Scrutin a vote unique transferable

Scrutin a vote unique transferable

Scrutin à vote unique transférable

Article principal : Système électoral.

Le scrutin à vote unique transférable (ou système de Hare) est un système électoral destiné à élire plusieurs candidats. Il a été utilisé en Irlande, à Malte, en Tasmanie, en Australie, et occasionnellement en Estonie[1] et fut utilisé aussi en Alberta (Canada) entre 1926 et 1955[2].

Sommaire

Objectif

Le système de scrutin à vote unique transférable essaie de répondre aux deux objectifs suivants qui pouvaient sembler contradictoires :

  • Chaque électeur doit pouvoir choisir son ou ses candidats, sans s'en remettre au choix d'un parti sur lequel il n'a aucun moyen d'action direct en tant que simple citoyen.
  • Le nombre d'élus doit correspondre à une répartition proportionnelle.

Préliminaires

Le système de Hare constitue pour le moment le seul type de scrutin proportionnel qui soit démocratique au sens indiqué ci-dessus. On le désigne aussi parfois sous le nom (non univoque) de système à vote transférable.

Le système vise à assurer la représentation proportionnelle tout en écartant l'influence des partis, dont la IVe République – et dans une moindre mesure la Ve – a montré qu'ils avaient leur logique propre ne se superposant pas forcément aux souhaits des citoyens, et interféraient donc avec leur volonté (par exemple en plaçant des candidats bien en cour, même peu appréciés de l'électeur, en tout début de liste).

Il vise aussi à privilégier le choix personnel dans la désignation des élus, ce qui est essentiel là où les luttes de communautarismes peuvent risquer de masquer la réelle volonté populaire. Il constitue en ce sens un court-circuitage des partis partout où ceux-ci ne sont pas en ligne avec les souhaits des citoyens.

Fonctionnement

Le scrutin se déroule dans une circonscription comportant au moins deux sièges à pourvoir et où l'électeur, bien que ne votant que pour un candidat, a la possibilité de noter sur son bulletin un second, troisième...n candidat, auquel son vote sera transféré si le candidat placé avant obtient le quotient électoral lui permettant d'être élu ou s'il est éliminé.

Chaque électeur dresse donc une liste ordonnée des candidats. Puis vient le dépouillement.

La première étape consiste à calculer le nombre de voix minimal permettant d'être élu. Si v est le nombre de votants et n le nombre de sièges à pourvoir, ce nombre est E(\frac{v}{n+1})+1. En effet, un candidat qui possède au moins ce nombre de voix est nécessairement élu car il ne peut pas exister n autres candidats possédant un nombre de voix équivalent.

Ensuite, on détermine parmi les premiers de liste ceux qui atteignent ou dépassent ce quota. Si aucun candidat n'atteint ce quota, le candidat qui obtient le moins de voix est éliminé et ses voix sont reportées au second de la liste dans chaque bulletin où il figurait en tête de liste.

Quand un ou plusieurs candidats atteignent le quota, ils sont définitivement élus. S'ils ont dépassé le quota, l'excédent de voix est distribué équitablement aux seconds de chaque liste. Si la totalité des sièges est pourvue, on s'arrête. Sinon on refait un compte des voix en comptant ces portions de voix. On s'arrête quand les n sièges sont pourvus.

Exemple

Imaginons une élection demandant l'élection de 2 candidats parmi 4 (A, B, C, D) Sur 100 électeurs, le système de classement donne :

  • ABCD : 28 voix
  • ACDB : 14 voix
  • BCAD : 15 voix
  • CABD : 17 voix
  • DBCA : 26 voix

Le calcul du quota donne E(100/3) +1 = 34.

