Christiania (Danemark)

Christiania (Danemark)
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55°40′24″N 12°35′59″E / 55.67333, 12.59972

Drapeau de Christiania

Christiania (Fristaden Christiania) est un quartier de Copenhague au Danemark, autoproclamé « ville libre de Christiania », fonctionnant comme une communauté intentionnelle autogérée, fondée en septembre 1971 sur le terrain de la caserne de Bådmandsstræde par un groupe de squatters, de chômeurs et de hippies [1]. Le quartier est une rare expérience historique libertaire toujours en activité en Europe du Nord.

Christiania a créé son propre drapeau, comportant trois points jaunes sur fond orange ou inversement, représentant les points des trois « i » de Christiania. Il aurait été créé par Viktor Essmann, créateur du nom de la communauté choisit en référence à « Christianshavn » (le port de Christian IV)[2].

En 2003, la cité comptait près de 1000 habitants sur 34 hectares, elle possédait sa propre monnaie et toutes sortes d'activités culturelles et sportives, ainsi qu'un vaste espace agricole.

Le quartier a été l'objet de multiples controverses. La vente du cannabis y est toujours pratiquée à l'air libre. Son statut légal est également la cause de conflits et de négociations[3].

L'entrée du quartier

Sommaire

Histoire

Naissance de Christiania

La ville libre vue de l'église Notre-Sauveur

Après que les clôtures entourant l'ancien quartier militaire de Bådsmandsstræde ont été détruites par des résidents, le projet fut initié en 1971 par le journaliste provo Jacob Ludvigsen par le biais d'un article dans son journal underground Hovedbladet annonçant l'ouverture de la « ville libre ». La charte, que Ludvigsen rédigea conjointement avec d'autres participants, déclarait :

« L'objectif de Christiania est de créer une société autogérée dans laquelle chaque individu se sent responsable du bien-être de la communauté entière. Notre société doit être économiquement autonome et nous ne devons jamais dévier de notre conviction que la misère physique et psychologique peuvent être évitées »

Une histoire mouvementée

L'histoire de Christiania est agitée. Les résidents y étaient connus pour leur intérêt pour les pratiques orientales, le yoga, et toutes substances capables de produire des états modifiés de conscience. Au cours de la « JunkBlokaden » de 1979, des représentants de Christiania ont expulsé les vendeurs et usagers de drogues dures, l'héroïne principalement, qui menaçaient sa survie (dix morts par overdose étaient survenues l'année précédente). Un long conflit larvé a opposé les « pushers », vendeurs de haschich, et les « activistes », militants plus politiques, au sujet de la vente de haschich et d'alcool. Ce conflit a plusieurs fois mené Christiania au bord de la rupture.

La vente libre de cannabis représentait un marché de 26,8 millions d'euros par an selon la police. Le 4 janvier 2005, les stands de vente de cannabis sont finalement détruits par leur propriétaire (sans pour autant arrêter le commerce qui continue encore aujourd'hui mais de personne à personne) pour persuader le gouvernement de laisser la ville libre continuer d'exister. Avant la destruction, le musée national du Danemark a pu prendre un des plus beaux stands qui est désormais en exposition dans ce musée.

Des projets officiels de suppression ou de transformation de Christiania ont été nombreux, mais la plupart sans effet, au moins jusqu'au milieu des années 1990. L'avocat communiste et résistant Carl Madsen eut droit à la reconnaissance des résidents pour ses plaidoiries devant les tribunaux et le Parlement.

Après avoir été toléré comme « expérimentation sociale »[4] et suite à un mouvement général de normalisation et d'uniformisation du pays, le Premier ministre libéral-conservateur Anders Fogh Rasmussen décide de s'attaquer au « cas » Christiana, accusée de favoriser le trafic de drogues. 1er janvier 2006, la ville a perdu son statut spécial de communauté alternative. Le 19 mai 2007, 35 ans après la naissance de Christiania : une première maison est détruite[5]. La démolition entraîna une vive protestation qui dégénéra en conflit avec la police conduisant à l'arrestation de 59 personnes[6], laquelle avait déjà eu fort à faire lors des émeutes, deux mois avant, suite à la démolition d'Ungdomshuset.

