Puissance douce

Puissance douce

Soft power

Le soft power (ou « puissance douce ») est un concept utilisé en relations internationales et développé par le professeur américain Joseph Nye (et repris depuis une décennie par de nombreux leaders politiques tels que Colin Powell au Forum économique mondial en 2003) pour décrire la capacité d'un acteur politique – comme un État, une firme multinationale, une ONG, une institution internationale (comme l'ONU ou le FMI) voire un réseau de citoyens (comme le mouvement altermondialiste)– d'influencer indirectement le comportement d'un autre acteur ou la définition par cet autre acteur de ses propres intérêts à travers des moyens non coercitifs (structurels, culturels ou idéologiques).

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Sommaire

Origine du concept

Le concept fut proposé par Joseph Nye en 1990 dans Bound to Lead[1], un ouvrage écrit en réaction aux thèses (notamment de Paul Kennedy, dans son ouvrage « Naissance et déclin des grandes puissances : transformations économiques et conflits militaires entre 1500 et 2000 »[2]) qui évoquaient le déclin de la puissance américaine. Nye affirmait que la puissance américaine n'était pas en déclin puisque le concept de puissance n'était plus le même et devait être reconsidéré. D'une part, les États-Unis étaient et resteraient longtemps la première puissance militaire, et d'autre part le "rattrapage" économique par l'Europe et le Japon était une conséquence prévisible d'un retour à la normalité après les inégalités dues à la Seconde Guerre mondiale. Mais surtout, Joseph Nye argumente que désormais les États-Unis disposent d'un avantage comparatif nouveau et amené à jouer un rôle croissant à l'avenir : la capacité de séduire et de persuader les autres états sans avoir à user de leur force ou de la menace. Pour Joseph Nye, il s'agit d'une nouvelle forme de pouvoir dans la vie politique internationale contemporaine, qui ne fonctionne pas sur le mode de la coercition (la carotte et le bâton), mais sur celui de la cooptation, c'est-à-dire la capacité de faire en sorte que l'autre veuille la même chose que soi. Selon Joseph Nye, le soft power ou la puissance par cooptation repose sur des ressources intangibles telles que : l'image ou la réputation positive d'un état, son prestige (souvent ses performances économiques ou militaires), ses capacités de communication, le degré d'ouverture de sa société, l'exemplarité de son comportement (de ses politiques intérieures mais aussi de la substance et du style de sa politique étrangère), l'attractivité de sa culture, de ses idées (religieuses, politiques, économiques, philosophiques...), son rayonnement scientifique et technologique, mais aussi de sa place au sein des institutions internationales lui permettant de contrôler l'ordre du jour de ses débats (et donc de décider de ce qu'il est légitime de discuter ou non) et de figer des rapports de puissance au moment où il lui sont le plus favorable...

Le concept

Le soft power ne correspond pas à une qualification de la nature du pouvoir exercé dans l'économie mondiale, il décrit un type de ressources particulières parmi d'autres, mais dont le poids est devenu prépondérant. Les ressources de pouvoir dont dispose un acteur lui permettent ensuite d'exercer différents types de pouvoir tout au long d'un continuum: Le pouvoir de commandement, capacité de changer ce que les autres font, peut s'appuyer sur la coercition ou l'incitation (par la promesse d'une récompense). Le pouvoir de cooptation, capacité de changer ce que les autres veulent, peut s'appuyer sur la séduction ou sur la possibilité de définir la hiérarchie des problèmes politiques du moment de façon à empêcher les autres d'exprimer des points de vue qui paraîtraient irréalistes face aux enjeux du moment.

Alors que la théorie des régimes avait été inventée pour comprendre comment le monde pouvait être stable en l'absence de leader mondial, Nye affirme que les États-Unis n'ont en fait jamais cessé d'être l'acteur international le plus puissant. Le soft power complèterait ainsi la puissance traditionnelle de contrainte (hard power) et serait aujourd'hui la forme de puissance ayant le plus d'importance, notamment du fait des bouleversements liés à la mondialisation (ouverture des frontières, baisse du coût des communications, multiplications des problèmes transnationaux auxquels on ne peut qu'apporter une réponse globale : terrorisme, réchauffement climatique, trafic de drogue, épidémies internationales...)

