Effet Coandă

Effet Coandă
L'effet Coandă du flux d'air.
Sustentation d'une éprouvette sous un jet d'air.

Leffet Coandă est le résultat de lattraction dun jet de fluide par une paroi convexe voisine. Le fluide en suit la surface et subit une déviation avant de s'en détacher avec une trajectoire différente de celle qu'il avait en amont.

Un exemple bien connu de l'effet Coanda est celui consistant à maintenir une balle de ping pong au-dessous d'un flux d'air continu propulsé hors d'un tube vertical. Le fluide (l'air) rencontre la balle et a tendance à la ramener sous le flux d'air. Dans ce genre d'expérience, le fluide propulsé vers le haut est dévié de sa trajectoire vers le bas en contournant la balle qui est liftée car elle peut tourner (effet Magnus). La même expérience peut être réalisée sans effet Magnus en sustentant un tube à essais qui ne peut tourner et dont le fond arrondi est contourné par un jet dirigé vers le haut et dévié vers le bas.

Ce phénomène a été appliqué pour la première fois par l'aérodynamicien Henri Coandă : dans ces applications un gaz est émis par une fente mince dont une paroi est prolongée par une série de facettes planes de longueur croissante qui divergent progressivement de laxe de la fente : le jet se réattache à la paroi après chaque discontinuité, il est ainsi progressivement dévié, en association avec une diminution de la pression à la paroi.

Selon A. Metral, inventeur de lexpression « Effet Coandă » en 1948 : « Leffet Coandă, cest les facettes » : mais on lobserve aussi dans de nombreux dispositifs dépourvus de facettes.

Sommaire

Historique

On a constaté depuis très longtemps que le fluide suit la surface dun corps convexe voisin et subit une déviation avant de s'en détacher avec une trajectoire différente de celle qu'il avait en amont.

Le phénomène a été signalé à lattention de la communauté scientifique en 1800 ou en 1806 par le physicien britannique Thomas Young[1],[2] dans les termes suivants :

« La pression latérale qui attire la flamme dune bougie vers le flux dair dun tube de soufflage (de verrier) est peut-être exactement la même que la pression qui aide la déviation dun courant dair près dun obstacle. Marquons limpact produit par un mince filet dair à la surface de leau. Mettons un corps convexe en contact avec le bord du filet, et la place de limpact montrera aussitôt que le courant est dévié vers le corps; et si le corps est libre de se mouvoir dans toutes les directions, il sera attiré vers le courant. »

En quelques lignes Young a décrit des expériences qui permettent de produire le phénomène de déviation, de le reproduire et de le mesurer et en a énoncé une condition nécessaire  : lexistence dune pression latérale qui attire.

Henri Bouasse[3], professeur de physique à lUniversité de Toulouse et compilateur de vieux papiers a repris en 1930 les expériences dont le principe avait été esquissé par Young, rappelées dans[4]. Bouasse précise que si un obstacle arrondi dévie vers lui le courant gazeux, le courant gazeux attire le corps arrondi, avec une force égale à la variation de la quantité de mouvement produite par la déviation du jet, en vertu du théorème d'Euler qui est lapplication à un fluide en mouvement de la mécanique de Newton. Il explique aussi que le théorème de Bernoulli ne s'applique à aucun des phénomènes faisant l'objet de ses expériences : le jet crée en son voisinage un vide relatif dans un espace confiné la vitesse est quasi nulle et la pression plus petite que dans le jet, donc l'équation de Bernoulli ne s'y applique pas.

Leffet Coandă est un phénomène de mécanique des fluides dont lexistence signalée depuis plus de deux siècles a été longtemps négligée, et sur lequel est venu se greffer un phénomène de société : un large public, encore amplifié par le web, a pris lhabitude dappelereffet Coandăsans les discerner des phénomènes manifestement distincts, mais très faciles à produire dans un environnement familier : cuisine, salon, jardin, en faisant couler de leau ou en soufflant dans un tuyau, qui ont pour effet de dévier le jet produit.

Conditions de production de leffet Coandă

Effet Coandă entre une petite cuiller et un jet d'eau.

Les principaux phénomènes susceptibles de dévier un jet sont décrits ci-après ainsi que les conditions de cette déviation, mais la déviation dun jet requiert tout dabord lénergie nécessaire à la production du jet.

