Massacre de Račak

Massacre de Račak
Tombes des victimes à Račak

Le massacre de Račak[1] (serbe : Масакр у Рачку, Masakr u Račku ou incident de Račak est le massacre de 45 albanais du Kosovo qui a eu lieu le 15 janvier 1999, pendant de la Guerre du Kosovo dans le village de Račak (Reçak en Albanais), au Kosovo central[2].

Selon des rapports du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Human Rights Watch, l'événement était un massacre délibéré de civils par la police serbe[3],[4]. A contrario, selon le gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie les morts étaient des membres de l'Armée de libération du Kosovo (ALK) tués dans un accrochage avec les forces de sécurités de l'État.

Condamné par le Conseil de sécurité des Nations unies, le massacre de Račak devient une des causes principales du bombardement de la Yougoslavie par l'OTAN [3]. Après la guerre le massacre fait partie de l'acte d'accusation de Slobodan Milošević par le TPIY. Il y a toujours une controverse sur la nature des victimes du massacre entre les populations serbes et albanaises et le massacre de Račak est toujours une cause de dissension entre les deux communautés, au côté de nombreux autres meurtres inter-ethniques subis par les deux camps[5].

Sommaire

Déroulement des événements

«  (...) tôt dans la matinée, le village de Racak (municipalité de Stimlje/Shtime) est attaqué par les forces de la République fédérale de Yougoslavie et Serbie. Après un bombardement d'artillerie par des unités de l'Armée de Yougoslavie, la police serbe entre dans le village plus tard dans la matinée et commence une fouille de celui-ci maison par maison. Les villageois qui tentent de fuir la police serbe sont abattus dans le village. Un groupe de 25 hommes tente de se cacher dans un bâtiment mais est découvert par le police serbe. Ils sont battus et ensuite emmenés dans une colline proche, où les policiers ouvrent le feu et les tuent. En tout les forces de la République fédérale de Yougoslavie et Serbie ont tué environ 45 Albanais du Kosovo à l'intérieur et autour de Racak. » Acte d'accusation de Slobodan Milosevic] par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY)[6]. La liste des victimes dressée par le TPIY inclue deux femmes, un enfant de 13 ans et deux hommes âgés[6].

D'après des villageois témoins, après l'élimination par les forces serbes de huit gardes de l'Armée de libération du Kosovo, la plupart des victimes civiles ont été tuées à bout portant d'une balle dans la tête ou dans la nuque, et l'une d'entre elle de 62 ans a été décapitée devant sa maison. Plusieurs membres de certaines familles ont été tués. Les policiers avaient le visages masqué et selon des témoins chantaient lors du massacre. Lorsque les observateurs de l'OSCE qui ne sont pas armés et dont le poste est à deux kilomètres en surplomb du village, appellent Belgrade pour faire cesser l'intervention, on leur répond qu'il s'agit d'une opération de police suite à la mort de trois policier serbes tués dans la région la semaine précédente. Les forces serbes se replient à 17h. Les média serbes annoncent que 15 terroristes albanais ont été tués par le force de sécurité[7].

Les suites

Le lendemain, l'OSCE inspecte le village et constate que certains civils ont été mutilés. D'après le général Walker, chef de l'OSCE, une vingtaine d'entre eux ont été tués d'une balle dans la tête ou dans la nuque. L'OSCE accuse le haut de la chaine de commandement serbe d'avoir organisé le massacre[7]. Deux jour après Louise Arbour la procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie est refoulée à la frontière lorsqu'elle veut enquêter sur les lieux[8]. Le même jour la police serbe lourdement armée retourne à Račak sous le feu de l'ALK et reprend les corps des victimes pour les emmener à Pristina pour être autopsiés[9]. Le 19 janvier le Conseil de sécurité des Nations Unies condamne le massacre[1].

Deux expertises en médecine légale sont réalisées. Une première par une équipe serbe et biélorusse le 19 janvier alors que le TPIY veut que les premiers enquêteurs soient de l'Union européenne. L'enquête conclut qu'aucun des corps ne porte des traces d'exécution, qu'il ne s'agit pas d'un massacre et que les corps ont été mutilés à postériori pour faire croire à une exécution, ce qui aurait induit William Walker de l'OSCE en erreur[10]. La deuxième équipe mené par une équipe finlandaise critique l'analyse prématurée selon eux de l'équipe biélorusse et serbe, le fait que les corps aient été déplacés et l'absence d'une procédure normale qui éviterait les contaminations, ainsi que l'utilisation de la méthode de paraffine pour déceler les traces de poudre sur les mains des morts, rendu obsolète par Interpol depuis 1968. Elle constate que les victimes portent des vêtements civils, qu'au vu des impacts des balles et des blessures ceux-ci n'ont pas été changés et l'absence de signes de falsification ou de mutilation post mortem. L'équipe conclut qu'elle ne peut pas à elle seule confirmer qu'il s'agit d'un massacre et confirmer si les victimes sont mortes ou non dans une bataille et qu'il faut recouper avec des interrogatoires de témoins[11].

