- Royaume moundang de Léré
-
Royaume moundang de Léré Création XVIIIe siècle Titre Gõ (Gong) Mandant Fils du précédant, choix approuvé par les za-sae (Excellents) Durée du mandat Actuellement à vie, auparavant exécution rituelle au bout de 7 à 10 de règne Premier titulaire Damba Résidence officielle Palais royal de Léré modifier Le royaume Moundang de Léré est un ancien État localisé dans le sud-ouest de l'État actuel du Tchad. Ce royaume apparait au milieu du XVIIIe siècle et couvre un territoire d'environ 5 000 m². Les souverains animistes moundang ont dû faire face aux assauts militaires des Peuls musulmans puis à la colonisation française. Le royaume n'existe plus aujourd'hui en tant qu'entité politique indépendante, mais seulement comme une chefferie traditionnelle en relation avec les autorités administratives tchadiennes modernes.
La monarchie moundang est un pouvoir politique qui garantit l'ordre social, cosmique et symbolique à travers des rituels basés sur le calendrier agricole. Leurs justifications trouvent leurs racines dans les mythes, les faits et les gestes de Damba, le premier roi (Gõ ou Gong) moundang. Ce système de pensée attaché au concept de « royauté sacrée » a été étudié par l'anthropologue et ethnologue fançais Alfred Adler dans le dernier quart du XXe siècle.
Sommaire
Mythes fondateurs
Damba, le chasseur errant
Le Chef de Libé avait plusieurs fils. Mais son préféré était Damba, un de ses fils cadets. Le jeune homme, vigoureux et sportif, excellait dans la pratique de la chasse. Damba rapportait ainsi beaucoup de gibier à son père. En retour, le Chef le remerciait en lui prodigant des conseils et en lui transmettant sa syiñri (magie). Les Anciens du village, en constatant cette préférence, se mirent à comploter contre Damba. Ils craignaient en effet que Damba ne cherche à évincer son frère aîné de la succession au trône. Une vieille servante entendit les conciliabules des Anciens et en rapporta la teneur à Damba. Dans la crainte d'un assassinat Damba décida d'abord de passer plus de temps à chasser dans la brousse. Mais un jour, Damba s'éloigna définitivement du village paternel[1].
Après quelque temps, Damba se trouva sans le savoir sur le territoire des Moundang, près du village de Moukréan, alors dirigé par les Kizéré. À cette époque la terre était très peu peuplée et le peuple Moundang ne comptait que peu de clans ; les Kizéré dont les Kize-bal-hin (Kizéré aux jambes grêles) qui détenaient la chefferie moundang, le clan du Buffle (ban-se), les Teure, le clan des Oiseaux (ban-ju), le clan des Lions(ban-bale) et le clan de la Rhombe (ban-mafali)[2].
Alors que la saison sèche faisait rage, Damba rencontra deux jeunes filles qui s'étaient éloignées du village pour aller creuser un puits pour puiser de l'eau près d'une rivière asséchée. La jeune fille du clan Teuré, en voyant Damba sale et hirsute, prit peur et s'enfuya vers le village. Mais la fille du clan du Buffle engagea la conversation avec Damba et lui donna de l'eau pour qu'il puisse se rafraichir. Pour remercier la jeune fille, Damba lui offrit de la viande. La fille rentra au village et présenta ce don à ses parents. Ces derniers ne connaissaient pas cette nourriture mais ils la trouvèrent très bonne à manger. Le lendemain, les filles retournèrent vers Damba. Elles lui offrirent de la farine de mil et en retour Damba leur donna encore de la viande. Après cet échange de nourriture, Damba se fiança avec les deux filles. Le troisième jour, les pères des deux fiancées se présentèrent devant Damba. Ce cernier raconta à ses beaux-pères sa fuite puis leur fit un don de viande séchée. Le quatrième jour, Damba s'installa finalement au village et procéda à une distribution générale de viande pour tous les villageois présents. Après cela, Damba prit une troisième épouse, la fille du chef des Kize-bal-hin[3].
Damba, roi des Moundang
Damba, une fois installé au village avec ses épouses, continua à chasser dans la brousse et à distribuer son gibier. Devant la générosité de Damba, les Anciens du village se mirent à comploter contre leur chef du clan Kizéré. Ils lui reprochaient son avarice et ses maigres dons de haricots. Les Anciens proposèrent alors à Damba de devenir leur chef. Dans un premier temps, Damba refusa de participer à ce complots en prétextant de n'être qu'un étranger.