Le calcul des voix sur le premier de liste donne : A = 42, B = 15, C = 17, D = 26

Le candidat A est donc élu avec 8 voix d'avance qui sont réparties sur les seconds choix des 42 électeurs ayant voté pour lui. On obtient alors au second passage :

  • BCD : 28/42*8 = 5,3
  • CDB : 14/42*8 = 2,7
  • BCD : 15
  • CBD : 17
  • DBC : 26

Le calcul des voix sur le premier de liste donne : B = 20,3 - C = 19,7 - D = 26

Personne n'atteint le quota. Le candidat ayant le moins de points est éliminé : c'est C. On obtient donc :

  • BD : 5,3
  • DB : 2,7
  • BD : 15
  • BD : 17
  • DB : 26

Le calcul des voix donne B = 37,3 et D = 28,7. B est alors élu par transfert de voix.

Avantage et inconvénient

Cette méthode présente l'intérêt d'offrir un résultat relativement proportionnel mais ne peut s'appliquer lors d'un dépouillement non automatisé que si la liste de candidats est assez courte. Elle permet aux électeurs de choisir en même temps un parti et un classement des candidats dans ce parti ne laissant pas ce pouvoir au chef de parti.

La méthode est d'une mise en œuvre délicate tant pour l'électeur, contraint de classer les candidats, que pour les agents de dépouillement. Elle ne pallie pas l'inconvénient du scrutin proportionnel consistant en un possible morcellement de l'assemblée élue.

Son avantage est en revanche de court-circuiter le rôle d'intermédiaire sans valeur ajoutée, voire distorseur, des partis. Toutefois, du point de vue particulier des appareils ou des états-majors des partis, cet « avantage » est nécessairement perçu comme un inconvénient puisqu'il les prive du pouvoir discrétionnaire de constitution des listes, parfois dressées selon leurs intérêts propres.

Le système de Hare défendu par Louis Blanc

Présentation

Le système de Hare a eu les faveurs de Louis Blanc, homme politique et historien français du XIXe siècle. Selon lui, le but à atteindre, par ce mode de scrutin particulièrement « important et éminemment démocratique est la représentation proportionnelle des minorités »[3] . Toutefois, il tient à préciser : « je n’entends pas dire que le système de Hare soit parfait ; mais ce qui est sûr, c’est qu’il offre des avantages nombreux, et de l’ordre le plus élevé » [4] .

Pour plus de clarté, et avant d’analyser les conséquences de ce système sur la vie politique, il divise la procédure en huit temps : la candidature, le vote, le transfert des bulletins au bureau central, la mise en place d’une liste, la nomination des mandataires ayant atteint le nombre de voix nécessaire, la gestion démocratique des bulletins qui s’en suit, la nomination des mandataires ayant besoin des bulletins où leur nom est inscrit en seconde position pour compléter les rangs si besoin, et ainsi de suite suivant le principe jusqu’au moment où tous les postes sont pourvus. L’égalité démocratique se voyant dès lors optimisée, l’exercice du pouvoir est au service et sous la dépendance du démos[5] souverain. La défiance laissant place à la confiance, tout rapport de force est supprimé et la paix civile assurée.

Dans un premier temps, il faut concrètement établir « un bureau central dans la capitale, et des scrutateurs dans chaque district électoral. Aux élections générales, toute personne désirant se porter candidat aurait à faire connaître son nom, son adresse et sa profession au registre général, en désignant le district électoral pour lequel elle se présente. Le registre général publierait une liste des districts électoraux par ordre alphabétique, avec les nom, profession et adresse de chaque candidat. » [6]. Ainsi, quiconque souhaitant être membre de l’État-serviteur et disposé à en accepter le statut, c’est-à-dire la responsabilité et la révocabilité, peut se porter candidat. Il n’y a en somme aucune capacité, a priori, requise.

