intégral (page consultée le 19 novembre 2011)] 
  9. Fiche de l'IPI sur le site de l'UNESCO
  10. Communiqué de presse de l'IPI. En 2006, l'IPI avait honoré de la sorte la journaliste russe Anna Politkovskaïa, également tuée pour ses articles.
  11. Dépêche sur armenews.com du 24 janvier 2008.
  12. Bouc Bel Air : inauguration du rond-point Hrant Dink diaporama

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Hrant Dink, Être Arménien en Turquie, Éditions Fradet, 22 mars 2007 (ISBN 978-2-909952-17-8)
  • Hrant Dink, Deux peuples proches, deux voisins lointains, traduit du turc par Emre Ülker et Dominique Eddé, Éditions Actes Sud, novembre 2009 (ISBN 978-2-7427-8780-7)
  • Hommage a Hrant Dink, (Allemagne, 2008, 55 min) Filmpool Film- und Fernsehproduktion GmbH. WDR. Réalisateur: Osman Okkan, Simone Sitte. Diffusé sur Arte les 24 et 29 mars 2009 et visible sur Arte.tv+7

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Hrant Dink de Wikipédia en français (auteurs)

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