Un jet de gaz dans latmosphère se propage en ligne droite à la pression ambiante en labsence dobstacle et en raison de sa viscosité il entraîne lair ambiant au repos en formant des tourbillons : lors de cette propagation le débit masse D (kg/s) augmente, la vitesse moyenne V (m/s) diminue ainsi que la puissance DV² (kW), et la quantité de mouvement DV (newtons) est pratiquement constante.

Une déviation peut se produire à la sortie dun jet de gaz de pression totale supérieure à la pression atmosphérique, issu dun orifice et détendu à la pression ambiante, dès lors que le jet peut engendrer une dépression sur une paroi environnante convexe ou plane divergente, qui lattire alors et le dévie.

La plupart des applications envisagées, notamment dans le domaine de laéronautique, impliquent un nombre de Reynolds plutôt élevé, rapport entre les forces dinertie prépondérantes dans le jet et les forces de viscosité développées le long des surfaces environnantes dans la zone dépressionnaire engendrée: lécoulement est turbulent, et peu modifié quand le nombre de Reynolds varie.

En présence dune paroi convexe voisine, le jet subit une déviation appelée effet Coandă, qui peut être obtenue de deux manières :

  • en approchant du bord du jet un corps présentant une paroi convexe ou une paroi plane formant un angle avec le jet ou une suite de parois planes divergentes ou une paroi arrondie : le jet est dévié, mais il se propage à nouveau en ligne droite quand on écarte le corps convexe ; P. Poisson Quinton, aérodynamicien de lONERA, a proposé le verbe coander pour désigner cette action exercée sur un jet.
  • en munissant lorifice du jet dune prolongation convexe ou encore en fixant un corps convexe près de son pourtour : le jet est alors toujours dévié.


Une telle déviation peut survenir dans des conditions locales variées :

1.1 Si lespace entourant lorifice du jet est partiellement fermé par une paroi plane prolongeant lorifice en formant un angle avec le jet, ou par une suite de facettes, le jet dabord séparé se réattache plus loin sur la paroi, en emprisonnant une zone tourbillonnaire un vide partiel causé par lentraînement visqueux[5] maintient une pression inférieure à la pression atmosphérique, suivie dune surpression au point de réattachement. Si langle est inférieur à 25 degrés, la bulle emprisonnée est de dimension négligeable. Si langle est supérieur à 65 degrés, le jet ne se réattache pas et nest pascoandé” ,il se sépare parce que sa courbure serait trop grande pour être maintenue par le vide partiel. Le phénomène est analogue à celui du décrochage d'une aile d'avion quand l'incidence augmente. Si langle augmente ou diminue entre 30 et 60 degrés, le jet se réattache ou non avec un phénomène dhystérésis.


1.2. Si lorifice du jet est prolongé par une paroi courbe continue [6], le jet suivant cette paroi sans se décoller est coandé quand le rapport r/h entre le rayon de courbure et la largeur du jet est égal à 3 ou plus : cette condition est le pendant de la limitation de langle de déviation possible dans lexemple précédent 1.1. On peut appliquer le théorème de Bernoulli à lécoulement entre la couche limite qui demeure attachée le long de la paroi et une zone de mélange avec latmosphère; à la rigueur on peut en faire autant dans le cas lorifice est prolongé par une suite de parois planes progressivement divergentes formant des angles inférieurs à 25 degrés, en dehors de la zone de décollement négligeable suivie dun recollement assimilée à une couche limite.

Le théorème de Bernoulli traduit alors une diminution longitudinale de pression en une augmentation de vitesse dans un même filet fluide: une dépression sinstalle à la paroi et une différence de pression transversale avec la pression atmosphérique ambiante a lieu , qui nest pas due à un vide partiel causé par un entraînement visqueux. La couche limite est astreinte à remonter jusqu'à l'angle elle décolle une différence de pression longitudinale égale à cette différence de pression transversale. Nous avons affaire à un effet Coandă bernoullique. Encore faut-il que le théorème soit applicable à un écoulement conservatif de même pression totale partout.


1.3. Si un objet convexe est approché du bord du jet, comme dans lexpérience esquissée il y a deux siècles par Young et reproduite par Bouasse, sa paroi ne prolonge pas celle de lorifice du jet, lespace environnant est confiné mais non fermé : le jet est coandé à condition que le rayon de courbure du jet à la paroi égale au moins 3 fois la largeur du jet . Cette déviation est due au départ au vide partiel (effet venturi) causé par entrainement visqueux de lair dans lespace confiné.

