- Projet Madeira
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Au Forum des Amériques en décembre 2003 l'entreprise brésilienne Furnas Centrais Eletricas a présenté un projet d'aménagement du Río Madeira visant à faciliter la navigation sur la rivière tout en produisant de l'électricité pour le Brésil, et censé procurer des avantages économiques, en favorisant le développement économique, tant au Brésil qu'en Bolivie et même au Pérou voisin. Le projet consiste à noyer les cataractes et rapides caractérisant le secteur moyen du Madeira, qui entravent les communications fluviales entre les bassins inférieur et supérieur de ce dernier.
Il y est proposé de construire deux grosses centrales électriques, l'une à Santo Antonio, en aval, et l'autre à Jirau, en amont, toutes deux en territoire brésilien.
Sommaire
Les débits
- À Guajara-Mirim : 8.282 m³/sec pour un bassin de 589.000 km² (celui du Río Mamoré, y compris son affluent principal le Río Guaporé).
- À Abuná : 17.300 m³/sec pour un bassin de 932.000 km² (la forte augmentation provient du Río Beni et de son affluent très abondant, le Río Madre de Dios).
- À Porto Velho : 18.800 m³/sec pour un bassin de 988.000 km².
Travaux envisagés
En voici les principales caractéristiques :
Barrage Puissance en MW Hauteur chute en m Superficie en km² Coût en G$ prix/Kwh en $cents S. Antonio 3 580 17,27 271 2,757 1,917 Jirau 3 900 17,10 258 2,944 1,914 (G$ signifie milliard de dollars). (kWh signifie kilowattheure). (MW = Mégawatt c’est-à-dire millier de kilowatts).
D'après la société brésilienne en question, au coût de 5,7 milliards de dollars pour la construction des deux barrages, il faut ajouter 1,6 milliard pour la ligne haute tension entre les rives du Madeira et la ville de Cuiabá, où elle sera raccordée au réseau brésilien.
Il y a aussi un supplément de 109 + 91 millions de dollars, soit 200 millions, pour 2 écluses correspondant aux 2 barrages. Le budget total s'élèverait dès lors à 7,5 milliards de dollars.
Avantages économiques
Énergie bon marché
Avec le budget dont on fait mention (7,5 milliard d'US$), le prix de revient d'un kWh serait d'à peu près deux $cents de dollar américain (0,02 $). On peut faire un calcul rapide et approximatif, en sachant qu'un kilo de pétrole brut vaut 5 kWh, qu'il y a 159 litres dans un baril et 7 barils dans une tonne. Au prix (faible) 2006 du baril à 50 dollars, on obtient :
350 dollars pour 1000 kilos de brut.
0,35 dollar ou 35 $cents pour 1 kilo de brut, donc pour 5 kWh.
et enfin 7 $cents pour un kilowattheure "pétrole", en ayant oublié tous les frais de transport, raffinage, amortissement des usines thermoélectriques, etc.
Au total le coût du kWh serait alors de 2,4 $cents pour 1 kilowattheure type "Madeira". A comparer avec les sept $cents (minimum) pour le kWh type "pétrole"
Le but de ces deux barrages (avec leurs écluses) n'est pas uniquement de produire de l'énergie, mais aussi de permettre au trafic fluvial de franchir cette section totalement interdite à la navigation jusqu'ici.
En ce qui concerne la Bolivie, à l'inverse du Pérou, ce pays n'a aucune liaison navigable avec l'Atlantique, via l'Amazone. A part une fenêtre (petite mais très importante surtout pour la région de Santa Cruz) sur le Río Paraguay, on ne peut ni entrer ni sortir du pays par voie fluvio-maritime, ce qui diminue fortement la compétitivité des produits boliviens. La construction des ouvrages d'art en question permettrait de résoudre partiellement ce problème (une des grandes causes de son sous-développement important est son isolement).
