- Étude géologique et hydrogéologique des cercles de San, Tominian, Bla et Yorosso
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A cheval entre le désert du Nord (Gao, Tombouctou, Kidal) et la savane humide du Sud (Sikasso), les cercles de SAN, TOMINIAN et BLA de la région de Ségou du MALI constituent une aire géo-climatique où on peut observer la dégradation graduelle et continue de l’écosystème due aux causes conjuguées des caprices de la nature de plus en plus hostile et de l’homme qui dans sa perpétuelle lutte de survie déboise, défriche, favorisant ainsi l’érosion hydrique.
L’irrégularité, l’insuffisance et la mauvaise répartition des pluies dans cette zone du Mali ont fait que l’eau est une denrée rare et précieuse. La densité de la population en question est de l’ordre de 20 habitants au km2. La désertification, la sécheresse quasi – permanente, le ruissèlement rapide des eaux de surface, la présence sans cesse des éleveurs nomades, et la topographie accidentée (pente allant de 1 à 5%) ont fait que les besoins en eau des populations et du bétail croissent de façon exponentielle. D’où la nécessité d’une hydraulique villageoise par des forages, puits citernes et puits cuvelés pour le ravitaillement en eau des populations rurales. De nos jours l’hydraulique urbaine tend à se développer avec les adductions d’eau.
Après plusieurs sondages mécaniques (forages, puits à grand diamètre) réalisés pour la plupart à partir de sondages électriques (BREESS, BIDR, BSH etc.) et effectués par MALI AQUA VIVA évoluant dans la zone depuis 1975, l’opération puits puis d’autres organismes tels JAPONAIS (TONE CORPORATION), WORLD VISION, FORACO, CHINOIS et récemment GEOLOGUES DU MONDE (Espagne) etc on se rend compte que ces trois localités sont constituées dans leurs parties superficielles d’argiles, de sables, de latérites ferrugineuses, de graviers et de sols rouges à bruns du Quaternaire. L’épaisseur de ce terrain communément appelé recouvrement varie entre 30 et 40m.
Ces formations contiennent souvent des nappes qui du reste sont rarement mises en valeur par les foreurs opérant dans la zone parce que susceptibles d’être polluées par les eaux de surface ou de ruissellement. Elles reposent sur un substratum de l’Infracambrien communément appelé socle.
Le socle des zones de San, Tominian, Bla, est majoritairement constitué de grès de Koutiala inferieur, moyen , supérieur blancs , jaunes parfois rouges à grains fins , moyens , grossiers et de grès de Bandiagara le plus souvent rouges . Cette partie constitue le réservoir potentiel des eaux souterraines (nappes phréatiques). Toutefois il faut noter que le grès de Bandiagara est beaucoup plus dur que le grès de Koutiala. Les failles (gisements ou réservoirs d’eau) se trouvent être localisées entre 40 et 70 m (voir études BURGEAP). On rencontre le grès de Bandiagara dans la plupart des cas dans le cercle de Tominian.
Yorosso, beaucoup plus au Sud renferme les mêmes formations géologiques avec une prédominance d’argiles compactes et d’intrusions dolomitiques le plus souvent stériles. Dans cette zone du sud du Mali, les forages sont le plus souvent négatifs ou à faible débit. Les statistiques des forages réalisés (voir base de données sigma MALI AQUA VIVA) ont révélé que la nappe phréatique de cette partie centrale (San, Tominian, Bla) et sud (Yorosso) du Mali se trouve être localisée entre 40 m et 70 m. Toutes choses étant égales par ailleurs, un forage dans ce milieu s’effectue en trois jours.
Les aquifères (nappes phréatiques) de ces formations géologiques pour la plupart du temps sont d’un débit compris entre 1 et 5 m 3/h et plus à Bla (5 à 10 m3/h). C’est pourquoi, les moyens d’exhaures (pompes à motricité humaine) fréquemment utilisés sont du type Vergnet (pompes à pied) avec quelques rares cas de pompes India (pompes à main). Le cercle de Bla demeure et de loin le plus pourvu en pompes solaires. Ceci s’explique non seulement par le fait que VERSPIEREN, principal fournisseur s’y trouve être logé (Terriyabougou) mais aussi parce que Bla regorge plus d’aquifères à gros débit.
Pour qu’un forage soit équipé de pompe solaire, il faut que son débit soit supérieur ou égal à 5m3/h. Les pompes à motricité humaine sont moins exigeantes. Elles sont installées sur des forages à débit variant entre 1 et 5m3/h. Dans la zone on rencontre souvent des forages équipés de pompes électriques à débit supérieur ou égal à 3 m3/h (vergers, domaines publics). Parfois, on procède à des puits citernes (jonction entre forages et puits à grand diamètre) pour satisfaire les besoins en eau des villages où les forages sont généralement négatifs ou d’un faible débit ou alors les conditions hydrogéologiques ne sont pas clémentes. Le niveau statique, la position des crépines et la profondeur des forages déterminent la profondeur d’arrêt de ces genres de puits.
Les puits cuvelés communément appelés puits à grand diamètre sont moins nombreux pour des raisons économiques car un puits d’une profondeur de 20 m en moyenne équivaut à réaliser 4 forages. Dans la zone, la profondeur moyenne des différents puits réalisés est de l’ordre de 15 à 20 m. WORLD VISION en est le principal pourvoyeur surtout en milieu bwa (bobo). Ces types d’ouvrages sont préférés aux forages dans certains villages à cause de leurs moindres charges (pas de réparation de pompes ni d’achats de pièces de rechanges) et se prêtent mieux aux affluences tant en hommes qu’en bétail. Mais il n’en demeure pas moins que l’eau du forage reste de loin la plus potable. Les forages aussi bien que les puits qu’ils soient citernes ou cuvelés exigent une étude de l’ordre de grandeur de leur capacité de production, notamment en fin de saison sèche afin de pouvoir préciser de façon optimale le nombre d’usagers qu’ils sont capables de desservir.
