Filtre À Spin

Filtre À Spin

Filtre à spin

Un filtre à spin est une technique de la spintronique qui permet de séparer les électrons selon l'orientation de leur spin. Ce domaine de recherche n'est pour l'instant pas exploitable industriellement.

Lorsque les filtres à spin seront au point, ils permettront d'obtenir des électrons polarisés en spin à partir dune source qui nest pas polarisée, ou serviront de détecteurs de spin. Les jonctions Schottky, par exemple, pourront permettre danalyser un flux délectron et de donner en sortie un courant (faible mais détectable) qui sera proportionnel à la fois à la polarisation dentrée des électrons et à lorientation du matériau magnétique.

Sommaire

Principe

Les matériaux ferromagnétiques ont la propriété de s'aimanter très fortement sous l'effet d'un champ magnétique extérieur, et pour certains de garder une aimantation importante même après la disparition du champ extérieur. Cette aimantation est due à lorientation des spins électroniques dans un sens dit majoritaire. Les moments magnétiques étant tous alignés, laimantation est plus forte que si la répartition était aléatoire dans le matériau.

Le libre parcours moyen des électrons λ dépend de cette répartition donc ainsi du spin de lélectron. En effet, si lon considère un électron dont lénergie est supérieure au niveau de Fermi, lorsquil passe dans le matériau il nevoitpas la même chose selon que son spin est up ou down. Sil est down, ilvoitde nombreux niveaux dénergie libres au dessus du niveau de Fermi, il aura donc tendance à sy installer. Lorsquil est up, au contraire, il ne voit pas de niveau libre et il passe doncau dessussans interagir avec les atomes. Il en résulte que le libre parcours moyen nest pas le même. On a alors λ+ et λ-. Lordre de grandeur du libre parcours dans un matériau ferromagnétique est le nanomètre.

Analogie avec un filtre optique

Lélectron comme le photon peuvent être décrits par des ondes. Le photon est une onde électromagnétique et lélectron, une fonction d'onde. Lanalogie entre photons et électrons est plus forte encore dans le cas des polarisations lumineuses circulaires, en effet, ces deux états correspondent à des photons portant un moment cinétique +1 ou −1 le long de la direction de propagation. Tout comme les électrons ont un spin -1/2 ou +1/2 selon la direction particulière lon fait la mesure.

Ainsi si lon désigne un état par la notation ‘+’ et lautre par ‘-’, on peut réaliser une analogie formelle parfaite. Dans la nature, pour les électrons comme pour les photons, les sources ne sont que partiellement polarisées. Un filtre à spin comme un filtre optique doit transmettre les particules qui ont une certaine polarisation. On définit en optique, deux cœfficients pour les filtres, le cœfficient de transmission T et celui de sélectivité S. On définit pour le filtre T+ la transmission dune particule dans létat + et T− celle de la particule dans létat -. Ainsi pour un faisceau de particules incidentes dintensité I = I+ + I−, on définie T et S par T = (1/2).(T+ + T−) et S = (T+ T−)(T+ + T−).

Un filtre en polarisationparfaitest caractérisé par T = 1/2 et S = 1 (ce qui correspond, par exemple, à T+ = 1 et T− = 0). Dans ce cas, pour un faisceau incident non-polarisé, le faisceau transmis est dintensité égale à la moitié de lintensité incidente et de polarisation 100 %. En optique on utilise un dispositif dit polariseur analyseur, le polariseur ne transmet que les photons qui ont la même polarisation que lui et lanalyseur permet de faire varier lintensité lumineuse sortante selon quil est parallèle au polariseur ou au contraire perpendiculaire. Les dispositifs à couche mince magnétique fonctionnent sur le même principe.

Types de filtres

En optique, on peut distinguer deux types de filtre à polarisation : ceux qui séparent les trajectoires des photons de polarisation différente (comme les cristaux biréfringents de type spath dIslande) et ceux qui absorbent préférentiellement un des 2 états de polarisation (cest le cas par exemple des films polymériques contenant des molécules dont labsorption est anisotrope). Cette même distinction existe pour les électrons. Dans les dispositifs dont le fonctionnement est basé sur la séparation des trajectoires des électrons « + » et «  » (comme les polarimètres de Mott), la sélectivité en spin a pour origine le couplage spin-orbite. Au contraire, dans les dispositifs dont le fonctionnement est basé sur labsorption préférentielle dun état de spin (comme les filtres à spin), la sélectivité en spin a pour origine linteraction déchange.

Le détecteur de Mott

Le détecteur de Mott repose uniquement sur linteraction spin orbite, cest une interaction magnétique. Elle est due au couplage du moment magnétique élémentaire de lélectron associé à son spin avec le champ magnétique quil ressent sur sa trajectoire.