Cependant pour régler le problème de la navigation entre le haut et le bas Madeira, ces deux centrales sont insuffisantes. Le niveau d'étiage prévu pour le barrage amont de Jirau est de 90 mètres, ce qui n'est pas suffisant pour recouvrir les cataractes jusqu'à Guajira-Mirim (altitude 112,5 m) sur le Río Mamoré où se trouvent les cataractes de la rivière situées le plus en amont. Il est dès lors nécessaire de construire un troisième barrage dans un site non encore bien défini, situé à la frontière boliviano-brésilienne sur le Río Madeira, entre les confluents du Río Abuná et du Río Beni et dont le niveau minimal recouvrirait les dernières cataractes. Et là, les choses se compliquent du fait que suite aux réformes néo-libérales des années 1990, le gouvernement bolivien n'a pas le droit de demander des royalties pour usage de l'eau par des compagnies privées. Suite à l'élection d'Evo Morales fin 2005, il faut attendre une nouvelle législation, après la Constituante de 2006, pour obtenir éventuellement l'accord de la Bolivie.
En construisant les trois écluses correspondant aux trois barrages projetés, ce serait pas moins de 4 000 nouveaux kilomètres de voies navigables qui seraient raccordées au réseau de l'Amazone, en territoire péruvien (le Río Madre de Dios), brésilien (le Rio Guaporé) et surtout en territoire bolivien (Río Abuná, Río Beni, Río Mamoré, et toute une série de leurs affluents). Malheureusement, la Bolivie n'a actuellement pas grand chose à exporter du bassin du haut Madeira, l'essentiel des marchandises exportables étant produites au sud, dans les départements de Santa Cruz et de Tarija, ou à l'ouest sur l'Altiplano.
Ce serait par contre très profitable pour le Brésil, qui, d'une part se rapprocherait ainsi encore un peu plus de l'Océan Pacifique, et qui, d'autre part pourrait transporter les considérables excédents de production agricole de l'État de Rondônia et du nord du Mato Grosso notamment, vers l'Amazone, première étape avant l'exportation outre-mer. On prévoit un tonnage de 35 millions de tonnes transportées annuellement sur le Río Madeira, ce qui est vraiment considérable. Le Brésil se prépare d'ailleurs à construire de nouvelles facilités portuaires à Itacoatiara au confluent de l'Amazone et du Rio Madeira, qui s'appellerait Puerto Bolivár et qui sera destiné à faciliter le transport de charge du Brésil, de la Bolivie, de la Colombie, de l'Équateur et du Pérou.
Réalité des flux commerciaux boliviens
Les projectionnistes brésiliens parlent de 8 millions d'hectares cultivables dans les plaines de l'est bolivien, susceptibles de produire plus de 20 millions de tonnes de graines (surtout de soja), exportables vers l'Atlantique par la nouvelle "hidrovia du Madeira". Mais ces chiffres paraissent irréalistes. Il n'y a pas telle quantité de terres dans les départements de Pando ou du Beni, c’est-à-dire dans la forêt amazonienne, ni dans le Chaco bolivien. De plus si les graines du Santa Cruz devaient être exportées par la voie du Madeira, il faudrait aménager le Río Mamoré pour un tirant d'eau de 4 mètres jusqu'à Puerto Villaroel sur son affluent le Río Ichilo, où l'on devrait construire un port moderne, et de là prévoir tout un réseau routier pour accéder à ce port. De plus les marchandises, exportables vers l'Asie, seraient plus aisément transportées par route ou chemin de fer (à achever) vers les ports du Pacifique, la partie à exporter vers l'Atlantique continuant à utiliser l'Hidrovía Paraná-Paraguay déjà bien existante et bien reliée à Santa Cruz, pour accéder à Rosario ou Buenos Aires sur le Río de la Plata. Quant au gaz bolivien et au minerai de fer d' El Mutún, ils ne sont pas concernés car situés bien trop loin.
