Cao Zhi

Cao Zhi
Dans ce nom asiatique, le nom de famille, Cao, précède le prénom.

Cao Zhi (曹植) (192232), qui avait pour prénom de lettré Zijian (子建), était un poète chinois de lépoque des Trois Royaumes. Il est avec son père, le seigneur de guerre Cao Cao, et son frère aîné, lempereur Cao Pi, la figure de proue du style poétique antique dit Jian. Il était passé maître dans les poèmes pentasyllabiques (5 caractères par vers) et fut considéré comme le plus grand poète de son époque. Son œuvre la plus connue aujourd'hui est sans doute le fu d'amour intitulé La Déesse de la rivière Luo (洛神賦), qui fut repris de Song Yu.

Malgré des grandes ambitions politiques, Cao Zhi na pu rivaliser avec Cao Pi dans la lutte pour la succession, et a été écarté du pouvoir. Le personnage de Cao Zhi a été immortalisé dans le roman Histoire des Trois Royaumes et sa rivalité avec son frère a souvent constitué la trame dopéras et de pièces de théâtre. Il est connu au Japon sous le nom de Sōshoku Shiken, ou Sōchi Shiken, et en Corée sous le celui de Josig Jageon.

Sommaire

Biographie[1]

Cao Zhi était le quatrième fils de Cao Cao, un puissant seigneur de guerre de lépoque qui avait conquis le Nord de la Chine (le Wei) pendant le déclin de la dynastie Han. Grâce à ses prodigieux talents littéraires, Cao Zhi était le préféré de son père. Il était en effet très précoce et avant lâge adulte connaissait par cœur de nombreux traités et poèmes, représentant au total plusieurs centaines de milliers de lignes. Cao Cao emmène un jour ses fils au pavillon du Moineau de bronze nouvellement construit et leur demande décrire une ode. Cao Zhi rédige sur le champ un poème qui stupéfie son père et lassistance (selon la légende ce poème incitera Zhou Yu à déclarer la guerre à Cao Cao).

Cao Cao fonde en lui de grands espoirs et le nomme seigneur de Pingyuan en 212, puis seigneur de Linzhi en 215. En 218, il augmente la taille de son fief à 10 000 foyers et lui laisse la garde de la ville de Ye tandis quil part guerroyer contre Sun Quan. Cette décision laisse à tous limpression que Cao Cao va faire de lui son héritier.

Malheureusement Cao Zhi mène une vie assez tumultueuse, sadonne volontiers à la boisson et ses frasques excitent plus dune fois la colère de son père. Un jour par exemple, complètement saoul il fait dévaler son chariot à travers la ville avant de sortir par la porte Sima, laquelle est exclusivement réservée aux militaires. Cao Cao, qui était plutôt du genre à montrer lexemple à ses troupes par sa conduite, entre dans une colère noire et fait exécuter le conducteur et surveiller étroitement son fils. Puis peu après, Yang Xiu, un des amis intimes de Cao Zhi est également exécuté, achevant sa disgrâce.

En revanche, son frère aîné, Cao Pi, qui avait beau ne pas avoir ses capacités intellectuelles, se montre plus rusé, sait graisser les bonnes pattes et mener une vie sans excès. Il sait se trouver rapidement de solides appuis politiques et sarranger pour quon parle de lui en bien à son père. Finalement ce fut Cao Pi qui fut nommé héritier.

Pourtant, Cao Cao navait pas encore perdu tout espoir de racheter Cao Zhi. Il le nomme en 219 « général qui défait les adversaires » et lenvoie à la rescousse de Cao Ren, alors encerclé par les troupes de Guan Yu. Malheureusement Cao Zhi est tellement saoul quil ne peut suivre aucun ordre, et Cao Cao est contraint de le rappeler à lui.

Cette même année, Cao Cao meurt et Cao Pi prend la succession de son père et destitue lempereur Xiandi pour fonder la dynastie Wei. La première action de Cao Pi fut dasseoir son pouvoir, en envoyant ses frères dans leurs fiefs respectifs afin quils ne sinvestissent plus dans la politique de la cour et ne puissent contester son héritage. Il interdit toute communication entre eux et fait exécuter deux proches amis de Cao Zhi : Ding Yi (丁儀) et Ding Yi (丁廙) ainsi que leur familles. Il fait également surveiller de près ses frères. Lun des surveillants rapporta que Cao Zhi était un « alcoolique arrogant qui menace les messagers de lEmpereur » lorsque celui-ci s'est fait rudoyer. Or s'en prendre à un messager de l'empereur est un crime passible de la peine capitale. Cao Pi pensait punir sévèrement son frère mais renonce à cette idée sur lintervention de sa mère (d'après la légende Cao Pi l'aurait défié dans un concours de poésie, et, ému, lui accorda la vie sauve). Il rétrograde néanmoins Zhi au titre de seigneur de Anxiang, puis peu après à celui de seigneur de Yincheng.

