Boimondau

Boimondau

Boimondau, acronyme de BOItier de MONtre du DAUphiné, est une communauté de travail spécialisée dans la fabrication de boîtiers de montres située à Valence (Drôme).

Sommaire

Historique

Née à l'initiative de Marcel Barbu, elle a suivi différentes étapes :

  • Début 1941 : Marcel Barbu crée une entreprise à son nom.
  • 1944 : l'entreprise est remise à la communauté de travail Marcel Barbu.
  • 1944 - 1945 : Marcel Barbu est déporté. L'intérim est assuré par Marcel Mermoz.
  • 1945 : Retour de Marcel Barbu. Pendant que Marcel Mermoz assure la direction de la communauté, Marcel Barbu veut développer les communautés de travail. Il se lance dans la politique, devient député de la Drôme, propose des textes de loi pour faire reconnaître les communautés de travail. Ses textes ne sont pas votés.
  • 1946 : La reprise de la communauté devient difficile, les compagnons préfèrent la conduite de Marcel Mermoz. En juillet, Marcel Barbu quitte la communauté (sous certaines conditions) et crée la Cité Donguy - Hermann à Valence.
  • 1947 : C'est cette année que la communauté prend officiellement le nom de BOIMONDAU (ce nom a été utilisé la première fois par Économie et humanisme)
  • 1948 : BMD devient une SCOP.
  • 1951 : Marcel Mermoz quitte la communauté.
  • 1971 : Fin de l'expérience communautaire Boimondau.

Les origines

Installation de Marcel Barbu à Valence

La Communauté de travail Boimondau est née de la volonté dun homme, Marcel Barbu. Apprenti puis petit artisan, celui-ci sest vite senti en opposition face à la lutte des classes et à ses patrons. Lidée dune communauté, le travailleur possède son outil de travail germe alors. En 1941, Marcel Barbu sinstalle à Valence pour fabriquer des boîtiers de montres. Il est en lien avec Lippmann (industriel horloger, montres Lip). Il achète une ancienne vinaigrerie au 41 rue Montplaisir à Valence. Il déclare la « Société Marcel Barbu : Boitiers de Montres du Dauphiné » au Registre du commerce de Romans le 26 mars 1941. Il récupère quelques machines de son entreprise de Besançon pour commencer la production avec sa femme Pierrette et quelques ouvriers. Durant cette période, Marcel Barbu assure seul le support juridique de cette entreprise tout en lançant ses idées communautaires. Il favorise les discussions avec ses employés afin daboutir à la création dune communauté de travail. Il institue très vite les réunions de fin de semaine, les assemblées de contact au début il est seul à parler. Certains se méfient de ce patron paternaliste et ses liens avec les Compagnons de France ne sont pas appréciés de tous. Mais à force de persuasion, les employés commencent à croire à ses idées et les discussions saniment, le fondement de la Communauté se met en place.

Le refus de la collaboration

En juin 1942, Marcel Barbu refuse de donner les listes de ses compagnons aux autorités pour la Relève ce qui va engendrer son arrestation le 30 octobre 1942. Il est conduit à Fort Barraux (Isère) puis à la prison Saint-Sulpice (Tarn). Pendant sa captivité, il théorise ses idées et rencontre Marcel Mermoz, détenu bibliothécaire. Ils sentendent tout de suite et ils ont de longues discussions autour didées communautaires et de leurs mises en application. Marcel Barbu sera libéré le 23 décembre 1942 en tant que chef dentreprise et père de famille nombreuse et en tant que Compagnon de France.

Le maquis

Dès sa libération, Marcel Barbu a conscience du danger, les compagnons se replient à Combovin. Ils sinstallent à la ferme de Mourras pour exploiter les terres et les bois. La Communauté décide collectivement de refuser le Service du Travail Obligatoire (STO). Vingt-cinq jeunes réfractaires au STO prennent le maquis à Mourras et commencent à produire clandestinement. La Communauté entre en résistance et prend en charge une école de cadres de larmée secrète. Parallèlement, Marcel Barbu parvient, grâce à ses relations, à faire libérer Marcel Mermoz. Ce dernier se rend à la ferme de Mourras et prend la tête du service agricole le 1er avril 1943.