C’est pourquoi le Bureau de Recherches en Géologie Appliquée (BURGEAP) a élaboré une méthode simplifiée dite méthode d’essai normalisée permettant de déterminer :
- Pour les forages villageois, la profondeur d’installation de la pompe à motricité humaine et l’ordre de grandeur du débit maximum (Qmax). Cette méthode est applicable à tous les forages d’hydraulique villageoise, qu’ils exploitent le socle ou les terrains sédimentaires. Cette méthode d’essai normalisée (normalisation des modalités d’exécution et des méthodes d’interprétation) est communément appelée méthode C.I.E.H qui veut dire comité interafricain d’études hydrauliques. L’essai en question comporte trois paliers à débits variés (Q1<Q2<Q3) plus une mesure de remontée. Toutefois dans cet essai le débit du premier palier doit toujours être voisin de celui d’une pompe à motricité humaine c'est-à-dire 0,7 à 1m3/h.
- Pour un moyen de pompage ou un aménagement aval plus fastidieux c'est-à-dire pompe solaire ou système d’irrigation, il est nécessaire d’effectuer un essai de pompage classique de longue durée suivi sur piézomètres.
Dans les gros villages ou villes à forages pour adduction d’eau , on utilise cette méthode d’essai de longue durée soit de 24 heures, soit de 48 heures , soit de 72 heures selon les cas. Ceci permet non seulement de déterminer les caractéristiques hydrodynamiques des forages (transmissivité T, coefficient d’emmagasinement S et débit maximal d’exploitation Qmax) mais aussi la côte d’installation de la pompe.
- Pour les puits à grand diamètre, la méthode C.I.E.H permet d’évaluer le niveau statique lors de l’essai (puits en exploitation) et la capacité journalière de production du puits à la fin de la saison sèche. Bref, la méthode C.I.E.H permet de déterminer la côte d’installation des pompes à motricité humaine, la profondeur de la jonction avec le forage lors de la réalisation d’un contre puits et aussi le débit d’exploitation maximal des forages.
Alain Guerre, hydrogéologue français ayant travaillé à la Direction Nationale de l’Hydraulique au MALI a élaboré un logiciel dénommé PAL 211V2 permettant facilement d’interpréter les mesures de niveaux dynamiques des essais de débit simplifiés sur forages d’hydraulique villageoise. A la lumière de tout ce qui a été dit, on voit que l’hydraulique villageoise recommande un travail de chaine, j’allais dire de fourmi. Pour mieux lutter contre les effets récurrents de la sécheresse, il faut donc une mise en valeur accrue et rapide des eaux souterraines, d’où la nécessité de réaliser beaucoup de forages (pièges par excellence des eaux souterraines).
Dans la zone de San, où j’évolue personnellement plus d’une vingtaine d’années, force est de reconnaître que les besoins en eau sont loin d’être satisfaits surtout avec les effets conjugués des pannes répétées de moyens d’exhaures (caprices technologiques ou manque d’appropriation des ouvrages par les bénéficiaires ?) et de l’accroissement rapide de la population. Les pompes fréquemment rencontrées sont de type Vergnet représenté par la SOMAHER au MALI ou de type India représenté par la SETRA.
Pour faire face à la satisfaction des besoins en eau des populations rurales, et remédier aux insuffisances quant à la pérennité des ouvrages hydrauliques, des comités de gestion de points d’eau moderne ont été formés dans presque tous les villages où existent des forages. Ceci permet aisément de remédier au manque crucial d’eau. Des artisans réparateurs capables d’intervenir sur des pompes en panne ont été également formés soit par SETRA soit par SOMAHER. L’hygiène et l’assainissement autour des forages sont enseignés aux membres des comités de gestion de points d’eau qui composent le comité de gestion de l’eau par des animateurs de projets.
Actuellement beaucoup de points d’eau modernes (forages équipés de pompes) sont hors d’usage pour la simple raison que les moyens d’exhaures sont en panne. Avec un revenu très faible, les populations arrivent à peine à faire face aux réparations des pompes tombées en panne. C’est pourquoi il serait judicieux d’assoir une politique de pérennisation des ouvrages hydrauliques par un suivi post forage permanent et régulier. Ceci passe nécessairement par une sensibilisation des bénéficiaires sur les avantages évidents de consommer l’eau potable issue des forages, une assistance financière pour la réparation des pompes et la formation périodique d’artisans réparateurs. La plupart des forages réalisés ont une durée de vie équivalant à 20 ans. L’impact de l’usure fait que leur réhabilitation est plus que nécessaire.
Malgré le nombre impressionnant d’ouvrages hydrauliques réalisés (plus de 4000 forages dans les cercles cités en haut), les besoins en eau demeurent toujours croissants. Le taux de desserte journalier d’un homme admis au MALI est de 20 litres, ce qui est du reste faible . La population en hommes ainsi qu’en bétail aussi croît d’année en année. Il est donc impérieux de ne plus gaspiller l’eau et de la vendre. L’argent de cette eau vendue pourra servir à réparer les pompes tombées en panne de façon judicieuse, ainsi sera effective la mise en valeur des eaux souterraines.
Catégorie :- Géologie du Mali
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