Géante gazeuse

Géante gazeuse

Les planètes du système solaire sont regroupées en deux familles distinctes. Les premières, les planètes telluriques telles que Mercure, Vénus, la Terre et Mars possèdent des densités assez élevées et des dimensions plutôt modestes avec un rayon équatorial de quelques milliers de kilomètres. Elles possèdent peu de satellites (un seul pour la Terre, deux pour Mars). Par opposition, les secondes, les géantes gazeuses sont très volumineuses et sont peu denses. Elles sont parfois également appelées planètes joviennes ou géantes joviennes en référence à Jupiter[1]. Ces planètes sont plus éloignées du Soleil dans le système solaire[N 1] et possèdent un nombre important de satellites. Elles possèdent aussi toutes des anneaux planétaires. À la différence des planètes telluriques, leurs masses découlent essentiellement d'éléments chimiques légers (hydrogène et hélium).

Les quatre planètes géantes gazeuses du système solaire à l'échelle : Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune.


Sommaire

Caractéristiques physiques

Composition chimique

Les atmosphères des géantes gazeuses sont constituées principalement d'hydrogène et d'hélium. Des traces importantes de méthane sont présentes dans les atmosphères d'Uranus et de Neptune, elles rendent compte de la coloration bleutée de ces planètes.

Composition chimique des atmosphères des géantes gazeuses du système solaire
Composant Jupiter Saturne Uranus Neptune
Hydrogène (H2) 86 % 93 % 83 % 80 %
Hélium (He) 13 % 5 % 15 % 19 %
Méthane (CH4) 0,1 % 0,2 % 2,3 % 1,5 %
Coupe de l'intérieur de Jupiter. Le noyau central (en marron) est entouré d'une épaisse couche d'hydrogène métallique (en gris).

Du fait de leur épaisse atmosphère la surface des géantes gazeuses est invisible quelle que soit la longueur d'onde utilisée. Les couches supérieures de celle-ci, dont la pression est inférieure à 10 bars sont par contre directement accessibles aux instruments d'observation[2]. De plus, les conditions de pression et de température qui règnent dans les profondeurs de l'atmosphère des géantes sont difficiles (voire impossibles) à reproduire en laboratoire. La composition chimique et l'état de la matière des noyaux des planètes géantes sont donc déduites de modèles de formation et de suppositions théoriques. Une étude de Joon Eggert et de son équipe du Lawrence Livermore National Laboratory[3] développe une théorie selon laquelle les noyaux d'Uranus et de Neptune contiennent du carbone cristallin tétraédrique (diamant). La structure interne des deux plus grosses planètes (Jupiter et Saturne) serait quant à elle dominée par des couches d'hydrogène liquide et métallique.

Pression et température

Grâce aux données fournies par les sondes spatiales qui les ont survolées, il est possible de reconstruire (à l'aide de modèles mathématiques complexes) les conditions de température et de pression internes des planètes géantes.

Dimension et masse, rotation et aplatissement

Le rayon équatorial des géantes gazeuses varie d'environ 4 rayons terrestres pour les plus petites (Uranus et Neptune) à plus de 10 rayons terrestres (Jupiter). Leur densité est de l'ordre de grandeur de celle de l'eau (1 000 kg/m³), très inférieure à celle des planètes telluriques (4000-5 000 kg/m³). Leur masse par contre peut être très importante, de 15 à 315 masses terrestres (≈ 1025-1027 kg) pour les planètes du système solaire[N 2]. En dehors de ces différences physiques, une particularité des géantes par rapport aux planètes telluriques est leur période de rotation, beaucoup plus rapide. Le jour sidéral est de l'ordre de 10 heures pour Jupiter, Saturne et Uranus et de 15-16 heures pour Neptune. Ces vitesses entrainent un aplatissement beaucoup plus prononcé aux pôles que dans le cas des planètes telluriques (phénomène accentué par la composition gazeuse des planètes). En vertu du principe de la conservation du moment cinétique, les astronomes supposent que cette caractéristique est liée à la légère contraction du rayon des planètes au cours du temps.

