Un prof de médecine à Besançon avant et pendant la Révolution Française

Un prof de médecine à Besançon avant et pendant la Révolution Française

Nicolas-François Rougnon

Nicolas-François Rougnon (1727-1799) est un professeur de médecine de l’Université de Besançon pendant la Révolution française.

Sommaire

Biographie

Nicolas-François Rougnon naît en 1727 à Cornabey, village qui fait limite entre la commune de Montlebon et celle de Grand'Combe-Châteleu (Doubs) ; son père est un chirurgien réputé exerçant à Morteau.

La bataille du Pont Rouge (14 janvier 1639)

Dans ses ascendants, « un Rougnon avec ses dix fils a participé à la bataille du Pont Rouge (14 janvier 1639). Il fut tué avec huit de ses fils. L’aîné et le cadet perpétuèrent la famille. La branche cadette embrassa la réforme et alla s’établir en Suisse. La branche aînée resta à Morteau ».

Les études d'un enfant doué, vers 1740

Le jeune Nicolas-François fait ses classes élémentaires aux Fontenottes. Après des études brillantes à Besançon, deux stages vers son père à Morteau et un séjour de perfectionnement à Paris, il se fixe finalement à Besançon en 1751, à l’age de 24 ans.

La concurrence

Couvert de diplômes et bien intégré dans la profession, ses ambitions vont le mettre en concurrence avec ses condisciples.

En 1752, grâce à une dispense d’âge, il passe un concours qui oppose 15 candidats, pour une chaire de professeur.

Parmi les plus brillants dont Rougnon, celui qui est finalement retenu comme lauréat est le docteur Gabriel Lange. Mais celui-ci n’aura jamais une clientèle sérieuse : par chance pour notre Rougnon, le jeune Lange a laissé passer de vie à trépas un notable qui semblait très peu malade, et pour cette raison on le surnomme l’ange exterminateur : lequel ange est donc pratiquement condamné à se cantonner à la science pure et à l’enseignement.

En 1759, Rougnon est classé premier par le jury, dans un nouveau concours pour une chaire de professeur, mais le choix final du lauréat revient au chancelier de l’Université. Rougnon subit de premières intrigues qui ne l’empêchent pas de sortir vainqueur, mais les jalousies de ses concurrents vont le faire déprimer quelque temps.

Les cours de médecine vers 1760

Il va être très apprécié de ses élèves. Les cours se font en latin et, dans les dernières années, en français. En général, le professeur se contente de lire des cahiers rédigés pour les auditeurs, les étudiants prennent note ou copient les cahiers. Le pédagogisme n’était pas encore à la mode !

La réussite sociale

Dix ans plus tard, en 1769, Rougnon s’est quelque peu embourgeoisé. Marié depuis 1754, il a sept enfants. Il achète un bel hôtel particulier, actuellement le 14, rue Mégevand. Ayant acquis une terre en Haute Saône, il se fait appeler quelquefois, avec une pointe d’ironie exquise « Rougnon du Magny ». Il possède également comme résidence secondaire, le château de la tour de Scay, près de Marchaux.

Les restos du coeur en 1789

En 1789, le professeur Rougnon a 62 ans. Le 3 octobre, il est l’instigateur d’une motion patriotique visant à assurer la nourriture aux citoyens indigents.

Pour fournir à la collectivité de quoi acheter du blé, il propose que chaque citoyen fasse le don de la paire de boucles d’argent qu’il porte sur ses souliers ; à la place, chaque donateur recevra une rosette patriotique aux couleurs de la ville.

Sitôt dit, sitôt fait. Une première série d’environ vingt-cinq personnes contactées adhère immédiatement et se débarrasse de ses boucles d’argent. Ensuite, l’équivalent, pour l'époque, de ce que nous appelons le Conseil Municipal fait la même chose avec enthousiasme et décide de publier ce projet par voie d’affiche, en y imprimant les noms des donateurs…une première affiche imprimée le 5 octobre mentionne déjà près de cent donateurs.

L’engouement pour les opérations des Restos du Cœur ou du Téléthon n’est donc pas une nouveauté !

Et cette manière de se donner bonne conscience ne garantit absolument pas la paix sociale !

La médecine franc-comtoise dans la tourmente révolutionnaire

Naturellement, avec les aspirations à la noblesse et les opinions monarchistes de Rougnon, la suite est plus périlleuse.

Les sociétés populaires le privent de sa charge de médecin de l’hôpital et de ses fonctions de professeur à l’Université.

En 1792, deux de ses fils émigrent. Lui-même est emprisonné jusque en juillet 1793.

Heureusement, Rougnon est protégé par le fameux Lejeune, représentant du peuple en mission (le futur profanateur de Saint Claude), qu’il a eu l’occasion de soigner d’une chute de voiture.

Grâce à cela, ses biens ne sont pas séquestrés, et Rougnon est réintégré dans sa place de médecin de l’hôpital et dans celle de professeur à l’école centrale de médecine (qui fonctionne épisodiquement pour remplacer l’Université, supprimée la même année : 1793).

La médecine fidèle à sa mission

Les guerres victorieuses de la République amènent à Besançon une foule de blessés et de malades ; on compte 50 à 80 décès par jour.

A partir de 1794, les anciens professeurs de médecine donnent des cours gratuits. Le 10 novembre, l’Ecole de Médecine est rétablie par un certain Foucher aux frais de la République, mais la Convention annule cette décision… les cours bénévoles reprennent.

En septembre 1796, l’administration départementale attribue à ces professeurs un traitement aligné sur celui des autres professeurs de l’école centrale, mais, moins d’un mois plus tard, cet arrêté est cassé par le ministre. Les cours bénévoles de médecine reprennent à nouveau. Pour ce travail, le département manifeste « sensibilité et reconnaissance », le ministre exprime une froide acceptation.

Enfin, les tracasseries cessent. En raison de son âge et de ses services, Rougnon conserve toujours son cheval et sa voiture pour les déplacements de son travail. Finalement, il contracte à l’hôpital une broncho-pneumonie qui l’emporte en 1799, à l’age de 73 ans.

Ses deux ouvrages les plus célèbres

  • Une lettre décrivant avec soin les symptômes de l’angine de poitrine, et l’autopsie d’une personne qui en est décédée, où il propose une interprétation de l’autopsie et un régime approprié à cette maladie. La constation d'une ossification des cartilages costaux chez son malade lui fait suspecter que c'est là l'origine de la maladie. Lettre imprimée en 1768. La même année 1768, le médecin londonien William Heberden faisait lui aussi une description de la même maladie, et c'est lui qui lui a donné son nom. Peut-être l'interprêtation qu'il en a donnée était-elle également plus fine. La paternité de la découverte est habituellement attribuée à Heberden. L'angor pectoris ou angina pectoris est parfois appelée "maladie d'Heberden-Rougnon".
  • Un ouvrage en deux volumes : Médecine préservative et curative générale, imprimé en 1797 (an VI de la République), qui a été pendant bien des années le livre de référence des médecins praticiens.

Bibliographie

J.-L. Cariage, Nicolas-François Rougnon, 1956.

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