Cest dans la clandestinité que la Communauté sest vraiment organisée. Des groupes se constituent autour des tâches de ravitaillement, agriculture, cuisine, santé... Les compagnons rédigent le futur règlement intérieur de la Communauté, la Règle. Lannée 1943 est une mise à lessai de la vie communautaire, le 1er janvier 1944 les compagnons fondent officiellement la « Communauté de travail Marcel Barbu ». En mars 1944, les Allemands attaquent la ferme de Mourras, pillent lusine de Valence et incendie la maison de Marcel Barbu. Le 14 avril, Marcel Barbu, alors à Paris, est arrêté et transféré à Buchenwald. La Communauté paie cher son engagement dans la résistance, trois de ses membres y laissent leur vie, Charles Hermann, Simone et Jean Donguy. La Drôme est libérée en septembre 1944. La situation matérielle de la Communauté est difficile. La ferme a été incendiée, lusine pilléeMarcel Mermoz prend alors la direction, Marcel Barbu étant toujours interné. Il améliore la situation de de la Communauté et la sortie de guerre permet denvisager lavenir avec optimisme. Barbu revient de camp en mai 1945 après quatorze mois de captivité. Il est accueilli avec enthousiasme par les compagnons.

La rupture entre Marcel Barbu et les compagnons

Affaibli, Marcel Barbu se repose avant de reprendre ses activités à la Communauté. Durant son internement, il a réfléchi sur le rayonnement des idées communautaires et les élections pour la première Assemblée Nationale Constituante vont lui permettre de les exposer au plus grand nombre. Il se présente alors aux côtés de Paul Deval, maire de Romans. Le 21 octobre 1945, Paul Deval est élu et démissionne quelques mois plus tard au profit de Marcel Barbu, qui dépose trois propositions de loi. La première vise à instituer un nouveau type de société, à faire reconnaître la personnalité juridique de la communauté, à la fois culturelle et sociale. Elle pose des conditions pour que la société puisse prétendre au titre de communauté : possession des moyens de production par la communauté, élections des responsables, prise des décisions à lunanimité, alternance des travaux (contre-effort), morale minimum communeElle organise les responsabilités de ses membres, lutilisation des ressources, la répartition des fruits du travail, les modalités de création et les rapports entre les différentes organisations communautaires. Un Conseil National Communautaire doit être chargé de promouvoir, de contrôler et de faciliter lapplication de la loi sur les communautés de travail. Une École Nationale de Cadres Communautaires doit former les futurs chefs de communauté ainsi que ses cadres. Elle doit participer à lélaboration de la doctrine communautaire et à sa diffusion. La transformation dentreprises en communautés de travail est prévue si 80 % des salariés réunis en Assemblée générale en approuvent lidée. La transition doit seffectuer sous lautorité du Conseil National Communautaire. Ces projets de loi ne sont pas adoptés.

Le décalage entre les idées de Marcel Barbu et la réalité de la Communauté engendre des tensions. Malgré une profonde amitié, Marcel Barbu et Marcel Mermoz sopposent quant aux valeurs et à lapproche de la Communauté, le premier ayant une vision chrétienne, le second une vision marxiste. Les deux hommes se brouillent. Marcel Barbu décide de quitter la Communauté en juin 1946, il est remplacé par Marcel Mermoz. La Communauté prend alors officiellement le nom de Boimondau (BOItiers MONtres du DAUphiné).

La Communauté sous la direction de Marcel Mermoz

La Communauté adopte le statut de Société Coopérative Ouvrière de Production (SCOP) à forme communautaire en 1948. Lesprit communautaire voulu par Marcel Barbu lors de la création de la Communauté sestompe. Marcel Barbu pensait lusine comme un élément parmi dautres dans la Communauté alors que Marcel Mermoz et ses successeurs orientent leur action sur la production arguant quaucune réalisation sociale nest possible sans croissance économique. Les activités sociales deviennent un poids difficile à supporter et perdent leur caractère obligatoire. De plus en plus de travailleurs ne souhaitent pas devenir compagnons, ils ne sassocient donc pas à la Communauté, nayant pas à supporter les devoirs mais ne bénéficiant pas des droits inhérents au statut de compagnon.

