Ballades d'un Arlequin

Ballades d'un Arlequin

Ballades d'un Arlequin est le 4° album de Bernard Haillant, paru en 33 tours en 1978 et réédité en CD dans le coffret « Je vous enchanterai les mots » en 2007. Tous les textes et musiques sont de Bernard Haillant sauf « Bonhomme de neige », dont le texte est de Gaëtan de Courrèges, et « Joie distraite », parodie iconoclaste et réjouissante de « L'hymne à la joie » de LV Beethoven. Les interprétations sont de Bernard Haillant, les arrangements de Bernard Gérard et Bernard Haillant.

Sommaire

Titres

1. Petit arlequin
2. Croire ou pas croire
3. L'enfant nu
4. Bonhomme de neige
5. Le vieil homme
6. J'ai souvenir d'un temps lointain (texte)
7. Amours, amours où êtes-vous
8. Ma petite étoile
9. Ballade pour oublier
10. Noël en novembre
11. Joie distraite
12. Chanson à la mode

Tonalité générale

Après l'exotisme de « Petite sœur des îles » qui présentait des morceaux parfois déroutants, Bernard Haillant revient à une forme plus conventionnelle, alternant couplets et refrain, dans un registre mélancolique et des arrangements principalement acoustiques, se rapprochant en cela de la « nouvelle chanson française » (Duteil, Cabrel, Chatel...) en vogue à l'époque.

Thèmes abordés

Les thèmes principaux sont ceux de la « désabusion » : vis_à-vis du « show-biz » (« Petit Arlequin », « Chanson à la mode »), de la morale judéo-chrétienne (« Croire ou pas croire », « Amours, où êtes-vous », « Noël en novembre »), de l'amour et l'amitié (« Ballade pour oublier », « Ma petite étoile d'araignée »), Bernard Haillant se positionne résolument en adulte (il a dépassé l'idéalisme post-adolescent propre à de nombreux chanteurs), mais n'arrive pas à se retrouver dans les modèles sociaux qui lui sont proposés. Ca pourrait être triste, mais c'est surtout extrêmement poétique, et les arrangements délicatement ciselés permettent à l'album de ne jamais sombrer dans le désespoir. Par ailleurs, Bernard Haillant retrouve un de ses thèmes récurrents : l'enfance, traité en tryptique – deux chansons enchaînées, et un poème en vers libres, non rimés - qui, malgré l'évocation de son père à travers le fossé des générations (« Bonhomme de neige ») et le temps qui passe et conduit à la mort (« Le vieil homme »), se conclut sur de tendres souvenirs pleins d'innocence et de chaleur (« J'ai souvenir d'un temps lointain »).

Musiques et arrangements

Bernard Haillant retrouve un grand sens de la mélodie ; par ailleurs, cet album est le premier dont les arrangements sont parfaitement maîtrisés tout au long du disque – le premier opus proposait des arrangements inégaux, les suivants bien meilleurs, mais certains morceaux restaient réduits à un accompagnement de guitare agrémenté de quelques notes de basse ou de flûte. Ici, ils sont pour moitié de Bernard Gérard, pour moitié de Bernard Haillant - plus précisément : un tiers arrangé par Bernard Gérard, un tiers par Bernard Haillant, un tiers par les deux. De fait, Bernard Haillant arrange les instruments dont joue déjà le Crëche en concert, et Bernard Gérard, ceux pour lesquels l'apport de musiciens de studio est nécessaire.

Instrumentistes

Pour ses arrangements, Bernard Haillant s'appuie un « coussin instrumental » joué par les membres masculins du groupe Crëche, deuxième mouture : Gaëtan de Courrèges, Didier Desmas, Charles Gancel, Bernard Haillant. Mannick, dont l'apport était essentiellement vocal, n'est pas présente, ce qui s'explique aisément du fait que le Crëche, sur cet album, ne chante absolument pas.

On retrouve la configuration habituelle des musiciens : Bernard à la guitare classique et aux flûtes, Didier et Charles aux guitares folk, Gaëtan à la basse, avec de nombreux instruments additionnels : métalophone, petites percussions, orgue à bouche, psaltérion, gong... On note également quelques accords discrets de guitare électrique avec effet de phaser, comme sur le disque précédent.

