- Fusil Sharps
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Le fusil Sharps, à un coup et à chargement par la culasse, fut conçu en 1848 par l'armurier nord-américain Christian Sharps. Il est basé sur un mécanisme de fermeture de culasse dit "à bloc tombant" , très fiable et robuste. Les fusils Sharps, qui ont existé dans une grande variété de versions et de calibre, ont toujours eu (et ont encore) une réputation de grande fiabilité et de haute précision.
Sommaire
Le fusil militaire Sharps
Le fusil Sharps, produit à partir de 1848 par la Sharps Rifle Manufacturing Co. à Hartford, Connecticut[2] fut utilisé pendant et après la Guerre de Sécession[3] .
En décembre 1861 (huit mois après le début de la guerre, et alors que les revers accumulés par le Nord rendaient évidente la nécessité d'un sursaut) Hiram Berdan, l'expert en armes d'épaule individuelles du War department Unioniste, se vit confier la mission d'essayer le fusil militaire à répétition Spencer (arme), qui pouvait tirer 7 coups d'affilée [4]. Mais l'étui d'une cartouche Spencer se fissura pendant le tir, et des gaz chauds furent projetés vers les yeux de l'expert [5] . Berdan déclara alors qu'il préférait le fusils Sharps, dont les qualités étaient, elles, bien connues depuis 1848. Mais la troupe avait besoin d'un fusil à répétition qui puisse dépasser le Springfield Model 1855 et son descendant le fusil Springfield Model 1861, certes efficaces mais à un coup, et le Sharps nécessitait d'être rechargé, fut-ce par la culasse, après chaque tir; aussi les autorités unionistes finirent-elles par choisir le fusil Spencer (arme).
Par contre, son prix (dû à la qualité de son usinage), son poids (9,5 lb, soit 4,3 kg) , sa longueur (47 inches soit 1,20 m[6]) , sa précision à grande distance, sa cadence de tir élevée (il pouvait tirer 8 coups/minute, voire 10 entre des mains entrainées) [7] et aussi sa fiabilité firent que Hiram Berdan recommanda aux membres du Federal Ordinance Department qu'on réserve le fusil Sharps aux tireurs d'élite sélectionnés dans les rangs des soldats unionistes, tireurs qu'il organisa d'ailleurs en 2 régiments d' US Sharpshooters [8].
Dans sa version standard (il y eut de très nombreuses versions en différents calibres, souvent "customisées" à la demande, surtout en ce qui concerne les organes de visée) , le fusil Sharps était de calibre .52 (13,2 mm) et chambrait une cartouche de papier[9] contenant 80 grains (3,2 g) de poudre noire [10] . A la bouche du canon la balle de plomb de 370 grains atteignait une vitesse de 1,200 ft/s (370 m/s). Malgré les performances balistiques modestes (selon les concepts actuels) du projectile, le Sharps était reconnu comme trés efficace à 500 yards (460 m), et autorisant de bons scores à 1 000 yards (910 m) entre les mains d'un tireur d'élite. Par ailleurs il pouvait être rechargé facilement par un tireur couché (position favorite du sniper) , alors que le rechargement par la bouche d'un "rifled musket" est difficile et long dans cette position.
Lors de la bataille de Gettysburg (2cd jour), un détachement du 2nd U.S. Sharpshooters , armé de fusils Sharps, se trouvait sur l'éminence hautement stratégique de Little Round Top. Placés derrière un mur de pierre sèche par le colonel Joshua Lawrence Chamberlain et bien cachés, les tireurs d'élite ont semé la confusion parmi les sudistes d'Alabama et du Texas qui se retiraient aprés la contre-attaque victorieuse menée à la baïonnette par les soldats du 20th Maine Volunteer Infantry Regiment. Ils ont donc contribué à décourager les attaques sudistes sur cette portion sensible de la ligne de défense unioniste[11] : le fait que les nordistes aient gardé Little Round Top, qui commandait le flanc gauche de leur ligne de défense, est selon les historiens un des facteurs de la victoire unioniste à Gettysburg.
Pour contrer le Sharps, les "sharpshooters" Confédérés utilisaient un fusil de précision acheté au Royaume Uni, le fusil Whitworth[12]. Peut-être fut-ce avec ce matériel que fut tué le général John Sedgwick, à 1 000 yards de distance, lors de la bataille de Spotsylvania. A moins que, mettant le comble à l'ironie, le tireur sudiste n'ait utilisé un Sharps pris à l'ennemi : les sudistes utilisaient beaucoup d'armes (et de fournitures diverses) "concédées par les Yankees".
