- Tartuffe ou l'imposteur
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Tartuffe ou l'Imposteur
Le Tartuffe Auteur Molière Genre comédie Pays d'origine France Éditeur Shaynez Date de la 1re représentation 12 mai 1664/5 aout 1667/5 février 1669(définitive) Metteur en scène Molière Lieu de la 1re représentation Théâtre du Palais-Royal Le Tartuffe ou l’Imposteur est une comédie en cinq actes (comportant respectivement 5, 4, 7, 8 et 7 scènes) et en vers (1962 alexandrins) de Molière représentée pour la première fois au château de Versailles le 12 mai 1664. Molière écrivit cette pièce en réaction aux agissements de la Compagnie du Saint-Sacrement. Elle ne comportait alors que trois actes. Quoiqu'ayant plu au Roi, elle fut aussitôt interdite sous la pression des dévots qui accusaient Molière d'impiété et lui reprochaient de donner une mauvaise image de la dévotion et des croyants. Molière, entretemps, écrira et fera représenter plusieurs autres pièces célèbres: Dom Juan ou le festin de pierre en 1665, qui sera vite interdite sous la pression de la cabale des dévots; puis Le Misanthrope ou l'Atrabilaire amoureux en juin 1666, puis plusieurs autres divertissements, pastorales et comédies (dont L'Avare en 1668). Ce n'est qu'en 1669, après trois placets adressés au Roi et une fois la pièce entièrement remaniée, que celle-ci fut autorisée et connut un immense succès.
Sommaire
Personnages
- Madame Pernelle : mère d'Orgon et favorable à Tartuffe qui est, d'après elle, un personnage pieux et respectable. Dès la scène d'exposition, elle est immédiatement disqualifiée par Molière : elle incarne l'aveuglement d'une génération dépassée. D'ailleurs, elle sera la dernière personne à comprendre son erreur.
- Orgon : mari d'Elmire et fils de Madame Pernelle. C'est une personne naïve et entêtée.
- Elmire : femme d'Orgon. Contrairement à Orgon, elle est présentée comme un personnage entièrement positif. Elle est caractérisée par deux termes:la discrétion et l'efficacité. En effet, sans les interventions intempestives de Damis, la pièce aurait pu se terminer bien plus tôt. Elle est le dernier recours pour démêler des situations familiales complexes (mariage entre Tartuffe et Mariane).
- Damis : fils d'Orgon et frère de Mariane, il a reçu le caractère de son père (colérique) mais ses actions demeurent inefficaces.
- Mariane : fille d'Orgon, sœur de Damis et amante de Valère. Elle est très timide et plutôt passive.
- Valère : amant de Mariane.
- Cléante : beau-frère d'Orgon. Personnage calme, réfléchi et intelligent. C'est pourquoi il essaye de raisonner Tartuffe à l'acte 4.
- Tartuffe : faux dévot. Hypocrite et pique assiette
- Dorine : servante de Mariane. Personnage plein de bon sens et de franc parler
- Monsieur Loyal : sergent royal [1]
- Un exempt : officier royal chargé des arrestations
- Flipote : servante de Madame Pernelle.
- ↑ Du temps de Molière, un sergent royal est un huisser chargé de faire appliquer les décisions de justice.
Résumé
Orgon est un personnage assez important tombé sous la coupe de Tartuffe, un hypocrite et faux dévot. Il est le seul (avec sa mère, madame Pernelle) à en être dupe. Tartuffe réussit à le manipuler en singeant la dévotion et a réussi à devenir son directeur de conscience. Cet aventurier se voit proposer la fille de son bienfaiteur en mariage, en même temps qu’il tente de séduire Elmire, beaucoup plus jeune que son mari. Démasqué grâce à un piège tendu par Elmire afin de convaincre son mari de l'hypocrisie de Tartuffe, il veut ensuite chasser Orgon de chez lui grâce à une donation inconsidérée que celui-ci lui a faite de ses biens. En se servant de papiers compromettants qu’Orgon lui a remis, il va le dénoncer au Roi. Imprudence fatale : le Roi a conservé son affection envers celui qui l’avait jadis bien servi. Il lui pardonne et c’est Tartuffe qui est arrêté.
Acte I
La scène d'exposition s'ouvre sur le départ mouvementé de madame Pernelle, mère d'Orgon qui part, déçue et révoltée du train de vie que mènent ses petits enfants, sa belle fille et son beau-fils par alliance. Ainsi l'acte s'ouvre sur le chaos installé par Tartuffe dans cette famille bourgeoise moyenne. Orgon apparaît alors. Il raconte avec émotion à Cléante sa première rencontre avec Tartuffe.
