ResPACT

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ResPACT est une campagne lancée en septembre 2007 en Belgique par la Fédération des étudiants francophones (FEF). La campagne s'étendra sur deux ans, atteignant son climax à la conférence ministérielle pour les dix ans du Processus de Bologne à Leuven, en avril 2009. Le nom de la campagne, ResPACT, est un jeu de mots qui exprime le désir que la Belgique respecte le Pacte international de l'ONU relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (dit de New York) qu'elle a ratifié en 1983. La campagne a également lancé une pétition qui peut être signée ici.

Sommaire

Introduction

L’article 13 du Pacte international de l’ONU relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié par la Belgique en 1983, stipule que « l’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité […] notamment par l’instauration progressive de la gratuité ». Aujourd’hui, alors que le contexte européen incite à une augmentation du coût des études, l’article 13 du Pacte de New York semble oublié depuis longtemps. Pourtant, cette augmentation du coût est lourde de conséquences sur le budget des familles, l’accès à l’enseignement supérieur et force de plus en plus d’étudiants à travailler pour financer leurs études.

Consternées par cette tendance qui semble avoir l’aval tacite de bon nombre de politiciens, plusieurs organisations du nord et du sud du pays ont décidé de créer la plateforme ResPACT qui exige que des mesures et des engagements politiques soient pris, avant les élections régionales 2009, pour enfin faire respecter l’article 13 du Pacte de New York et donc faire diminuer les coûts directs et indirects liés aux études.

L'enquête auprès des étudiants

À l’initiative de la Fédération des Étudiants Francophones (FEF), une enquête a été réalisée auprès des étudiants de septembre à décembre 2007 dans une grande partie des établissements de l’enseignement supérieur de Communauté Française. 5000 étudiants y ont participé, principalement issus des Universités et Hautes Écoles (HE). Les Écoles supérieures des Arts (ESA) et les Instituts supérieurs d’Architecture (ISA) sont moins représentés dans l’échantillon. L’objectif de cette démarche était double. D’une part, récolter des informations qui sont inexistantes ou peu accessibles sur les dépenses des étudiants dans le cadre de leurs études et, d’autre part, sensibiliser les personnes interrogées sur le sujet du coût des études et les faire réfléchir à cette question. Étant donné la taille de l’échantillon, l’objectif de la démarche et les moyens limités de la FEF, cette enquête ne peut que représenter le début d’un vrai travail de systématisation et de suivi du coût des études en Communautés française et flamande. Malgré les faiblesses de cette étude, elle est d’une grande utilité parce qu’elle a permis d’obtenir des données concrètes par rapport à la condition étudiante.

Le questionnaire

L’idée à la base de la construction du questionnaire était de dépasser la conception restrictive communément admise qui considère que le coût des études se limite au minerval et au matériel nécessaire pour étudier. Ainsi, nous avons également demandé des informations sur le coût du logement, les transports en commun, l’accès à la culture et les soins de santé.

Description de l'échantillon

L’enquête a été réalisée auprès de 5 000 étudiants de l’enseignement supérieur. Cependant, la qualité d’une partie des questionnaires récoltés n’a pas été jugée suffisante et a été exclue de l’échantillon. Il en résulte que la taille totale de l’échantillon obtenu est de 3 311 individus.

Description des réponses

L’analyse des enquêtes a montré que la moyenne des coûts déclarés pour une année d’étude est de 7 200 € pour un étudiant kotteur et de 2 800 € par année pour un étudiant non kotteur. Les coûts les plus importants dans le budget annuel d’un étudiant sont, par ordre décroissant de grandeur :

  • le logement avec 3 150 €,
  • l’alimentation avec 1 316 €,
  • les coûts divers (notamment sport, vêtements) avec 670 €,
  • le minerval avec 647 € (en moyenne, HE et universités

confondues),

  • et finalement, les transports en commun avec 298 €.

Cependant, il s'agit ici d'une sous-évaluation des coûts réels liés aux études. En effet, lors de la phase de récolte des questionnaires, une réaction extrêmement fréquente des études non-kotteurs concernait la difficulté d’évaluer les coûts sur lesquels ils étaient interrogés (« ce n’est pas moi qui fais les courses », « je dépense X à midi mais le repas chaud du soir chez moi, je ne sais pas combien il coûte », « ce n’est pas moi qui paie internet » « mes parent me paient le train, donc je ne sais pas combien c’est »). Par ailleurs, chez les étudiants kotteurs, la FEF s'est rendu compte il y avait aussi une large sous-estimation des coûts véritables.