Les deux dernières décennies : dépérissement de lesprit communautaire

En 1951, Marcel Mermoz quitte la Communauté, Georges Matras compagnon de la première heure est élu nouveau chef de Communauté. Un fossé se crée entre les personnes soucieuses de poursuivre les activités sociales, les communautaires, et les technocrates voulant privilégier la production. Lesprit communautaire ny est plus, une profonde défiance sest installée entre la direction et les employés. La Règle est suspendue en 1958. En 1959, Georges Normand est élu chef de Communauté, Georges Matras quitte Boimondau. Les relations entre les syndicats et la direction sont également tendues. Georges Normand ne se présente pas pour un nouveau mandat en 1966, Roland Ludot est élu faute dautre candidat. Il ne parviendra pas à redonner de lélan à la Communauté. Boimondau connaît de graves problèmes de gestion. Quand Boimondau ferme en 1971, cela fait plus de 10 ans que la Communauté est administrée par des personnes nayant pas les compétences pour diriger une structure de près de 250 personnes. En 1968, la division entre la direction et les employés éclatent au grand jour avec une grève dun mois, ce qui gêne financièrement la Communauté. En 1971, les problèmes financiers ne sont pas réglés, en avril Boimondau est en cessation de paiement. Durant les vacances dété, le chef de Communauté, Roland Ludot, décide seul de passer une convention avec la Société des Magasins Spécialisés (SMS). Il loue pour un franc symbolique les machines et les stocks et pour mille francs les bâtiments à des acquéreurs spécialisés dans la reprise dentreprises en faillites. Les dirigeants de la SMS prennent la direction de lex-Boimondau et licencient 30 personnes. Les compagnons apprennent cela à leur retour de vacances. Le conseil dadministration porte laffaire devant le tribunal de commerce de Romans, il décide de la liquidation des biens le 22 septembre 1971. Cest par cette décision que lexpérience communautaire Boimondau prend fin. Les repreneurs savèrent être peu scrupuleux (déjà condamnés pour infraction à la législation sur les sociétés) et le 12 octobre le tribunal résilie la convention, pour sauvegarder les intérêts des créanciers. Cest la fin de Boimondau, le matériel et le fonds de commerce sont rachetés par la Cité Horlogère lors de la liquidation judiciaire.

Lorganisation interne

La Règle

A partir de la définition dune morale minimum commune, les compagnons écrivent la Règle en 1943 qui régit toute lorganisation de la Communauté et sert de déclaration dexistence aux autorités. Elle entre en application le 1er janvier 1944. Elle prévoit des principes directeurs dont la double confiance qui impose que chaque responsable soit proposé par le supérieur hiérarchique et élu par léchelon inférieur, ou la règle de lunanimité dans les prises de décision.

Lorganisation communautaire

  • Assemblée Générale :

Regroupant lensemble des compagnons, cet organe essentiel élit le chef de Communauté et fixe les buts de la Communauté.

  • Conseil Général :

Il réunit les chefs de service et les membres élus, conseille et contrôle le chef de Communauté.

  • Tribunal :

Composé de compagnons il doit régler tous les différends intérieurs à la Communauté. La décision doit être acceptée par lensemble des parties : le juge, le plaignant et laccusé.

  • Groupe de quartier :

Il réunit des familles selon leur proximité géographique. Cest le lieu de vie de la Communauté.

  • Conseil des chefs de groupes de quartier :

Il sert de maillon entre le chef de Communauté et les compagnons.

  • Assemblée de contact :

Elle établit une liaison entre tous les membres productifs de la Communauté.

  • Commission de contrôle

Les trois membres élus à cette commission ont pour mission le contrôle de la gestion de la Communauté.

Les réunions commencent et finissent par un chant populaire, notamment : La chère maison, le chant de la Communauté.

