Conchyliologie

Conchyliologie

La conchyliologie est la branche de l'histoire naturelle consacrée à l'étude des mollusques à coquille.

Le préfixe du mot est dérivé du latin concha (qui signifie coquillage mais aussi récipient en forme de coquillage) lui-même dérivé du grec konkhê (désignant toutes sortes d'objets ayant une analogie de forme). L'on retrouve la même origine dans le mot conque.

Sommaire

Histoire

Voyages et récoltes

Les premiers voyageurs qui prirent la mer pour chercher des coquillages étaient les phéniciens. Ils aimaient s'aventurer jusqu'aux îles britanniques et firent le tour de l'Afrique à la recherche de nouveaux bancs de Murex producteurs de pourpre. D'autres grands voyages ont eu pour but les perles et les Porcelaines-monnaies. Au XVIIe siècle et au début du XVIIIe, avant la dixième édition du Systema Naturae de Linné, qui, en 1758, marque le départ de la nomenclature binominale, les principales collections de coquil­lages appartenaient à des souverains et à de hauts personnages de la noblesse. Il ne s'était agi pendant longtemps que de rassemblements hétéroclites de curiosités naturelles, du monde animal et végé­tal, dans des cabinets d'histoire naturelle comme celui de John Tradescant, au service vers 1625 du duc de Buckingham. Ces premières collections ne comprennent pas encore de coquillages des mers du Sud. A la suite du voyage de Magellan, qui, le premier, traversa le Pacifique (novembre 1520 à mars 1521 ), les navigateurs cherchèrent à rallier les Moluques et les Philippines soit par le détroit de Magellan, soit à partir du Mexique. Or, ces expédi­tions maritimes, outre qu'elles n'ont à l'époque aucun objectif scientifique mais uniquement des fins commerciales, ont sillonné le Pacifique-Nord sans pénétrer les mers du Sud. Il faut attendre le voyage de Mendana pour que la première île de Polynésie orientale soit découverte le 21 juillet 1595 lorsqu'il aborde à Magdelena (Fatu Hiva) aux Marquises. Au tout début du XVIIe siècle, c'est à Queiros et à Schouten que revient le mérite de découvrir les premiers atolls de l'archipel des Tuamotu, en parti­culier Anaa en 1606 d'où un célèbre récolteur du nom de Hugh Cuming allait ramener deux siècles plus tard des milliers de coquillages. Mais les der­niers atolls de cet archipel ne sont découverts qu'en 1826 par Beechey, comme Fangataufa et Vanavana. Tahiti, et les autres îles du Vent, ne sont découvertes qu'en 1767 par Wallis qui pré­cède Cook de deux ans et à qui revient la décou­verte des îles Sous-le-Vent. C'est avec Bougainville que débutent dans le Pacifique les explorations scientifiques; il séjourne à Tahiti en 1768. Les îles Gambier ne sont aper­çues pour la première fois par des Européens qu'en 1797 par Wilson, les Australes enfin sont découvertes entre 1769 et 1811. La première grande expédition scientifique au Nouveau Monde fut financée et organisée en 1799 par le grand naturaliste allemand Alexander Von Humboldt. Avec le botaniste Aimé Bonpland, il passa cinq années fructueuses à parcourir les régions inexplorées du nord de l'Amérique du Sud. En 1826, une autre expédition, conduite par Alcide d'Orbigny dans le sud de l'Amérique du Sud, pour le compte du Muséum de Paris, donna lieu à la publication d'un ouvrage considérable sur les Mollusques. C’est donc dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, conjointement au développement des sciences en Europe, et motivés par le désir d'élargir les connais­sances, que les voyages de Bougainville et de Cook furent sans aucun doute les premières expéditions pouvant être qualifiées de scientifiques. C'est à partir de cette époque que les premiers naturalistes embarquent sur les bateaux et que les équipages rapportent en Europe des coquillages répondant: à une curiosité qui ne fait qu'augmenter à chaque retour d'expédition. Lorsqu'il n'y a pas de naturaliste à bord, ce sont les médecins chirurgiens de la marine qui réalisent un magnifique travail, et plusieurs d'entre eux devinrent d'éminents spécialistes.

