Règle de droit

Règle de droit

La règle de droit ou droit objectif est « la norme juridiquement obligatoire, quelle que soit sa source (règle légale, coutumière), son degré de généralité (règle générale, règle spéciale), sa portée (règle absolue, rigide, souple...) »[1].

D'après Jérôme Bonnard[2], le droit objectif désigne l'ensemble des règles juridiques qui régissent les hommes dans la vie en société, et dont la violation est sanctionnée par l'autorité publique. Le Droit est composé d'autres sources que la loi, comme la coutume et les usages. L'ensemble de ces règles est appelé droit objectif ou règle de droit. Ces règles sont, en principe, uniques pour tous les individus d'une même communauté.

Il en découle les droits subjectifs, qui ne sont que les prérogatives attribuées à un individu pour qu'il puisse bénéficier d'un objet, d'une valeur, ou d'un rapport avec un autre. Le droit positif est appliqué et sanctionné par l'autorité publique.

Sommaire

Les caractères de la règle de droit

Les caractères généraux d'une règle

Une règle générale et impersonnelle

La règle de droit est considérée comme générale car elle est appliquée sur tout le territoire national et pour tous les faits qui sy produisent. On la qualifie d'impersonnelle car elle vaut pour toutes les personnes qui se trouvent ou se trouveront dans une décision objectivement déterminée, et elle définit alors la conduite à tenir dans cette situation. Dans ce sens, elle nest pas faite pour régler des cas particuliers connus a priori: elle est formulée en termes généraux et ne s'applique aux cas particuliers qu'a posteriori, après comparaison (par exemple par un juge) entre la situation particulière et les termes généraux de la loi.

Le caractère impersonnel et général de la règle de droit n'est pas absolu, car si la règle de droit définit toujours une situation précise, elle ne concerne toujours quun nombre limité de personnes (par exemple, les lois définissant les droits et devoirs des propriétaires fonciers valent potentiellement pour tous les individus, mais ne concernent, dans les faits, que les individus bénéficiant d'un patrimoine foncier).

Ces caractères ne sont pas propres à la règle de droit. Toute mesure qui prétend sappliquer à un certain nombre dindividus doit nécessairement être générale et impersonnelle. Si une mesure ne concerne quune personne déterminée, ce nest plus une règle, cest un décret ou une sentence. Les règles morales et religieuses sont aussi générales et impersonnelles.

Une règle à finalité sociale

Le but de la règle de droit est d'organiser la vie sociale : c'est pour la règle de droit que cette caractéristique est la plus prononcée. Pour la règle morale, la finalité serait plutôt celle de l'épanouissement de la conscience de lindividu, de son perfectionnement ; la règle religieuse, elle, veillerait au salut de lâme.

Pour atteindre cette finalité sociale, la règle de droit va parfois contredire des règles morales ou religieuses (divorce, prescription, avortement...).

Ce critère nest pas caractéristique de la règle de droit. Le droit na pas quune finalité sociale, et parfois, il vient même ériger une règle morale en règle de droit. Les autres règles de conduite ont aussi une dimension sociale (même secondaire). Les règles religieuse et morale nignorent pas le fait social, elles tiennent compte des devoirs de chacun à légard des autres membres de la société. Il existe aussi une morale « sociale » (menant à un comportement de bon citoyen).

Une règle extérieure

La règle de droit ne dépend pas de la volonté de celui qui y est soumis. Ce nest pas une contrainte que lon simpose spontanément, mais cest un ordre ou une suggestion imposée à chaque membre du corps social.

Ce caractère extérieur est, selon Kant, ce qui permet de distinguer la règle de droit de la règle morale. En effet, la règle morale est interne à la personne et est le produit de la conscience : cest le sujet lui-même qui se limpose.

Mais la règle de droit nest pas la seule à avoir une source extérieure à la volonté de lHomme. Il en est de même pour la religion. Il ne sagit pas dun caractère unique.

Le caractère spécifique de la règle de droit : la coercition étatique

On entend par coercition étatique une contrainte émanant de lÉtat. Ce qui est spécifique à la règle de droit, cest donc dêtre rendue obligatoire et sanctionnée par lÉtat.

En effet, si toute règle de conduite humaine comporte une sanction[non neutre], seule la règle de droit comporte une sanction émanant de lÉtat. Ainsi, même si une règle de droit est à lorigine une règle morale[non neutre], elle ne devient une règle de droit que lorsquelle est rendue obligatoire et sanctionnée par lÉtat.

Les conséquences de ce caractère spécifique

Le caractère obligatoire

La règle de droit étant destinée à organiser la société et les rapports entre ses membres, il est nécessaire quelle soit respectée et donc elle doit être imposée, rendue obligatoire.

Toute règle de droit est obligatoire, mais ce caractère obligatoire est susceptible de ne pas être respecté. On distingue ainsi les règles de droit impératives des règles de droit supplétives.

Les règles de droit impératives sont celles qui ordonnent ou interdisent une conduite sans que le sujet puisse sy soustraire. Elles sont souvent liées à lordre public. Par exemple, les époux ont, du fait du mariage, des obligations entre eux qui sont passées par des règles impératives.