La commune libre de Christiania et le gouvernement danois ont conclu, le 21 juin 2011, un accord qui permet aux habitants du plus célèbre quartier alternatif d’Europe d’en racheter à l’État la plus grande partie[7].

Vie politique

Les 9 lois de Christiania

Christiania est en grande partie influencée par la pensée anarchiste [8] même si aujourd'hui très peu de ses habitants s'en réclament. Il est ponctuellement arrivé que des Christianites soient élus au conseil municipal, voire au Parlement (Tine Schmedes, une député christianite y donna le sein à son bébé, créant un scandale[9]). L'autorité y est exercée par le « Fællesmøde » (assemblée générale). Le pouvoir réel y est exercé, non sans difficulté, par les assemblées de quartiers, les « Områdemøder », l'assemblée des entreprises (lucratives ou non), « Virksomhedsmøde », et l'assemblée des finances, « Økonomimøde » qui gère les ressources de Christiania (versements de la commune au titre de l'aide sociale, « loyer de Christiania » versé par une large part des habitants, contributions volontaires des collectifs à but lucratif). Dans ces assemblées, les décisions ne sont jamais prises au vote, mais par consensus. Les Christianites considèrent qu'est Christianite celui ou celle qui dort à Christiania, mais ce point a fait l'objet de débats houleux[réf. nécessaire]. Il a existé entre neuf et dix quartiers à Christiania.

À Christiania les voitures, les armes, les gilets pare-balles et les drogues dures sont interdits[10]. Après les deux premiers étés où les Christianites se sentirent débordés par un raz-de-marée de campeurs, le camping n'y est plus possible. Les vendeurs de haschich de Pusher Street, la zone où ils vendent à l'air libre, interdisent qu'on les photographie.

Christiania est en conflit perpétuel avec les autorités pour maintenir sa propre existence. Celle-ci est largement due au fait que détruire Christiania signifierait, pour les autorités, trouver un relogement pour un millier de personnes. En outre, plusieurs centaines de Christianites bénéficient d'aide sociale, qui a été fixée à un niveau particulièrement bas pour les résidents de Christiania ; si ceux-ci étaient relogés, le coût des prestations qui leur sont versées augmenterait considérablement[réf. nécessaire].

Économie

Les relations économiques ordinaires ont cours à l'intérieur de Christiania, qui n'a jamais réussi à devenir matériellement indépendante du monde extérieur. Plusieurs collectifs d'habitation pratiquent un partage modéré de certaines ressources matérielles, et de nombreux collectifs d'activité travaillent sans but lucratif, voire sans rémunération.

Plus d'une cinquantaine de collectifs divers exercent des activités industrielles, artisanales, commerciales, culturelles, sanitaires, théâtrales, etc. Christiania possède son jardin d'enfants, sa boulangerie, son sauna, son unité d'éboueurs/recycleurs, ses bulldozers, sa fabrique de vélos, son imprimerie, sa radio libre, un atelier de restauration de poêles anciens, un autre de restauration de voitures anciennes, son propre cinéma (« Byens Lys », « Les Lumières de la Ville ») et une foule de bars, restaurants et lieux de spectacles. Les égouts de Christiania ont été rénovés et agrandis par les Christianites eux-mêmes.

Démographie

Lors de sa création, Christiania bénéficie de la crise aiguë du logement régnant alors à Copenhague, ainsi en quelques années la population dépassa plusieurs centaines de personnes pour se stabiliser l'hiver aux alentours du millier.