A noter que les fusils Sharps furent surnommés Beecher's bibles (Bibles de Beecher) : en 1856 le révérend Henry Ward Beecher (frère de Harriet Beecher Stowe, auteur de La Case de l'oncle Tom) envoyait à ses amis anti-esclavagistes du Kansas des caisses qui étaient marquées "bibles" alors qu'elles contenaient des fusils Sharps.La carabine militaire Sharps
Très populaire dans la cavalerie de chaque camp (moins cependant que la carabine Spencer (arme) à 7 coups) , et bien plus répandue que la version fusil militaire ) la carabine Sharps à un coup était une version allégée et raccourcie du fusil. La brièveté du mécanisme "à bloc tombant" permettait une longueur de canon malgré tout correcte, donc une détonation et un recul moins forts et une assez bonne précision. De plus le problème de l'amorce (difficile à prendre dans une giberne et à placer sur la cheminée quand on est à cheval, surtout avec des gants...) était résolu par une caractéristique technique des Sharps, un amorceur "automatique" : une amorce était poussée hors d'un réceptacle situé contre le boitier et placée sur la cheminée chaque fois que le tireur armait le chien.
La carabine Sharps fut très simplement transformée après la Guerre de Sécession pour pouvoir utiliser la nouvelle cartouche métallique à percussion centrale .45-70 Gvt. Elle fut alors bien plus fiable que les Springfields transformées avec leur mécanisme "trap-door" (porte de cave) [13] , d'où leur grande popularité lors des Guerres Indiennes de la fin du 19° siècle[14]
Les dérivés civils du fusil Sharps
Après la fin de la guerre de Sécession, les surplus (environ 100 000 Sharps avaient été produits) furent souvent transformés en armes de tir sportif à longue distance, ou en armes de chasse.
La production de Sharps civils continua cependant un certain temps, jusqu'au Sharps Borchardt Model 1878 qui fut le dernier fleuron produit par la firme Sharps avant sa fermeture en 1881. Toujours à un coup et à bloc tombant, mais hammerless (à chien interne) , il chambrait les plus puissantes cartouches à percussion centrale destinées au grand gibier. Il arriva trop tard pour parachever l'extinction des bisons, qui avait déjà eu lieu[15].
Les fusils Sharp neufs ou reconvertis destinés en particulier aux chasseurs de bisons pouvaient tirer les plus puissantes cartouches à poudre noire connues, comme la .50-90 Sharps. Ces cartouches surpuissantes (balle de plomb de calibre .50, propulsée par 90 grains de poudre noire) qui étaient destinées au bison (buffalo) avaient un étui à rebord, long de 2,5 inches (64 mm : le mécanisme à bloc tombant ne limite pas la longueur des cartouches) , et de forme quasi-cylindrique, facile à recharger, même au campement.
L'efficacité des armes des chasseurs de bisons et le massacre qui s'ensuivit entraina des réactions de désespoir de la part des amérindiens : Seconde Bataille d'Adobe Walls en 1874, et Buffalo Hunter's War en 1877[16].
Lors de la Seconde Bataille d'Adobe Walls (en), quand l'assaut des Comanches arrivait au contact des murs du poste, les chasseurs de bison assiègés utilisaient des armes courtes, puis ils tiraient avec leurs Sharps sur les indiens en retraite. Au 3° jour du siège, alors que les Comanches se préparaient à l'assaut, un scout nommé Bill Dixon (en), qui était armé d'un fusil Sharps, tua un guerrier à 1 538 yards de distance. Les indiens abandonnèrent alors le siège du petit poste d'Adobe Walls.
De nos jours
Une survivance des pratiques de la fin du 19° siècle-début du 20° : avec des armes à bloc tombant (Sharps originaux ou copies), le tir à 100 yards avec une mire micrométrique de type "Creedmore" , et le tir à 500 m sur silhouettes métalliques - ou le "Quigley Match" (voir infra).Dans le western Mr Quigley l'Australien (Quigley Down Under, 1990) , Quigley, un marksman du Montana (joué par Tom Selleck utilise au début du 20° siècle un Sharps calibre 45.110 à poudre noire, à canon spécial lourd long de 34 inches, double détente de précision, visée par vernier, avec lequel il est capable de faire mouche à 1200 m[18]. Quigley est recruté en Australie (Down Under) en principe pour tuer des dingos, en fait pour éliminer les aborigènes australiens...Chaque année, à Forsyth (Montana) est organisé un concours de tir à 1000 yards appelé "Quigley Match" : la cible de 44 inches est placée à 1 000 yards, comme dans le film.