Bougainville et Cook

En avril 1768, moins d'un an après la découverte de Tahiti, Bougainville arrive dans cette Nouvelle Cythère avec la « Boudeuse » et « l’Etoile ». Le médecin botaniste Commerson fait partie de cette expédition. Il procède à des récoltes et à observations mais il ne terminera pas le vaya et après avoir travaillé à Madagascar et dans les Mascareignes, il succombera en mars 1773 ; l'île de France (La Réunion). La majorité de récoltes mises en caisses furent ramenées ; France après sa mort par Jossigny. Les documents manquent pour retrouver trace de ces caisses dont on peut penser qu'elles furent confiées au Jardin du Roi (Muséum de Paris) ou dispersées. Le laboratoire de phanérogamie du Museum de Paris possède quelques herbiers de Commerson mais le département des Mollusques n'a aucune trace d’éventuelles récoltes conchyliologiques du voyage de Bougainville et aucun travail scientifique n’a été publié à ce sujet. Dans le journal de Bougainville, une des rares références à des coquillages est relative à une espèce récoltée à Port-Praslin et dont Commerson lui indiquera qu'il s'agit de diconcha cordiformis.

Cook visite Tahiti pour la première fois en 1769, avec, pour mission principale, de permettre à des savants l'observation du passage de Vénus devant le disque du soleil. Il a à son bord deux per­sonnages qui nous intéressent: l'Anglais J. Banks et le Suédois D.C. Solander. Le premier va rame­ner en Europe une collection de coquillages; il tient un journal mais les seules références ayant trait aux Mollusques concernent surtout des espè­ces du large. Le second naturaliste, disciple de Linné, ne tient malheureusement pas de journal. On peut regretter que ces premières récoltes conchyliologiques n'aient guère été étudiées conve­nablement malgré un pressant appel de Linné en 1771 dès le retour de « l’Endeavour ». Le premier travail publié sur les coquillages du voyage de Cook le sera en 1774 par J.E.I. Walch à partir d'échantillons vendus par Banks et Solander. La collection Banks reviendra finalement au British Museum mais de nombreux doubles furent vendus, notamment à la duchesse de Portland dont la collection permit la constitution d'un catalogue par Lightfoot en 1786. Ce catalogue était destiné à favoriser la vente des coquillages qui furent dis­persés aux enchères Mais il présentait un intérêt scientifique certain. C'est dans celui-ci que se trouve par exemple Mitra incompta, fort joli mitri­dae de Tahiti, ou encore Oliva incrassata.

Au cours des deuxième et troisième voyages de Cook, d'importantes collections de coquillages sont récoltées dans les îles de la Société et aux Tuamotu, en 1773 et en 1777, et ramenées en Europe. Le plus souvent, officiers et membres de l'équipage entreprenaient de vendre les échantillons dès leur retour d'expédition. C'est ainsi qu'un important marchand de curiosités naturelles de Londres, G. Humphrey, acquit une bonne partie des spéci­mens collectés au cours des deux derniers voyages de Cook. On trouve trace, dans d'anciens catalo­gues, de transactions relatives à des coquillages de Tahiti « Lot 150 Six fine leopard cowries (Cypraea tigris L.) Otaheite », qui fut vendu en 1781 par un officier du « Discovery ». Mais l'action la plus bénéfique pour la malacologie fut sans conteste l'acquisition par un dénommé Thomas Martyn des deux tiers des spécimens rame­nés par la « Révolution » et « l'Adventure » (2e voyage, 1772-1775), car c'est à partir de ceux-ci que fut édité en 1784-1787 le fameux « The Universal Conchologist » illustré de magnifiques planches en couleur. On trouve dans cet ouvrage plusieurs figurations de coquillages récoltés par Cook lors de son 2ème voyage et en particulier aux îles des Amis (Friendly islands), qui sont les Tonga, où il relâcha en septembre-octobre 1773. La porce­laine aurore, Cypraeaaurantium se trouve dans ce lot, mais la paternité de cette espèce n'appartient pas à Martyn, bien queson dessin soit remarqua­ble, car cet auteur n'a pas employé la nomencla­ture binominale ; c'est à Gmelin que doit se ratta­cher cette espèce car celui-ci la mentionne en 1791 dans la treizième édition du « Systema Natura ». Dans l'ouvrage de Martyn, Cypraea carnea ramenée de Tahiti par Cook est également figurée, mais cette espèce était connue d'autres localités et déjà répertoriée par Linné en 1758. En 1780, était paru un très important ouvrage conchyliologique : « La Conchyliologie » par Fa­vanne et Favanne. Il s'agissait de la 3e édition du livre de d'Argenville (ci-dessus); les deux premières éditions dataient de 1742 et de 1757 mais la 3e contenait de nombreuses coquilles des mers du Sud obser­vées dans les cabinets d'histoire naturelle de Paris, de province et de l’étranger . C'est da ns cet ouvrage de 1780 que l'on trouve pour la première fois des informations sur les coquillages de Tahiti. Enfin, la remarquable série du « Conchylien Cabinet » de Martini et Chemnitz, à partir du volume V publié en 1783 et jusqu’au volume VI, publié en 1795, révèle au monde une partie des trésors rapportés par les expéditions de cook.