Acte II
En effet Orgon veut briser son engagement envers Valère et marier sa fille Mariane à Tartuffe. Cette nouvelle cause une dispute entre les deux amants, dispute vite réglée par Dorine la servante, qui complote pour rétablir le calme dans la maison.
Acte III
Tentative de Tartuffe pour séduire Elmire. Damis entend la conversation entre les deux gens et en informe son père. Par la suite, Damis est chassé par son père qui l'accuse de dénigrer Tartuffe. Orgon veut faire de Tartuffe son héritier.
Acte IV
Tartuffe est "victime" de la stratégie d'Elmire. Orgon se rend compte de la véritable personnalité de Tartuffe. Il s'en indigne et le chasse.
Acte V
Tartuffe réclame l'arrestation d'Orgon, comme traître au Roi (Orgon l'avait mis au courant pour une cassette qu'un ami lui avait confié, cette cassette contenant des documents compromettants); afin de récupérer ses biens. Coup de théâtre : l'exempt lui rétorque que c'est lui, Tartuffe qu'on va arrêter sur le champ sur ordre du Roi. Tartuffe ne comprend pas. C'est que le Roi, en récompense des services rendus par Orgon, lui pardonne cette correspondance et punit le délateur Tartuffe, coupable d'un crime commis avant le temps de la pièce.
Ainsi la pièce se termine dans la joie, car, de ce fait et par autorité royale, le Prince annule les papiers signés par Orgon et faisant acte de donation à Tartuffe et Orgon donne la main de Mariane à Valère, "amant fidèle".
Les thèmes
Dans cette pièce de Molière, plusieurs thèmes sont traités. Le plus important est celui de l' hypocrisie autour duquel rayonnent d'autres thèmes comme la religion et le mariage forcé.
L'hypocrisie
Parmi les thèmes abordés dans la pièce, l'hypocrisie en est le plus important. On peut classer Le Tartuffe dans la lignée des autres pièces de Molière, L'Avare, Les Précieuses ridicules, Le Bourgeois gentilhomme, Le Misanthrope, destinées à dépeindre et ridiculiser un vice (comédie de caractère). Molière précise dans son introduction que son objectif premier est de dépeindre « un méchant homme ». Il précise en outre que « l'hypocrisie est dans l'Etat, un vice bien plus dangereux que tous les autres ». Un hypocrite est une personne dont les actes ne correspondent pas à la pensée. Tartuffe est un personnage qui ne révèle pas ses sentiments intérieurs. Molière va donc pendant deux actes présenter Tartuffe au travers des descriptions qu'en font les autres personnages sans jamais le montrer. Son objectif est clairement avoué : que le spectateur se fasse une opinion du personnage avant que celui-ci n'apparaisse. Dès la première scène, le personnage est campé, décrit par Damis comme un « cagot de critique », par Dorine comme « un gueux, qui quand il vint n'avait pas de soulier » et qui se comporte en maître, un hypocrite et un jaloux, un goinfre et un bon vivant (scène IV). Orgon lui le voit comme un humble, un doux, priant avec de grands soupirs, refusant l'aumône et se chargeant de tous les péchés, un être vertueux combattant tous les vices. Sous cette humilité se cache un ambitieux qui a pris le pouvoir dans la maison d'Orgon. Ainsi la double facette du personnage est présentée et quand Tartuffe paraît, le spectateur connait déjà la duplicité de ce faux dévot et se demande seulement comment « les honnêtes gens » vont réussir à mettre à jour sa supercherie. Son attirance pour Elmire qu'il ne peut cacher semble être son point faible mais quand il est accusé de ce fait, il abonde tant dans ce sens, se traitant lui-même plus bas que terre (méchant, coupable, scélérat, chargé de souillure, de crimes et d'ordures, perfide, infâme, perdu, homicide) qu'il coupe l'herbe sous les pieds de ses accusateurs et se pose en victime. Il faudra qu'Orgon lui même soit témoin de la scène pour qu'il comprenne enfin le personnage capable de dire de la morale « ce n'est pas pécher que pécher en silence » et d'Orgon « Je l'ai mis au point de tout voir sans rien croire ».
