- Éthique et culture religieuse
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L’éthique et culture religieuse (ECR) est un programme obligatoire controversé enseigné depuis septembre 2008 dans les écoles québécoises.
Sommaire
Description
Depuis septembre 2008, les élèves du Québec doivent suivre un cours d’Éthique et culture religieuse (ÉCR). Enseigné à tous les niveaux du primaire et du secondaire à l’exception de la troisième secondaire, ce nouveau cours remplace l’ancien régime d’option entre l’enseignement religieux catholique ou protestant et l’enseignement moral. Il est obligatoire dans toutes les écoles privées et publiques du Québec (sauf celles relevant de la Commission scolaire Kativik[1]) sans possibilité d’exemption.
Le cours d’ÉCR s’inscrit en effet dans l’approche par compétences, une conception de l’enseignement qui repose en priorité sur le développement de savoir, savoir-faire et savoir-être. Dans le cours d’ÉCR, ces trois compétences sont : réfléchir sur des questions éthiques (volet éthique), manifester une compréhension du phénomène religieux (volet culture religieuse) et pratiquer le dialogue (volet dialogue). Le programme est entièrement construit autour de ces trois compétences, dont il précise le sens, les composantes, les critères d’évaluation, ainsi que de thèmes et éléments de contenu correspondants à chaque cycle du parcours scolaire des enfants. Ces compétences elles-mêmes découlent des deux grandes finalités du programme, qui constituent l’horizon ultime du cours d’ÉCR. Ces finalités sont la reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien commun.
Partisans
Parmi les partisans du programme d'éthique et de culture religieuse, on peut citer :
- Le Parti libéral du Québec au pouvoir. La ministre Michelle Courchesne a toujours refusé de rencontrer les parents qui s'opposent à ce cours. Pour celle-ci, « On ne négocie pas un virage aussi important sans écraser d'orteils »[2]. La ministre a également affirmé en conférence de presse qu'« elle ne fera aucune concession et (qu'elle) refuse les exemptions pour les parents qui voudraient retirer leur enfant du nouveau cours »[3].
- Les rédacteurs du rapport Bouchard-Taylor, publié en mai 2008, qui recommandaient au gouvernement de « faire une promotion énergique du nouveau cours d’Éthique et de culture religieuse »[4].
- Des philosophes comme Georges Leroux pour qui le programme « doit inculquer le respect absolu de toute position religieuse »[5] et fournir « une éducation où les droits qui légitiment la décision de la Cour suprême [sur le kirpan], tout autant que la culture religieuse qui en exprime la requête, sont compris de tous et font partie de leur conception de la vie en commun »[6] Georges Leroux a longuement justifié l'imposition du programme ECR lors du procès de Drummondville, il s'y est qualifié de jacobin et de pluraliste normatif[7].
- Des associations dont l'Association québécoise en éthique et culture religieuse AQECR [1].
- Des enseignantes et enseignants [2] qui ont défendu le programme à travers diverses tribunes.
Critiques
Les critiques quant à ce programme proviennent de plusieurs secteurs :
- Certains nationalistes et des sociologues comme Joëlle Quérin qui, dans son étude, accuse le cours de prôner le multiculturalisme d'être un cours d'Accommodements raisonnables 101.
- Les parents catholiques, protestants et grecs ou coptes orthodoxes pour qui le cours est un cours de relativisme religieux et évacuent la dimension religieuse de la morale. Ces opposants sont principalement réunis dans la Coalition pour la liberté en éducation. La critique de ces parents s'appuient non seulement sur l'analyse du programme, mais également sur l'analyse du matériel didactique : manuels et cahiers d'activité.
- Les juifs orthodoxes (et Pierre Anctil) se sont également opposés à l'imposition de ce programme dans leurs écoles.
- Les laïques du MLQ pour qui le programme ECR fait une trop grande part à la religion.
- Les évêques catholiques du Québec ont envoyé une lettre à la ministre Courchesne le 15 septembre 2009 où ils font savoir que « la place et le traitement de la tradition chrétienne dans les manuels approuvés pour le primaire ne respectent pas les prescriptions du programme » et que « la formation des maîtres est largement insuffisante et les guides pédagogiques sont encore inexistants. » La Table de concertation protestante sur l'éducation (TCPE) a envoyé une lettre le 9 décembre 2009 allant en substance dans le même sens.