Les ressources du "soft power" correspondent à la capacité d'attraction, de séduction, exercée par un modèle culturel, une idéologie et des institutions internationales qui font que les autres s'inscrivent dans le cadre déterminé par celui qui dispose de ces ressources. Elles représentent une capacité à faire accepter comme universelle une vision du monde particulière afin que la domination de celui qui la produit soit acceptée car considérée comme légitime.

Les types de ressources dans l'analyse de Nye

Il existe trois types de ressources dans l'analyse de Nye:

  • les ressources militaires: les États-Unis sont ceux qui en détiennent le plus, beaucoup plus que les autres acteurs,
  • les ressources économiques: tous les grands pays industriels en ont et celles de la Chine progressent vite
  • les ressources intangibles: tout le monde en a, les gouvernements, les ONG, les firmes... Elles sont dispersées et de ce fait non hiérarchisées.

De cette analyse, Nye conclut que les États-Unis profitent de la mondialisation mais ne la contrôlent pas. Ils disposent d'un pouvoir certain sur les autres États, mais de moins de pouvoir qu'hier sur l'économie mondiale du fait de la montée en puissance des acteurs privés. Ces derniers voient leur influence progresser, mais de manière non coordonnée et on ne peut pas en tirer de conclusion quant à la contribution des forces privées à la gouvernance mondiale, selon Nye. A court terme, les États-Unis doivent s'appuyer sur les institutions internationales, défendre leurs valeurs universelles et entretenir leur pouvoir d'attraction pour faire accepter leur politique et éviter le développement d'un sentiment anti-américain. A long terme, la diffusion des nouvelles technologies diminuera leurs ressources intangibles, faisant évoluer le monde vers une répartition du pouvoir plus équilibrée[3]. De façon générale, les Démocrates US se réfèrent volontiers à l'idéal d'un soft power à reconquérir (une notion souvent employée à propos de la politique proposée par Barack Obama) par opposition avec les Républicains plus facilement tentés par la politique de puissance pure (encore que nombre d'entre eux se réfèrent volontiers à une "diplomatie publique" qui devrait diffuser les valeurs de l'Amérique et améliorer son image extérieure). Pourtant Nye lui-même déclare que "l'Amérique doit mélanger le pouvoir dur et soft en un "pouvoir intelligent" (smart power), comme elle le faisait du temps de la guerre froide.[4]. A Séoul, le 21 février 2009, Mme Hillary Clinton, Secrétaire d'Etat américaine, a déclaré vouloir s'appuyer sur le smart power, pour la stratégie de l'administration Obama[5].

Dans les débats géopolitiques et diplomatiques hors U.S.A., l'expression "soft power" est souvent employée comme synonyme de politique d'influence[6] (économique, culturelle, idéologique) initiée par l'État et désigne de multiples formes de qui se nomme aussi communication publique.

Liens internes

Notes

  1. Nye, J., Bound to Lead: The Changing Nature of American Power, New York, Basic Books, 1990.
  2. Paul Kennedy (trad. M.-A. Cochez, J.-L. Lebrave), Naissance et déclin des grandes puissances [« The Rise and Fall of the Great Powers »], Payot, coll. « Petite bibl. Payot n°P63 », 1988 (réimpr. 1989, 1991) (ISBN 2-228-88401-4) 
  3. Chavagneux, C., Économie Politique internationale, La Découverte, coll. Repères, 2004.
  4. "Nye J, « Redonner ses lettres de noblesse au Smart power », édition française de Foreign Policy, date inconnue disponible sur http://www.foreign-policy.fr/Redonner-ses-lettres-de-noblesse.html
  5. Smart Power ou la "nouvelle" diplomatie américaine http://pourconvaincre.blogspot.com/2009/02/smart-power-ou-la-nouvelle-diplomatie.html
  6. François-Bernard Huyghe, Maîtres du faire croire. De la propagande à l'influence, Vuibert, 2008
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