La religion
Le XVIIe siècle est un siècle très pieux, d'où l'interdiction qui frappa la pièce pendant cinq ans car elle constituait une atteinte à la religion et pouvait prêter à confusion entre les vrais et les faux dévots. Pour combattre l'hypocrisie, Molière a choisi de présenter un faux dévot. Donc, bien que Molière s'en défende, la religion semble être un thème important de la pièce. Le champ lexical emprunte de nombreux termes à la religion : Dieu y est constamment invoqué, on parle de péché, d'enfer, de tentation, de dévotion, de repentir, de pardon, de charité, de conscience et de bénédiction. Cléante, dans la scène V de l'acte I attaque férocement cette religion de façade et les faux dévots d'autant plus dangereux qu'ils utilisent comme armes pour régenter le monde des principes religieux que leurs interlocuteurs respectent profondément. Il leur oppose les dévots de cœur, ceux dont les actes sont humains et discrets, qui s'attaquent au péché et non pas au pécheur. Molière présente ainsi deux pratiques religieuses, une condamnable et l'autre respectable. Pour avocat, il se sert de Cléante personnage qui représente l'honnête homme à la religion aimable et modérée.
Le mariage forcé
Présent dans la pièce, il reste un thème secondaire, mais très discuté. En effet, Les personnages dans cette pièce ont des principes autres que dans la grande vie bourgeoise. Les personnages ont donc des préoccupations simples et diverses tels l'argent, la santé mais aussi le mariage. D'où cette action secondaire dans le Tartuffe. Molière à travers cette pièce nous rappelle que le mariage forcé est à l'époque très courant et que le père a tous les droits sur sa fille.
Les réactions
La pièce présentée en mai 1664, en avant-première, devant le roi, est une pièce inachevée en 3 actes. Mais son contenu déjà soulève l’indignation du parti des dévots. La Compagnie du Saint-Sacrement usa de son influence pour faire interdire la pièce, en faisant pression sur Louis XIV qui, contrairement à eux, a aimé la pièce. Ils y voyaient une attaque en règle de la religion et des valeurs qu’ils véhiculaient. En effet, derrière la critique de l’hypocrisie, thème principal de la pièce, se cache aussi une attaque du rôle très influent de certains dévots directeurs de conscience, captateurs d’héritage.
Après quelques représentations privées, Molière tente de jouer sa pièce sous le titre de Panulphe ou l’Imposteur en août 1667. Mais après une seule représentation, la pièce est de nouveau interdite par le responsable de la police avec l’argument « ce n’est pas au théâtre de prêcher l’Evangile ». L’archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe de Beaumont, menace même d’excommunication toute personne qui tenterait de représenter ou d’écouter la pièce, car il lui reproche d’être une critique virulente de la religion.
Ce n’est que le 1er février 1669 que Molière reçoit du roi l’autorisation de jouer sa pièce qui reprend alors son titre initial de Le Tartuffe. Louis XIV, en effet peut autoriser cette version, car, de 1664 à 1669, le climat politique, social et moral français a beaucoup évolué : mort d'Anne d'Autriche et dissolution de son cercle d'intimes, dissolution, sur ordre de Louis XIV, de la Compagnie du Saint-Sacrement et pour finir, signature de la "Paix de l'Église" : fin du débat qui opposait depuis longtemps Louis XIV et le Pape.
Les intentions de Molière
En écrivant cette pièce, Molière s’attaque à un bastion très influent : les dévots. Parmi eux se trouvent des hommes religieux corrects, sincères et innocents mais aussi des hommes sans aucune morale d'esprit et qui profitent de ce rôle sans pitié. C’est cette seconde catégorie que Molière tente de critiquer.
Mais il dépeint aussi une famille aisée de la grande bourgeoisie. Orgon, ayant établi sa position financière, cherche une sorte de légitimité religieuse. Comme tous les grands bourgeois dépeints par Molière, il fait preuve d’une certaine naïveté. Il pratique une sorte de dictature sur ses enfants. Le thème du mariage forcé, si contraire aux principes de Molière, est présent dans la pièce.
La pièce est ancrée dans la réalité historique avec l’allusion à la Fronde, qui a déchiré la France une quinzaine d’années auparavant. Le roi y apparaît plein de mansuétude et de sagesse.
Gravitent autour d’Orgon et de Tartuffe (qui n’apparaît que très tardivement, à la scène 2 de l'acte III) les personnages chers à Molière : les enfants naïfs et impétueux (Damis, Marianne et Valère), les personnages sages et raisonnables (Elmire et Cléante), la servante pleine de bon sens au franc parler (Dorine), la vieille dame hors du temps et de la raison (Mme Pernelle).