En 223 il retrouve à nouveau son statut de prince et reçoit un fief de 2 500 foyers. En 224, il reçoit le fief de Yongqiu et a lautorisation daller présenter ses hommages à son frère à la capitale. Cependant Cao Zhang, son frère aîné, meurt pendant son séjour et il est renvoyé dans son fief après les funérailles avec son frère Cao Biao, le prince de Baima. Tout contact entre les deux était prohibé et cest à cette occasion que Cao Zhi écrit son poème « À Biao, prince de Baima » qui est considéré comme lun de ses plus grands chefs-dœuvre en Chine dans lequel il raconte sa tristesse et sa frustration dêtre séparé de ses frères.

Vers 226, Cao Pi rend visite à Cao Zhi à Yongqiu alors quil revient dune campagne et ajoute 500 foyers à son fief. Cette même année, Cao Pi meurt et Cao Rui lui succède. Cao Zhi doit déménager à Junyi, puis lannée revenir à Yongqiu. Frustré de navoir pu jusquici mettre ses talents à lessai, il écrit un mémoire à lempereur mais Cao Rui lui refuse le poste convoité. En 229, il doit déménager à Donge. En 232, Cao Rui fait mander tous les seigneurs pour une audience et à lissue de celle-ci confère à Cao Zhi le titre de prince de Chen et lui donne un fief qui englobe les quatre régions de Chen, soit 3 500 foyers au total. Cao Zhi avait essayé à plusieurs reprises davoir une audience privée avec lempereur, son neveu, sans pouvoir y parvenir. Il revient sur ses terres très déprimé et il meurt de maladie en 232. Conformément à ses instructions, ses funérailles furent modestes.

Son œuvre

Cao Zhi, Cao Cao et Cao Pi sont considérés en Chine comme étant les précurseurs et les éléments les plus brillants du style dit Jian. Les poèmes que Cao Zhi écrivit à ses débuts étaient souvent emprunts de lécho de ses ambitions de servir son pays. Au fur et à mesure des années, son style sassombrit tandis que ses tentatives pour aboutir à des postes de responsabilité à la cour se voyaient déboutées.

Il est l'auteur du fu La nymphe de la rivière Luo.

Lun des poèmes les plus connus de Cao Zhi a pour nom « Sur un cheval blanc » (白馬篇). Il le composa dans sa jeunesse et illustre sa volonté de servir son pays :

白馬篇, Sur un cheval blanc
Texte chinois Traduction
白馬飾金羈連翩西北馳 Un cheval blanc au licou dor,
galopait rapidement en direction du nord-ouest.
借問誰家子幽並游俠兒 Vous demandez de quelle famille est issu le cavalier ?
Cest un noble chevalier originaire de You et Bing.
少小去鄉邑揚聲沙漠垂 Il avait quitté son foyer dès ses jeunes jours,
et son nom est maintenant connu à travers tous les déserts.
宿昔秉良弓楛矢何參差 Matin et soir il empoigne son bon arc,
combien de flèches pendouillent à ses côtés ?
控弦破左的右發摧月支 Tirant de larc il transperce sans faillir la cible de gauche,
et perfore de part-en-part la cible de droite.
仰手接飛猱俯身散馬蹄 Ascendantes, ses flèches recherchent les singes volants légendaires,
descendantes, elles pulvérisent les cavaliers.
狡捷過猴猿勇剽若豹螭 Son astuce surpassent celles des singes,
son courage est légal des léopards et des dragons.
邊城多警急胡瞄數遷移 Lalarme retentit aux frontières,
les tribus du nord envahissent le pays par milliers.
羽檄從北來厲馬登高堤 Des lettres sont envoyées depuis le nord,
attelant son cheval il escalade la colline.
長驅蹈匈奴左顧陵鮮卑 Il charge les Xiongnu depuis la droite,
et se tournant à gauche assaille les Xianbei.
棄身鋒刃端性命安可懷 Il met sa vie en jeu de la pointe de son épée,
quelle valeur lui donne-t-il donc ?
父母且不顧何言子與妻 Même son père et sa mère noccupent plus ses pensées,
et que dire de sa femme et de ses enfants !
名在壯士籍不得中顧私 Si son nom doit être un jour inscrit à la liste des Héros,
il ne peut se pencher sur ses problèmes personnels.
捐軀赴國難視死忽如歸 Il donne sa vie pour son pays,
la mort nest pour lui quun retour au pays natal.

