Fusillade de la rue d'isly

Fusillade de la rue d'isly

Fusillade de la rue d'Isly

La fusillade de la rue d'Isly a eu lieu le 26 mars 1962 devant la grande poste du centre d'Alger (Algérie). Ce jour-là une manifestation de citoyens français ,civils non armés, partisans de l'Algérie française, décidée à forcer les barrages des forces de l'ordre qui fouillaient le quartier de Bab El-Oued (suite au meurtre de six appelés), se heurta à un barrage tenu par l'armée française.

Sommaire

Le contexte

En 1962, le général Salan (chef de l'OAS) avait pour objectif de contrer la mise en œuvre des accords d'Évian signés le 18 mars, en provoquant le soulèvement commun des Français d'Algérie, des unités de l'armée favorables à l'Algérie française et des Harkis. Le 22 mars à Bab El-Oued, des éléments de l'OAS abattent froidement six jeunes appelés du contingent qui refusaient de donner leurs armes.

Le 23 mars, des commandos de l'OAS prennent le contrôle du quartier de Bab El-Oued, qui se trouve isolé du reste d'Alger par les forces de l'ordre et par l'armée qui fait intervenir l'aviation. Pour tenter de rompre l'encerclement des insurgés, l'OAS lança un appel à la grève générale et organisa une manifestation devant se rendre à Bab el Oued en passant devant la Grande Poste, à l'entrée de la rue d'Isly..

Les faits

Le service d'ordre était assuré par l’armée qui avait reçu de Paris la consigne de ne pas céder à l'émeute. Le barrage à l'entrée de la rue d'Isly était tenu par 45 tirailleurs du 4e RT créé en Algérie en 1958 et dissous en 1962 [1]. Les tirailleurs sont des soldats et, équipés comme tels, ne sont pas formés et adaptés aux missions de maintien de l'ordre. Leur précédente affectation était à Berrouaghia près de Médéa. Cette consigne est traduite par le commandement de la Xe région militaire aux soldats dirigeant le barrage de la rue d'Isly par : « Si les manifestants insistent, ouvrez le feu » mais nul n’a voulu confirmer cet ordre par écrit[2].

Malgré une interdiction, les manifestants se rassemblent. Puis ils "forcent" le premier barrage tenu par les tirailleurs en petit nombre. Peu après des coups de feu éclatent et les soldats ripostent. Certains imputent ces coups de feu à des tirailleurs mal contrôlés.[réf. nécessaire]

Selon les militaires, des coups de feu d'origine inconnue seraient à l'origine du déclenchement du tir des militaires, qui mitraillent alors la foule à bout portant. Il est à noter que cette foule comprenait des femmes et de jeunes adolescent(e)s. Yves Courrière[3] montre les positions de tir supposées de membres de l'OAS. Il montre que si les circonstances restent peu claires, il est évident que les soldats n'ont pas tiré à bout portant dans la foule car vu le nombre de munitions tirées, il y aurait eu alors plusieurs centaines de morts.

Cette version des faits est en contradiction avec des témoignages directs. De nombreuses terrasses étaient en effet occupées par des gendarmes mobiles bien visibles et reconnaissables à leurs képis[réf. nécessaire]. On s'époumone « Halte au feu » [4],[5],[6] mais les rafales durent plus d'un quart d'heure.

Selon certaines sources[réf. nécessaire], ces gendarmes mobiles auraient mitraillé la foule à partir des terrasses, notamment à l'angle des rues Charras et Charles Péguy. Selon d'autres sources[réf. nécessaire], le servant du fusil-mitrailleur du 4e R.T.A. aurait longuement « arrosé » les manifestants[7].

Quoi qu'il en soit, le bilan officiel est de 46 morts et 150 blessés, mais beaucoup de blessés meurent à l'hôpital. Aucune liste définitive des victimes n'a jamais été établie. Toutes les victimes étaient des civils. Toutefois en 2003, dans sa contre-enquête Bastien-Thiry : Jusqu'au bout de l'Algérie française, le grand reporter Jean-Pax Méfret avance le nombre de 80 morts et 200 blessés au cours de ce qu'il nomme « le massacre du 26 mars »[8]. L'association des victimes du 26 mars publie une liste de 62 morts, tous des civils ; aucun militaire n'est tué. Il faut attendre le 12 septembre 2008, pour que la télévision française (Fr3), consacre une émission à cette événement[réf. nécessaire].Le massacre de la rue d'Isly,de Christophe Weber.

