- Priorité opératoire
-
Ordre des opérations
En mathématiques, la priorité des opérations ou ordre des opérations précise l'ordre dans lequel les calculs doivent être effectués dans une expression complexe. Les priorités opératoires ainsi que les propriétés d'associativité permettent de limiter l'usage des parenthèses qui précisent normalement les calculs à effectuer en premier.
Les types d’opération par ordre descendant de priorité sont :
- les parenthèses ;
- les exposants ;
- les multiplications et divisions ;
- les additions et soustractions.
Ainsi un calcul comme 7 + 2 × 6 ,
- doit se lire 7 + (2 ×6) = 7 + 12 = 19
- et ne se lit pas (7 + 2) × 6 = 9 × 6 = 54 comme on serait tenté de le faire par lecture de gauche à droite.
Il existe un mnémonique pour retenir l'ordre des opérations : PEDMAS pour « parenthèses, exposant, division, multiplication, addition et soustraction ».
Une calculatrice scientifique prend en compte cet ordre des opérations.
Sommaire
De l'écriture avec parenthèses à l'écriture sans parenthèse
En mathématiques, les opérations de base, addition, soustraction, multiplication, division, exponentiation sont binaires, c'est-à-dire, qu'à deux éléments, on associe un troisième appelé résultat de l'opération. Dans une expression complexe, il est normalement nécessaire de retrouver ces associations par paires. Les parenthèses permettent de déterminer avec précision les paires concernées. Ainsi une écriture sous la forme a+b.c-d+e ne permet pas d'identifier les paires concernées et peut être l'écriture incomplète de
- ((a+b).(c-d))+e = (A.B) + e avec A = a+b et B=c-d
Les parenthèses définissent un ordre de calcul consistant à calculer d'abord les parenthèses les plus intérieures.
Mais l'expression incomplète pourrait tout autant être celle de
- ((((a+b).c))-d) + a (si on prenait comme convention l'ordre de lecture)
- (a + (b.c))-(d+a)
- ((a+(b.c))-b) + a
- (a+((b.c)-b))+b
- ou autres
Entre la présence complète de toutes les parenthèses et l'écriture ambiguë sans aucune parenthèse, il a fallu définir certaines règles.
Associativité
Les premières sont héritées des propriétés d'associativité des lois utilisées. C'est le cas de l'addition et de la multiplication.
Ainsi les calculs de
- (a.b).c
et
- a.(b.c)
donnant le même résultat, on autorise la suppression des parenthèses, le calcul
- a.b.c= (a.b).c=a.(b.c)
pouvant s'effectuer dans l'ordre de son choix. Il en est de même de l'écriture a + b + c qui s'effectue dans l'ordre de son choix.
Il n'en est pas de même pour des mélanges d'additions et de soustractions. Ainsi les calculs de
- (a - b) + c
et de
- a - (b+c)
ne donnent pas le même résultat. La convention, là, est de voir dans une soustraction l'addition de l'opposé. Une écriture comme a - b + c est alors une abréviation autorisée de a + (-b) + c.
Une telle convention n'est pas aussi explicite pour des mélanges de divisions et de multiplications. Les calculs de
- (a:b).c
et de
- a:(b.c)
ne donnent pas le même résultat. L'idée de considérer l'expression a:b.c comme (a:b).c n'est pas universellement reconnue. Ainsi encore certaines calculatrices [1], effectuent le calcul de
- 3:2a comme 3/(2a)
et effectuent le calcul
- 3:2* 2 comme (3:2)*2.
L'écriture sous forme fractionnaire, présentant un délimitant fractionnaire, évite toute ambiguïté de ce genre et limite l'usage de la parenthèse :
- (a:b).c s'écrit alors,
- et l'écriture a:(bc),
Le cas de la puissance, à cause de sa disposition spatiale, pose un problème légèrement différent : le calcul de (a^b)^c n'a pas même valeur que a^(b^c). La présence d'un délimitant spatial permet en partie de lever l'ambiguïté : l'expression
est une traduction sans parenthèse de la seconde expression. La première expression, elle, nécessite la présence des parenthèses ou bien un début de calcul
- (ab)c = abc
Niveau opératoire
Il existe ensuite des niveaux opératoires qui précisent, en cas d'absence de parenthèses, les calculs à effectuer en premier : il s'agit de calculer d'abord les puissances, ensuite les produits et quotients et enfin les additions et les soustractions. Les parenthèses pouvant être remplacées par des indications de positions comme pour les fractions ou les exposants, ou des barres comme pour les racines.
