Damascios

Damascios

Damascios le Diadoque (né à Damas vers l'an 458, mort après 538 en Égypte, est un philosophe néoplatonicien, disciple de Marinos de Néapolis, maître de Simplicios de Cilicie. Son nom le dit : de Damas. Il fut le dernier diadoque (διάδοχος[1], successeur [de Platon]) ou scolarque (recteur) de l'Académie d'Athènes, fondée par Platon en 387 av. J.-C., ou de l'école néoplatonicienne d'Athènes, fondée par Plutarque d'Athènes vers 400, illustrée par Proclos en 438. Il eut pour disciple Olympiodore le Jeune. L'école d'Athènes fut fermée sur ordre de Justinien Ier en 529. En latin (Athènes fut intégrée à l'Empire romain en 86 av. J.-C.) : Damascius.

Sommaire

Biographie

Nous ne savons presque rien de la vie de Damascios. Suidas nous dit : « Damascios, philosophe stoïcien, était originaire de Syrie, très intimement lié, ὁμιλητής, avec Simplicios et Eulamios, originaires de Phrygie ; il vivait au temps de Justinien (527-565). » Photius est plus précis sur le premier point : « Il est né, nous dit-il, à Damas. » Il étudia la rhétorique à Alexandrie, les mathématiques à Athènes alors que Marinos succédait à Proclos à l'école d'Athènes, il étudia la philosophie avec Zénodote, autre successeur de Proclos. Il retourna à Alexandrie, suivre les cours d'Ammonios, fils d'Hermias, célèbre commentateur ; et il apprit la dialectique auprès d'Isidore de Gaza, néoplatonicien aussi. Élu diadoque (successeur) ou scolarque (recteur) de l'école néoplatonicienne d'Athènes vers 520, succédant à Hégias qui avait laissé tomber la philosophie à un degré d'abaissement qu'on n'avait jamais vu, il est dépouillé de cette fonction par le décret de Justinien en 529, et, quelques années après, arrive le grand événement de sa vie. Frappés dans leurs croyances, dans leur profession, dans leurs moyens d'existence, — car, en fermant l'École d'Athènes à l'enseignement, on en avait confisqué les biens et les revenus, — les maîtres (Damascios, Simplicios de Cilicie, Priscien de Lydie, Eulamios de Phrygie, Hermias de Phénicie, Diogène de Phénicie, Isidore de Gaza), pour échapper aux humiliations et aux haines ardentes qui les poursuivaient, allèrent, et Damascios avec eux, demander un asile à la cour du roi des Perses Khosrô Ier Anushiravan] ; ce prince obtint son retour dans sa patrie en 533.

Agathias : "Damascius le Syrien, Simplicius le Cilicien, Eulamius le Phrygien, Priscianus le Lydien, Hermias et Diogène tous deux de Phénicie, Isidore de Gaza, tous ceux-là donc, la fleur la plus noble, pour parler en poète, des philosophes de notre temps, n’étant pas satisfaits de l’opinion dominante chez les Romains concernant le divin, pensèrent que le régime politique des Perses était bien meilleur." (Agathias, Histoires, Guerres et malheurs du temps sous Justinien [560], trad., Les Belles Lettres.)

Soit qu'ils n'aient pas trouvé en Perse l'accueil qu'ils avaient espéré, soit plutôt que le regret de la patrie l'ait emporté sur toute autre considération, leur séjour n'y dura que deux années. Mais ces deux ou trois années ne furent pas perdues pour la science. Le roi de Perse profita de leur présence pour faire traduire, soit en pehlvi, soit en syriaque, on l'ignore, — car ces versions sont perdues, — tous les ouvrages de Platon et d'Aristote, même les plus difficiles et les plus transcendants. On peut être certain que Damascios ne resta pas étranger à cette grande entreprise, qui entraînait nécessairement le rapprochement et la collaboration des savants orientaux et des savants grecs. C'est ainsi que Damascios put prendre une connaissance directe des théologies Orientales, particulièrement de celle des Mages ou de Zoroastre. Les renseignements très nombreux qu'il nous donne à cet égard, dans son livre des Principes, puisés aux meilleures sources, sont donc non seulement des plus intéressants mais des plus autorisés. A partir de son retour de Perse, on n'entend plus parler de lui. (tiré de l'Introduction de A.-Ed. Chaignet à la traductions des Premiers principes..., 1898).

Philosophie

L'œuvre de Damascios[2] part de la critique de Proclos en direction du dépassement de l'Un vers un Ineffable sans rapport avec ce qui peut être connu. Pour Damascios, l'absolu est par définition sans relations. L'Un, parce qu'il est relatif aux êtres dont il est le principe, n'est donc pas absolu. La notion de principe absolu est donc en elle-même contradictoire. Damascios, dit Pierre Hadot, "refusait de nommer Un le premier dieu. Au-dessus de l'Un, il voulait remonter à l'Indicible. C'est la thèse antiproclienne [contre Proclos] qu'il expose tout au long de son traité Sur les principes. Par là, Damascios se présente comme le fondateur des théologies de la connaissance non objective de Dieu."