Par exemple, les étudiants rentrant chez eux le week-end n’incluaient pas les dépenses relatives aux week-ends dans les coûts ; d’autres ne comptaient pas les vacances d’été dans leurs coûts annuels. D’autres avaient beaucoup de difficulté à se rappeler l’ensemble des dépenses en matière de syllabus ou de photocopie, par exemple. Ainsi, les moyennes réalistes se situeraient plutôt autour de 10 000 à 12 000 € par année.

Ce constat souligne la nécessité de réaliser, dans le futur, des études nettement plus approfondies et avec une méthodologie plus rigoureuse, de manière à évaluer correctement le coût des études. De ce point de vue, seul un suivi continu et individuel des étudiants durant toute une année semble de nature à pallier complètement le problème lié à l’oubli et à la sous-estimation des dépenses réalisées.

Conclusion 
"Je trouve ça scandaleux"

Finalement, en ce qui concerne l’appréciation globale des étudiants du coût de leurs études, 57.3% des étudiants interrogés estiment scandaleux de devoir payer si cher pour leurs études. Seuls 19.2% estiment que « c'est un peu cher mais nos études le valent » ; 5% estiment que c’est un coût normal tandis que 12% choisissent « c’est très cher mais c’est le prix de l’excellence ».

Le pacte de New York - démocratisation de l'enseignement

De l’étude de la FEF, et d’autres analyses faites en Belgique, il résulte que, contrairement à ce qu’on pense parfois, les études supérieures en Belgique sont chères.

Ce constat va à contre-courant de celles et ceux qui affirment toujours que notre enseignement supérieur est gratuit ou quasi gratuit vu les montants du minerval.

Il est vrai que le montant des droits d’inscription en Belgique reste plus faible que celui d’autres pays européens comme le Royaume-Uni. Cela dit, se limiter au minerval pour déterminer le coût des études, c’est nier une grande partie de la réalité à laquelle les étudiants sont confrontés.

Il faut par ailleurs ajouter que la Belgique connaît un système d’allocations d’études très limité tant en ce qui concerne le nombre de bénéficiaires que le montant des aides. C’est d’ailleurs ce que l’on peut constater en regardant les indicateurs de l’OCDE de 2007 où la Belgique est en queue de peloton en matière de couverture des bourses[1].

En quoi le fait d’avoir des études chères, parallèlement à des systèmes d’aide peu développés, est problématique ? La Belgique est marquée par une faible démocratisation. Sans nous appesantir sur ce constat, souvent posé par divers acteurs de l’enseignement et par les différentes études de l’OCDE, une grande partie de la population n’a pas la possibilité d’accéder à l’enseignement supérieur. Plus encore, l’accès à l’enseignement supérieur est fortement biaisé en faveur des jeunes issus d’une famille déjà favorisée socialement. Or, le coût des études est un des facteurs principaux qui joue dans cette reproduction sociale. Evidemment, ce n’est pas le seul. Il ne s’agit pas ici de nier la situation de l’enseignement secondaire en Belgique et les grandes disparités qui existent entre les écoles ainsi que l’importance des facteurs culturels dans l’accès à l’enseignement supérieur.

Toutefois, il est évident que devoir payer environ 7000€ par an pour faire des études constitue une vraie barrière pour des étudiants et des familles issus des milieux populaires voire de la classe moyenne. Ces coûts ont tendance à peser de plus en plus lourd dans le contexte socio-économique actuel caractérisé par une baisse du pouvoir d’achat.

Le coût des études oblige ainsi certains étudiants à travailler à côté de leurs études supérieures. Si rien ne justifie que l’on interdise aux étudiants qui ont envie de mieux financer leurs loisirs, de faire un job étudiant, il nous paraît injuste d’obliger des étudiants à travailler pour couvrir les coûts liés à leurs études. Etudier est un job à temps plein qui, bien qu’il ne soit pas rémunéré, n’est souvent pas compatible avec un autre job. Il est, par ailleurs, clair que travailler en plus de faire des études diminue les chances de réussite.

Ce qui est d’autant plus injuste, c’est que les populations le plus touchées par l’échec académique sont bien souvent celles-là même qui sont obligées de travailler pour financer leurs études.

Le coût des études à l’heure actuelle oblitère la perspective d’un enseignement démocratique. C’est dans cette optique que la FEF et la plateforme revendiquent une diminution du coût des études.

