Couvent des Dames de Berlaymont

Couvent des Dames de Berlaymont

Le couvent des Dames de Berlaymont, fondé à Bruxelles en 1625 par Marguerite de Lalaing, avec la complicité de son époux Florent de Berlaymont, était un monastère de chanoinesses augustiniennnes. Expropriées une première fois, les chanoinesses déménagent en 1864 et reconstruisent leur couvent à la rue de la loi (Bruxelles). En 1958 elles vendent leur propriété à l'état belge qui y installe le centre administratif de l’Union européenne, appelé dès lors le 'Berlaymont'. Les religieuses s'installent à Argenteuil un faubourg sud de Bruxelles et y fondent le nouveau monastère de Berlaymont.

Sommaire

La Fondation

Après avoir partagé leurs biens entre leurs enfants, les comtes de Berlaymont sollicitent de l’archiduchesse Isabelle d'Espagne l’autorisation de fonder un cloître de chanoinesses régulières de Saint Augustin à Bruxelles. Ils veulent y affecter leur hôtel particulier, acquis de la famille de t’Serclaes, une somme de 100.000 florins pour la construction de l’église et une rente en biens-fonds de 6.000 florins constituée sur le domaine de Montigny, hérité de Florent de Hornes, exécuté à Simencas (Espagne) en 1570 sur ordre de Philippe II d'Espagne.

L’archiduchesse donne son accord par ordonnance du 18 décembre 1624 alors que son architecte, Jacques Franquart (1577-1651) est déjà à pied d’œuvre. Rédigées par le provincial des jésuites, Charles Scribani (1561-1629), les constitutions se fondent sur la règle de saint Augustin avec des emprunts à celle de saint Ignace. Elles sont confirmées par le pape Urbain VIII le 10 août 1626.

A la fois contemplatives et éducatrices – ora et labora - les dames de Berlaymont sont recrutées dans l’entourage de la fondatrice pour la solidité de leur foi et de leur vocation, mais aussi la qualité de leur jugement et de leur humeur, indispensable pour vivre en communauté. Tribut à l’esprit du temps, les religieuses sont réparties en deux classes. En raison de difficultés de recrutement, cette distinction est toutefois abolie un demi-siècle plus tard. Pour être chanoinesse, il fallait d’abord justifier de quatre quartiers de noblesse. Les autres, jeunes personnes nées de parents honnêtes sans titre de noblesse, étaient maîtresses des escollières. A l’instar des sœurs converses, elles ne participaient à l’office que le dimanche et les jours fériés. Elles devaient aider les chanoinesses à instruire des filles d’honnêtes bourgeois en tout ce qui avait rapport à la religion et à la morale, ainsi qu’aux ouvrages de mains indispensables à une bonne ménagère. Il fallait en faire de vraies chrétiennes, à la hauteur de leur mission domestique et capables de tenir leur rang dans le monde.

Les huit premières moniales entrent en clôture le jour de la Pentecôte 1625. La mort de Florent de Berlaymont au cours de leur noviciat retarde toutefois la prise d’habit et la fondation officielle, qui sont célébrées le 25 mai 1627 entre les mains de Monseigneur Jacques Boonen, quatrième archevêque de Malines, en présence de l’archiduchesse Isabelle. Un an plus tard, Marie de Duras est élue prévôte et non abbesse de la communauté, pour mieux souligner que la fonction ne lui confère aucun privilège par rapport à ses sœurs.

Elles s’installent à l’ombre de la cathédrale Saints Michel et Gudule, dans l’hôtel particulier de la fondatrice, situé impasse Etengat – Trou à manger - où les maçons du chantier de la cathédrale se retiraient pour prendre leur repas, assis dans les encoignures des anciens remparts. L’impasse est aussi appelée cul-de-sac des Dames anglaises en raison de la présence d’un couvent de réfugiées bénédictines. Elle donne dans la rue d’Assaut et portera ensuite, après percement à travers la propriété confisquée par les Français, le nom de rue de l’Education, puis de Berlaymont. Comme bien d’autres rues du quartier, elle a disparu pour les besoins du tunnel ferroviaire de la jonction entre les gares du Nord et du Midi (1903-1952).

Une chapelle baroque, dédiée à l’Épiphanie, sépare le quartier des enfants du cloître. Elle abrite le siège de la confrérie des Saints Rois Mages dont les gouverneurs généraux des Pays-Bas sont désignés prévôts. Le jardin en paliers descend jusqu’à la rue Montagne-aux-Herbes-Potagères sur laquelle il s’ouvre par une grille.