Au-delà de la critique de la notion de principe et de l'apophatisme qui en résulte, ce sont les contradictions dans lesquelles le langage est voué à s'enfoncer lorsqu'il tente de cerner et de déterminer par le discours un absolu pré-discursif et au fondement même de tout discours, qui retient le plus l'attention des chercheurs actuels. Cette démarche constitue le fondement théorique de l'apophatisme que le Pseudo-Denys l'Aréopagite développera à sa suite.

Bibliographie

Sources

Répertoires de sources philosophiques antiques :

Œuvres principales

Damascios est quasi inconnu jusqu'au XIXe siècle où paraissent les premières éditions imprimées de ses œuvres :

  • Vie d'Isidore (495), fragments in Photius, Bibliothèque, Codex 242. Trad. : La vie d'Isidore ou Histoire de la philosophie, traduit par Anthelme-Édouard Chaignet, in Commentaire sur le Parménide. Proclus le Philosophe. Suivi d'une traduction de La Vie d'Isidore ou Histoire de la philosophie de Damascius, Paris : E. Leroux. 3 vol. : 1900-1903, x-340, 407, xv-374 p. Réimpr. : Francfort-sur-le-Main : Minerva Journals, 1962, 2007, t. III, p. 241-371. Sur Isidore de Gaza.
  • Une Histoire des principaux éclectiques, dont Photius a conservé des fragments : Photius, Bibliothèque, trad., Les Belles Lettres.
  • Questions et solutions sur les premiers Principes (Damascii quaestiones de primis principiis), dont la Ve partie a été publiée par Joseph Kopp, Francfort, 1826 (le grec seul). Il s'agit d'un commentaire du Parménide de Platon, dont les questions constitueraient le prologue. Trad. Chaignet, 1898, rééd. 1964, 3 t. Trad. L. G. Westerink et J. Combès : Traité des premiers principes, Paris, Les Belles Lettres, coll. des Universités de France, 1986-1991, 3 t. : t. I : De l'ineffable et de l'Un, CLV-308 p., 1986 ; t. II : De la triade et de l'unifié, LXXVII-506 p., 1989 ; t. III : De la procession et de l'unifié, LXXIV-447 p., 1991. Trad. M.-C. Galpérine, Des premiers principes, apories et résolutions, Paris, Verdier, 1987. Trad. Chaignet 1898 [1]
  • Commentaire du 'Parménide' de Platon, trad. L. G. Westerink et A. Ph. Segonds, Les Belles Lettres, coll. des Universités de France, 1997-2004, 4 t.
  • Commentaire sur le 'Philèbe' de Platon, attribué jadis à son élève Olympiodore le Jeune, actif vers 550. Damascius. Lectures on the Philebus, wrongly attributed to Olympiodorus, édi. et trad. an. L. G. Westerink, North-Holland Publishing Company, Amsterdam, 1959, 2° éd. 1982. Trad. G. van Riel, Les Belles Lettres, CCCXXXII-212 p., 2008.
  • Commentaire sur le 'Phédon' de Platon. Édi. et trad. an. par L. G. Westerink : The Greek Commentaries on Plato's Phaedo, vol. II : Damascius, North-Holland Publ. Co., Amsterdam, 1977. "Probablement le résumé d'un commentaire perdu de Proclos, avec un grand nombre de notes ajoutées par Damascios", selon Westernink.

Études

Bibliographie

Texte

  • Asmus, Johann Rudolf, "Zur Rekonstruktion von Damascius' Leben des Isidorus", Byzantinische Zeitschrift, XVIII , 1909, pp. 424-480 et XIX, 1910, pp. 265-284
  • Westerink, Leendert Gerritt, "Le texte du Traité des premier principes", dans Damascius, Traité des premiers principes, t. I : De l'ineffable et de l'un, Paris, Les Belles Lettres, "Collection des Universités de France", 1986 (réimpr. 2002)

Voir aussi la bibliographie donnée dans l'article sur la Collection philosophique, à laquelle appartient le seul témoin des œuvres principales de Damascius, le Marcianus graecus 246.

