Surgénérateurs

Surgénérateurs

Surgénération

La surgénération ou surrégénération est la capacité de certains réacteurs nucléaires à produire plus de matières fissiles qu'ils n'en consomment, en transmutant des isotopes fertiles en isotopes fissiles.

Le seul isotope fissile disponible en tant que ressource naturelle sur terre est l'uranium 235, directement exploitable dans le cycle du combustible nucléaire. La surgénération permet théoriquement de valoriser en tant que combustible nucléaire l'ensemble des matières fertiles tels l'uranium 238, qui représente plus de 99% de l'uranium naturel, et le thorium, lui-même trois fois plus abondant que l'uranium.

Sommaire

Historique

Le concept de surgénérateur a été développé dès les débuts de l'énergie nucléaire. Aux États-Unis, Enrico Fermi propose le concept de surgénérateur dès 1945, et en 1946 est construit le petit réacteur rapide américain Clementine (refroidi au mercure). En 1951 se produit la divergence du premier réacteur (US) refroidi au sodium, EBR1. En France, la construction de Rapsodie (20 MW thermiques) est lancée en 1959, et ce réacteur diverge en 1967.

En France, le parc de réacteurs à eau pressurisée (REP) devait à l'origine permettre la constitution d'un stock de plutonium suffisant pour démarrer un parc de réacteurs à neutrons rapides (RNR) surgénérateurs. La filière alors développée était celle des réacteurs à caloporteur sodium tels que les réacteurs expérimentaux Phénix et Rapsodie, puis Superphénix.

Entre 1977 et 1982, le réacteur expérimental américain de faible puissance à spectre thermique de Shippingport a atteint un taux de surrégénération supérieur à 100% grâce à une optimisation poussée de la modération et à un combustible uranium 233 / thorium.

Le développement de la filière surrégénératrice a connu une pause avec le contre-choc pétrolier.

Mis en service en 1985, le prototype français Superphénix a été abandonné en 1997.

Les acteurs de l'industrie nucléaire s'intéressent à ce concept pour répondre aux contraintes sur l'approvisionnement en uranium (accentuées par le développement des parcs nucléaires chinois et indiens) et aux objectifs de développement durable. Le forum international Génération IV lancé par les États-Unis en l'an 2000 promeut largement la filière surrégénératrice avec 4 concepts sur 6 :

  • Réacteur rapide / thermique à caloporteur gaz ;
  • Réacteur rapide à caloporteur sodium ;
  • Réacteur rapide à caloporteur plomb-bismuth ;
  • Réacteur à sels fondus.

Principe de la surgénération

Dans un réacteur à eau pressurisée classique, environ les deux tiers de l'énergie de fission provient directement de la fission de l'uranium-235 (235U), tandis qu'un tiers provient de la fission du plutonium-239 (239Pu). Cet élément, qui n'est pas présent au départ dans le combustible nucléaire constitué d'oxyde d'uranium (UOX), est créé au sein du cœur du réacteur lorsqu'un noyau d’uranium-238 fertile capture un neutron. L’uranium-238 devient alors de l’uranium-239, qui se transforme à son tour en plutonium-239 fissile par deux désintégrations béta moins.

La production de noyaux fissiles à partir de noyaux fertiles est le principe de la surgénération. Un réacteur nucléaire est un surgénérateur lorsqu'il est capable de produire autant ou plus de matériaux fissiles qu'il n'en consomme. Autrement dit, il faut que le rapport, pour un intervalle de temps donné, du nombre de nucléides fissiles produits au nombre de nucléides fissiles détruits, soit supérieur à 1.

Pour ce faire, des couvertures fertiles sont introduites dans le réacteur afin de subir le flux neutronique. La difficulté de cette étape réside dans le fait que la production de neutrons par fission doit être suffisante à la fois pour maintenir la réaction en chaîne et pour irradier les matériaux fertiles. Cette contrainte est surmontée en réduisant les captures stériles de neutrons, notamment celles par le modérateur et le caloporteur.

La solution technologique retenue dans le cas des réacteurs à neutrons rapides à caloporteur sodium (type Superphénix) consiste à supprimer le modérateur et donc utiliser un spectre rapide. L'utilisation de la transformation uranium-238/plutonium-239 est d'autant plus justifiée qu'il est plus efficace en spectre rapide.

Après irradiation en réacteur, le retraitement du combustible et des couvertures fertiles permet de récupérer les matériaux fissiles produits en réacteur afin d'en faire du combustible neuf.

Un autre cycle envisageable est celui du thorium-232/ uranium-233 (notamment dans des réacteurs à sels fondus). La difficulté majeure provient du fait que l'uranium-233 n'existe pas à l'état naturel et qu'il faut donc le fabriquer auparavant, ce qui est réalisé depuis des années avec le plutonium. Ce cycle intéresse fortement l’Inde qui dispose de réserves importantes de thorium. De telles réserves existent aussi en grande abondance en Bretagne.

Types de surgénérateurs

Deux types de surgénérateurs ont été proposés :

Le thorium 232, qui est un élément plus abondant que l'uranium 238, est aussi un isotope naturel fertile. Le thorium constituerait ainsi une importante réserve d'énergie nucléaire, s'il pouvait être valorisé dans une nouvelle filière de réacteurs nucléaires surgénérateurs.

Intérêt de la surgénération

La surgénération permet de multiplier considérablement (un facteur 50 à 100 est souvent avancé) les ressources d'énergies liées à l'extraction et à l'utilisation de l'uranium. Elle permet de transmuter le thorium 232, élément plus abondant que l’uranium 235 dans la couche terrestre en Uranium 233, et l’uranium 238, principal composant, à 99,28 % du minerai d'uranium, et composant presque exclusif de l'uranium appauvri, en plutonium 239, tout en produisant de l'énergie.

Les stocks mondiaux d’uranium appauvri sont estimés à environ 4,7 millions de tonnes (2005).

Critiques

La surgénération est critiquée pour ses projets coûteux, risqués et non aboutis : le réacteur expérimental Phénix a été conçu à l'origine comme prototype de surgénérateur, puis il fut reclassé en laboratoire d'"incinération" des actinides mineurs[réf. nécessaire].

Le réacteur surgénérateur allemand de Kalkar a été arrêté en 1991 en raison des problèmes de sécurité qu'il générait et de son coût très élevé (3,5 milliards d'euros).

Le réacteur Superphénix a coûté pour sa construction, selon un rapport de la Cour des comptes datant de 1997, 60 milliards de francs soit 9,1 milliards d'euros. Le chiffre d'affaire de la revente de l'électricité, estimé à 1,4 milliards d'euros pour le fonctionnement de 1986 à 1996, aurait permis de ramener ce coût à 7,7 milliards d’euros (hors démantèlement).

Quelques projets de surgénérateurs

Voir aussi

Réacteur à neutrons rapides

Liens externes


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