Le point de vue de l'IIRSA
L'IIRSA
L’IIRSA est un vaste programme de construction de nouvelles routes, de ponts, de voies fluviales et de liaisons énergétiques et de communication réunissant les douze pays d'Amérique du Sud. C’est un des résultats du premier sommet sud-américain des douze présidents, qui se sont mis d'accord pour la créer en 2000.
Ses sources de financement sont essentiellement la Banque interaméricaine de développement (BID), la Corporation andine de financement (CAF), le Fonds financier du bassin de la Plata (FONPLATA) et une série d’agences gouvernementales brésiliennes.
Article détaillé : IIRSA.La nouvelle voie est surtout une liaison Brésil-Pacifique
Selon l'IIRSA, la direction des flux commerciaux principaux sur le Río Madeira pourrait être inverse, non pas orientée du haut bassin du Río Madeira vers l'Atlantique, mais du Brésil vers le Pacifique. Les excédents agricoles brésiliens d'une part, et les minerais pondéreux brésiliens (fer-bauxite-manganèse) d'autre part, auront de plus en plus les pays d'Extrême Orient comme clients dans les années futures (Chine, Corée, Japon, Sud-est asiatique etc). Et si on regarde l'ensemble des projets de l'IIRSA de navigation fluviale dans cette région, on constate que les nouvelles voies fluviales aboutiront soit à Puerto Maldonado au Pérou, ville située sur le Río Madre de Dios et reliée aux ports du Pacifique tout proche par un réseau routier en voie d'amélioration importante, soit à Puerto Villaroel sur le haut Mamoré en correspondance à cet endroit avec les nouveaux axes routiers Brésil-Pacifique traversant la Bolivie d'est en ouest.
L'axe Pérou-Brésil-Bolivie de l'IIRSA
Le projet des 3 centrales hydroélectriques sur le Río Madeira est repris au sein du projet dit de l'axe Pérou-Brésil-Bolivie de l'IIRSA, qui le complète par une série de travaux fluviaux et routiers complémentaires.
Pour le budget estimé pour les deux centrales du projet Madeira, l'IIRSA a retenu (2004) un budget de 6,2 milliards de US$, écluses comprises. Le budget pour la ligne haute tension fait un autre milliard de dollars, et la troisième centrale est estimée à 2 milliards. L'IIRSA prévoit une quatrième centrale pour la cataracte Esperanza sur le río Beni pour la somme de 1,2 milliard. Sous-total : 10,4 milliards de US$.
A quoi s'ajoutent 50 millions pour la navigation sur le Madeira, 20 millions pour l'Hidrovía Ichilo-Mamoré (l'Ichilo est un affluent important du Mamoré), 6 millions pour l'Hidrovía Madre de Dios et un port sur ce dernier, et enfin un budget non défini pour la navigation sur le Río Beni. C’est-à-dire peu de choses, comparé au coût des quatre barrages et centrales hydroélectriques prises ensemble. Suivent une série de travaux routiers de moindre importance pour optimiser l'efficacité de ces gros investissements hydrauliques.
L'axe Orénoque-Amazone-Plata
Le projet Madeira comme l'axe Pérou-Brésil-Bolivie n'est en fait qu'un maillon (le plus coûteux certes, mais capital) du tout grand axe ou Hidrovía Orénoque-Amazone-Plata projetant de relier le Delta de l'Orénoque (Venezuela), au réseau amazonien, puis à l'Hidrovía Paraná-Paraguay et englobant tous les pays sud-américains d'Amérique latine à l'exception du Chili.