Ainsi par convention l'écriture de départ,
- a + b.c - d + a
ne présente plus aucune ambiguïté avec ces nouvelles conventions et ne peut valoir que le résultat de la somme suivante :
- a +(b.c) + (-d) + e.
et une expression comme
- 2x² - 3x + 5
ne peut se lire que sous la somme suivante
- 2(x²))+(-3x) + 5
Lorsque le calcul à effectuer ne respecte pas cet ordre d'exécution, les parenthèses sont alors là pour indiquer les priorités non conventionnelles. Ainsi, l'expression
- a+b.c+d
étant interprétée comme
- a + (bc) + d,
le produit de deux sommes doit comporter les parenthèses
- (a + b).(c +d)
Mise en place historique des priorités
Les premières écritures des formules mathématiques furent rhétoriques, c'est à dire sous forme de phrase. Le modèle de référence est le texte mathématique euclidien[2], celui mis en place dans les éléments d'Euclide en 300 avant J-C. Dans celui-ci, l'ordre des opérations est explicite. Il n'y a pas confusion possible entre les deux phrases suivantes :
- Ajoute à la première quantité, le produit de la seconde par la troisième.
- Ajoute les deux premières quantités puis multiplie le résultat par la troisième.
ni aucune ambiguïté dans la phrase
- prends la racine carrée de la somme des deux termes.
Mais, lors de la mise en place du calcul symbolique à la fin du XVIe siècle et tout au long du XVIIe siècle, se pose alors le problème de l'écriture d'expressions mathématiques complexes. Les deux textes précédents pouvant se traduire l'une et l'autre par la même notation symbolique
- a + bc
et le troisième texte s'écrivant comme
- √a+b
pouvait aussi aussi se traduire par « prend la racine carrée de a et ajoute lui b ».
La recherche s'est donc portée sur l'étude des délimitants. Ceux-ci avaient pour but de préciser quelles étaient les opérations principales et secondaires et comment devaient se regrouper les termes. Ces délimitants furent de plusieurs types. Les principaux sont
- le vinculum : une barre horizontale placée sous ou au dessus de l'expression à regrouper. Cette syntaxe permet de distinguer les deux sens
-
- et
- de l'expression précédente. On trouve trace de ce vinculum dans la barre de la racine carrée puisque le second texte se traduit encore de nos jours par
- le point
- la parenthèse
Ainsi une expression qui se lit de nos jours
- (a + b).c,
s'écrivait .
- a + b..c
et l'on trouve chez Descartes[3] des expressions comme
- √.3+√2.
qu'il faut lire comme
Ces délimitants ou signes d'agrégation furent particulièrement étudiés par Leibniz qui les appelle des signes de comprehensio.
D'autres moyens d'agréger plusieurs contenus consistaient à les positionner sur des lignes différentes. On retrouve notamment cette habitude dans l'écriture spatiale des fractions où le positionnement par rapport à la ligne d'écriture sert de délimiteur confirmé par la barre de fraction, sorte de vinculum. Ainsi l'expression que Descartes écrit sous la forme
sera traduite par Leibniz[4], favorable à l'écriture linéaire,
- ((a + (b : c)):(e + (f : g)
On peut à ce sujet signaler l'importance de la position spatiale pour la lecture des priorités dans une expression comme
qui doit être lue
- E=a:(b:c)
alors que
doit être lue
- F=(a:b):c
Descartes utilise grandement la notation spatiale pour regrouper par exemple les termes à l'intérieur d'un produit, ainsi on peut lire chez lui des expressions[5] comme
- ,
Le cas particulier de l'exponentiation doit être évoqué pour son rôle positionnel non symétrique : dans une écriture comme
- 3ab+2,
la position de b+2 sur la ligne de l'exponentiation vaut comme signe d'agrégation et l'expression ne peut pas être confondue avec
- 3ab+2.
En revanche, le fait que 3 et a soit tous les deux placés sur la ligne de calcul ne permet pas pour autant de les agréger et, de manière implicite, dès les premières exponentiations, chez Descartes, seul le premier terme à gauche de la puissance est concerné[6].
En toute théorie, toute expression mathématique complexe devrait contenir autant de délimitants que nécessaire pour lever tout ambiguïté. Ainsi une écriture comme
- 3a2b+5
devrait s'écrire
- 3a2b + 5 = 3(a^(2b+5))
- 3a2b + 5 = 3(a^((2b)+5))
écriture qui, certes, ne présente aucune autre interprétation, mais ne brille pas par la clarté de sa lecture.