Que se passerait-il en labsence (théorique) de viscosité ? On a avancé largument quune solution mathématique sans viscosité de jet dévié existe dans le cas 1.2. ci-dessus dun orifice prolongé par une paroi courbe continue, avec application du théorème de Bernoulli, mais nexisterait pas sil y a un vide entre la paroi et lorifice du jet, cas 1.3.. Or une telle solution existe : elle a été démontrée par L.C. Woods[7] et représente bien lécoulement entre la couche limite et la zone de mélange en fonction de r/h,rapport entre le rayon de courbure du jet et sa largeur, paramètre fondamental pour la description de leffet Coanda.

1.4 Dans tous les cas le rapport critique r/h auquel le jet se sépare augmente fortement dans les applications les nombre de Reynolds Re = Vh/viscosité cinématique est petit: jusquà r/h =7 si Re = 500, r/h=8 si Re=300, et r/h = 20 si Re=100, [8]

Le rapport critique r/h augmente aussi quand la température de la paroi augmente: si Re = 300, r/h critique augmente de 8 à 12 quand la paroi est chauffée de 20 °C.


2. Des expériences de déviation de jet deau par une paroi convexe sont souvent rapportées et la déviation est qualifiée à tort deffet Coanda: ni Coandă, ni Metral , ni Bouasse, ni Young nont fait état dexpériences avec de leau, seulement avec de lair, bien qu'ils aient sans doute remarqué eux aussi que le jet d'eau du robinet suivait la paroi convexe des ustensiles de cuisine et que le liquide coulant d'un récipient dont le bec verseur est trop gros dégouline le long de ce bec. Ce phénomène a été étudié en grand détail par C. Duez et al, qui l'appellent: "effet théière"[9].

En labsence dobstacle, une masse deau qui débouche dans lair, quelle que soit sa vitesse initiale, nest soumise quà son propre poids et décrit la même trajectoire que le ferait une masse solide, cest-à-dire une parabole de tir.

Par ailleurs la tension superficielle de leau empêche son mélange avec lair ambiant, et crée une attraction du jet deau par la surface de lobstacle sur laquelle il vient sétaler si elle est mouillable . Une pression inférieure à la pression atmosphérique sinstalle alors à la paroi de lobstacle dans des conditions très différentes de celles décrites dans le cas dun gaz. Si la paroi est convexe, une force dattraction mutuelle entre lobstacle et le jet deau dévié se produit , perpendiculaire à la paroi, équilibrée selon C. Duez par une force d'adhésion capillaire qui forme un ménisque de raccordement reliant la surface mouillée au jet d'eau. Ce ménisque présente une courbure vers le jet, en sens inverse de celle trouvée par L.C. Woods dans son calcul de l'effet Coanda pour un fluide sans viscosité et sans tension.

La déviation dun jet de liquide par une paroi convexe, "effet théière", est donc produite par des phénomènes radicalement différents de ceux qui produisent la déviation dun jet de gaz.

Notes et références

  1. Young T., “Outlines of Experiments and Inquiries respecting sound and lightin Proceedings Royal Society of London 16 Jan 1800 ou 1806
  2. Pritchard J.L. , “The Dawn of Aerodynamicsin Journal of the Royal Aeronautical Society, March 1957
  3. Bouasse H. , Tourbillons tome II (Delagrave PARIS, 1931) pp. 341-347
  4. Kadosch M., “The curved wall effectin 2nd Cranfield Fluidics Conference, CAMBRIDGE 3 Jan 1967
  5. Bourque C. and Newman B.G., Reattachment of a two-dimensional, incompressible jet to an adjacent Flat Plate in The Aeronautical Quarterly, vol XI, aout 1960; pp 201 et seq; extrait de la thèse:Déviation dun jet turbulent incompressible par un volet incliné - Effet CoandaUniversité de Laval 1959
  6. Kadosch M., “Déviation dun jet par adhérence à une paroi convexein Journal de Physique et Le Radium, avril 1958, p 9A, ou http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/21/26/99/PDF/ajp-jphysap_1958_19_S4_A1_0.pdf
  7. Woods L.C., “The theory of Subsonic Plane Flow”, Cambridge University press 1961, pp 250 et 435
  8. Vit T. , Marsik F., “Experimental and theoretical study of heated coanda jet”, fluid.ippt.gov.pl/ictam04/text/sessions/.../FM2_12062.pdf, 2004
  9. C. Duez et al, "Wetting controls separation of inertial flows from solid surfaces", Physical Review Letters, vol.104, 084503, 2010

Liens externes


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