- Giant Steps (album)
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Giant Steps Album par John Coltrane Sortie Janvier 1960 Enregistrement Avril - Mai & Décembre1959 Durée 37 : 03 Genre Jazz Producteur Nesuhi Ertegün Label Atlantic Critique Allmusic Albums de John Coltrane Soultrane (1958) Coltrane Jazz (1961) Giant Steps est un album jazz de John Coltrane publié en janvier 1960.
Sommaire
Historique
L'album est enregistré peu de temps après Kind of Blue de Miles Davis. En l'espace de quelques semaines, John Coltrane marque de son empreinte l'histoire du jazz à deux reprises, mais avec des albums radicalement opposés. Si Kind of Blue ouvre les portes du jazz modal (c'est-à-dire libère l'improvisateur de la grille d'accords), Giant Steps "tue" le be bop en le portant à un degré de complexité jusqu'alors inégalé, en particulier pour les titres Giant Steps ou Countdown. Giant Steps est le premier album de Coltrane publié en tant que leader pour Atlantic. Cela a son importance car Nesuhi Ertegün donne à John des moyens qu'il n'avait pas lors de ses sessions pour Prestige : le groupe peut se permettre d'enregistrer plusieurs prises, ce qui s'avére indispensable en raison de la complexité d'une partie du matériel. Giant Steps est alors l'album le plus personnel de John. Non seulement il signe les sept compositions, mais leurs titres sont assez personnels pour que la cousine de John, Mary, puisse parler d'album de famille[1].
Enfin, si Giant Steps n'est pas l'album le plus accompli de John, il n'en demeure pas moins que la richesse de ses compositions fera école : peu d'albums comptent autant de titres devenus de véritables standards (Naima, Giant Steps, Cousin Mary, Countdown et Mr. P.C. ).
Giant Steps est un album unique dans l'histoire du jazz. D'une part parce que Coltrane ne poussera pas plus loin l'expérience, sentant sans doute que le genre trouverait rapidement ses limites. D'autre part parce que, malgré ses défauts, l'album n'en reste pas moins fascinant : Coltrane présente dès lors des qualités de compositeur et d'interprète hors du commun.
Le public parisien siffle Coltrane à l'Olympia alors qu'un journaliste du New York Daily News écrit : « L'avenir sort de son instrument »[2].
Titres
Tous les titres sont composés par John Coltrane
Face 1
- Giant Steps - 4:44
- Cousin Mary - 5:46
- Countdown - 2:22
- Spiral - 5:57
Face 2
Prises alternatives sorties en 1974 (Atlantic)
- Giant Steps – 3:40
- Naima – 4:27
- Cousin Mary – 5:54
- Countdown – 4:33
- Syeeda's Song Flute – 7:02
Musiciens
- 1er avril 1959 (Prises alternatives de Giants Step et de Naima) :
- John Coltrane : Saxophone
- Cedar Walton : Piano
- Paul Chambers : Contrebasse
- Lex Humphries : Batterie
- 4 mai 1959 (Countdown & Spiral) et 5 mai 1959 (Giant Steps, Cousin Mary, Syeeda's Song Flute & Mr. P.C.) :
- Même personnel pour les prise alternatives de Countdown (4 mai 1959), Cousin Mary, et Syeeda's Song Flute (5 mai 1959).
- 2 décembre 1959 (Naima) :
Un pas de géant
« Nous étions voisins, il habitait juste au coin de ma rue. Il est venu et m'a joué ça [une semaine ou deux auparavant]. Je n'avais besoin d'aucune partition. J'ai dit : "Très bien. Pas de soucis avec ça !" Je ne savais pas que j'aurais à jouer là-dessus et quel tempo il avait en tête ! Non pas que ce soit injouable, mais il fallait être davantage préparé que pour jouer le blues ou je ne sais quoi d'autre »
— Tommy Flanagan à propos de Giant Steps, John Coltrane - Sa vie, sa musique de Lewis Porter
Excellent pianiste, Tommy Flanagan n'a jamais caché qu'il aurait préféré que la session la plus célèbre de sa carrière ne soit pas celle de Giant Steps. En effet, seul Coltrane avait alors véritablement sauté les pas de géant de ce qui allaient devenir ses fameux Coltrane Changes, et il ne semble pas toujours évoluer dans la même galaxie que ses sidemen. La pratique du Thesaurus of Scales and Melodic Patterns de Nicolas Slonimsky a inspiré Coltrane dans sa quête, proposant des grilles d'accords sur lesquels improviser, ce qui, surtout à ce tempo là, peut sembler impossible[3]. Les modulations sont telles qu'elles exigent un niveau de concentration exceptionnel doublé d'une technique irréprochable.