Le rayonnement du couvent et de son école ne faiblit pas malgré les difficultés matérielles auxquelles il est parfois confronté. Il échappe ainsi, comme par miracle, aux bombardements intensifs de l’armée française en 1695 et en 1746.

Sacrifiées à la gloire des Nations

Mais l’existence des ordres religieux contemplatifs devient plus difficile en Belgique sous les gouvernements autrichien et français. Les dames de Berlaymont sont, une première fois, contraintes à l’exil en 1794. Quatre ans plus tard, le couvent bruxellois est menacé de fermeture. La prévôte, Marie-Louise Marnier, bataille ferme pour retarder l’échéance. Les ordres enseignants et hospitaliers ne sont-ils pas à l’abri ? Puisqu’il y a contestation, un arrêté vient supprimer cette exception. Sous la « protection » de Nicolas Rouppe, alors commissaire du Directoire à la municipalité, les dernières sœurs quittent le monastère le 31 mai 1798. Deux mois plus tard, la propriété est mise en vente publique par lots et les bâtiments sont démantelés pour récupérer les matériaux.

Même dispersées, les religieuses restent soudées. Un pensionnat, réduit à quelques élèves, subsiste à la maison de la Folie, rue aux Laines, puis dans l’ancien hôtel du prince de Gavre, rue des Trois-Têtes. Les religieuses parviennent même à se regrouper dans la maison d’à côté en 1802. Six ans plus tard, le 5 septembre 1808, elles s’installent dans l’ancien couvent des Minimes, situé entre les rues de l’Etoile, du Manège et de l’Arbre Bénit. Pour faciliter la construction du nouveau pensionnat, leur voisin, le prince de Mérode, leur cède une large bande de terrain dans le fond de son vaste jardin. Les 16 moniales sont désormais prêtes à rebâtir.

Malgré des promesses répétées, le régime hollandais s’attaque à l’instruction chrétienne et impose, notamment, un diplôme pour enseigner. Les sœurs s’y attèlent et obtiennent le précieux sésame mais le mal est fait et sera, notamment, à l’origine de la Révolution belge de 1830.

Une nouvelle menace, d’une tout autre nature, contraint à nouveau le Berlaymont à l’exode quelques années plus tard. Il s’agit de la construction du nouveau palais de justice de Bruxelles qui, en l’absence de résultat probant au concours d’architecture organisé à cette occasion, est confiée en 1861 à l’architecte Joseph Poelaert. La présence de la vaste propriété de la famille de Merode et la proximité de la toute nouvelle avenue Louise que l’on cherche à relier avec le centre servent d’arguments au choix de l’emplacement. S’il ménage l’hôtel de Merode Westerloo auquel il conserve un petit jardin, le plan d’aménagement de Joseph Poelaert ne permet pas de conserver le pensionnat des dames de Berlaymont. En effet, celui-ci se trouve sur le tracé de plusieurs rues nouvelles, comme le prolongement de la rue de la Régence, la rue Ernest Allard et les petites rues de liaison prévues entre elles. De plus, la création de l’immense place qui ouvre sur le Palais de justice supprime la meilleure partie du jardin utilisée par le pensionnat.

Expropriées par l’Etat belge, les dames de Berlaymont déménagent une nouvelle fois le 16 juillet 1864 dans un quartier campagnard, loin des fureurs de la vie citadine, à front de la rue de la Loi qui vient d’être prolongée jusqu’à la nouvelle plaine des manœuvres située au futur parc du Cinquantenaire. C’est donc au bout du monde qu’elles construisent de nouveaux bâtiments, entourés à l’arrière d’un beau parc. Le chevet de la nouvelle église, achevée en décembre 1876, était visible depuis le boulevard Charlemagne.

Des bungalows à côté du château d’Argenteuil

Comme si l’histoire se répétait, la présence de cette vaste parcelle peu construite en plein centre d’un quartier en mutation engendre les mêmes effets un siècle plus tard. La convoitise des promoteurs immobiliers, à la recherche de terrains à affecter à la construction d’immeubles de bureaux, n’a pas dû chercher longtemps pour s’accaparer ce petit havre de paix.

Une société d'entrepreneurs de la place, les entreprises François et fils, dispose depuis 1959, par l'intermédiaire d'un organisme financier, la Caisse Privée Banque, d'une option d'achat sur le domaine. Elle pense pouvoir disposer assez rapidement d'une première tranche de terrain, à front de la rue Stévin, suffisante pour entamer la construction d'un complexe administratif.

Soumises à la pression de plus en plus insistante des promoteurs attirés par un quartier dont la vocation administrative s'affirme chaque jour davantage, les chanoinesses régulières de l'ordre de Saint-Augustin ont fini par céder. Depuis deux ans déjà, des personnes de tous horizons, plus ou moins intéressées, essayent de les convaincre de quitter la rue de la Loi où elles se sont installées en 1864.