On constate donc que tous ces coquillages ont été rapidement et largement dispersés mais que quelques travaux importants ont été publiés ; ceux-ci précèdent les grandes monographies conchyliologiques qui vont être publiées au cours du XIXe siècle. Nous avons déjà indiqué qu’une partie de la collection Banks était au British Museum de Londres. D’autres espèces du voyage de Cook sont au museum de zoologie de Cambridge où elles ont été retrouvées en 1960 (collection Seymer), ou encore à l’université de Glasgow (collection Fothergill, devenue Hunter…). Mais parmi toutes les espèces récoltées au cours des trois voyages de Cook, quelles sont celles recueillies en Polynésie française ? Récemment, Dance ( 1971) a établi la liste des espèces provenant du Pacifique central (Tuamotu, Société, Tonga, Cook et Fidji) ; on en compte 42, dont deux seulement étaient inconnues en Europe avant les voyages de Cook. La plupart des espèces étaient communes à toute la province indo-pacifique et 40 d'entre elles avaient déjà été récoltées dans l'océan Indien notamment. Cependant, pour certaines régions particulières du point de vue biogéographique, surtout la Nouvelle-Zélande, découverte lors de ces voyages, les 32 espèces récoltées étaient toutes nouvelles pour la science à l'exception d'une seule. Pour le Pacifique central, les deux espèces nouvelles étaient Cypraea aurantium, Gmelin et Latirus iris, Lightfoot; seule la première existe en Polynésie française et Cook l'a ramenée de « l’île des Amis » (Tonga). Il convient donc de remarquer et de souligner que pour la Polynésie française, les voyages de Cook ramenèrent en Europe les premiers spécimens mais en fait, aucune espèce jusqu'alors inconnue.