Les relations hiérarchiques

Les statuts des personnes La Règle prévoit plusieurs statuts au sein de la Communauté, stagiaire puis postulant et enfin compagnon. La famille du compagnon est regroupée sous le statut de familier.

Le chef de Communauté Il est élu par lAssemblée Générale pour trois ans renouvelables. Il fait appliquer les décisions prises par lAssemblée Générale. Il propose les règlements, tend à les faire voter en essayant dobtenir lunanimité. Il a le pouvoir absolu sur le plan exécutif.

La rémunération

Au départ, les compagnons touchent tous le même salaire, mais lors de lélaboration de la Règle, il est décidé dinstituer une rémunération prenant en compte la valeur humaine. Ce système permet de payer les compagnons en fonction de lensemble de leurs compétences, que celles-ci soient professionnelles et/ou sociales (culturelles, sportives, familiales ou communautaires).

La question de la hiérarchie des salaires sest également posée : « Si jai toujours été opposé à la hiérarchie des salaires, par contre, les ingénieurs des Arts et Métiers nétaient pas daccord avec cet écrasement de la hiérarchie. Ceci a amené un ingénieur à demander la convocation de la commission départementale de lapplication des conventions collectives qui est prévue par la loi. Finalement, cette commission a porté le coefficient de lingénieur à six cents et celui du responsable à neuf cents, ce que jai refusé, mais pour lingénieur il a été appliqué. » Marcel Mermoz in Institution et restitution dune communauté. Marc Leray, p. 215, 1977.

Lévolution de la répartition du capital

Selon le postulat de départ, aucun compagnon ne possède de part au capital de la Communauté. Le 1er janvier 1944, Marcel Barbu remet le capital, les machines et les locaux à la Communauté dans son ensemble et non en parts divisées entre compagnons. Marcel Barbu et Marcel Mermoz sopposent sur le statut juridique de la Communauté : le premier veut que la Communauté possède les biens en tant que personne morale, Marcel Mermoz souhaite une propriété collective et indivise (se rapprochant du statut des SCOP). Après son départ de la Communauté, Marcel Barbu réclame dix millions de francs dindemnisation aux compagnons. Ils trouvent un accord pour rembourser lapport dorigine de Marcel Barbu et cinq millions de francs pour laider à réaliser la révolution communautaire. Lors de ladoption des statuts de SCOP en 1948, seuls quelques compagnons prennent des parts, le reste appartenant au comité dentreprise. Les bénéfices sont reversés chaque année au comité dentreprise qui possède la majeure partie des parts de la Coopérative. Le Comité dEntreprise et le Conseil dAdministration de la SCOP sont constitués par les membres du Conseil Général, celui-ci étant libre pour administrer la Communauté.

La vie communautaire

La Communauté est un lieu de vie totale, elle a pour but lépanouissement de la personne dans son ensemble, la fabrication de boîtiers de montres nétant quun moyen pour accéder à cet épanouissement. Assez rapidement, les compagnons arrivent à se dégager des heures pour réaliser des activités prises sur leur temps de travail. Sur une semaine de quarante huit heures, neuf sont consacrées à celles-ci.

Les groupes de quartier

Les réunions de groupes de quartier permettent de lier les compagnons, elles se déroulent chez eux à tour de rôle, dans une ambiance conviviale : cest le foyer de la vie communautaire.

Le journal interne

Le journal de la Communauté « Le Lien » participe également à cet élan. A lorigine il est créé pour permettre de communiquer entre la ferme de Mourras et Valence, il permet également de rendre compte de la vie quotidienne de la Communauté. Il devient un outil de diffusion des idées communautaires en même temps quun lieu de débat, Marcel Barbu et Marcel Mermoz se répondant par articles interposés. En 1946 la Communauté publie un numéro spécial du Lien « Des hommes libres » qui est un plaidoyer pour le combat communautaire. Marcel Barbu sen sert pour répandre ses idées lors de la présentation de ses propositions de loi.