Le détecteur de Mott utilise linteraction spin orbite pour discriminer les électrons qui arrivent dans le matériau depuis lextérieur. Les électrons de spin différent suivent un chemin différent dans la matière et ainsi en positionnant les détecteurs dun côté ou de lautre de la couche discriminante, on relève lun ou lautre des spins. Le détecteur de Mott est le filtre le plus utilisé de nos jours mais il a de nombreux défauts. Il est très encombrant, de lordre de deux mètres de haut sur un de large, et surtout il nécessite de travailler à des tensions de lordre de la dizaine de kilovolts.

Le filtre à couches minces magnétiques

Le filtre à couches minces magnétiques fonctionne sur le principe du polariseur analyseur. Il est composé de deux couches minces fabriquées en matériau magnétique. Chaque couche absorbe les électrons dont le spin est contraire à leur spin majoritaire et laisse passer ceux qui sont dans le même sens. La couche fait 23 nm au total, elle est autosupportée sur un diaphragme. Le film métallique est constitué dune couche de cobalt de 1 nm dépaisseur entouré par deux couches protectrices en or de 20 nm coté entrée et 2 nm à la sortie. Le cobalt est magnétisé dans un sens ou dans lautre par des impulsions de champ magnétique. La direction du champ peut être changée à tout moment par une simple impulsion dans la direction souhaitée.

La partie magnétique, ici le cobalt, est de lordre de grandeur du libre parcours moyen des électrons. Ainsi lorsque les électrons traversent la plaque, ils réagissent différemment selon lorientation leur spin par rapport à celui de la couche magnétique. Les électrons avec un spin parallèle se propagent quasiment sans perte alors que ceux qui sont antiparallèles voient leur densité diminuer dun facteur multiple de e.

Lorsque lon met deux couches les unes à la suite des autres séparées par un matériau non magnétique, on démultiplie cet effet, par le principe du polariseur analyseur. Les flèches représentent la polarisation et sont proportionnelles à la densité des électrons.

Filtrage par des barrières tunnel ferromagnétiques

Il est également possible de filtrer les électrons selon leur spin en les injectant à travers une très fine couche d'un isolant ferromagnétique qu'ils doivent traverser par effet tunnel. Comme la probabilité de transmission par effet tunnel dépend exponentiellement de la hauteur de la barrière de potentiel constituée par la couche isolante, et comme dans un isolant ferromagnétique cette barrière de potentiel n'a pas la même hauteur pour les électrons de spin up et de spin down, les électrons d'une des deux directions de spin sont plus favorablement transmis.

Le filtrage de spin par des barrières ferromagnétiques a été démontré pour la première fois par von Molnar et collaborateurs en 1967, mais ce n'est que dans les années 1990 et suite aux travaux de Moodera au Massachusetts Institute of Technology que la physique du filtrage de spin a commencé à être comprise. Les isolants ferromagnétiques employés dans ces premières expériences étaient des chalcogénures d'europium (EuS, EuO, etc). Plus récemment des oxydes ferromagnétiques et ferrimagnétiques possédant des températures de Curie plus élevées ont été employés, ce qui pourrait permettre d'exploiter ce type de filtrage de spin dans des applications pour la spintronique.

La jonction Schottky

Ce type de filtre utilise à la fois la transmission des électrons polarisés dans les ferromagnétiques et à la fois les propriétés des jonctions métal semi-conducteur. Les électrons injectés ont une énergie supérieure au niveau de Fermi, de 5 eV à plusieurs centaines délectron-volts. Il est composé d'arséniure de gallium de 1 µm dépaisseur dopé n, dun oxyde dépaisseur 2 nm, ensuite une couche de fer de 3,5 nm et enfin 5 nm de palladium pour protéger le fer de loxydation. Les électrons qui traversent la couche de fer perdent de lénergie au profit du milieu dont les électrons ont un spin aligné majoritairement dans un sens précis. La couche de fer à la longueur nécessaire pour que seuls les électrons du spin majoritaire puissent franchir la barrière de potentiel instaurée par la couche de semi-conducteur. Les électrons qui nont pas lénergie suffisante évacuent leur énergie permettant la promotion délectrons du métal. Malheureusement ces électrons ne sont pas polarisés en spin. Mais, ils permettent néanmoins daccroître le courant de sortie. Ainsi, si lon utilise la jonction comme une micro source de courant commandé par le spin, cela peut être intéressant.


Bibliographie

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  • N. Rougemaille, Transmission délectrons chauds, polarises de spin, dans les jonctions Schottky métal ferromagnétique / semi-conducteur, thèse de doctorat, École Polytechnique, 2003
  • Filipe, H.-J. Drouhin, G. Lampel, Y. Lassailly, J. Nagle, J. Peretti, V. I. Safarov et A. Schuhl, Spin-Dependent Transmission of Electrons through the Ferromagnetic Metal Base of a Hot-Electron Transistorlike System, Physical Review Letters, Mars 1998
  • C. Cacho, Y. Lassailly, H.-J. Drouhin, G. Lampel, et J. Peretti, Spin Filtering of Free Electrons by Magnetic Multilayers: Towards an Efficient Self-Calibrated Spin Polarimeter, Physical Review Letters, Février 2002
  • M. Viret, Spin up, Spin down, Phase Magazine, Novembre 1998
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