Dans le western Valdez Is Coming (1971), le personnage de Valdez, joué par Burt Lancaster, assouvit sa vengeance grâce à un fusil Sharps.
Dans la BD "La Petite Fille Bois-Caïman" , tome 6 de la saga Les Passagers du vent de François Bourgeon, on voit clairement (p. 1 & 2) un "sharpshooter" confédéré tirant avec un Sharps à lunette et à double détente, sans doute pris à l'ennemi.
A noter que le roman "Sharpe's Rifles" de Bernard Cornwell n'a rien à voir avec le fusil Sharps : il décrit les aventures d'un certain Sharpe pendant l'invasion de la Galice par les Français en 1809.
Notes
- Long Island où la NRA a construit à la fin du 19° siècle un pas de tir à très longue distance Creedmore est une localité de
- voir l'article de WP english "Sharps Rifle Manufacturing Company"
- ISBN 0517636069. Hogg, Ian V.(1987) Weapons of the Civil War. New York: Military Press,
- http://www.civilwarguns.com/spencer1.html selon
- (en) concue et produite dès avant la guerre par le général Ambrose Burnside ; le dysfonctionnement de cette dernière est d'ailleurs à l'origine d'un proverbe ironique en espagnol : "tan inùtil como la carabina de Ambrosio" (= aussi "utile" que la carabine d'Ambroise) incident de tir somme toute assez courant avec les ""rifled muskets" contemporains, et surtout avec la Burnside carbine
- le mécanisme à bloc tombant étant très court, le canon avait une grande longueur , d'où la précision du tir
- contre 2, ou au maximum 3 coups/minute pour les "rifled muskets" (fusils à 1 coup, à percussion, à canon rayé et à chargement par la gueule). Le gaspillage de munitions a toujours été la hantise des état-majors...
- guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique (cf Ray, Fred L. Shock Troops of the Confederacy: the sharpshooter battalions of the Army of Northern Virginia 2006 ISBN 978-0-9649585-5-5) . Le terme revint à la mode au 19° siècle lorsque des unités de tireurs d'élite furent armés, par coïncidence, de fusils Sharps. voir les articles de WP english : "1st United States Volunteer Sharpshooter Regiment" et "2cd United States Volunteer Sharpshooter Regiment" - et l'article "Marksman". Le terme de "sharpshooter" dérive de l'allemand Scharfschütze et fut utilisé dès la
- le papier (ou la toile mince) de l'étui, outre sa fonction de contenant, s'interposait entre la balle et le canon et prévenait l'emplombage des rayures. Mais il était très sensible à l'humidité, aux chocs , etc. Dans le cas du Sharps, le bloc tombant en remontant coupait l'extrémité de la cartouche, rendant ainsi la poudre accessible à l'étincelle venant de la capsule. Le remplacement des étuis de cartouches en papier ou en toile par des étuis en cuivre (à percussion annulaire puis centrale) fut bien accueilli par les tireurs
- http://www.aotc.net/Spencer.htm selon les données trouvées dans
- selon l'article de WP english "Little Round Top"
- voir l'article de WP english "Whitworth rifle"
- Sioux lors de la bataille de Little Big Horn a été attribué par certains historiens au fait que les blancs étaient dotés de carabines Springfield transformées, qui n'ont pas supporté le tir à haute cadence - pour d'autres , il est dû à la possession d'armes modernes (carabine Spencer (arme) et fusil Henry) par les indiens ... le massacre des cavaliers de l'US Army par les
- ISBN 0517636069 Hogg, Ian V.(1987) Weapons of the Civil War. New York: Military Press,
- voir l'article de WP english Sharps-Borchardt Model 1878
- voir les articles de WP english : "Bison hunting" , "Buffalo Hunter's War" et "Second Battle of Adobe Walls"
- voir l'article de WP english "Shiloh Rifle Manufacturing Co."
- Tom Selleck... il a été écrit par un critique ( cf TCI: The business of entertainment technology & design, Volume 29(1995)) que dans ce film le fusil Sharps partageait la vedette avec
Bibliographie
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Sharps rifle » (voir la liste des auteurs)
- Coates, Earl J., and Thomas S. Dean. An Introduction to Civil War Small Arms. Gettysburg, Penn.: Thomas Publications, 1990. ISBN 0939631253.
- Sellers, Frank M. Sharps Firearms. North Hollywood, Calif: Beinfeld Pub, 1978. ISBN 0917714121.
- Smith, Winston O. The Sharps Rifle, Its History, Development and Operation. New York: W. Morrow & Company, 1943.
Liens externes
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