Le service social

Un service social est créé. Il est divisé en sections : santé, art et culture, sport et comité de solidarité. Ce dernier propose des prêts aux compagnons en cas dévénements familiaux (mariage, naissance…). Une coopérative de consommation, La CoopMontplaisir est créée. Des activités sont prévues pour les familiers. Un ramassage pour le jardin denfants est institué. Un centre a été acheté pour leurs vacances : la colonie de Tamié (Savoie), ainsi quune maison de repos pour les familles à la Baume-Cornillane (Drôme).

La vie culturelle

Les compagnons se réunissent aussi à loccasion de nombreuses fêtes qui jalonnent lannée, la plus importante est la Saint Eloi. En entrant dans la Communauté, le compagnon sengage à suivre des cours. Le premier mis en place est le cours de musique : « Un jour, toute la maison [la Communauté] partit faire la fête dans un village (…) Le soir au restaurant, ils « gueulent » les Montagnards. Je leur dis : « On va tout de suite apprendre à chanter mieux pour que les gens qui nous entendent ne nous prennent pas pour une bande de types saouls ». Au bout de vingt minutes, on arrive à reprendre le chant convenablement (…) A partir de ce moment, nous eûmes un cours de musique. » Marcel Barbu in La Communauté Boimondau. L-J Lebret, H-Ch Desroche, p.6, 1947.

Marcel Barbu cherche également à former des cadres pour diriger la Communauté. Une école de cadre est contactée et quelques compagnons se rendent au cours. Devant leur manque de loquacité, des cours de français sont organisés. Suivront des cours dhistoire, géographie, anglaisLa bibliothèque est une fierté pour bon nombre de compagnons. Elle est le foyer de la vie intellectuelle de Boimondau. En 1956, Boimondau accueille le congrès de Peuple et Culture sur la notion de « culture populaire sur les lieux de travail ». La Communauté est alors au centre du mouvement de léconomie sociale en France.

Le sport

Si pour la Communauté lesprit est important, le corps ne doit pas être laissé pour compte. Des cours de culture physique sont décidés. Dès 1947, un terrain de sport est créé à Boimondau, les compagnons font de la gymnastique toutes les semaines. Puis loffre de sport sest diversifiée : des équipes de ping-pong, de football, de basket, de volleyont vu le jour.

Le contre-effort

Le contre-effort est dune conjonction de facteurs pratiques et de la volonté de Marcel Barbu, qui pense que lhomme doit alterner le travail intellectuel et le travail manuel pour sépanouir. Il a aussi lidée dun retour au travail de la terre et de rapprochement entre ouvriers et paysans. Le contre-effort fait partie pleinement des activités de la Communauté, il est rémunéré comme une activité de production. Durant la guerre, le bois de chauffage manque, Marcel Barbu achète des coupes de bois et les compagnons vont bûcheronner sur le plateau du Vercors, le contre-effort débute ainsi. Puis face aux problèmes de ravitaillement Marcel Barbu achète la ferme de Mourras. Les terres sont ingrates, les bâtiments et le matériel sont en mauvais état. La Communauté restaure les bâtiments, en construit de nouveaux, cultive les terres et élève des animaux. Après la vente de la ferme, le contre-effort se traduit par des travaux sociaux (constructions déquipements, cantine…).

Toutes ces activités font la vie de la Communauté, mais après le départ de Marcel Mermoz les dirigeants sont moins impliqués. Le service social représente un poids financier trop important pour Boimondau, ses moyens samenuisent. Les jeunes entrant à Boimondau sont moins sensibles aux aspects sociaux et culturels de la Communauté et se désintéressent des activités. Délaissant les fondements humanistes de la Communauté, Boimondau met la production au premier plan.

La production

La fabrication de boîtiers de montres

Cest sur des machines amenées de Besançon par Marcel Barbu que les premiers compagnons assurent la production. Très vite, celle-ci augmente, les commandes sont nombreuses et les marges bénéficiaires sont importantes, le chiffre daffaires progresse. Cela permet dacheter un nouvel outillage plus performant. La fabrication de boîtiers de montres est une industrie de pointe. Lorganisation de la production qui en découle est une spécialisation des postes. Marcel Barbu attache une grande importance à la qualité ce qui fera la renommée de Boimondau. Laprès-guerre est une période faste pour lindustrie horlogère, Boimondau se développe et le nombre de salariés augmente. Quand Marcel Mermoz arrive à la tête de la Communauté, il tente de rationaliser le fonctionnement (système Bedaux, processus de production), ce qui conduit à une hausse des cadences et de la production. Celle-ci augmente jusquen 1959, date à laquelle elle stagne jusquau dépôt de bilan de Boimondau.