Dans un second temps « l’électeur voterait par bulletin signé. Il n’aurait qu’un suffrage à donner, mais il lui serait loisible d’écrire sur son bulletin autant de noms qu’il le jugerait convenable. Ces noms, il les choisirait à son gré, ou parmi les candidats de tel ou tel district, ou sur la liste générale des candidats pour tout le royaume[7] , et il les écrirait sur son bulletin dans l’ordre de ses sympathies, afin que son vote, joint à l’ensemble des votes, pût servir, comme il sera expliqué plus loin, à faire passer le deuxième nom, si le premier n’obtenait pas la majorité voulue, ou faire passer le troisième, si les deux autres n’avaient pas le nombre de suffrage suffisant.» [8] Notons que ce serait la fin du bulletin secret principalement en raison d’une nécessité technique pour la nomination des élus[9] . Ceci procède, pour Louis Blanc, à un mouvement général d’émancipation passant par le fait d’assumer ses choix idéologiques. Par ailleurs, la possibilité de choisir plusieurs candidats, multiplie la chance d’en voir au moins un élu.

Ensuite, dans un troisième temps, « tous les bulletins seraient transmis par les scrutateurs des divers districts électoraux au bureau central. Là le registraire général diviserait le nombre des bulletins reçus par celui des représentants à élire, et le quotient donnerait le chiffre des électeurs requis pour faire un député. Par exemple, en admettant que la Chambre dût se composer de 650 membres et qu’il y eût 6, 500, 000 bulletins, répondant à 6, 500, 000 électeurs, il faudrait 10, 000 électeurs[10] pour faire un député, et quiconque aurait obtenu 10, 000 suffrages sur toute la surface du royaume, prendrait rang parmi les représentants du peuple. »[11] Il est à noter que les abstentions ne sont pas prises en compte. Dans son esprit, il n’y a aucune raison de proposer des représentants à ceux qui ne souhaitent pas en avoir. Par ailleurs, si aucun candidat ne rencontre les faveurs d’un citoyen, libre à celui-ci de se présenter pour faire connaître ses idées. Le système le permet très facilement. La contestation devient alors plus difficile et la paix civile se voit un peu plus garantie.

En quatrième temps, « le registre général formerait une liste des noms placés en tête des bulletins, en les inscrivant dans l’ordre indiqué par le nombre des suffrages obtenus. Les candidats dont le nom figureraient en première ligne sur 10, 000 bulletins – toujours dans la supposition de 6, 500, 000 électeurs et de 650 députés – seraient proclamés membres de la Chambre. »[12]

Cinquièmement, « s’il arrivait que le nom d’un candidat fût écrit en tête de plus de 10, 000 bulletins, on ne ferait servir à sa nomination que le chiffre strictement nécessaire, soit 10, 000 bulletins qu’on choisirait sur le nombre total, d’abord parmi ceux qui viendraient des électeurs de la localité où il s’était porté candidat et ensuite parmi ceux qui contiendraient le moins de noms. » [13] C’est là que se justifie, techniquement, le bulletin signé. En effet, c’est le seul moyen de connaître la localité des votants lorsqu’au bureau central a lieu le dépouillement.

Sixièmement, « lorsqu’un bulletin aurait servi pour l’élection d’un candidat, il serait mis de côté[14], attendu que, si on le faisait servir à l’élection d’un autre ou de plusieurs autres, il en résulterait que certains électeurs pourraient avoir plus d’un vote, ceux par exemple qui se trouveraient avoir mis en tête de leur bulletin un nom très populaire. »[15]

Septièmement, « dans le cas où les candidats élus comme il vient d’être dit, ne seraient pas en nombre suffisant pour compléter la Chambre, c’est-à-dire dans le cas où il y aurait moins de 650 noms écrits chacun en première ligne sur 10, 000 bulletins, le registre général formerait une liste des candidats dont les noms occuperaient 10, 000 fois, sur les bulletins restés disponibles, soit la première, soit la seconde place, et ceux-là aussi seraient proclamés députés. »[16][17]

Enfin, huitièmement, « dans le cas où la Chambre ne serait pas encore complétée, on procéderait de la même manière avec les noms écrits sur les bulletins restants soit en seconde, soit en troisième ligne, et ainsi de suite. »[18] Ceci permet au bulletin d’avoir une réelle portée.