LaPérouse

Lapérouse aux récoltes de Dumont d’Urville

Parti de France en 1785, on sait que La Pérouse visite l’île de Pâques en avril 1786 mais décide de ne pas aller sur Tahiti, comme il l'avait prévu en traçant sa route vers les Îles Hawaii, Son expédition, la plus importante qui ait été montée jusqu'alors du point de vue scientifique, n'a pas visité les archipels de Polynésie française et a trouvé une fin tragique en 1788 dans l’île de Vanikoro. Toutes les collections y furent perdues mais, par le journal relatant la première partie du voyage et qui avait été transmis en France, La Pérouse a grandement contribué à la connaissance cartographique et géographique du Pacifique. Les naturalistes n'eurent guère plus de chance avec l'expédition suivante commandée par d’ Entrecastaux dont les frégates, « la Recherche » et « l'Espérance », parties sur les traces de La Pérouse, furent bloquées en 1793 dans l’île de Java en raison de la Révolution française; cette expédition n'était pas, elle non plus, venue près des îles de la Société. Il en est de même du « Géographe » et du « Naturaliste », commandés par Baudin et qui, au tout début du XIXe siècle, firent considérablement progresser notre connaissance de l'Australie et de l'océan Indien dans le domaine des sciences naturelles ; plus de cent mille échantillons furent ramenés en France, ensemble qui constitue une des acquisitions historiques les plus importantes du Muséum de Paris, Il faut attendre 1823 pour qu'arrive dans les îles de la Société « La Coquille », commandée par Duperrey. Les naturalistes Lesson et Carnot sont à bord, et les résultats scientifiques de cette expédition de circumnavigation donnent lieu à la publica­tion de onze volumes dont quatre de planches. Tahiti et Bora-Bora sont visitées. Lesson publie en 1832 « l'Histoire naturelle des Mollusques, Annélides et Vers recueillis au cours du voyage ». Dans cet ouvrage sont citées et décrites plusieurs espèces des îles de la Société, particulièrement des Mollusques terrestres et fluviatiles, dont quelques-unes sont nouvelles pour la science comme Neritina tahitensis (Lesson, 1832), que l'auteur décrit sous le nom de Nerita O-taitensis. Il semble que la totalité de la collection Lesson ait été déposée au Muséum national d'histoire naturelle de Paris où elle s'y trouve encore, intégrée à la collection généraie. Mais laissons la parole au commandant Duperrey à propos des coquillages de Tahiti (extrait du « Voyage autour du monde exécuté par ordre du roi sur la corvette de sa majesté, « La Coquille », pendant les années 1822-1823-1824 et 1825 », Paris, 1825-1830) : « La plupart des Mollusques mentionnés, se trouvent à peu près vivre indifféremment sous toute la zone équatoriale, aussi bien dans I’Atlantique que dans le Pacifique. De toutes les coquilles, la plus commune est sans contredit le poréo, ou la porcelaine grise (Cypraea tigris), Mais on peut encore s'y procurer un grand nombre d'autres espèces: la porcelaine géographique; le poupoutaratara (chicorée rameuse) ; le ptérocère scorpion; le pououpouou (casque), le triton trompette; coquille qui mérite d'autant mieux son nom qu'elle sert chez tous les insulaires de la mer du Sud de signal pour courir aux armes ou cérémonies religieuses; les volutes, les mitres, les harpes, le poupou (vis tigre) ; les rouleaux, les cônes, les rhombes, nommés roupouari, les cylindres, les trochus, les tonnes, le cadran, le bronte cuiller, etc… voilà pour les univalves. Parmi les testacés bivalves, l’aronde aux perles (mytilus margaritiferus) que les habitants nomment tirana; cette coquille n'est pas très commune sur les côtes d'Otaiti, mais elle forme des bancs épais au milieu des îles basses de l’archipel Dangereux. Le tridacne, nommé paoua, est communément en chassé dans les récifs de coraux. En plus, quelques moules, la pinna marino, plusieurs vénéricardes et corbules. » Dumont d'Urville était second à bord de « la Coquille » lorsqu'il visita Tahiti en 1823, Il devint commandant de ce même bateau, rebaptisé « l'Astrolabe », dans son voyage autour du monde de 1826 à 1829 mais ne visita pas les archipels de Polynésie française. En revanche, au cours de son second voyage (1837-1840) et toujours au commandement de « l'Astrolabe », accompagné de « la Zelée », il relâche en 1838 aux Gambier, à Nuku Hiva aux Marquises, aux Tuamotu et aux Îles de la Société. Quelque 600 lots de Mollusques ont été ramenés de cette expédition, et donnés au Muséum de Paris (ci-contre planche réalisée par Quoy et Gaimard au retour de l’expédition de l’Astrolabe). Les deux naturalistes de l'expédition qui se consacrèrent aux récoltes conchyliologiques, Hombron et Jacquinot publièrent et figurèrent en 1854 plusieurs espèces nouvelles (Nassa quoyi Hombron et Jacquinot fut décrite de Mangareva). Le voyage de « la Vénus » (1836-1839) commandée par Abel du Petit-Thouars a récolté des échantillons faunistiques dans les trois océans au cours de son périple autour du monde, « La Vénus » relâche à Tahiti en 1838 - une convention fut signée entre la reine Pomare IV et le capitaine de vaisseau du Petit-Thouars - après être passée par les Marquises. Des récoltes de mollusques furent confiées au Muséum d'histoire naturelle de Paris au retour de l'expédition en 1839, mais très peu provenaient de Polynésie française. Ces matériaux devaient être étudiés en 1846 par Valenciennes (voyage autour du monde sur la frégate « la Vénus » pendant les années 1836-1839. Atlas de zoologie, Mollusques) qui publia de remarquables planches avec noms des espèces mais jamais les descriptions ne furent données. Ces espèces sont cependant considérées comme valables et les échantillons types se trouvent encore dans les collections du Muséum de Paris. Par ailleurs, certaines espèces avaient été étudiées dès leur entrée au Muséum telles que Drupa iodostoma des Marquises qui fut décrite par Lesson en 1840. A notre connaissance, « l'Artémise », commandée par Laplace, qui mouilla à Tahiti un an après « la Vénus » ne ramena aucune collection de Mollusques. En revanche, l'expédition du Sulphur relâcha en Polynésie française au cours du premier semestre 1840 et les récoltes donnèrent lieu à la description de plusieurs espèces nouvelles, des Marquises notamment. C'est ainsi que Hinds décrivit, en 1843 et 1844, entre autres espèces: Cyrtulus serotinus, Conus marchionatus, Terebra nitida, Nassa candens et Pecten coruscans ; les deux premières sont d'ailleurs des espèces endémiques des Marquises. D'autres expéditions sont également passées par des archipels de Polynésie française et non des moindres du point de vue scientifique si l'on songe à celles qui amenèrent les géographes et géologues à s'illustrer dans leurs théories sur les récifs coralliens. Commandé par Fitz Roy, « le Beagle » (1831-1836) amena le jeune Darwin, qui mit à profit ses observations sur la faune et la flore de nombreux systèmes insulaires, dont les Galapagos, pour concevoir sa théorie sur l'origine et l'évolution des espèces, guidée par la sélection naturelle. L’United States Exploring expédition de Wilkes (1840-1841 ), visita plusieurs atolls et îles hautes de Polynésie française avec, à son bord, le géologue Dana. La fameuse expédition anglaise du « Challenger » (1873-1876) qui ramena plus de 10000 espèces nouvelles du domaine océanique et des données d'une portée considérable sur le fond des océans et sa faune, relâcha également à Tahiti. Les expéditions américaines de « l’Albatros » dirigées par Agassiz passèrent aussi par la Polynésie en 1891 et en 1904-1905; les récoltes malacologiques effectuées aux Gambier furent publiées par Dall (1908).