Les Européens, revenus de leur stupeur, rendent les musulmans responsables de la tuerie. Pour eux, ce sont des provocateurs FLN qui l'ont organisée. La fusillade achevée, ils « font justice » à Belcourt et 10 musulmans sont assassinés sur le champ[9].

Les conséquences

La fusillade de la rue d'Isly marque la fin des espérances européennes dans l'OAS et par ricochet le début de l'exode massif des Européens d'Algérie. Elle constitue, avec l'échec de la prise de Bab el Oued, un échec majeur pour l'OAS. Selon des partisans de l'Algérie française ou certaines associations de Pieds-Noirs, ce drame aurait été minimisé, voire oublié par la France.[réf. nécessaire]

Pas plus que pour le massacre du 17 octobre 1961 ou pour l'affaire du métro Charonne, il n'y a eu à ce jour de commission d'enquête officielle créée pour éclaircir les faits et les responsabilités dans cette fusillade.

Deux historiennes se sont livrées à une enquête complète qu'elles relatent dans leur livre Un crime sans assassin. Elles démontent les témoignages d'un coup de feu venant des immeubles et soulignent que la plupart des journalistes présents désignent les tirailleurs et en particulier le servant du FM comme à l'origine de la fusillade[7]. Elles soulèvent le point majeur « pourquoi des troupes fatiguées et n'ayant jamais été confrontées au maintien de l'ordre en ville ont-elles été placées avec des ordres stricts à cet endroit ? »

Leurs soupçons sont confortés par la déclaration du préfet de police Cros dans son livre Le temps de la violence: « la nouvelle que nous redoutions et espérions à la fois arriva, les tirailleurs avaient ouvert le feu ».

Cette position favorable à la défense des intérêts de l'État semble confirmée par l'essai de Jean Mauriac : L'Après De Gaulle ; Notes Confidentielles, 1969-1989, dans lequel il rapporte page 41 les rancœurs de Christian Fouchet, haut-commissaire de l'Algérie française, le 28 Octobre 1969 : « J'en ai voulu au général de m'avoir limogé au lendemain de mai 1968. C'était une faute politique. Il m'a reproché de ne pas avoir maintenu l'ordre : "Vous n'avez pas osé faire tirer. J'aurais osé s'il l'avait fallu", lui ai-je répondu. "Souvenez-vous de l'Algérie, de la rue d'Isly. Là, j'ai osé et je ne le regrette pas, parce qu'il fallait montrer que l'armée n'était pas complice de la population algéroise." ». Il semble que les familles n'ont jamais eu le droit de récupérer les corps des victimes.

Notes et références

  1. commandé par colonel Goubard
  2. Article de Jean Lacouture, Le Monde du 25 mars 1972.
  3. Yves Courrière, La guerre d'Algérie (tome 4, Les feux du désespoir)
  4. Dans un reportage de la télévision belge maintes fois diffusé par la suite, on entend distinctement des voix hurler à plusieurs reprises en criant « Halte au feu ! Mon lieutenant, de l'énergie ! Je vous en supplie mon lieutenant Halte au feu ! »
  5. Bande son d'un reportage d'époque
  6. Vidéo de la télévision belge
  7. a  et b Confirmé par plusieurs témoignages dans l'émission Les Pieds Noirs, Histoire d'une blessure (2e partie) diffusée sur Arte le 21 juillet 2007 à 9 heures 50
  8. Bastien-Thiry : Jusqu'au bout de l'Algérie française, Jean Jean-Pax Méfret, Pygmalion, 2003
  9. Droz, Histoire de la guerre d'Algérie, p 334

le massacre de la rue d'Isly,documentaire de Christophe Weber,Fr3, 52 mn,2008.

Voir aussi

Guerre d'Algérie

Sources

Sites

Bibliographie non exhaustive

  • 1997 La phase finale de la guerre d'algérie de Jean Monneret, Édition l'Harmattan Histoires et Perspectives Méditerranéennes. (ISBN 2747500438)
  • 1994 Un crime sans assassin de Francine Dessaigne et Marie-Jeanne Rey, Editions Confrerie-Castille. (ISBN 290786212X)
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