École de Berlin

École de Berlin

L’école de Berlin ou école berlinoise, en allemand Berliner Schule, est le nom donné à la nouvelle nouvelle vague allemande, au renouveau du cinéma d'auteur en Allemagne. Une étiquette trop commode que dénoncent certains, et d'abord les principaux intéressés.

Au début des années 2000, il se passe quelque chose sur les écrans allemands, au point qu'on a évoqué une renaissance, un renouveau. Les films allemands sont plus nombreux, et surtout, ils sont meilleurs. L'après Wenders, Fassbinder, Schlöndorff, Herzog semble enfin s'écrire.

De nombreux réalisateurs sortent alors leurs premiers long métrages, quelques films allemands rencontrent un succès public national et international (Good Bye, Lenin!), d'autres sont programmés dans différents festivals (Venise, Locarno, Toronto) et Caroline Link remporte pour son film Nirgendwo in Afrika l'oscar du meilleur film étranger en 2003, ce qui n'était pas arrivé depuis 1980 pour un film allemand. C'est le signe que la production cinématographique est en pleine expansion, le signe que le cinéma allemand est en plein renouveau. La nomination en 2001 de Dieter Kosslick à la tête du festival du film de Berlin a accentué la visibilité de cette jeune génération, la Berlinale devenant une chambre d'écho pour ce jeune cinéma.

Mais dans ce renouveau il convient de distinguer un cinéma plus grand public et un cinéma d'auteurs, cette « école de Berlin ». Mais l'un et l'autre témoigne d'une vitalité évidente.

La réforme du système de production explique également ce foisonnement.

1988 : 60 longs métrages produits

1995 : 87 (dont 24 documentaires)

2004 : 121 (dont 34 documentaires)

2008 : 185 (dont 60 documentaires)[1]

Cette Berliner Schule est représentée par des cinéastes comme : Thomas Arslan (1962), Christian Petzold (1960), Angela Schanelec (1962), Valeska Grisebach (1968), Benjamin Heisenberg (1974), Christoph Hochhäusler (1972), Ulrich Köhler (1969), Jan Krüger (1973), Henner Winckler (1969), Maren Ade (1976), Sylke Enders (1965), Maria Speth (1967), Nicolas Wackerbarth (1973), Henrike Goetz (1966), Soeren Voigt (1968). On peut aussi nommer Matthias Luthardt (1972), Ayse Polat (1970) ou Stefan Krohmer (1971).

Sommaire

Signes avant-coureur : petite chronologie

En 1995, Der Totmacher (L'homme de la mort) de Romuald Karmakar attire 450 000 spectateurs dans les salles ; en 1998 Cours, Lola, cours de Tom Tykwer, plus de deux millions de spectateurs.

Mais ce sont évidemment dans les festivals que les signes sont les plus évidents : Plätze in Städten d'Angela Schanelec est accueilli en 1998 à Cannes et à Berlin ; Dealer de Thomas Arslan est primé à Berlin en 1999. Le film de Christian Petzold, Contrôle d'identité (2001), crée la surprise, présenté à la Semaine de la critique à Cannes en 2001, puis sélectionné à la 57e Mostra de Venise. (Ces trois réalisateurs (Petzold, Arslan et Schanelec) font figures d'ainés et de modèles, ils sont un peu plus âgés et ont déjà réalisés deux ou trois long métrages).

The days between de Maria Speth reçoit en 2001 le Tigre d'or au festival de Rotterdam. Iain Dilthey remporte en 2002 le Léopard d'Or au festival de Locarno pour Das Verlangen. Cette même année (2002), dès la première édition sous sa direction, Dieter Kosslick crée une nouvelle section, Perspektive Deutsches Kino, qui donne au nouveau film allemand sa propre section et la possibilité de montrer des premiers films.

Une école qui n'en est pas une

La pertinence du terme « école » est pourtant très discutable, car il n'existe pas à proprement parlé de groupe ou de mouvement revendiqué comme tel : pas de programme artistique ou politique commun, pas de manifeste ou de dogme. La Berliner Schule est plus un raccourci journalistique, un label de marketing, pour nommer un mouvement d'ensemble.

A défaut d'une école, il s’agit plutôt d’un réseau d’amis (bien que certains rattachés à cette « école » ne se connaissent pas) qui travaillent parfois ensemble (comme co-scénariste ou assistant réalisateur), qui sont pour la plupart établis à Berlin, qui ont été formé par les écoles allemandes de cinéma, et qui ont comme envies communes de s’affranchir des règles du marché et de la standardisation du cinéma allemand, et d’inventer un cinéma d’auteurs, intimiste, qui soit le reflet de leur pays aujourd’hui.