Les règles de droit supplétives sont aussi obligatoires, mais peuvent être écartées par les sujets de droit. En effet, elles ne sappliquent que si les sujets de droit nont pas exprimé de volonté particulière pour lorganisation de la situation. Elles viennent alors suppléer labsence de volonté exprimée : ce sont des règles de droit applicables par défaut. Par exemple : larticle 1609 du Code civil français prévoit donc que lorsquune chose est vendue, elle doit être livrée à lacheteur à lendroit elle se trouvait au moment du contrat. Les parties sont toutefois autorisées à prévoir un autre lieu de livraison.

La sanction de la règle de droit

La règle de droit est toujours assortie dune sanction émanant de lÉtat. Cette sanction peut prendre des formes variées. On en distingue plusieurs, qui peuvent parfois se cumuler.

  • Le premier type de sanction peut constituer en lexécution contrainte de la règle de droit.

Lautorité chargée de faire respecter la règle en demande directement lexécution en ayant recours si nécessaire à la force publique.

Le créancier qui nest pas payé par son débiteur, une fois quil a obtenu le jugement condamnant le débiteur à payer, peut, avec ce jugement, ce titre exécutoire, aller voir un huissier qui contraindra le débiteur à payer en ayant, par exemple, recours à une saisie sur un compte bancaire ou une saisie immobilière.
Le locataire qui ne paie pas ses loyers peut être expulsé.
  • Une autre catégorie de sanction peut être qualifiée de réparatrice.

Elles visent à réparer les conséquences du non-respect de la règle de droit. Ainsi, lorsquon ne peut pas ou plus obtenir lexécution dune obligation, on la remplace par le paiement dune somme dargent (dommages et intérêts) correspondant au préjudice causé par linexécution de lobligation.

On peut aussi parler de lannulation de lacte juridique. Lorsquun acte juridique comme un contrat a été conclu sans respecter la règle de droit applicable à la conclusion du contrat, la meilleure manière de réparer ce non-respect de la règle de droit est danéantir ce contrat par le jeu dune action dannulation.

  • Les sanctions punitives, relevant essentiellement du droit pénal.

Cependant, le droit pénal nest pas le seul qui propose des sanctions punitives en cas de manquement à la règle de droit. Exceptionnellement, le droit civil peut aussi le faire. Par exemple, larticle 792 du Code civil français prévoit une sanction civile pour le recel successoral, c'est-à-dire le fait pour un héritier de sêtre approprié clandestinement un bien de la succession. Il na alors plus de droit sur ce bien.

Les fondements de l'obéissance au droit

Les philosophes du droit sinterrogent toujours sur les fondements du caractère obligatoire de la règle de droit : quest-ce qui fonde l'obéissance volontaire et libre au droit ? Les réponses apportées à cette question peuvent être distinguées en 2 familles différentes.

Le droit naturel
Article détaillé : Droit naturel.

Certains auteurs considèrent que le fondement de l'obéissance à la règle de droit est le droit naturel, c'est-à-dire lensemble des règles idéales de conduite humaine, auquel le droit positif doit être soumis.

Si la règle de droit est conforme au droit naturel, elle doit être considérée comme obligatoire parce qu'elle est légitime, et non simplement parce que l'État possède une puissance factuelle de coercition. Dans le cas contraire, elle est injuste et on doit y désobéir.

Il existe différentes conceptions du droit naturel.

Pour Aristote et plus généralement les théoriciens du droit naturel classique (Platon, les stoïciens), le droit naturel (ce qui est juste) est le principe supérieur de justice inscrit dans la nature des choses et conforme au bon ordre de la nature et de la cité. Pour saint Thomas d'Aquin, le droit naturel est inspiré par Dieu. Enfin, certains auteurs (appartenant à l'école du droit naturel moderne) considèrent que le droit naturel doit se déduire de la nature de lHomme (Grotius), qu'ils définissent soit par sa puissance et son désir (Hobbes), soit par son aspiration au bien-être (Locke), soit par la dignité qui caractérise la personne (Kant).

Le positivisme
Article détaillé : Positivisme.

Une seconde école soppose aux théories du droit naturel. On les appelle les théories positivistes. Ces auteurs nient lexistence dun droit naturel. Pour eux, il nexiste que le droit objectif, positif. Pour certains dentre eux, cest uniquement lautorité de lÉtat qui confère à la règle de droit son caractère obligatoireon parle alors de positivisme étatique ou juridique. Pour les autres, la règle de droit et son caractère coercitif sont des moyens de défense socialepositivisme idéologique.

Le marxisme
Article détaillé : Marxisme.

Pour la théorie marxiste, la règle de droit est un moyen doppression de la classe dominante, et cest pourquoi elle est coercitive. Elle a vocation à disparaître quand disparaîtra la lutte des classes.

Notes et références

  1. Gérard Cornu (dir.) et Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique [détail des éditions] (OCLC 469313788) , « Règle », p. 774
  2. , agrégé de droit privé et docteur d'État dirige le diplôme d'études supérieures spécialisées en droit des affaires et fiscalité de l'université Paris-VIII-Saint-Denis.


Voir aussi


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