Pendant cette période, les Anglais patronnè­rent plusieurs petites expéditions comme le voyage du Blossom commandé par le captain F.W. Beechey de 1825 à 1828, celui du Sulphur avec le captain Edward Belcher entre 1836 et 1842 et celui du Samarang de 1843 à 1846. Ce dernier voyage permit de rapporter un extra­ordinaire trésor de coquillages qui fut décrit par le chirurgien du bord, Arthur Adams. Enfin, en 1837, les Américains frétèrent leur United States Exploring Expedition vers le Pacifique. Cette expédition, dont le commandant n'était pas un expert en biologie, connut de piètres résultats, et le peu de Mollusques qu'elle rapporta ne fut répertorié que dix ans plus tard dans le rapport publié par A. A. Gould. L'avènement des navires à vapeur et le recours à des câbles d'acier pour draguer les fonds permirent l'exploration des eaux plus profondes. 1860 vit le début des voyages financés par divers gouvernements. Les navires britan­niques Lightning et Porcupine draguèrent des fonds de 1 200 à 3 600 m. Sir Wyville Thomson, à bord du Challenger, dirigea l’une des plus grandes expéditions océanographiques: de 1872 à 1876, il parcourut 69000 miles, recueillant le nombre stupéfiant de 1 900 espèces, dont certaines venaient de fonds de plus de 5 000 m. D'autres voyages d'exploration des grands fonds suivirent, effectués par le navire américain Blake (1877-1880), le steamer de l'U.S. Fish Commission Albatross (1887-1906), le navire allemand Valdiva (1898-1899), Princesse Alice du prince Albert de Monaco, le Francais et le Pourquoi-Pas? du commandant Charcot (de 1903 à 1936); enfin, plus récemment, le Danois Galathea (1950-1952) et le Soviétique Vitjaz (1960). Il est impossible de citer tous les voyages de moindre importance entrepris par des amateurs enthousiastes non subventionnés. Il y eut Hugh Cummings et son Discoverer en Polynésie (1827-1830), sir Joseph Verco avec l'Adonis et le vapeur Mermaid dans le sud de l'Australie (1890-1914); John B. Henderson qui fit avec son yacht Eolis sept croisières au large de la Floride, de 1910 à 1915; Alfred J. Ostheimer III avec le Gloria Maris qui, entre 1955 et 1962, doubla la collection de l’Academy of Natural Sciences de Philadelphie; Mrs Mariel King avec son canot à moteur Pele qui, dans les années 1960, a attiré l'attention sur la variété des Mollusques de la faune des îles Hawaï et de l’ouest de l'Australie.