La formation professionnelle

Marcel Barbu engage des hommes jeunes nayant pas de formation dans les métiers de lhorlogerie. Il forme les premiers compagnons qui a leur tour formeront les nouveaux. « Deux mois après louverture de latelier, on sortait des produits finis. Notre personnel était recruté dans tous les corps de métiers : plâtriers, saucissonniers, (sic) coiffeurs, garçons de café ; de tout, sauf des mécaniciens de précision. Cétait dailleurs bien simple : il ny en avait pas Marcel Barbu in La Communauté Boimondau. L-J Lebret, H-Ch Desroches, p.5, 1947. La formation professionnelle est un élément essentiel de lorganisation du travail dans la Communauté. Cet atout créé des difficultés car la Communauté ne peut proposer suffisamment de postes qualifiés ou dencadrements. Certains compagnons vont chercher du travail dans les entreprises avoisinantes, notamment Crouzet, qui embauchent de nombreux compagnons, reconnaissant la qualité de leur formation. Les bons éléments quittent la Communauté.

Innovations techniques

Marcel Barbu dépose plusieurs brevets ce qui fait de Boimondau la première entreprise française à produire des boîtiers de montres étanches. Cet avantage permet à Boimondau de vendre ses boîtiers de montres avec une marge confortable avant que la concurrence française intègre le procédé de létanchéité dans sa fabrication. Boimondau dépose dautres brevets pour loutillage. De nouveaux procédés sont mis au point afin de limiter le temps dusinage.

Stratégie commerciale

Pendant la guerre, la production de la Communauté est destinée principalement à Lip, ce qui lui assure un débouché sûr et nécessite une qualité constante. Au sortir de la guerre, elle est prospère, mais la crise de 1948 la rattrape. Les exportations sont plus difficiles, la concurrence suisse arrive en France. Cette crise touche durement la Communauté et lui montre que dans le secteur de lhorlogerie linnovation est très importante. Elle lance une série de nouveaux modèles et recourt à la publicité vantant les mérites de ses montres étanches. Elle développe un service commercial afin de lui ouvrir de nouveaux débouchés notamment à lexport.

Boimondau et le mouvement communautaire

Dès la création de la Communauté, les compagnons cherchent à diffuser leurs idées et à essaimer des communautés. Valence fut le centre du mouvement.

A Besançon

Marcel Barbu possède une usine de boîtiers de montres à Besançon créée en 1936 dont les bénéfices permettent de financer le projet de la future Communauté Boimondau. En novembre 1943, il envoie des compagnons diffuser les idées communautaires dans cette usine qui deviendra alors la Communauté de travail du Bélier.

Le mouvement communautaire

Les compagnons élaborent un projet qui dépasse la Communauté et qui prévoit plusieurs niveaux de structure communautaire. Marcel Barbu créé le Rassemblement Communautaire Français (RCF) qui lui permet de diffuser ses idées plus largement. Ce mouvement rassemble des sympathisants de la cause communautaire. Des divergences politiques et philosophiques apparaissent. Boimondau, la plus grande communauté existante, refuse dy adhérer (même si la plupart des compagnons adhèrent personnellement). Le RCF est dissout en octobre 1947 et laisse place à lEntente Communautaire qui fédère les communautés de travail existantes et qui reprend le journal du RCF « Communauté ». LEntente a regroupé jusquà quarante quatre communautés de travail.

La Cité Donguy-Hermann

Une fois parti de Boimondau, Marcel Barbu achète la propriété de Miollis pour créer le deuxième échelon de lordre communautaire : la cité. Il fonde la Cité Donguy-Hermann, qui regroupe quatre communautés de travail : le Sillon (boîtier dor), Mécahor (mécanique), Commadau (bâtiment) et Codastra (administratif). La Cité Donguy-Hermann a pour rôle de rassembler les moyens matériels et financiers des communautés. Boimondau nadhère pas à celle-ci. En 1949, constat déchec, les commandes ne sont pas honorées, les dettes saccumulent, la Cité cesse ses activités.