Biographie

  • Trabattoni, Franco, "Per una biografia di Damascio", Revista critica di Storia della Filosofia, Firenze, 40, 1985, pp. 179-201 (remplace l'article de Kroll pour l'encyclopédie Pauly-Wissowa)
  • Hoffmann, Philippe, "Damascius", dans Goulet, Richard (s. dir.), Dictionnaire des philosophes antiques, vol. 2 : De Babélyca d'Argos à Dyscolius, Paris, C.N.R.S. Éditions, 1994, pp. 541-593
  • Athanassiadi, Polymnia, La Lutte pour l'orthodoxie dans le néoplatonisme tardif de Numénius à Damascius, Paris, Les Belles Lettres, « L'Âne d'or », 2006

Philosophie

  • Ruelle, Charles-Émile, Le philosophe Damascius, Paris, Didier, 1861 (extrêmement vieilli)
  • Bréhier, Émile, « L'idée de néant et le problème de l'origine radicale dans le néoplatonisme grec », Revue de métaphysique et de morale, Paris, Armand Colin, 1919, XXVI, pp. 413-475, repris dans Études de philosophie antique, Paris, Presses Universitaires de France, « Publications de la Faculté des Lettres de Paris » I, 1955, pp. 248-283
  • Galpérine, Marie-Claire, « Damascius et la théologie négative », dans Le Néoplatonisme. Actes du colloque international de Royaumont, 9 – 13 juin 1969, éd. C. J. de Vogel, H. Dörrie et E. zum Brunn, Paris, Éditions du C.N.R.S, « Colloques internationaux du Centre national de la recherche scientifique. Sciences humaines », 1971, pp. 261-263
  • Westerink, L. G., "Damascius, commentateur de Platon", in Pierre-Maxime Schuhl et Pierre Hadot (dir.), Le néoplatonisme, Éditions du CNRS, 1971, p. 253-260
  • Trouillard, Jean, "La notion de Dunamis chez Damascius", Revue des Études grecques, LXXXV, 1972, pp. 353-363
  • Steel, Carlos, The Changing Self. A study on the soul in later neoplatonism : Iamblichus, Damascius and Priscianus, Brussels, AWLSK, "Verhandelingen van de Koninklijke academie voor wetenschappen, letteren en schone kunsten van België. Klasse der letteren" 85, 1978
  • Galpérine, Marie-Claire, "Le temps intégral selon Damascius", Les Études Philosophiques, 3, 1980, pp. 325-341
  • Breton, Stanislas, « Principe et totalité », Futur Antérieur, 1, printemps 1990 (disponible à l'adresse : http://multitudes.samizdat.net/Principe-et-totalite)
  • Galpérine, Marie-Claire, "Damascius entre Porphyre et Jamblique", Philosophie, Paris, Le Seuil, 26, 1990, pp. 41-58
  • Combès, Joseph, Études néoplatoniciennes, Grenoble, Millon, "Krisis", 1996 (recueil d'articles dont la plupart sont consacrés à Damascius)
  • Hoffmann, Philippe, « L'expression de l'indicible dans le néoplatonisme grec de Plotin à Damascius », dans Dire l’évidence : philosophie et rhétorique antiques, éd. C. Lévy et L. Pernot, Paris, l'Harmattan, « Cahiers de philosophie de l'Université de Paris XII-Val de Marne » 2, 1997, pp. 335-390
  • Van Riel, Gerd, Pleasure and the Good Life. Plato, Aristotle and the Neoplatonists, Leiden, Brill, "Philosophia Antiqua" 85, 2000
  • Vlad, Marilena, « De principiis : de l'aporétique de l'Un à l'aporétique de l'Ineffable », Χώρα. Revue d'études anciennes et médiévales, Bucarest, Polirom, 2004, 2, pp. 125-148
  • Tresson, Carolle et Metry, Alain, « Damakios' New Conception of Metaphysics », dans History of Platonism : Plato Redivivus, J. Finamore and R. Berchman eds., New Orleans, University Press of the South, 2006, pp. 215-236
  • Napoli, Valerio, Ἐπέκεινα τοῦ ἑνός. Il principio totalmente ineffabile tra dialettica ed esegesi in Damascio, Catania/Palermo, CUECM/Officina di studi Medievali, « Symbolon. Studi e testi di filosofia antica e medievale » 33, 2008 (très importante bibliographie)
  • Mazilu, Daniel, L'ineffable chez Damascius, Éditions Universitaires Européennes, Sarrebruck, 2011

Notes et références

  1. Sur le sens exact de ce terme, qui indique une filiation spirituelle et non purement institutionnelle, voir par exemple Marie-Odile Goulet-Cazé, "L'école de Plotin", dans Porphyre, La Vie de Plotin, t. I : Travaux préliminaires et index grec complet, par Luc Brisson et al., Paris, Vrin, "Histoire des doctrines de l'Antiquité classique" 6, 1982, pp. 252-253.
  2. Pour des données biographiques actualisées sur Damascios et ses rapports avec Proclos, voir l'ouvrage de J. Combès, donnée dans la bibliographie de cette notice.

Source

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