Le respect du pacte de New York

La Belgique a reconnu, il y a 25 ans que diminuer le coût des études était essentiel pour rendre l’enseignement accessible à tous. En effet, en 1983, elle a ratifié le Pacte de l’ONU relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ou Pacte de New York, qui, dans son article 13, énonce que: « l’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité […] notamment par l’instauration progressive de la gratuité ».

La Belgique, comme l’ensemble des pays Européens et les 142 signataires du Pacte, a marqué un engagement clair en ratifiant ce pacte. De plus, cet engagement dépassait les clivages des partis de l’époque puisque l’approbation du Pacte a été voté, au niveau fédéral, par une majorité rouge-romaine (socialistes et socio-chrétiens), et au niveau des communautés par des gouvernements « d’union communautaire » incluant les socialistes, sociaux-chrétiens et libéraux. Le respect du Pacte de New York nous paraît indispensable, à l’heure actuelle, pour que notre enseignement supérieur soit accessible à tous.

Or, si nous reprenons les différents coûts des études, on peut voir qu’il y a de grandes lacunes dans les politiques d’aide aux étudiants de la Belgique et de ses composantes fédérées.

1° Le logement

Pour les nombreux étudiants qui kottent, les coûts liés au logement représentent la part la plus importante des frais études. Or, la Belgique brille par son absence de politique de logement étudiant. Comme on peut le voir dans la dernière édition des Chiffres clés de l’enseignement supérieur en Europe de la Commission européenne, il est possible de compter sur les doigts d’une main les pays n’ayant pas de politique de logement étudiant[2]. Cette situation est d’autant plus problématique à l’heure actuelle où l’immobilier bruxellois a connu une flambée des prix qui a déteint sur les autres villes du pays. Mis à part le cas des certaines universités qui ont développé un parc locatif public, souvent restreint, il y a trop peu de logements disponibles pour les étudiants et à bas prix. A côté de cela, il n’existe pas, comme en France, des mécanismes d’aide aux logements qui permettent de supporter le loyer et les charges. En outre, la Belgique ne connaît pas de législation adaptée au logement étudiant. Or, ceci nous apparaît indispensable notamment compte tenu de la courte durée des baux et de la relation déséquilibrée entre les étudiants, novices pour une série d’obligations juridiques, et les propriétaires dont la position est renforcée dans les endroits où le parc locatif est saturé.

2° Les droits d’inscription et support de cours

En Communauté française, en 2007, le montant du minerval se situe à 789€ pour les universités. Depuis les décrets des 20 juillet 2005 et 2006 et du décret du 19 juillet 2007, les Hautes Ecoles ont rejoint les universités dans le montant des droits d’inscription qu’elles peuvent réclamer aux étudiants.

Toutefois, les Ecoles d’art, les Instituts supérieurs d’architecture et les sections « technique de l’image » et « communication appliquée » des Hautes Ecoles sont actuellement dispensées de plafond dans les droits d’inscription qu’ils peuvent demander à leurs étudiants. Ils ont donc la liberté de demander des montants astronomiques en toute légalité.

Par ailleurs, les droits d’inscription sont liés à l’index, ce qui fait que le minerval passera, l’année prochaine, à environ 820 € ! Même s’il existe une catégorie « boursier » et une catégorie « modeste » pour les droits d’inscription, l’écrasante majorité des étudiants paient le minerval plein alors qu’ailleurs en Europe, comme en Finlande, l’inscription est gratuite. En ce qui concerne les supports de cours, livres, syllabus ou matériels divers, il n’y a aucune limitation de leurs coûts pour les étudiants. Or, les supports de cours peuvent dépasser le montant du minerval. Ainsi, ces coûts peuvent littéralement exploser lorsqu’il faut acheter de nombreux manuels, un instrument de musique, du matériel scientifique ou artistique, etc.

3° Les transports

Même s’il faut souligner l’effort fait par le fédéral pour diminuer le coût du transport pour les étudiants via les « cartes campus » et les abonnements, la SNCB ne cesse d’augmenter d’année en année le prix des « GO PASS » pourtant également destinés aux jeunes.

Il est regrettable que le politique n’ait pas fait percoler de tels efforts au niveau des transports régionaux (TEC, STIB, De Lijn). Toutefois, de telles initiatives sont possibles comme en témoignent certaines exceptions très (et trop) locales, comme les réductions d’abonnement pour les transports bruxellois auxquels ont droit les étudiants flamands.