Champ magnétique et magnétosphère

Série de photographies (lumière visible et UV) par le telescope spatial Hubble d'une aurore sur Saturne.

Les quatre planètes géantes du système solaire génèrent des champs magnétiques puissants en raison de la vitesse de rotation rapide de leur noyau central métallique. La rencontre des magnétosphères avec le vent solaire produisent des aurores australes et boréales aux pôles des planètes.

Anneaux et satellites

Anneaux de Neptune photographiés par la sonde spatiale Voyager 2 en 1989.

Avec la découverte par la sonde Voyager 2 des anneaux de Jupiter et Neptune, il s'avère que toutes les planètes gazeuses du système solaire possèdent des anneaux planétaires. Cependant, la variété des anneaux, quasiment indécelable pour Jupiter et très étendue pour Saturne, ne permet pas de les considérer comme une caractéristique générique des planètes gazeuses. Leur formation est liée aux effets de marée des planètes géantes. Leur grande masse interdit à des satellites de demeurer à une distance inférieure à une limite (dite limite de Roche) sans être détruit. De plus, au dessous de la limite de Roche les poussières et les glaces ne peuvent pas donner naissance à un satellite par accrétion, ils sont nécessairement éparpillés le long d'anneaux concentriques situés dans le plan équatorial de la planète.

La grande masse des planètes gazeuses permet également de rendre compte du grand nombre et de la variété de leurs satellites. Une partie de ceux-ci sont des astéroïdes ou des objets transneptuniens capturés par le champ gravitationnel des planètes[N 3].

Anneaux principaux et satellites connus des géantes gazeuses
Nombre Jupiter Saturne Uranus Neptune
Anneaux 3 7 13 5
Satellites 63 62 27 13

Formation

Le mécanisme de formation des planètes gazeuses diffère peu de celui des planètes telluriques. Elles se seraient formées par accrétion de poussières et de glaces provenant de la nébuleuse primordiale[4]. La différence de constitution provient du fait qu'a proximité du Soleil beaucoup d'éléments chimiques sont vaporisés et que seuls subsistent les métaux et les roches silicatées qui deviendront les constituants des planètes telluriques. En considérant que la composition du disque protosolaire est conforme aux abondances cosmiques, ces éléments sont les moins abondants (l'hydrogène est l'élément dominant avec 75% de la masse totale, 23% pour l'hélium)[5]. À une distance plus grande du Soleil, un nombre d'éléments beaucoup plus important peuvent se maintenir à l'état solide (le carbone et l'oxygène notamment) et serviront de briques pour la formation de planétésimaux plus massifs que ceux du système interne[6]. Après avoir atteint une taille critique (estimée à 8-10 masses terrestres), les planètes sont capables de retenir dans leur champ gravitationnel les éléments les plus volatiles et les plus nombreux de la nébuleuse primordiale (l'hydrogène et l'hélium).

Exoplanètes et "Jupiter chauds"

Comme l'indique le paragraphe précédent, on estime habituellement que les géantes gazeuses se forment à une distance importante de leur étoile. Les disques d'accrétion des étoiles ne sont pas suffisamment denses pour permettre la formation de planètes aussi massives à leur proximité.

La découverte d'exoplanètes de type géantes gazeuses très proches de leur étoile, à la fin des années 1990, a forcé les scientifiques à modifier cette théorie. Les Jupiters chauds, une classe particulière de géante gazeuse, se sont également formées à bonne distance de leur étoile ; par la suite, elles se sont rapprochées de celle-ci par un phénomène appelé migration planétaire. Cette théorie permet d'expliquer l'existence de planètes géantes avec des périodes orbitales aussi courtes que 3 ou 4 jours (à titre de comparaison, la période orbitale de la Terre est de une année). La proximité de leur étoile entraîne l'élévation de la température de leur atmosphère à plus de 1 000 °C, ce qui entraîne des phénomènes parfois violents (pouvant aller jusqu'à une évaporation partielle de l'exosphère de l'astre comme sur Osiris).