Paradoxalement, les deux poèmes les plus célèbres de Cao Zhi ne sont pas de sa plume, mais sont issus du roman Histoire des Trois Royaumes.

Son personnage dans lHistoire des Trois Royaumes

Cao Zhi est surtout connu en Chine pour avoir réussi un défi de poésie (purement fictif) que lui a lancé son frère. Il ne sagit pas dun événement historique mais dune scène du roman Histoire des Trois Royaumes, souvent reprise dans des opéras.

Dans ce chapitre[2], Cao Pi venait de couper net toutes les tentatives de Cao Zhi pour obtenir de linfluence politique en condamnant à mort les appuis quil sétait trouvé. Il menace de faire de même de son frère, mais lui donne une chance déchapper à la peine de mort. Il lui propose de composer un poème avec le temps quil lui faudrait pour faire sept pas. Cao Zhi accepte et en demande le sujet. Cao Pi lui montre alors un tableau sont représentés deux taureaux se battant au pied dun mur et dont lun, vaincu, tombe dans un puits. Il lui demande de composer son poème avec pour sujet celui du tableau, mais lui interdit lusage des mots « puits », « taureau », « pied de mur », « se battre » et « mort ». Cao Zhi fit ses sept pas et prononça le poème :

Texte chinois Traduction
兩肉齊道行頭上帶凹骨 Deux masses de muscles meuglaient en parcourant le chemin,
sur la tête de chaque une paire de vigoureux os courbés.
相遇由山下欻起相搪突 Ces deux puissants se rencontrèrent au pied de la colline,
chacun voulant éviter le précipice fraîchement creusé.
二敵不俱剛一肉臥土窟 Des deux ennemis qui disputèrent ce combat inégal,
lun se retrouva à terre en une masse sanglante.
非是力不如盛氣不泄畢 Non que sa force ne fut à la hauteur de son adversaire,
mais que toute sa force vitale avait été coupée nette.

Toute la cour est impressionnée par la démonstration du talent de Cao Zhi, mais Cao Pi lui demande alors de créer un poème sur le vif, avec pour thème leur relation fraternelle, mais en lui interdisant lusage du mot « frère ». Cao Zhi récite immédiatement, sans même se donner le temps de réfléchir :

Texte chinois Traduction
煮豆燃豆萁豆在釜中泣 Des haricots cuisants cuisaient sur le feu,
du fond de la marmite sélevèrent des pleurs :
本是同根生相煎何太急 « Nous naquîmes de la même racine et de la même branche,
dès lors pourquoi tant dacharnement à vouloir me faire mijoter ? »

Comprenant lallusion du grand frère qui persécute le petit frère, Cao Pi verse des larmes silencieuses et lui laisse la vie sauve, sur linjonction de sa mère, mais lui retire ses titres de noblesse, ses charges et le condamne à retourner dans son fief.

En dehors de cette scène particulière, il nest pas souvent fait mention de Cao Zhi dans le roman, bien quon lui ait également attribué le poème vantant la beauté des sœurs Qiao dont Zhuge Liang sest servi pour inciter Zhou Yu à faire la guerre contre Cao Cao[3].

Linfluence de son personnage en Chine

Une école de poésie avait ouvert à son nom pendant quelques siècles, jusque sous la dynastie des Tang. Puis dautres styles poétiques apparurent et le jian passa de mode. On a pourtant gardé de Cao Zhi près dune centaine de poèmes dont quelques-uns sont encore appris de nos jours.

Cependant, au-delà du poète historique, demeure tout un mythe, principalement centré sur la rivalité entre lui et son frère. Celle-ci a été reprise dans de nombreuses pièces dopéra et de théâtre. Le sujet de la querelle ainsi que leurs circonstances diffèrent beaucoup, mais bien souvent revient la scène du poème telle que décrite dans le roman. Dans lun de ces opéras par exemple[4], Cao Zhi parvient à séduire la femme de Cao Pi et lorsqu'il doit réciter son poème, cest lesprit de son amante qui lui souffle dans le cœur les paroles à prononcer...

Voir aussi

Articles connexes

Notes

  1. Chén Shòu et Péi Sōngzhī, Chroniques des Trois Royaumes (三國志, Sānguózhì), Chronique des Wèi, livre 19 ([1])
  2. Luó Guànzhōng, Histoire des Trois Royaumes (三國演義, Sānguó yǎnyì), Chapitre 79 ([2], [3])
  3. Luó Guànzhōng, Histoire des Trois Royaumes (三國演義, Sānguó yǎnyì), Chapitre 44 ([4], [5])
  4. La déesse Luo, (洛神, Luòshén)

Bibliographie

Luo Guanzhong; tr. Moss Roberts (1995). Three Kingdoms. ISBN 7-119-00590-1


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