Malgré tous ces ingrédients qui font de Tartuffe une comédie de facture assez classique, la pièce reste révolutionnaire par sa mise en cause d’une religion qui deviendrait dictatoriale. Elle est, avec Dom Juan, une des pièces qui a soulevé le plus de polémiques et d’oppositions.
Même si sa préface semble indiquer qu’il a installé une sorte de vision manichéenne, Molière laisse peser l’ambiguïté sur l'hypocrite : il a tout fait pour « bien distinguer le personnage de l’hypocrite d’avec celui du vrai dévot ». On peut supposer que Molière a été lui-même hypocrite sur cette affirmation, parce qu’il voulait voir sa pièce jouée, mais Tartuffe n’est pas seulement un faux dévot mais également un libertin. Il trouve avec le Ciel des « accommodements » et sait se servir de ce Ciel, comme un fils qui aimerait son père mais saurait, en cas de besoin, se servir de lui. Malgré tout ce qu’il a pu dire, Molière n’est pas tombé dans une vision manichéenne, et ces personnages du vrai et du faux dévot se retrouvent tous deux dans Tartuffe. Ce personnage est le résultat d’une société qui condamne amour et plaisirs, qui force les hommes à agir sous chape, et lorsque leur renommée en dépend, ils sont prêts à mentir, à être hypocrites pour la conserver. Le monde dévot est à l’origine de sa propre perversion, en condamnant le plaisir, ils se retrouvent avec des hypocrites, qu’ils soient dévots ou non, le vice du siècle trouve une explication, Molière combat ce vice et donc les bigots qui en sont à l’origine.
Distribution
Acteurs et actrices ayant créé les rôles Personnage Acteur ou actrice Mme Pernelle, mère d’Orgon Béjart Orgon, mari d’Elmire Molière Elmire, femme d’Orgon Armande Béjart Damis, fils d’Orgon Hubert Mariane, fille d’Orgon et amante de Valère Mlle de Brie Valère, amant de Mariane La Grange Cléante, beau-frère d’Orgon La Thorillière Tartuffe, faux dévot Du Croisy Dorine, suivante de Mariane Madeleine Béjart Mr Loyal, sergent De Brie Un exempt imene Flipote, servante de madame Pernelle Phlipote Répliques célèbres
- « On n’y respecte rien, chacun y parle haut,
- Et c’est tout justement la cour du roi Pétaut. » (Mme Pernelle, acte I, scène I, vers 11-12)
- « ... Vous êtes un sot en trois lettres, mon fils. » (Mme Pernelle, acte I, scène I, vers 16)
- « Il est de faux dévots ainsi que de faux braves. » (Cléante, acte I, scène V, vers 326)
- « Ah ! vous êtes dévot, et vous vous emportez ! » (Dorine, acte II, scène II, vers 552)
- « Couvrez ce sein que je ne saurais voir.
- Par de pareils objets les âmes sont blessées,
- et cela fait venir de coupables pensées. » (Tartuffe, acte III, scène II, vers 860-862)
- « Ah ! pour être dévot, je n’en suis pas moins homme ! » (Tartuffe, acte III, scène III, vers 966)
- « Le Ciel défend, de vrai, certains contentements
- Mais on trouve avec lui des accommodements. » (Tartuffe, acte IV, scène V, vers 1487-1488)
- « Le scandale du monde est ce qui fait l’offense,
- Et ce n’est pas pécher que pécher en silence. » (Tartuffe, acte IV, scène V, vers 1505-1506)
- « C’est à vous d’en sortir, vous qui parlez en maître.
- La maison m’appartient, je le ferai connaître. » (Tartuffe, acte IV, scène VII, vers 1557-1558)
- « La vertu, dans le monde, est toujours poursuivie ;
- Les envieux mourront, mais non jamais l’envie. » (Mme Pernelle, acte V, scène III, vers 1665-1666)
- « Je l’ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu,
- Ce qu’on appelle vu. » (Orgon, acte V, scène III, vers 1676-1677)
- « Juste retour, Monsieur, des choses d’ici-bas ;
- Vous ne vouliez point croire, et l’on ne vous croit pas. » (Dorine, acte V, scène III, vers 1695-1696)
- « Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude. » (L'Exempt, acte V, scène VII, vers 1906)
Expression populaire
Du fait de la longévité de la pièce, son titre est entré en français dans le langage courant. Un tartuffe est une personne hypocrite, affectant de nobles sentiments. La tartufferie, ou tartuferie, désigne une grande hypocrisie.
Liens externes
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