Synthèse

En résumé, tout le monde peut être candidat, il suffit pour cela de s’inscrire sur le registre général du district. Lors des élections, les électeurs inscrivent sur leur bulletin signé le nombre qu’ils veulent de candidats dans l’ordre de leurs préférences. L’électeur peut choisir sur son district et/ou au niveau national les personnes de leur choix. Aucune contingence géographique, administrative, de richesse ou d’habitation ne vient limiter le vote. Les bulletins, une fois remplis, sont rassemblés et comptés au bureau central. Une division entre le nombre de bulletin et le nombre de siège s’opère ce qui nous donne le nombre de bulletin nécessaire pour un siège, le ratio. Dès lors, un classement a lieu en fonction du nombre de bulletins obtenus. Les noms ayant dépassé le ratio trouvé sont élus directement. Or, si un nom très populaire se retrouve sur un grand nombre de bulletin, on privilégie les votes venant de la localité du candidat et ceux sur lesquels un petit nombre de candidats a été inscrit. Cela ne vient alors pas gêner les candidats des autres localités et met en avant les bulletins ayant un choix précis. Par ailleurs, une fois le bulletin utilisé, il est mis de côté étant entendu que le principe d’un vote par personne doit être respecté. Enfin, si il reste des sièges vacants à l’Assemblée, une liste est faite avec les noms qui arrivent soit en première soit en seconde place sur les bulletins restant. Dès lors, ceux qui recouvrent le nombre de scrutins nécessaire sont élus et ainsi de suite. S'il reste des places, c’est avec les noms inscrits soit en deuxième soit en troisième place. Pour Louis Blanc, ce mode de scrutin optimise la représentation en fonction du bulletin et permet ainsi une meilleure adéquation entre l’électeur et l’élu.

Après cette présentation, Louis Blanc conclut alors que « le mécanisme en est beaucoup moins compliqué qu’on ne serait tenté de le croire au premier abord. En réalité, l’opération sur laquelle il repose n’a rien de plus difficile que le triage des lettres à la grande poste »[19]. Ce système, qui n’est pas de Louis Blanc mais auquel cet auteur adhère, permet une meilleure représentativité des diverses opinions d’un pays. Par ailleurs, il lime à la base les partis ou les jeux d’influence locaux néfastes au bon exercice démocratique du suffrage universel en permettant un choix optimisé des candidats sur l’ensemble du pays.

L’intérêt philosophique et politique d’un tel système

Au-delà du bien fondé mathématique, il y a une portée politique et philosophique qu’il convient de relever. Pour Louis Blanc, tout système qui « étouffe »[20] les minorités n’est au final en rien démocratique, il ne peut être qu’oppressif[21]. L’objectif est bien de faire en sorte que la voix de chaque électeur puisse compter, du mieux possible, pour le candidat de son choix au niveau national. En effet, si la limite est atteinte, si la mobilisation politique est efficace, toutes les idées peuvent avoir au moins une voix au sein de l’Assemblée.

Pour rendre plus limpide sa démonstration Louis Blanc met en scène la situation suivante :

« Quoi ! je nomme Pierre à Paris, et je dois me tenir pour bien et dûment représenté si Paul est nommé à Bordeaux ! Passe encore si le pays n’était divisé qu’entre deux grands partis se disputant le pouvoir, et en présence dans chaque collège ! Mais en dehors de ces deux partis, je puis appartenir à une opinion dont il me plairait fort de préparer l’avenir ; je puis faire partie d’une minorité éparse dans le pays et qui, bien que trop faible pour l’emporter dans un collège quelconque, serait cependant assez forte pour former une section du corps électoral, si les membres qui la composent votaient ensemble ; je puis enfin vouloir pour mandataire, d’accord en ceci avec beaucoup d’électeurs répandus ça et là, un homme sans influence locale, sans relation avec les partis en vue, sans engagement avec les opinions du jour, mais d’un caractère élevé et d’un esprit aussi supérieur qu’indépendant. Dans ce cas, je le demande, à quoi me servira ma qualité d’électeur ? Il faudra, ou que je donne ma voix à un homme qui ne représente mon opinion que très imparfaitement, et alors mon vote est à moitié perdu, ou que je m’abstienne, et alors il est perdu tout à fait. »[22]