- L'Action démocratique du Québec (ADQ) demande un moratoire sur l'imposition du cours à l'école primaire.
- Certains athées qui se sentent quasi ignorés par le programme et qui considèrent cette incursion de la religion dans leur philosophie d'éducation comme une atteinte à leur liberté de pensée[8].
Sondages
Plusieurs sondages ont démontré une polarisation de la population québcéoise autour de ce programme. En octobre 2008, 45 % des Québécois étaient opposés au programme et 72 %[9] désiraient que les parents aient le choix entre ce programme et un cours de religion confessionnelle et de morale traditionnel à l'école. En mai 2009, la proportion de Québécois en faveur du choix avait cru pour atteindre 76 %[10].
Cependant, il semblerait que la controverse autour du cours tend aujourd'hui a diminuer alors qu'une majorité de Québécois sont favorables au cours. En effet, un sondage Léger-Marketing du 29 mars 2010 révélait que 65,5 %[11] des Québécois voit d'un bon œil que les étudiants suivent ce cours. Il est vrai néanmoins que ce dernier sondage ("voir d’un bon œil que les étudiants suivent ce cours") n'a pas le même objet que celui de mai 2009 ("choix entre l'enseignement religieux confessionnel et le cours d'éthique et de culture religieuse"); en effet, on peut être à la fois en faveur d'une chose et en faveur de la liberté pour les autres de choisir ou non cette chose. Il n'y a pas là de contradiction (lire les deux articles auxquels réfèrent les notes 10 et 11).
Procès contre l'imposition du programme ECR
Deux procès ont été intentés contre, d'une part, une commission scolaire dans la région de Drummondville qui refusait à des parents d'exempter leurs enfants conformément à l'article 222 de la Loi sur l'instruction publique du Québec et, d'autre part, le ministère de l'Éducation qui refusait à une école secondaire catholique de Notre-Dame-de-Grâce, la Loyola High school, la possibilité d'adapter le programme ECR pour qu'il se conforme à sa vocation de collège catholique.
Détails sur le procès de Drummondville
On retrouvera un compte rendu exhaustif du procès : compte rendu des quatre jours de procès de première instance, requête des parents, expertises des parents, plaidoiries des deux parties par écrit et réplique des parents ici.
La décision de première instance a été défavorable aux parents, on lira ici les deux parties du juge Dubois de la Cour supérieure du Québec, partie 1, partie 2.
L'affaire a été entendue en appel, (voir ici) pour un compte rendu de l'audience de recevabilité, lire les Motifs d'inscription en appel et la Requête en rejet d'appel de la procureure générale du Québec.
La Cour d'appel du Québec a refusé d'entendre les parents parce que pour les trois juges l'affaire était devenue théorique :
« [10] Deuxièmement, il appert qu’à ce stade du litige, et en fait, ni l’un ni l’autre des deux enfants n'est assujetti à l’obligation de suivre le cours Éthique et culture religieuse : […] et le second, qui est inscrit dans un établissement privé, est exempté de suivre le cours en question. »
Puis au paragraphe [13] :
« [13] En outre, dans les faits, le problème ne se pose plus à l’égard des enfants des appelants puisque ni l’un ni l’autre n'est maintenu tenu de suivre cet enseignement[12]. »
La Coalition pour la liberté s'est réjouie de la reconnaissance de l'exemption des enfants au privé tout en considérant aller en Cour suprême pour que ce droit soit reconnu également dans les écoles publiques[13]. L'Association des parents catholique du Québec a également décrit cet arrêt comme « une brèche pour l'école privée à étendre à l'école publique »[14].
L'affaire a été portée devant la Cour suprême du Canada, laquelle a accepté le 21 octobre 2010 d'entendre le pourvoi des demandeurs.
Cour suprême
L'affaire a été entendue le mercredi 18 mai 2011 par le plus haut tribunal du Canada. La Cour suprême a publié sur son site un résumé des questions de droit en jeu[15] selon elle. Le mémoire des parents se retrouve ici [16].