La Cité Horlogère

En 1950 la Cité Horlogère est créée dans les mêmes locaux que la Cité Donguy-Hermann grâce aux efforts conjugués de Marcel Mermoz et du Centre dOrientation Social des Etrangers. Cette Cité accueille une école dhorlogerie, et quatre communautés de travail : Centralor (boîtiers or et bijouterie), Cadreclair (cadrans dhorlogerie), Rhonex (montres), Scomeca (outillage). Des services communs sont organisés, les services comptables, commerciaux, le comité interentreprises, afin de mutualiser les moyens. La Cité est aussi lieu de vie certains compagnons sont logés ce qui renforce lesprit communautaire.

Le Foyer Dauphinois

Le 5 mai 1948, Marcel Barbu crée le Foyer Dauphinois, coopérative dhabitation à bon marché, dont le siège est à la Cité Donguy-Hermann. Ses objectifs sont laccession à la propriété. La coopérative offre des facilités de paiement et acquiert des terrains afin de permettre à ses souscripteurs de construire leur habitation. Suite à léchec de la Cité Donguy-Hermann, la coopérative na pas pu concrétiser de projets. En 1949, les compagnons de Boimondau reprennent le Foyer Dauphinois qui a permis à bon nombre dentre eux daccéder à la propriété. Ce système dacquisition dhabitations à bon marché est aussi ouvert aux personnes hors communautés. Certaines habitations sont construites selon la méthode « Castor » qui permet aux souscripteurs de participer aux travaux afin de limiter le coût des constructions.

Lempreinte de Boimondau

Bien que fermée en 1971, Boimondau reste présent dans la mémoire ouvrière valentinoise. Marcel Mermoz, qui restera dans la mouvance communautaire jusquà la fin de sa vie, relate son expérience dans un livre en 1978. Le foisonnement dinitiatives laisse des traces. Le ciné-club de Boimondau devint le ciné-club de la ville, les maisons « Castor » sont toujours visibles dans le quartier du Petit Charran. La dernière communauté à Valence, Cadreclair, ferme en 1982. Le combat des Lip à Besançon, par son côté autogestionnaire et le slogan « on fabrique, on vend, on se paie » sinscrit dans une continuité didées communautaires. Enfin, lAssociation des Compagnons et Amis des Communautés de Travail Autogérées a continué dexister jusquen 2007.

Bibliographie

Sur la Communauté Boimondau

  • Henri Desroche et Louis-Joseph Lebret, La communauté Boimondau, L'Arbresle, Économie et Humanisme, 1944.
  • Roger du Teil, Communauté de travail, l'expérience révolutionnaire de Marcel Barbu, Paris, Presses universitaires de France, 1949.
  • Marcel Mermoz, L'autogestion, c'est pas de la tarte!, le Seuil, 1978.
  • Pierre Picut, 1941-1951 La Communauté Boimondau, modèle d'éducation permanente, une décennie d'expériementation, Université Lumière-Lyon 2, 1991, Thèse, 2 volumes.
  • Pierre Picut, Une expérience autogestionnaire : la communauté de travail Boimondau à Valence, Roanne, CRESCAM, 1992.
  • Michel Chaudy, Faire des Hommes libres, Boimondau et les Communautés de Travail à Valence, Editions REPAS, 2008.
  • Marc Leray, Institution et restitution dune communauté, 1977, Thèse.
  • Communauté de travail Boimondau, Boimondau, 10 année d'expérience communautaire, 1951.

Sur les Communautés de Travail

  • Albert Meister, Les Communautés de travail : Bilan d'une expérience de propriété et de gestion collectives, Entente Communautaire, 1958.
  • Dominique Bondu, De l'usine à la Communauté : l'Institution du lien social dans le monde de l'usine, EHESS, 1981, Thèse.

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Boimondau de Wikipédia en français (auteurs)

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