On peut comprendre aisément l’intérêt philosophique de l’approche choisie. Toutefois, cela relève d’une conscience politique individuelle aiguisée car dans le cas contraire, si l’on précipite la thérapie, le choix des candidats risque d’être le reflet de la violence économique qu’ils subissent.

Louis Blanc cherche ensuite à mettre en perspective le projet de Hare pour y apporter la justification de sa limite car un constat doit être fait : toutes les minorités qui ne peuvent atteindre le nombre de voix requises n’auraient pas de représentant dans l’Assemblée[23]. Pour Louis Blanc, « c’est là un malheur inhérent à la nature des choses »[24]. C’est un principe de fonctionnement, au même titre que la présomption de la justesse des décisions à l’Assemblée. D’un point de vue pratique « le nombre des sections électorales est fatalement déterminé par le nombre des députés à élire »[25] et, dans le fond, « il est assez naturel qu’une opinion ne pèse dans la balance des destinées publiques que lorsqu’elle se trouve avoir acquis un suffisant degré d’importance numérique »[26] .

Serait ainsi assurée, et non d’une manière parfaite mais du mieux possible, « la représentation, proportionnellement au nombre, de chaque section du corps électoral. Toute minorité serait représentée, pourvu qu’elle se composât d’autant de citoyens qu’il en faudrait pour faire un député, eu égard au nombre des membres à élire »[27] . Certes, le principe de fonctionnement laisse une fraction du souverain sans représentant à l’assemblée, mais une fraction aussi minime que possible et qui reste libre de communiquer sur ses idées dans la presse ou dans des réunions publiques, libre de s’unir à d’autres minorités en France de façon à atteindre le nombre de suffrages nécessaires[28]. Ainsi, « nulle opinion de quelque importance numérique ne risquerait d’être réduite au silence, ou désarmée »[29]. Ce mode de scrutin permet alors d’ouvrir l’ensemble des possibles au maximum pour les électeurs. La liberté politique pour les citoyens votant mais aussi pour ceux qui souhaitent être candidats est garantie : c’est la Démocratie.

Par ailleurs, la responsabilité de l’élu et de l’électeur est réaffirmée. Pour l’élu, son mandat lui impose de défendre les idées pour lesquelles il a été choisi. Pour l’électeur, ce mode d’organisation du scrutin permet une réelle responsabilisation en rendant concrètement applicables toutes les idéologies. Il ne pourrait y avoir de vote simplement contestataire. De plus, le principe du vote à bulletin signé obéit à la même logique d’émancipation individuelle en rendant l’électeur responsable de ses idées.

Enfin, un intérêt politique conséquent serait aussi la résultante de ce mode d’organisation de l’élection : celui de permettre l’élection de personnes indépendantes des partis politiques[30]. Pour être élu, « il ne serait plus indispensable (…) de se faire l’instrument d’une coterie influente ou l’esclave d’un parti »[31]. En conséquence, « chaque vote aurait toute la valeur qu’il doit et peut avoir. Chaque membre de la Chambre représenterait un corps électoral, disséminé peut-être, mais unanime. Par cela même le représentant et le représenté seraient identifiés l’un à l’autre. Ce qui serait représenté à la Chambre, ce serait, non plus des pierres, mais des hommes. »[32]

De plus, Louis Blanc précise que certains principes comme celui de la « représentation locale »[33] ou « le principe majoritaire »[34] peuvent continuer à exister à côté du « droit des minorités »[35] , et tout ceci, à nouveau sans aucune source de conflits au niveau du souverain populaire. L’Assemblée, et non la rue, devient le lieu où se règlent les oppositions.