La suppression de certains délimitants, comme dans l'exemple de l'exponentiation évoqué précédemment, apparaît naturellement chez les premiers auteurs comme Descartes ou Leibniz. Ainsi dans la résolution de l'équation du second degré que Descartes écrit [7]
- zz=az+bb
et dont il propose comme solution
- ,
celui-ci omet délibérément les délimitants
- zz=(ax)+(bb)
et
sans que ne soit jamais indiquées les règles de priorité qui régissent ce type de calcul.
Il faut probablement voir dans cet absence de délimitant une interprétation quant à la nature des objets manipulés. Cette interprétation en termes d'unité se retrouve déjà dans des textes rhétoriques. Quand les traducteurs d'Euclide[8] écrivent, concernant le partage entre moyenne et extrême raison
- « Si une ligne est coupée entre raison extrême et moyenne, le carré du plus grand segment ajouté à la moitié du tout est égal à cinq fois le carré de la moitié » - Les éléments, Livre XIII, proposition 1.
il n'y a pour eux aucune ambiguïté. Le mathématicien moderne, cherchant à écrire sous forme algébrique une telle expression et appelant x le plus grand segment et L la ligne se trouverait devant deux interprétations pour ce texte :
- le carré du plus grand segment (x²) ajouté à la moitié du tout (L/2) est égal à cinq fois le carré de la moitié (5(L/2)²
- Le carré du "plus grand segment ajouté à la moitié du tout" (x+L/2)² est égal à cinq fois le carré de la moitié (5(L/2)²
Pour Euclide et ses lecteurs, en revanche, il n'existe aucune ambiguïté, la première interprétation n'ayant aucun sens à leur yeux. Le carré du plus grand grand segment étant une aire, et la moitié du tout étant une longueur, il n'y a aucun sens à ajouter une aire et une longueur et seule la seconde interprétation est correcte[9].
De même, quand Descartes écrit
- zz=az+bb,
le membre de gauche reste pour lui une aire et tout autre agrégation du second membre que celle couramment admise, ne pourrait conduire à une aire. Enfin le 1/2 devant a est davantage vu comme une fraction qu'un multiplication, on prend la moitié de a. De même, il n'y a pas moyen d'agréger différemment
sans que l'expression perde sa qualité d'aire.
Descartes donc, et ses successeurs, ont établi de manière implicite les règles de priorité opératoire qui sont utilisées actuellement. L'usage des parenthèses n'intervenant que pour déroger à ses priorités ou lever une ambiguïté sur le contenu.
La convention qui aurait privilégié l'ordre d'écriture, c'est-à-dire qui aurait consisté à effectuer les opérations dans leur ordre d'apparition, de la gauche vers la droite, sauf contrordre signalé par des délimiteurs, aurait chargé inutilement des expressions comme az + bb. Elle aurait, de plus, installé un ordre prioritaire (ce qui est à gauche est plus aggloméré que ce qui arrive à droite) qui serait entré en conflit avec les propriétés de commutativité (ce qui est à gauche peut passer à droite)
D'autres priorités ont tenté de voir le jour comme la notation polonaise inversée au début de XXe siècle mais elles n'ont pas résisté à trois siècles de conventions et de publications.
En informatique
En informatique, le concept de priorité des opérations porte le nom de précédence des opérateurs.
Certains langages informatiques comme le langage C possèdent seulement des opérateurs dont la fonction et la priorité sont prédéfinies. D'autres langages comme Haskell et Perl 6 permettent au programmeur de définir de nouveaux opérateurs dont ils doivent aussi spécifier la précédence.
Bibliographie
- Michel Serfati, La Révolution symbolique - Ambiguïté de l'ordre et signes délimitants - ISBN 2-84743-006-7
Notes et références
- ↑ la TI80 par exemple.
- ↑ Michel Serfati, La révolution symbolique [détail des éditions] , p 24.
- ↑ Dans Excerpta mathematica, ouvrage non daté mais antérieur à sa Géométrie (cf Michel Serfati, La révolution symbolique [détail des éditions] , p 89).
- ↑ Lettre à Jean Bernoulli, 1696, in Mathematische Schriften, vol 2.
- ↑ Géométrie Descartes, p 348;
- ↑ Michel Serfati, La révolution symbolique [détail des éditions] , p 104
- ↑ La Géométrie, Descartes, p 302.
- ↑ François Peyrard, Les œuvres d'Euclide, ou Thomas Heath, The thirteen Books of the Elements . Le traducteur D Henrion, présente, quant à lui, une traduction moins ambiguë.
- ↑ La seconde interprétation donne pour la valeur x : x = (√5 - 1)/2.
Voir aussi
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