Collectioneurs

Les annales de la malacologie font mention de centaines de collections remarquables ; mais quatre ou cinq collectionneurs se signalent par leur réussite au-delà de tout éloge. Pendant l'Antiquité et le Moyen Age, il y eut certaine­ment de nombreux collectionneurs dont les ensembles sont depuis longtemps dispersés ou détruits, notamment les consuls romains Laelius et Scipion au IIe siècle av. J.-C. Beaucoup de familles royales rassemblèrent des collections de coquillages qui devinrent la base de celles des musées nationaux. Parmi les collectionneurs royaux, citons Louis XIII, roi de France ; Pierre le Grand et l'impératrice Catherine II en Russie; Christian VI de Danemark; Cosme III, grand-duc de Toscane ; l'impératrice Marie-­Thérèse d'Autriche ; la reine Luisa Ulrica de Suède et, de nos jours, l'empereur du Japon Hiro-hito, dont les connaissances approfondies en matière de biologie marine stimulent l'intérêt du collectionneur. Le premier de ces grands collectionneurs fut George Eberhard Rumpf, plus connu sous son nom latinisé de Rumphius tel qu'il figure sur la page de garde de son ouvrage classique, Am­boinsche Rariteitkamer. Né en 1627 en Hollande, Rumphius fut envoyé à Amboine, aux Indes, comme représentant de la Compagnie des Indes hollandaises. Il y rassembla une documentation considérable sur les Mollusques de la région indo-pacifique et en tira le premier ouvrage important sur l’histoire naturelle de cette région. C'est lui qui donna aux coquillages communs du Pacifique le nom qu'ils portent encore aujourd'hui, Cassis cornuta par exemple, et il fut le premier à signaler des cas mortels de blessures faites par des Cônes. Malgré la cécité qui le frappa dans son âge mûr, Rumphius continua son oeuvre pendant de nombreuses années. En 1687, il perdit son premier ensemble de dessins à la main dans l'incendie d'Amboine où devait périr également sa femme. Un de ses manuscrits fut perdu en mer et, quand le second arriva en Hollande, Rumphius était mort depuis trois ans. On lui a donné le surnom de « Pline des Indes », et son ouvrage est fréquemment cité par les générations suivantes de malacologues. Si Rumphius constituait ses collections sur le terrain, la deuxième duchesse de Portland, était, quant à elle, une collectionneuse de salon. Née en Angleterre en 1714, Margaret Cavendish Bentinck était une lady séduisante et fortunée qui avait la passion des coquillages. Les person­nalités les plus en vue fréquentaient l'une ou l'autre de ses résidences: le roi Georges III, Jean-Jacques Rousseau, le capitaine James Cook, sir Joseph Banks qui vendait des coquil­lages et l'artiste Thomas Martyn qui en dessi­nait. Elle eut recours à Daniel Solander, malaco­logue compétent, élève de Linné, pour gérer sa collection qui augmentait dans des proportions considérables, et pour en dresser le catalogue. Solander mourut avant de publier ses travaux et trois ans plus tard la duchesse mourait à son tour, non sans avoir dilapidé sa fortune, notam­ment en coquillages et objets d'art. En 1786 eut lieu une vente publique de 4 000 lots de coquil­lages qui dura un mois et rapporta plus de 11.000 livres (près de 500 000 F). La plupart des pièces rares furent acquises par le comte de Calonne, ministre des Finances de Louis XVI. Personne au monde n'a jamais constitué une collection particulière aussi abondante, personne n'a découvert autant d'espèces nouvelles que Hugh Cumming (1791-1865).





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