Relevons enfin que, la concurrence entre les candidats se ferait nationalement ce qui ne peut qu’élever le niveau général des débats. À l’Assemblée, les membres présents seraient en conséquence les meilleurs de chaque ordre d’idée. La vie politique du pays ne pourrait ainsi que mieux se porter[36].

Se dessine alors avec plus de netteté le projet politique de Louis Blanc concernant le suffrage universel et la représentation proportionnelle des minorités. Au final, l’Assemblée ainsi nommée est un agrégat de minorités plus ou moins importantes dont les membres votent suivant le principe majoritaire. Dans l’idéal, les débats devraient permettre l’apparition d’un compromis, chose toujours plus simple à trouver dans une Assemblée représentant le plus précisément possible la quintessence populaire qu’à l’échelle d’un pays entier. Par ailleurs, comme la légitimité du pouvoir ne peut être contestée, qu’il n’y a pas de rapport de défiance, c’est bien à une obéissance citoyenne consentie qu’aspire notre auteur (tout comme dans l’atelier social). De plus, cette assemblée qui est, pour ainsi dire, la conscience du souverain est aussi un cran de sécurité pour la paix civile car elle est responsable et peut être révoquée rapidement en raison de la fréquence des élections. Le peuple souverain, la démocratie (démos : le peuple/ cratos : le pouvoir) se voit ainsi optimisé sans pour autant prétendre à la perfection.