Un jour, Damba tua une antilope-cheval. Il rapporta la viande au village et ses épouses firent bouillir la viande dans trois grandes marmites. Damba fit déposer les marmites dans son tal-guu, la hutte où sont entreposées les flèches et les carquois ; un lieu interdit aux femmes menstruées et aux hommes non invités. Damba invita ensuite les Anciens à un banquet et les régala de viandes en sauces et de bière de mil. Au bout de trois jour, les Anciens et Damba se mirent d'accord pour écarter du pouvoir le chef Kizéré. Les comploteurs demendèrent à un devin la marche à suivre pour que leur entreprise arrive à bon port. Ils demendèrent à un enfant, un petit-fils du chef de saboter son arc en élimant à moitié la corde de son arc. Ceci-fait, ils crièrent contre le chef et lui ordonnèrent de partir. En colère, le chef se saisit de son arc pour tuer les comploteurs. Mais la corde cassa et le chef dut piteusement s'enfuir avec les siens sous des jets de caillous. Sa fuite prit fin à Bissi où les Kizéré fondèrent une nouvelle chefferie. Quelques vieillards Kizéré restèrent auprès de Damba mais lui jurèrent fidélité en allumant un feu devant le palais royal. Ce geste est renouvellé à l'ouverture de chaque fête du fing-moundang (nouvel-an) ; les Kizéré fidèle à Damba ayant été nommés puliã-za-wi (dignitaire du feu)[4].
Organisation de la famille royale
Épouses royales
Le roi de Léré est un grand polygame (de 100 à 300 épouses selon les époques). Le palais du roi est en fait une gigantesque exploitation agricole de forme circulaire et d'un seul tenant. Dans cet anneau se succèdent les appartements des épouses. Chaque appartement comprend quatre chambres, les mur sont en pisé et le toit est plat et sert de terrasse. L'appartement dispose dans un coin d'un grenier de forme phalloïde et dans un autre coin d'une tourelle qui est la cheminée de la cuisine. Si une ferme traditionnelle moundang dispose de trois-quatre appartements, le palais royal en dispose donc d'un nombre plus considérable. Le roi Comé II à régné de 1891 à 1924. Il a épousé plus de 200 femmes et a été obligé d'agrandir le nombre des appartements en construisant un anneau concentrique au premier à l'intérieur de la cour. Son petit-fils Daba III, intronisé en 1964, n'a disposé que d'une centaine d'épouses dont une quarantaine héritées de son père et de son grand-père. Ce nombre plus réduit a permis de dégager la cour de ces constructions supplémentaires[5].
Ces épouses royales se répartissent en plusieurs classes fonctionnelles
- Les nouvelles épouses, elles habitent auprès d'épouses plus anciennes qui leur apprennent leurs tâches palatiales. Elles fréquentent le plus le roi quant aux activités sexuelles.
- Les cuisinières du roi.
- Les grandes femmes, elles ont déjà eut plusieurs enfants du roi. Elles initient les jeunes épouses.
- Les vieilles femmes, leurs appartements sont en dehors du palais mais à proximité[6].
Mère de l'enclos
Toutes les épouses royales ne jouent pas le même rôle. La mah-mor-yã (ou mère de l'enclos royal) est l'épouse du roi qui détient les plus lourdes charges rituelles. Elle est la première épouse du roi et la prêtresse du palais[7].
Histoire
Fêtes et rituels
Voir aussi
Notes
- Adler 1982, p. 33
- Adler 1982, p. 33-34
- Adler 1982, p. 34
- Adler 1982, p. 35-38
- Adler 1982, p. 307-308
- Adler 1982, p. 315
- Adler 1982, p. 317
Bibliographie
: Ouvrage utilisé comme source pour la rédaction de cet article
- Alfred Adler, La mort est le masque du roi, Paris, Payot, 1982
- Alfred Adler, Le pouvoir et l'interdit : Royauté et religion en Afrique noire, Paris, Éditions Albin Michel, 2000
- Alfred Adler (ethnologue), « Le royaume moundang de Léré », in Claude Tardits (dir.), Princes & serviteurs du royaume : cinq études de monarchies africaines, Société d'ethnographie, Paris, 1987, p. 137-170
Wikimedia Foundation. 2010.