Abraham Serfaty

Abraham Serfaty
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Abraham Serfaty
Naissance 16 janvier 1926
Casablanca, Maroc
Décès 18 novembre 2010 (à 84 ans)
Marrakech, Maroc
Nationalité Drapeau : Maroc Marocaine
Profession ingénieur, politicien, écrivain
Formation École des mines de Paris

Abraham Serfaty né le 16 janvier 1926 à Casablanca et mort le 18 novembre 2010 à Marrakech, est un indépendantiste et militant politique marocain. Opposant au régime du roi Hassan II, il passe plus de 17 ans en prison et témoigne de ce qu'il y a vécu.

Sommaire

Biographie

Juif marocain et antisioniste, il aura été après Nelson Mandela, l'opposant politique africain le plus longtemps banni de son pays. Il milite dans la clandestinité, est embastillé durant 17 ans puis exilé de force hors du royaume huit années durant, avant d’être réhabilité à la fin des années 1990 peu après l’intronisation de Mohammed VI.

La détermination de cet homme à la stature imposante et aux convictions inébranlables, malgré les années de cachot, de torture et de bannissement, n’a jamais été entamée. Il est la mémoire vivante des « années de plomb », et l’un des témoins de cette période, certainement la plus répressive qu’a connue le royaume chérifien.

Issu d’une vieille famille juive tangéroise dont les ancêtres ont été chassés d’Andalousie au XVe siècle par la Reconquista espagnole, Abraham Serfaty n’est qu’un jeune militant marxiste-léniniste sous le Protectorat français lorsqu’il est pourchassé et placé en résidence surveillée par les autorités coloniales. A 18 ans, il s’envole pour la France où il rejoint alors les rangs du PCF pendant ses années d’études, puis ceux du Parti communiste marocain (PCM) à son retour à Casablanca, sa ville natale.

Ingénieur des mines de formation, il participe ensuite à la mise en place des institutions du nouvel État marocain indépendant. Mais au début des années 1970, il rompt brutalement avec le PCM qu’il juge trop conciliant avec la monarchie et s’engage à l’extrême gauche en fondant aux côtés notamment du poète Abdellatif Laâbi le groupuscule révolutionnaire Ilal Amam ! (En avant !).

Considéré alors comme un dangereux nihiliste, il est arrêté et torturé une première fois en 1972 pour s’être solidarisé avec les gueules noires des mines de phosphate de Khouribga, avant d’entrer en clandestinité pour échapper aux prisons mouroirs de la police secrète de Hassan II. Il est de nouveau incarcéré en 1974, pour ne sortir libre de prison que dix-sept années plus tard. On découvrit alors que Christine Daure, une coopérante française et professeur dans un lycée de Casablanca, l’a caché, et qu’elle est devenue son égérie et sa compagne de lutte. En janvier 1977, à la veille du procès des frontistes d’Ila Amam ! qui se solde par trente siècles de prison, dont des condamnations à perpétuité pour Serfaty et quatre de ses coaccusés, Christine est expulsée du Maroc. Ils ne se retrouvent que douze ans plus tard, lorsque Danielle Mitterrand arrache de Hassan II, à l’aune d’une visite officielle en 1986, leur droit au mariage dans la prison centrale de Kenitra où Abraham est détenu.

Hassan II, alors au faîte de son pouvoir jupitérien, ne pardonnera jamais non plus à Abraham Serfaty son soutien aux irrédentistes du Front Polisario, alors engagés militairement avec le soutien d’Alger contre le Maroc pour l’indépendance du Sahara Occidental.

Quand, en septembre 1991, il est enfin extrait de sa cellule, au lieu de lui rendre sa liberté, les autorités le conduisent à l’aéroport de Rabat-Salé, d’où il est expulsé par avion pour Paris, affublé de la nationalité… brésilienne. Un prétexte que les sbires du roi avaient déterré du passé. En 1952, après des émeutes à Casablanca, le résident général français au Maroc avait trouvé cette raison absurde pour l’éloigner une première fois du pays craignant qu’il puisse comploter avec les nationalistes panarabes : son grand-père, négociant d’hévéa en Amazonie, avait pris la nationalité brésilienne, une double nationalité, dont se prévalait également le père par convenance à l’époque coloniale…

Il lui faut attendre la mort de Hassan II et l’arrivée sur le trône d’un jeune monarque décidé à ravaler la devanture d’un nouveau Maroc que l’on disait si prometteur pour les libertés, pour qu’il soit enfin rétabli dans sa nationalité et autorisé à revenir au Maroc après huit ans d’exil. Les tractations seront houleuses. Un autre juif marocain, mais homme du sérail celui-là, est à la manœuvre : par deux fois, André Azoulay, le conseiller de Hassan II, devenu celui de Mohammed VI, va à Paris pour préciser les conditions du retour. Une lettre est rédigée, remaniée à la virgule près. L’arbitraire du père est réparé par son fils dans le dialogue.

Le retour est triomphal. Mais l’homme, usé par le combat d’une vie et par la maladie, se révèle trop optimiste aux yeux de ses anciens camarades de lutte restés au pays. Il veut croire que la monarchie marocaine s’est rachetée, tant il est persuadé que la nouvelle ère est annonciatrice de délivrance, de démocratie et de renouveau. Assez pour qu’il préjuge qu’un bon prince a remplacé un despote. Il lui semble, comme d’autres refuzniks d’hier, que Mohammed VI est disposé d’en finir avec les pratiques féodales, faites de répression, de rancunes durables et de terribles vengeances envers ses opposants, toujours justifiées par l’impérieuse consolidation du trône et de l’unité du royaume. Croyant, comme il se plait à le dire au soir de sa vie que « les forces du progrès allaient être enfin libérées », il a accepté de reprendre du service dans son ministère, mais las, il doit se retirer avec Christine à Marrakech, loin du tumulte d’un nouveau Maroc dont il s’est résolu à se déconnecter.

Abraham Serfaty meurt le 18 novembre 2010, à Marrakech, des suites d'une maladie.

Hommage

L'UJFP salue sa mémoire sous le titre « Nous sommes tous les enfants d'Abraham », évoquant « ce militant marxiste révolutionnaire [...] qui a payé pour ce combat un prix bien trop élevé dans les terribles prisons marocaines. Anticolonialiste, il a soutenu toutes les luttes pour l'autodétermination : celle du Sahara comme celle de la Palestine. » et mettant en avant son appartenance à cette « identité millénaire juive arabe, détruite par la colonisation passée et le post-colonialisme contemporain »[1].

Bibliographie

  • (avec Mikhaël Elbaz) L'Insoumis, Juifs, Marocains et rebelles, Desclée de Brouwer, 2001, ISBN 978-2-220-04724-9
  • Le Maroc du noir au gris, Syllepse, 1998, ISBN 978-2-907993-89-0
  • La Mémoire de l'autre, Stock, 1993, ISBN 978-9954-419-00-7
  • Dans les Prisons du Roi - Écrits de Kénitra sur le Maroc, Éditions Messidor, Paris, 1992, ISBN 978-2-209-06640-7
  • Écrits de prison sur la Palestine, Éditions Arcantère, 1992, ISBN 978-2-86829-059-5. Éditions Rahma, Alger,1992.
  • Lutte anti-sioniste et Révolution Arabe (Essai sur le judaïsme marocain et le sionisme), Éditions Quatre-Vents, 1977, ISBN

Notes et références

  1. Communiqué de l'UJFP ; ujfp.org

Sources


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Abraham Serfaty de Wikipédia en français (auteurs)

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