Controverse

Une controverse s'est développée : s'agissait-il effectivement de civils délibérément massacrés, donc d'un crime de guerre — position du chef de la mission de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) au Kosovo, William Walker —, ou bien d'une mise en scène destinée à camoufler un accrochage entre l'armée de libération du Kosovo (UÇK) et les forces de sécurité du gouvernement yougoslave — position du gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie. Quoi qu'il en soit, c'est le seul incident antérieur à la campagne de bombardements de l'OTAN ayant donné lieu à une accusation de crime de guerre[réf. nécessaire].

Fin janvier 1999, les États-Unis affirment avoir intercepté et enregistré des conversations téléphoniques prouvant le rôle du gouvernement yougoslave dans le massacre. Selon le Washington Post, ces enregistrements montreraient que le premier ministre serbe Nikola Šainović et le ministre de l'intérieur serbe Sreten Lukić s'inquiétèrent des réactions à l'assaut sur Račak et discutèrent de la manière dont on pouvait mettre cela en scène comme une attaque des troupes gouvernementales contre l'UÇK. Sainović aurait également donné l'ordre que le procureur du TPIY Louise Arbour ne soit pas admise dans le pays[12]. Par la suite, le TPIY, considéra cet événement comme un crime de guerre, et le président yougoslave Slobodan Milošević fut accusé d'en être responsable[8],[1] .

Dès janvier 1999, des correspondants locaux de grands journaux comme Le Figaro ou Le Monde ont émis des doutes sur la version de William Walker[13],[14]. Plusieurs gouvernements, dont l’Allemagne et l’Italie, auraient même demandé à l’OSCE de renvoyer William Walker, à la lumière d’informations reçues de contrôleurs de l’OSCE au Kosovo selon lesquelles les corps de Racak « n’étaient pas – comme le prétend Walker – des victimes d’un massacre serbe de civils » mais ceux de combattants de l’UCK tués au combat[15][réf. incomplète].

Un observateur américain arrivé le jour même sur les lieux et qui témoigne anonymement dément la thèse de la mise en scène. Il raconte que de nombreuses douilles et chargeurs ont été récupérés par les observateurs américains ce qui peut expliquer la polémique liée à leur faible nombre trouvé sur les lieux du massacre, que de nombreux corps avait été déplacés par les familles afin de les ramener dans leur maison, et que de nombreux combattant de l'UCK avaient de la famille à Racak et avaient emmené les corps de neuf de leurs compagnons d'arme tués en même temps que les civils[16].

En octobre 2008, le docteur finlandais Helena Renta, qui était responsable de l’équipe d’enquêteurs internationaux chargée sur place du rapport sur les événements, parle de cet événement dans sa biographie. Selon le journal B.I., elle y affirme avoir été soumise à des pressions de la part du chef de la mission de l'OSCE, William Walker, ainsi que du ministère des affaires étrangères finlandais pour rendre le rôle des Serbes plus évident, ce qu'elle a refusé [17].

Liens externes

Notes et références

  1. a, b et c SECURITY COUNCIL STRONGLY CONDEMNS MASSACRE OF KOSOVO ALBANIANS IN SOUTHERN KOSOVO, Déclaration du conseil de sécurité des Nations-Unies, 19 janvier 1999
  2. Racak massacre haunts Milosevic trial
  3. a et b Under Orders (Human Rights Watch)
  4. Kosovo/Kosova: As Seen, As Told, "Part V: The Municipalities - Stimlje/Shtime", OSCE, 1999
  5. Kosovo: a divided land where hatred is passed down the generations, Times online, 8/12/2007
  6. a et b Acte d'accusation de Slobodan Milosevic, Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY)
  7. a et b «Nous étions sûrs de tous mourir» Des habitants de Racak racontent les dix heures de massacre, Libération le 18/1/1999
  8. a et b Introductory Statement by Justice Louise Arbour, Prosecutor ICTY and ICTR at the Launch of the ICC Coalition's Global Ratification Campaign, 13 mai 1999
  9. Tom Walker. "Serbs take village massacre bodies", The Times, 19 January 1999
  10. "Pathologist: 'No Kosovo massacre'". BBC News, 19 January 1999
  11. REPORT OF THE EU FORENSIC EXPERT TEAM ON THE RACAK INCIDENT, 17 mars 1999
  12. R. Jeffrey Smith. "Serbs Tried To Cover Up Massacre; Kosovo Reprisal Plot Bared by Phone Taps". Washington Post, 28 January 1999
  13. Nuages noirs sur un massacre, Le Figaro, 20 janvier 1999.
  14. Les morts de Racak ont-ils réellement été massacrés de sang-froid ?, Christophe Châtelot, Le Monde, 21 janvier 1999.
  15. Rapporté par le Berliner Zeitung, le 13 mars 1999
  16. Massacre de Racak : récit d'un témoin clé. Arrivé après la tuerie, il dément la thèse d'une mise en scène., Libération, 27/1/199
  17. Erreur dans la syntaxe du modèle Article(en) Helsingin Sanomat, « Helena Ranta: Foreign Ministry tried to influence Kosovo reports », dans , 16 octobre 2008 [texte intégral (page consultée le 23 juin 2009)] 


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Massacre de Račak de Wikipédia en français (auteurs)

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