Et c'est vrai qu'au-delà de l'attrait psychologique qu'exercent déjà à cette époque les grands espaces verts de la périphérie sur les citadins, des raisons objectives militent en faveur d'un déménagement. La pénurie de locaux, par ailleurs peu rationnels et très lourds à entretenir, se fait sentir de plus en plus sous l'effet de la poussée démographique. L'environnement de la rue de la Loi, où la circulation et le bruit ne font que s'accroître, se dégrade au préjudice de la population scolaire qui risque, à terme, de se détourner du Centre scolaire de Berlaymont. La perspective de la construction, dans le quartier, de la Cité administrative de l'Etat belge, dont on parle beaucoup à ce moment, ne fera qu'accentuer la tendance. Plutôt que d'attendre la limite de l'intolérable, pourquoi ne pas s'attacher dès maintenant à trouver, à la périphérie de la ville, un terrain suffisamment vaste pour poursuivre l'œuvre éducative ?

C'est dans cet état d'esprit, largement partagé par la communauté monastique, que sont accueillies favorablement les offres de rachat des promoteurs privés. Mais, alors que l'option en faveur des entreprises François est toujours pendante, le gouvernement belge décide, le 8 décembre 1958, de se porter acquéreur du bien et fait une offre en ce sens au début de l'année suivante. Il veut y construire le centre administratif de l’Union européenne, le fameux Berlaymont.

Longues et laborieuses, les négociations sur les conditions d'achat mettent plus d'un an à aboutir. Pour l'a.s.b.l. Monastère de Berlaymont, le prix offert par le promoteur privé – 3,1 millions d’€ - constitue un seuil minimum. L'Etat belge, qui n'en propose d'abord que 2,23, envisage ensuite d'échanger la propriété contre un domaine de 26 hectares qui lui appartient à Argenteuil et une soulte de 2,38 millions d’€. Le monastère accepte mais des circonstances imprévues amènent l'Etat belge à retarder la conclusion de l'accord. Entre-temps, en effet, le roi Léopold III, invité à quitter le château de Laeken en raison du mariage de son fils, Baudouin Ier, jette son dévolu sur le domaine d'Argenteuil, ce qui rend la transaction impossible. Qu'à cela ne tienne, un voisin bien intentionné, le comte Ludovic de Meeûs d'Argenteuil, se dit prêt à céder au monastère, à des conditions avantageuses, 30 hectares à proximité. Il faudra toutefois veiller à ce que l'Etat belge, qui projette de faire passer à cet endroit la route de contournement de Waterloo, en garantisse l'accès par des ouvrages d'art appropriés.

La transaction, dont les termes sont déjà fixés à la fin de l'année précédente, est finalement signée le 25 mai 1960. L'Etat belge achète pour 2,79 millions d’€ la propriété du monastère et exproprie, moyennant une indemnité de 128.900 €, l'assiette nécessaire au contournement de Waterloo. Cette somme viendra en déduction du prix convenu – 471.000 € - pour l'achat du domaine du comte de Meeûs. L'Etat belge promet en outre de réaliser l'infrastructure routière, y compris la voie d'accès à la nouvelle propriété du Berlaymont, dans les trois ans. Pour sa part, le monastère mettra une partie du parc, du côté de la rue Stévin, à la disposition de l’Etat dès que ce dernier aura marqué son accord sur l'avant-projet des nouveaux bâtiments du Berlaymont. Le transfert de propriété s'opérera, lui, lorsque les travaux de voirie promis seront achevés et que l'établissement scolaire sera en mesure d'occuper ses nouvelles installations.

Menée rondement, la construction des bâtiments scolaires, sur la base des plans des architectes du groupe Structures - Jacques Boseret, Raymond Stenier et Louis Van Hove associés au bureau d'architectes Stéphane et Paul Dhaeyer - sera pratiquement achevée, à l’exception toutefois de la chapelle et de la salle de sports, à la rentrée scolaire de 1962, retardée de quinze jours pour l'occasion. Le déménagement mettait ainsi fin à une période inconfortable d'un an et demi pendant laquelle l'école et le chantier du complexe administratif européen ont été contraints de se tolérer. Ce n'est toutefois qu'en novembre 1963, sans que l'infrastructure promise soit complètement achevée, que la propriété de la rue de la Loi a été totalement cédée à l'Etat belge.

Sources

  • DEMEY (Th.), Bruxelles, capitale de l'Europe, Bruxelles, Badeaux, 2007, pp. 226 à 233

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Couvent des Dames de Berlaymont de Wikipédia en français (auteurs)

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