Outre les parties à l'origine de cette affaire, huit parties supplémentaires se sont vu accorder le statut d'intervenant (une référence suit chaque nom et renvoie au mémoire de ladite partie) :
- Alliance des chrétiens en droit[17];
- Association canadienne des libertés civiles[18];
- Coalition pour la liberté en éducation[19];
- Alliance évangélique du Canada[20];
- Regroupement chrétien pour le droit parental en éducation[21];
- Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes[22];
- Fédération des commissions scolaires du Québec[23] (n'a pas plaidé);
- Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques[24].
L'Alliance évangélique du Canada a produit une FAQ en termes simples, mais en anglais, qui explique ce qu'elle perçoit comme les questions en jeu et comment cette affaire diffère de celle de Loyola.
Deux comptes rendus de l'audience ont été publiés, l'un en anglais est paru dans le Catholic register, l'autre plus détaillé et en français produit par un parent en faveur du droit d'exemption.
Détails sur le procès de Loyola
Le procès de Loyola a duré cinq jours, on trouvera ici le compte rendu du procès, la requête du collège, lettre à la ministre, plaidoirie des deux parties.
La décision du juge a été favorable à la Loyola High school (le jugement complet (63 pages) et extraits ici).
Références
- http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/I_14/I14.html Article 659 de la Loi sur l'instruction publique pour les autochtones cris, inuit et naskapis - LRQ chapitre I-14 à jour au 1er février 2010
- Le Soleil, 19 avril 2008
- La Presse, 19 avril 2008
- Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles. Fonder l’avenir : le temps de la conciliation, 2008, p. 260
- Leroux, G. Éthique, culture religieuse, dialogue : Arguments pour un programme, Montréal : Fides, 2007, p. 9
- Leroux, G. Éthique, culture religieuse, dialogue : Arguments pour un programme. Montréal : Fides, 2007, p. 46
- http://pouruneecolelibre.blogspot.com/2009/05/georges-leroux-le-pluraliste-jacobin-1.html
- Le cours d'Éthique et culture religieuse - Un dispositif idéologique pour faire reculer les Lumières » Marie-Michelle Poisson, «
- http://www.newswire.ca/fr/releases/archive/October2008/23/c9151.html Sondage Léger Marketing du 23 octobre 2008
- http://www.newswire.ca/fr/releases/archive/May2009/26/c7735.html Sondage Léger Marketing du 26 mai 2009
- http://www.canoe.com/archives/infos/quebeccanada/2010/03/20100329-220505.html Sondage Léger Marketing du 29 mars 2010
- http://files.newswire.ca/859/ASM18301.Decision.pdf L'arrêt de la Cour d'appel,
- http://www.cnw.ca/fr/releases/archive/February2010/25/c4641.html Communiqué de presse de la Coalition pour la liberté en éducation
- http://www.cnw.ca/fr/releases/archive/February2010/25/c4811.html Communiqué de presse
- http://www.scc-csc.gc.ca/case-dossier/cms-sgd/sum-som-fra.aspx?cas=33678
- http://www.scc-csc.gc.ca/factums-memoires/33678/FM010_Appelants_S.-L.-et-D.-J._%C3%A9pur%C3%A9.pdf
- http://www.coalition-cle.org/media/memoire/CLF.pdf
- http://pouruneecolelibre.blogspot.com/2011/05/ecr-memoire-de-lassociation-canadienne.html
- http://www.coalition-cle.org/media/memoire/CLE.pdf
- http://pouruneecolelibre.blogspot.com/2011/05/memoire-de-lalliance-evangelique-du.html
- http://pouruneecolelibre.blogspot.com/2011/05/ecr-memoire-du-regroupement-chretien.html
- http://pouruneecolelibre.blogspot.com/2011/05/erc-at-supreme-court-attorney-general.html
- http://www.coalition-cle.org/media/memoire/FCSQ.pdf
- http://pouruneecolelibre.blogspot.com/2011/05/erc-at-supreme-court-of-canada-strongly.html
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