Un projet controversé
Un risque pour les populations autochtones
Le projet Madeira,en dépit de son rendement sur le plan énergétique, est sujet à de nombreuses controverses en ce qui concerne la population autochtone. En effet, selon Survival International les Indiens n’ont pratiquement pas été consultés sur ce projet et, en violation avec la Constitution brésilienne et la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail ratifiée par le gouvernement brésilien, ils n’ont jamais donné leur consentement libre, préalable et informé à la construction du barrage. Cela est d'autant plus préoccupant que selon la FUNAI, le département des affaires indigènes du gouvernement brésilien, il y a des preuves de la présence d’Indiens isolés dans la région affectée par les deux barrages. Certains d’entre eux vivent à une dizaine de kilomètres du site de construction du barrage de Jirau.
Un récent rapport de la FUNAI indique que le tumulte provoqué par la construction du barrage a déjà probablement fait fuir plusieurs Indiens isolés qui se sont réfugiés dans une zone occupée par des orpailleurs illégaux avec lesquels ils risquent d’entrer en violents conflits. Ce projet nécessite l’ouverture de nouvelles routes qui provoquent un afflux massif de colons, de bûcherons, de mineurs et d’accapareurs de terre dans la région, accroissant la déforestation et anéantissant les zones de chasse et de pêche dont les Indiens dépendent pour leur survie. De plus, les Indiens isolés ayant très peu d’immunité, voire aucune, contre des maladies banales telles que la grippe ou la rougeole, la proximité avec les orpailleurs risque de leur être mortelle, d'autant plus que les lacs de retenue des barrages provoqueront la stagnation des eaux propice à la propagation de maladies mortelles telles que le paludisme, qui sont déjà très répandues dans cette région de l’ouest amazonien.
D’autre part, toujours selon Survival International les barrages de Santo Antônio et Jirau menacent directement quatre peuples indigènes du bassin du haut Madeira : les Karitiana, les Karipuna, les Uru-eu-Wau-Wau et les Katawixi. D’autres groupes, comme les Parintintin, les Tenharim, les Pirahã, les Jiahui, les Torá, les Apurinã, les Mura, les Oro Ari, les Oro Bom, les Cassupá et les Salamãi pourraient également être affectés[1].
Risques environnementaux
Selon le journal Le Monde, le bassin de la Madeira, région d'une exceptionnelle biodiversité dont l'apport nutritionnel est indispensable au maintien de l'équilibre biologique des plaines inondables situées le long de son cours et de celui de l'Amazone, abrite plusieurs centaines d'espèces de poissons et d'oiseaux, ainsi que de nombreuses espèces de mammifères menacées, qui risquent de disparaître une fois le bassin inondé.
De plus l'inondation d'une parcelle importante de forêt tropicale risque d'entraîner un rejet conséquent de dioxyde de carbone lors de la putréfaction du bois dans l'eau, ce qui rendrait au final le projet plus polluant que prévue.
Nominations
GDF Suez a été nommée au ‘Public Eye Awards’ 2010 couronnant l’entreprise la plus irresponsable en matière d’environnement.
Avec 5097 votes en sa faveur, le groupe énergétique français GDF Suez se classe au deuxième rang du Public Eye Awards 2010 récompensant les entreprises les plus irresponsables du monde sur les plans social et environnemental.
Voir aussi
- L'article sur le Río Madeira
Liens externes
- (es)[PDF] Géopolitique des ressources naturelles et accords commerciaux en Amérique latine
- (es) Budget prévu par l'IIRSA dans le cadre de l'Axe Pérou-Brésil-Bolivie
- (es) Carte hydrographique du projet y compris le réseau des grands affluents du Rio Madeira
- (es) Fobomade (Bolivie) - Analyse de l'impact sur le milieu du complexe hydroélectrique du río Madera
- Barrages de la rivière Madeira
- GDF Suez Nominé par Les Amis de la Terre – Amazônia Brasileira
- Un projet de GDF-Suez met en danger les dernières tribus isolées d'Amazonie, par Jean-Marie G. Le Clézio et Jean-Patrick Razon
Notes et références
Catégories :- Géographie de la Bolivie
- Hydrographie du Brésil
- Économie bolivienne
- Économie brésilienne
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