Si la grande mode semble de promouvoir la mobilité internationale, il serait bon de ne pas oublier que les étudiants doivent également pouvoir se déplacer à prix abordable à l’intérieur du territoire belge.

4° La nourriture

En Belgique, les étudiants ne disposent pas de salaire, ils doivent donc supporter eux-mêmes, souvent avec l’aide de leurs familles, ce coût. Kotteurs ou non, les étudiants doivent payer eux-mêmes pour se nourrir à midi. S’ils kottent, les étudiants doivent en plus prendre à leur charge d’autres repas. S’ils vivent chez leurs parents, ces coûts se reportent sur les parents. Or, on remarque que cet aspect du coût des études est très peu pris en compte par les autorités publiques et par les établissements d’enseignement supérieur. Il faut malgré tout relativiser puisqu’en Flandre, le coût de la nourriture est intégré dans les frais des études. Ailleurs en Europe, comme en Grèce, les repas du midi sont pris en charge par l’Etat.[3]

5° Autres

Il existe une série d’autres frais que nous considérons comme résiduaires soit parce qu’ils revêtent un caractère moins indispensables pour un étudiant soit parce que le montant de ces frais est plus faible. En ce qui concerne l’accessibilité aux activités culturelles, il y a beaucoup d’efforts à faire dans les deux Communautés. Actuellement, trop peu d’étudiants peuvent se permettre d’aller régulièrement au théâtre ou dans certains cinémas. Pourtant il existe là encore de bons élèves dont on devrait s’inspirer. Ainsi, la ville de Mons a progressivement développé une politique de réduction d’accessibilité aux activités culturelles pour les étudiants.

Par ailleurs, il existe d’autres frais indispensables dont l’accumulation peut peser très lourd, comme une connexion à internet. Ce genre de frais devrait être couvert par une meilleure politique d’aide directe aux étudiants.

Conclusions

Ces différents coûts, de logement, de droits d’inscription, de transports et de nourriture, qui couvrent globalement l’ensemble des frais d’études, ne dépendent pas uniquement de politiques des Communautés française et flamande. Ainsi, le logement et le transport sont réglés à la fois par l’Etat fédéral et les Régions. Le sous-financement structurel des Communautés ne peut donc justifier à lui seul l’absence globale de politique de réduction du coût des études.

La comparaison internationale montre bien que la Belgique, outre le fait qu’elle ne respecte pas le Pacte, se fait doubler par plusieurs pays européens qui développent des politiques bien plus ambitieuses dans ce domaine. En dehors des exemples cités précédemment pour des domaines spécifiques, il est des pays dont on peut dire qu’ils connaissent réellement un système d’enseignement supérieur proche de la gratuité. La Finlande, et dans une moindre mesure la Suède et la Norvège, ont développé une politique globale de gratuité des droits d’inscription accompagnés d’un salaire étudiant relativement élevé. Selon une étude de l’Educational Policy Institute de 2005[4], le montant par étudiant des aides en Finlande s’élevait aux alentours de 2400 € par étudiant là où en Communauté française, on atteint péniblement 237€[5] et où en Communauté flamande, on ne fait guère vraiment mieux avec 257€. Sur le terrain des aides directes aux étudiants, les Pays-Bas apparaissent également comme un bon élève au niveau européen.

Lorsque nous mettons en avant ces bonnes pratiques, c’est pour dire qu’il est possible de mener des politiques plus ambitieuses de réduction du coût des études. Respecter le Pacte de New York, diminuer le coût des études, qu’il soit direct ou indirect, nécessite de faire des choix politiques, d’orienter des moyens vers la démocratisation.

C’est pour encourager le monde politique à faire ce choix que la FEF a pris l’initiative de fédérer autour de la revendication d’un enseignement supérieur qui tend vers la gratuité, un certain nombre d’acteurs de la société civile en créant la plateforme ResPACT.

Notes et références

  1. OECD, Education at a Glance, 2007, OECD Indicators, tableau B.5.3, disponible sur le site web de l’OCDE (www.ocde.org).
  2. Commission européenne, DG Education et culture, Chiffres clés de l’enseignement 2007, figure D.11.
  3. Savas, Savas (2001, fevrier). «Les droits des étudiants en Grèce : une longue lutte ». Themata Pedias, no 7, p. 34-40.
  4. Educational Policy Institute, Global Higher Education Rankings, Affordability and accessibility in comparative perspective, 2005, Table 10.
  5. Pour comprendre ce chiffre, voy. not : Faits & gestes, Allocations d’études : quels bénéficiaires ?, 2006.

Liens externes

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