Au moins une cinquantaine d'enfants sont nés à Christiania et y ont été élevés. Curieusement, au moins jusqu'en 2006, la proportion approximative d'un tiers de femmes pour deux tiers d'hommes n'a jamais changé. La plus forte proportion d'étrangers est bien sûr composée de Scandinaves ; il faut noter la présence de quelques dizaines d'Inuits, qui s'explique par le fait que le Groenland est un territoire danois. Quoique la population ait eu un caractère marqué d'instabilité, la moyenne d'âge est à présent élevée, apportant la preuve de la persistance d'un noyau dur de résidents de très longue durée.

Culture

La contribution de Christiania à la vie culturelle de Copenhague est hors de toute proportion avec le nombre des Christianites ; les Danois de plus de 40 ans se souviennent de l'armée des Pères Noël créée par le théâtre de rue « Solvognen » (Chariot du soleil) qui, le jour de Noël 1973, envahit le célèbre « Magasin du Nord » et se mit à distribuer gratuitement des livres aux clients présents. Les affiches de Christiania ont été préservées dans le livre Plakater compilé par Fabbrikken, l'un des collectifs d'habitation de Christiania. Un grand nombre d'entre elles sont dues à Silketrykkeriet, l'atelier d'imprimerie sur soie implanté dans le bâtiment de Fabbrikken. Un livre de photographies sur Christiania, intitulé Christiania, a été publié par Mark Edwards aux éditions « Information ». La télévision danoise possède des centaines d'heures de documentaires et d'émissions sur la communauté, et la presse danoise a publié des milliers d'articles sur ce lieu unique. Une collection complète de ces articles y est conservée. En revanche, la Bibliothèque royale de Copenhague conserve très peu de documents sur Christiania.

L'architecture de Christiania est célèbre, depuis la création de « Pyramiden », une pyramide faite de matériaux de construction par Helge, à Bananhuset (la Maison-Banane), construite par des apprentis charpentiers allemands, en passant par des dômes géodésiques et toutes sortes de constructions aussi hétéroclites que poétiques, et des intérieurs d'une grande poésie, en particulier le bar « Månefiskeren » (Pêcheur de Lune). Une maison faite d'un bateau coupé en deux s'est retrouvée au musée d'art moderne de Louisiania.

Notes et références

  1. Carlo Borzaga, Jacques Defourny, The emergence of social enterprise, Routledge, 2001 [présentation en ligne] 
  2. Naissance de Christiania sur zonedombres.org. Consulté le 10 décembre 2010
  3. Herbert Girardet, The Gaia atlas of cities: new directions for sustainable urban living Par Herbert Girardet, Gaia Books, 1992 [présentation en ligne], p. 124 -125 
  4. Lone Mouritsen,Caroline Osborne, The Rough Guide to Copenhagen, Penguin Group, 2008 [présentation en ligne], p. 58 
  5. Christiania: démolition d’une utopie à Copenhague
  6. Copenhagen Post, « Copenhagen squatter colony Christiania erupted int » sur cphpost.dk. Consulté le 11 décembre 2010
  7. Christiania enfin libre
  8. Siva Vaidhyanathan, The Anarchist in the Library, Basic Books, 2004 [présentation en ligne], p. 9 
  9. Conflict in Copenhagen: urban reconfigurations, disciplining the unruly, Christa Simone Amouroux, Stanford University, 2007 « 1974: Tine Schmedes, resident of Christiania is elected to a local council causing a 'scandal' by breastfeeding her child at a citizens' meeting. She is expelled for unacceptable behavior »
  10. Freetown Christiania sur copenhagen.com. Consulté le 10 décembre 2010

Voir aussi

Bibliographie

Il existe en français deux livres sur Christiania :

  • Christiania, de Catpoh, aux éditions Parallèles, depuis longtemps épuisé ;
  • Récits de Christiania, de Jean-Manuel Traimond, disponible à l’ACL, Atelier de création libertaire, Lyon. Cet ouvrage comporte une bibliographie très complète, jusque vers 1994. La bibliographie la plus complète est disponible sur le site de Christiania.

Lien externe

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