Bernard Gérard, de son côté, inaugure avec bonheur deux formules qu'il déclinera désormais volontiers : le soutien harmonique d'un quatuor à cordes, et l'accompagnement au piano, qu'il joue lui-même, sur « Le vieil homme » (et sur l'intro de « Chanson à la mode »). Il renforce certaines chansons d'instruments à vents – hautbois, trompette, basson... Il utilise également l'orgue en commentaire musical du poème « J'ai souvenir d'un temps lointain », reprenant les derniers accords de la chanson précédente, livrant un très beau travail de variation sur ce thème. Enfin, l'album se conclut sur deux morceaux plus surprenants : une version très malicieuse de « L'hymne à la joie » où les cordes, les cuivres et l'orgue dialoguent avec la guitare et la cueca, cet instrument brésilien utilisé dans la samba, et « Chanson à la mode », qui s'ouvre sur une intro « pop-rock » avec batterie, basse, piano et guitare électrique, avant de céder la place à la mélodie monocorde et entêtante de Bernard Haillant et d'une simple guitare classique, illustrant la définition de Boris Vian : « Pourquoi : tube ? Parce que c'est creux ! », avant de retrouver une harmonie riche et délicate avec le quatuor à cordes, illustrant la grâce d'un public qui aime la chanson pour elle-même et non pour son habillage clinquant de variété, et la révèle à ce qu'elle a de meilleur en elle.

C'est un peu convenu comme propos, et même un brin étonnant pour clore un album dans lequel les chansons sont à ce point imbriquées aux arrangements, mais c'est sans doute une manière de revendiquer pleinement des textes et mélodies qui cachent un humanisme profond derrière une apparente simplicité.

Un Ovni musical : « L'enfant nu »

Cette chanson présente une redondance appuyée et parfaitement assumée. Tous les couplets sont composés de 4 vers : le premier et le troisième se terminent par « nu », le second et le quatrième par « lèvres ». Ainsi, le premier :

« Une fleur nue tendit ses lèvres jusqu'à soleil nu plein les lèvres »...

On ne peut plus parler de rime riche, mais bien de redite. C'est fait exprès, bien sûr.

Quant au refrain, il commence par « Alors », puis répète trois fois « le monde a changé » et deux fois « mais ce n'est qu'après »... et enchaîne avec le couplet suivant.

C'est tout sauf de la facilité ou une quelconque cheville : il s'agit simplement d'évoquer en deux mots l'innocence face à la sexualité, la nature face à la sensualité, donc exprimer le malaise d'un chrétien convaincu face à une Eglise institutionnelle qui a du mal à formuler un discours clair et bienveillant envers le corps, empêtrée dans un puritanisme plus ou moins subi depuis les siècles précédents. Malaise encore aggravé par l'échec face à la mort dans le dernier couplet et le dernier refrain : « l'enfant nu ferma ses lèvres avec la nuit nue jusqu'aux lèvres – alors le monde est mal fait... peut-être qu'après... après »

Afin de pallier l'apparent simplisme du texte (répétition des rimes du couplet, des vers du refrain), Bernard Haillant fait appel à un arrangement extraordinaire de grâce et de pureté.

Le premier couplet / refrain s'appuie sur la guitare classique et un violon pizzicato pour exposer le principe de la chanson dans ce qu'il a de plus déroutant.

Tous les refrains, interprétés sur un tempo un peu plus rapide, ne sont accompagnés qu'à la guitare seule – sauf le dernier.

Le second couplet fait intervenir le « coussin instrumental » du Crëche en ciselant un accompagnement riche et délicat ; le troisième ajoute un fabuleux contrechant de flûte qui s'envole vers les sommets.

Enfin, le dernier couplet, plus sobre, introduit le quatuor à cordes de Bernard Gérard, sur un simple accord tenu piano. Quant au dernier refrain, il illustre à merveille l'amertume face à la mort, les cordes jouant une partie dissonante et grinçante pafaitement maîtrisée, avant de conclure sur un accord retrouvé sur le dernier « après... »

En guise de post-scriptum, les trois points de suspension sont illustrés par la reprise de l'envolée de flûte du troisième couplet, permettant de redonner espoir et douceur.

Un parfait modèle d'arrangement, en somme.

Par la suite…

« Ballades d'un Arlequin » est le dernier album de Bernard Haillant à solliciter les membres du Crëche. Toujours fidèle à Bernard Gérard, Haillant s'impliquera de plus en plus dans des arrangements maisons dont il jouera quasiment tous les instruments, accueillant par ailleurs les services de Patrice Caratini, contrebassiste de jazz et ancien complice de Maxime Le Forestier.


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Ballades d'un Arlequin de Wikipédia en français (auteurs)

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