Par goût de la facilité, il fallait une dénomination pour ce jeune cinéma. Les propos des réalisateurs sont éclairants sur ce sujet :

Thomas Arslan, réalisateur (Ferien, chronique d'un été) : « En Allemagne, on parle plutôt de «l’école berlinoise». Je ne sais pas si elle existe vraiment... Le film allemand de ces années-là [années 80-90] me paraissait alors désert et appauvri. À travers ce marasme, quelques-uns ont cherché à se frayer un autre chemin. Autant que je puisse en juger, de ces tentatives est apparue une plus grande diversité au sein du cinéma allemand... Si je devais décrire ma position au sein du cinéma allemand en général : en marge. » [2]

Christian Petzold, réalisateur (Jerichow) : « Comme beaucoup d'écoles, c'est une invention journalistique. Après, il dépend de son succès ou de son échec que l'appellation se justifie ou pas. Ce qui est vrai, c'est que nous sommes un certain nombre de réalisateurs, plus ou moins jeunes, basés à Berlin. Nous nous connaissons et nous nous rencontrons. Mais contrairement à la Nouvelle Vague en France, qui disposait de soutiens dans certaines institutions et qui émergeait à une époque de profonde mutation sociale, nous restons terriblement isolés dans l'industrie du cinéma. » [3]

Florian Henckel Von Donnersmarck, réalisateur (La vie des autres) : «  Mais il n’y a pas de Nouvelle Vague ! Je crois que leur travail est bien plus reconnu en France qu’en Allemagne où cette Nouvelle-vague n’est pas si remarquée que ça... Mais je crois que le fait que certains acceptent le label « Nouvelle Vague » ou « école berlinoise » - comme on dit en Allemagne - s’explique par des questions d’avantages politiques. Chaque fois que l’on parle d’Ulrich Köhler, on parle de Christoph Hochhaüsler ou de Benjamin Eisenberg et voilà, ça multiplie la présence ! Je ne me sens pas faire partie de cette Nouvelle-Vague. » [4]

Mathias Luthardt, réalisateur (Pingpong) : « Ces films ont en commun de raconter des histoires sur la vie de tous les jours en Allemagne, sans dramatisation et sans donner d’explications psychologique »[5].

Henner Winkler, réalisateur (Lucy) : « On sait ce qu'on n'aime pas ! Ce qui est ouvertement commercial nous dégoûte. C'est comme une aversion pour le système de la publicité, des marques, de l'économie capitaliste.» [6]

Sebastian Schipper, réalisateur (Mitte Ende August) : « Je ne sais pas si les réalisateurs qu’on compte communément dans la Berliner Schule se connaissent entre eux, s’ils ont conscience d’en faire partie. Est-ce qu’on peut considérer qu’un groupe existe si ce ne sont pas ses membres qui ont décidé un jour de sa création ? » [7]

Une nouvelle génération de cinéastes

S'ils ne constituent pas un mouvement clairement revendiqué, ces réalisateurs incarnent bien une nouvelle façon de faire du cinéma. Tous sont passés par des écoles de cinéma, et explique Petzold, « il était clair que les étudiants n'allaient pas là apprendre à faire du cinéma commercial. » [8] Leur point commun : plus que leur localisation géographique, c’est que leur travail est traversé par un nouveau souffle, qui correspond à un changement d’époque et de génération.

Importance des écoles de cinéma

Il existe en Allemagne un nombre d'importants d'école de cinéma qui ont des moyens financiers suffisant pour garantir aux films de fin d'études une exploitation commerciale dans les salles. Citons :

la Hochschule für Fernsehen und Film de Munich où ont étudié C. Hochhäusler, B. Heisenberg, M. Ade

la Kunsthochschule für Medien de Cologne où ont étudié J. Krüger, J. Bonny

la Hochschule für Film und Fernsehen « Konrad Wolf » de Potsdam-Babelsberg où ont étudié M. Speth, M. Luthardt

la Deutschen Film und Fernsehakademie à Berlin où ont étudié T. Arslan, C. Petzold, A. Schanelec et N. Wackerbarth

la Hochschule für bildende Künste à Hambourg où ont étudié U. Köhler et H. Winckler

Influences

Après des années où le cinéma allemand s'est perdu dans des comédies commerciales ou des sous-clones hollywoodiens, ces jeunes réalisateurs revendiquent un cinéma d'auteurs, assumant influences et admirations. Les références de ces jeunes cinéastes sont souvent à chercher hors des frontières nationales. Un bon exemple est la revue Revolver, à laquelle collaborent certains de ces réalisateurs, et où « nous essayons de rétablir un lien avec le passé, entre autres avec les cinéastes des années 1970. » (dixit C. Hochhäusler, l'un des rédacteurs en chef) [9] Sont fréquemment cités, Fassbinder, Robert Bresson, Hou Hsiao-hsien, Apichatpong Weerasethakul, Abbas Kiarostami, ou encore les belges Jean-Pierre et Luc Dardenne et Bruno Dumont.

Pour Ulrich Köhler, « les influences principales viennent plutôt du cinéma mondial : Antonioni, des contemporains comme Hong Sang-soo, Bruno Dumont en France... » [10]

Henner Winkler  : « Pour les références dans le cinéma, je n'en vois qu'une qui nous réunit, les frères Dardenne.» [11]

Christian Petzold : « Mes modèles sont plutôt Chabrol et tout Hollywood. » [12]

Famille

Les producteurs Florian Koerner et Michael Weber (Schramm Film Koerner & Weber) ont produit des films de C. Petzold, T. Arslan, H. Winckler, J. Krüger, et A. Schanelec.