Voici la grille des 8 premières mesures : | Bmaj7 D7 | Gmaj7 B♭7 | E♭maj7 | Am9 D7 | Gmaj7 B♭7 | E♭maj7 F♯7 | Bmaj7 | Fm9 B♭7 |
« Je crains parfois que ce que je fais sonne simplement comme des exercices académiques, et je m'efforce d'obtenir quelque chose de toujours plus séduisant. »
— John Coltrane, notes de pochettes de l'album
Pour autant, et aussi incroyable que cela puisse paraitre, le morceau ne sombre ni dans l'étude, ni dans la virtuosité gratuite. C'est justement le débit hallucinant du discours qui rend la composition fascinante, parce que véritablement habitée... tant que c'est Coltrane qui est aux commandes.
Cousin Mary revient à un style plus académique. Coltrane extrapole les 12 mesures du blues avec une grille d'accords originale, mais dont le feeling reste bluesy. La composition est dédiée à sa cousine, dont il fut très proche lors de ses premières années.
Sur Countdown, Coltrane pousse plus loin encore ce qu'il a amorcé avec Giant Steps. Dans un premier temps seul en duo avec Art Taylor (dont le jeu est sans doute trop figé), Tommy Flanagan ne rentre qu'en cours de morceau, se contentant de placer les accords alors que Paul Chambers ne se lance dans une walking bass qu'en fin de plage.
Flanagan précisera par la suite que Coltrane voulait au départ intégrer une dernière composition intitulée Sweet Sioux, constituant la dernière partie d'une trilogie. Trop complexe, l'enregistrement de celle-ci ne fut pas satisfaisante. Celui-ci disparaitra malheureusement par la suite dans un incendie, restant à jamais inédit[4].
Spiral est une composition originale brillante, dont les climats évoluent selon les passages. La structure présente une alternance entre une descente d'accords chromatique alors que la basse ne bouge pas avec un autre passage en walking plus classique. Ce titre rend justice à Tommy Flanagan dont l'improvisation est ici de premier plan. C'est aussi l'occasion du premier solo de basse de Paul Chambers.
La seconde face s'ouvre sur Syeeda's Song Flute (dont le titre renvoie à la belle-fille de John), une composition dont le balancement rythmique, presque sautillant, sert à merveille un thème presque enfantin. Coltrane se montre là encore brillant compositeur. L'improvisation reprend un peu les choses où le titre précédent les avait laissé. Pourtant plus relâché que sur les première et troisième plages, le jeu de John n'en est pas moins dense, traversé d'une énergie de tous les instants. Tommy Flanagan et Paul Chambers profitent du tempo moins rapide de la composition pour développer leur solo respectif.
De tous les thèmes écrits pour Giant Steps, Naima est peut-être le plus émouvant de tous. Cette composition, qui porte le prénom de la première femme de John, est sans nul doute l'une de ses plus célèbres. Et l'une de ses plus belles. Il continuera de jouer ce thème même lorsque Alice intègrera le groupe (Live At The Village Vanguard Again!). Coltrane, qui retrouve sur ce titre ses collègues du groupe de Miles Davis, ne tombe jamais dans le sentimentalisme dans son interprétation. Naima fera l'objet de nombreuses reprises dans les années à venir : Archie Shepp reprendra la composition sur Four for Trane (1964), Pharoah Sanders sur Crescent With Love puis sur New York Unit, McCoy Tyner sur Plays John Coltrane, David Murray sur Octet Plays Trane (où figure une version de Giant Steps) ou David Liebman sur Joy.
L'album se termine avec Mr. P.C., un blues en mineur au tempo très rapide dédié à Paul Chambers, bassiste que Coltrane tenait en haute estime[5]. Coltrane joue ici des phrases très rapides avec un son sans vibrato dans un style hard bop dont il ne cessera de s'éloigner dans les mois à venir. L'improvisation de Coltrane est un modèle du genre : il débute son solo sur les chapeaux de roue mais réussit néanmoins à ne jamais faire retomber l'intensité. Le solo de Flanagan, dans un contexte harmonique normal, montre que ce dernier savait faire mouche sur un tempo élevé. Avec les années, Mr. P.C. est devenue un standard parmi les musiciens de jazz[6].
En 2003, l'album est classé au 102e rang par Rolling Stone magazine parmi les 500 meilleurs albums de tous les temps[7].
Notes et références
- A Love Supreme: The Creation of John Coltrane's Classic Album d'Ashley Kahn p. 36
- La discothèque idéale Jazz en 250 CD et DVD, FNAC, 2005.
- Voir Chromatic Third Relations de David Demsey
- John Coltrane - Sa vie, sa musique de Lewis Porter
- Dans les notes de pochette de l'album, Coltrane précise que c'est un des meilleurs contrebassistes du jazz
- John Coltrane - Sa vie, sa musique de Lewis Porter p. 177
- (en)The RS 500 Greatest Albums of All Time
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