Notes

  1. Scrutin unique transfert dans le projet ACE.
  2. Electoral democracy in Alberta : time for reform, p 3
  3. BLANC L., « De la représentation proportionnelle des minorités », in BLANC L., Questions d’Aujourd’hui et de Demain, t. I, Paris, Dentu, 1873, p. 244.
  4. Ibid., p. 254.
  5. peuple
  6. Ibid., p. 244-245.
  7. Louis Blanc publie son article en 1864 d’Angleterre d’où le royaume. Nous pensons ici aux Lettres persanes de Montesquieu dans lesquelles il observe la vie politique française à travers un regard étranger.
  8. BLANC L., « De la représentation proportionnelle des minorités », in BLANC L., QAD, op.cit., t. I, p. 245.
  9. On peut aussi penser que, par cette ouverture, la liberté d’expression prendrait tout son essor.
  10. En réalité, il suffit qu'un candidat obtienne 9985 voix pour être élu car il n'est pas possible que 651 candidats recueillent autant ou plus que 9985 voix, ce candidat est alors dans les 650 premiers.
  11. BLANC L., « De la représentation proportionnelle des minorités », in BLANC L., QAD, op.cit., t. I, p. 245-246.
  12. Ibid., p. 246.
  13. Ibid.
  14. Louis Blanc utilise ici une version simplifiée du système de Hare : dans le système normal, tous les bulletins ayant déjà servi à élire un député sont conservés mais sont affectés d'un poids plus faible que les autres
  15. Ibid., p. 247.
  16. Ibid.
  17. Ici aussi, Louis Blanc propose une autre procédure que celle actuellement préconisée dans le cas où le quota n'est pas atteint.
  18. Ibid.
  19. Ibid., p. 252.
  20. Ibid
  21. « Là où il n’y a pas égalité de représentation, on peut poser hardiment en fait qu’il n’y a pas de démocratie. L’essence de la démocratie, c’est l’égalité ; et partout où les minorités risquent d’être étouffées (…), partout où elles n’ont pas leur influence proportionnelle sur la direction des affaires publiques, le gouvernement n’est au fond qu’un gouvernement de privilège, au profit du plus grand nombre. Contre ce mal, le système de M. Hare fournit un remède. » (Ibid.) « On répondra peut-être que dans le mode d’organisation adopté jusqu’à ce jour, la minorité ne reste jamais sans représentants, parce qu’il arrive que le parti en minorité dans un collège est en majorité dans un autre, ce qui tend à rétablir la balance. Mais une pareille compensation, outre qu’elle n’a rien de certain et rien d’exact, est évidemment contraire à tous les principes du régime représentatif. L’étouffement de la minorité ici ne cessera pas d’être regrettable parce qu’il y aura eu étouffement de la minorité ailleurs en sens inverse. Un mal donné pour correctif à un autre mal ne saurait tenir lieu de remède. » (Ibid.)
  22. Ibid., p. 253-254.
  23. « Il est vrai que le système de M. Hare est loin d’assurer aux minorités une garantie complète, en ce sens qu’il laisse sans organe parlementaire toute minorité qui n’atteint pas le nombre minimum des votants requis pour l’élection d’un député. Ainsi, en supposant que la Chambre se compose de 650 membres, et qu’il y ait 6, 500, 000 électeurs, ce système n’empêcherait pas toute minorité au-dessous du chiffre de 10, 000 d’être sans organe dans la législature. Mais c’est là un malheur inhérent à la nature des choses. Le nombre des sections électorales est fatalement déterminé par le nombre des députés à élire. Et, d’autre part, il est assez naturel qu’une opinion ne pèse dans la balance des destinées publiques que lorsqu’elle se trouve avoir acquis un suffisant degré d’importance numérique. » (Ibid., p. 254.)
  24. Ibid., p. 254.
  25. Ibid.
  26. Ibid
  27. Ibid., p. 254-255.
  28. « Chaque minorité locale pouvant s’unir par ses votes à d’autres minorités locales éparses dans tout le royaume, et atteindre de la sorte le chiffre voulu pour l’élection d’un représentant, nulle opinion de quelque importance numérique ne risquerait d’être réduite au silence, ou désarmée. » (Ibid., p. 255.)
  29. Ibid., p. 255.
  30. « Les électeurs n’étant plus forcés, ou de voter pour un candidat de la localité, alors même qu’ils ne voudraient pas de lui, ou de s’abstenir, et pouvant donner leurs voix aux hommes d’une réputation nationale dont ils partagent les principes, une place parmi les représentants du peuple serait réservée aux grands esprits, aux citoyens vraiment illustres, aux caractères indépendants : il ne serait plus indispensable, pour être élu, de se faire l’instrument d’une coterie influente ou l’esclave d’un parti. » (Ibid.)
  31. Ibid.
  32. Ibid.
  33. Ibid.
  34. Ibid., p. 256.
  35. Ibid.
  36. « Le principe de la représentation locale serait respecté dans une juste mesure, puisque dans tout collège où la majorité des votants égalerait ou dépasserait le chiffre requis pour l’élection d’un député, il ne tiendrait qu’à elle d’avoir un représentant local. Dans chaque collège électoral, la majorité serait nécessairement amenée à fixer son choix sur le plus digne, parce que son candidat préféré aurait à soutenir la concurrence, non plus seulement du candidat de la minorité, mais de tous les hommes distingués sur toute la surface du pays. Dans la Chambre, les représentants de la majorité ayant devant eux les organes les plus distingués de chaque ordre d’idées, seraient contraints de la combattre, d’étudier les questions sérieusement et de penser, ce qui élèverait le niveau de l’intelligence générale. Enfin, la majorité prévaudrait, la démocratie règnerait ; mais en même temps une issue serait ouverte à chaque opinion dissidente, et un point d’appui ménagé au droit des minorités : droit non moins respectable dans sa sphère que celui des majorités dans la sienne. » (Ibid., p. 255-256.)

Liens externes


Pour une vision condensée de la pensée politique de Louis Blanc voir :

  • Charruaud Benoît, Louis Blanc m’a dit…, éditions Baudelaire, Lyon, 2009 (Il s’agit d’un travail de reconstruction et d’actualisation qui a pour but de présenter le plus simplement possible l’originalité de la pensée de Louis Blanc.)


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