Différents chefs opérateurs ont travaillé pour ces réalisateurs :

Patrick Orth avec U. Köhler, H. Winckler, A. Polat. et S. Krohmer ;

Bernhard Keller avec C. Hochhäusler, V. Grisebach, M. Ade, et S. Krohmer ;

Reinhold Vorschneider avec A. Schanelec, B. Heisenberg, M.Speth, N. Wackerbarth et T. Arslan.

La monteuse Bettina Böhler a travaillé pour C. Petzold, A. Schanelec, H. Winckler, et V. Grisebach.


Les films de cette nouvelle génération ont tous un point commun qui les relie aux films de l'ancienne génération: un intérêt prononcé pour les histoires et les paysages allemands (symbolisant ainsi un refus des coproductions anonymes, européennes ou internationales). C'est sans doute cet intérêt pour l'histoire allemande, le présent allemand et la réalité allemande qui valent à ces films cette attention internationale.

Les personnages mis en scène par les représentants de la nouvelle vague sont manifestement dans une quête désespérée de bonheur. Ce qui caractérise cette nouvelle vague, c’est «l'irruption de la réalité dans le film allemand» (Christoph Hochhäusler à propos de Bungalow d’Ulrich Köhler)[13].

Ce sont des réalisateurs qui parlent de leur pays, avec des histoires ancrées dans le réel et le quotidien, des thématiques qui rejoignent l'universel (le besoin d'amour, malaise existentiel, famille déstructurée, maux de l'adolescence).

Un succès qui tarde à venir

Salué par la critique, ce jeune cinéma exigeant n'a pas rencontré une grande audience. Les films attirent en moyenne 10 000 spectateurs. Le réalisateur Oskar Roehler n'est pas un adepte du genre : «Ils sont toujours secs, toujours rigides. Il ne se passe rien dans ces films. Ils sont lents, sinistres, rien n’est dit vraiment. C’est ça la «Berliner Schule». Ils s’en tirent toujours bien avec la critique et ils font 5 000 à 10 000 entrées»[13].

Bibliographie

  • Good Bye Fassbinder ! Le cinéma allemand depuis la réunification. Pierre Gras. Editions Jacqueline Chambon (2011)
  • Le jeune cinéma allemand. Dossier (dont des entretiens avec Maren Ade, Christoph Hochhäusler et Benjamin Heisenberg) dans les Cahiers du cinéma / décembre 2010
  • Allemagne, année 2010. Chronic'art / novembre 2010
  • Le cinéma allemand (2e édition). Bernard Eisenschitz . Editions Armand Colin (2008)
  • Germania, quo vadis ? Positif / Avril 2007
  • Cinéma allemand, le renouveau. Dossier dans Positif / avril 2006
  • Printemps allemand. Enquête dans les Cahiers du Cinéma / février 2006
  • Qui regarde l'Allemagne ? À propos des films de Christian Petzold et d'Angela Schanelec. Cinéma 09 / printemps 2005
  • Allemagne : la génération de l'espace. Enquête dans les Cahiers du cinéma / février 2004
  • Renaissance du cinéma allemand. On vous l'avait bien dit. Positif / avril 2003

Liens externes

  • L’école qui n’en est pas une – Réflexions sur la «Berliner Schule». Article de Cathy Rohnke sur le site du Goethe-Institut.
  • La nouvelle vague allemande. Un dossier dans le n°17 de La Gazette de Berlin.
  • Entretien avec Sarah Mersch, critique de cinéma en Allemagne, sur le site Il était une fois le cinéma.
  • Le cinéma allemand aujourd'hui. Dossier avec des Interviews des réalisateurs Florian Henckel von Donnersmarck (La vie des autres), Ulrich Köhler (Montag), sur le site Objectif Cinéma.
  • Entretien avec Andreas Schreitmüller, responsable de la Fiction et du Cinéma pour la chaîne Arte.

Références

  1. chiffres de l'association Les rendez-vous franco-allemands du cinéma
  2. Entretien avec Thomas Arslan sur le site Comme au cinéma.com
  3. Entretien avec le journal Le Monde 21.04.09
  4. Entretien sur le site objectif-cinéma.com. Dossier Le cinéma allemand aujourd'hui
  5. La "Berliner Schule" - lagazettedeberlin.de - Février 2007
  6. Entretien avec le journal Libération 09.02.2005
  7. Entretien avec lagazettedeberlin.de - février 2007
  8. article du journal Libération : L'Allemagne retrouve de l'auteur 22.01.2003
  9. Cahiers du cinéma - février 2004
  10. Entretien sur le site objectif-cinéma.com. Dossier Le cinéma allemand aujourd'hui
  11. Entretien avec le journal Libération 09.02.2005
  12. entretien avec fluctuat.net autour du film Jerichow
  13. a et b Article du Goethe-Institut : L’école qui n’en est pas une – Réflexions sur la «Berliner Schule». Décembre 2006

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article École de Berlin de Wikipédia en français (auteurs)

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