Néanmoins, la confirmation en avril 2004 de l'existence de planètes de la masse de Jupiter avec des périodes orbitales de l'ordre de un jour ouvre à nouveau le problème : comment de tels astres, baptisés Jupiters très chauds, peuvent-ils survivre dans de telles conditions ?

De plus, la théorie de la migration (voir ci-dessous) est remise en question par la découverte, le 2 janvier 2008 par l'Institut Max-Planck de recherche sur le système solaire (Heidelberg en Allemagne), d'une jeune planète en formation dans le disque circumstellaire de TW Hydrae, une étoile de moins de 10 millions d'années qu'elle frôle à moins de 0,04 unité astronomique, soit 25 fois moins que la distance entre la Terre et le Soleil. L'étude de cette planète gazeuse dix fois plus massive que Jupiter devra permettre de mieux comprendre la formation des planètes[7],[8]. Il s'agit de la première planète détectée autour d'une étoile de moins de 100 millions d'années.

Incidence sur les planètes internes

La présence de géantes gazeuses dans un système stellaire a de grandes conséquences sur l'évolution du système. Elle permet notamment la stabilisation des orbites de toutes les planètes (selon leur nombre). Le modèle de Nice - du nom de l'Observatoire de la Côte d'Azur à Nice - part de l'idée que les planètes géantes étaient autrefois plus confinées qu'actuellement[9]. Les interactions gravitationnelles entre le disque de planétésimaux et les planètes conduisent à un rapprochement du Soleil de Jupiter et à un éloignement de Saturne, d'Uranus et de Neptune. Cette lente migration des planètes a favorisé la déstabilisation du disque et aurait engendré le bombardement intense tardif des planètes internes (LHB : Late Heavy Bombardment).

Notes et références

Notes

  1. La littérature scientifique distingue également les planètes internes (Mercure, Vénus, Terre et Mars) aux planètes externes (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune). Ces deux familles sont situées de part et d'autre de la ceinture d'astéroïde.
  2. La limite supérieure d'une géante - un domaine de recherche encore sujet à discussion - atteint 10-20 masses joviennes. Au-délà, l'objet est considéré comme une naine brune et n'appartient plus à la famille des géantes.
  3. Le fait que les géantes soient situées entre la ceinture de Kuiper et la ceinture d'astéroïdes augmente sensiblement les chances de capture. La migration supposée des planètes (voir le paragraphe "Incidence sur les planètes internes") est également un facteur d'enrichissement potentiel du cortège lunaire des planètes gazeuses.

Références

  1. http://www.futura-sciences.com/fr/definition/t/univers-1/d/geante-gazeuse_4727/
  2. André Brahic, Les Planètes géantes in Le Ciel à découvert, ss la dir. de Jean Audouze, Ed : CNRS Éditions, p.55.
  3. http://www.sciencesetavenir.fr/magazine/decouvertes/098081/des-oceans-de-diamant-sur-uranus-et-neptune.html
  4. Théorie dite de "Safranov". Cf. Daniel Benest, Les Planètes, Ed : Le Seuil, Coll : Points Sciences, 1996, p. 76.
  5. Thérèse Encrenaz. Atmosphères planétaires. Origines et évolution, Ed : Belin – CNRS Éditions, 2000, p. 52.
  6. Cf. l'article de Thérèze Encrenaz Y a-t-il de l'eau partout dans l'Univers ? de la revue L'Astronomie, Vol. 124, n° 29, Juillet-Août 2010, p. 19. Pour une température inférieure à 200° K, les molécules simples associées à l'hydrogène se condensent.
  7. (en)Découverte de TW Hydrae a1
  8. Article de Futura Sciences sur la découverte d'une planète en formation
  9. Cf. Alain Doressoundiram et Emmanuel Lellouch, Aux confins du système solaire, Ed : Belin – Pour la Science, 2008, pp. 120-122.

Voir aussi

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