Points de vue (externe,interne,omnicient)

Points de vue (externe,interne,omnicient)

Narratologie

La narratologie (science de la narration) est la discipline qui étudie les techniques et les structures narratives mises en œuvre dans les textes littéraires.

Sommaire

Histoire de la narratologie

Les premiers travaux en narratologie des études littéraires modernes proviennent du formalisme russe et tout particulièrement des travaux de Victor Chklovski et de Boris Eichenbaum.

En Allemagne la narratologie s'est développée sous l'impulsion de Franz Karl Stanzel et de Käte Hamburger.

Comme la sémiologie, la narratologie s'est développée en France à la fin des années 1960, grâce aux acquis du structuralisme. En 1969, Tzvetan Todorov, forgeait le terme dans grammaire du Décaméron, et en 1972, Gérard Genette définissait certains de ses concepts fondamentaux dans Figures III.

Le personnage

Un récit est composé de plusieurs éléments essentiels, notamment un personnage, c’est-à-dire celui qui participe à l’histoire, le narrateur, celui qui raconte l’histoire et, enfin, un auteur, celui qui l’écrit. Il ne faut donc pas confondre le narrateur et l’auteur, puisque le narrateur n’est, en fait, qu’un rôle joué et inventé par l’auteur. Donc, le narrateur narre l’histoire et l’écrivain l’écrit.

De même, tout comme une œuvre contient un auteur implicite, il existe aussi un lecteur et une personne construite à qui on destine le récit, c’est-à-dire le destinataire : « Le texte, objet de communication, ne se conçoit pas sans destinataire implicite. »[1] Le destinataire se définit comme le lecteur implicite à qui s’adressent les « effets de lecture programmés par le texte » [2], soit celui à qui s’adresse la narration. Selon Vincent Jouve, à la suite de l’analyse du destinataire on peut théoriquement mettre au jour les réactions du « lecteur réel », c’est-à-dire le sujet bio-psychologique qui tient le livre entre ses mains, lors de sa lecture du texte.

En narratologie, on nomme le destinateur « narrateur », par définition celui qui émet le message, et le destinataire « narrataire », celui à qui s’adresse le discours énoncé. Le narrataire n’a pas plus une existence réelle que le narrateur : ils n’existent que sous la forme textuelle. Le narrataire existe sous trois formes : narrataire intradiégétique (qui a toutes les caractéristiques d'un personnage), narrataire invoqué (qui n'a de caractéristique fictionnelle que l'apostrophe du narrataire intradiégétique[3]), narrataire extradiégétique (qui correspond à une figure de lecteur postulée par le texte lui-même et à laquelle tout lecteur s'identifie en lisant l'histoire)[4].

Les différents modèles d'interprétation des œuvres

Le modèle sémiotique

De prime abord, la sémiotique est la science dont l'objet est l'ensemble des processus de signification. Comme la sociologie ou la psychologie, la sémiotique n'a pas d'objet propre, mais elle constitue une grille d'analyse des phénomènes affectant le vivant et donc, elle représente un lieu où peuvent converger de nombreuses sciences comme la linguistique, l'anthropologie, la sociologie, la philosophie, l'épistémologie, etc. Peu importe son objet d'étude, elle approche les différents phénomènes qui le constituent en se demandant quel en est leur SENS.

La sémiotique narrative, voire la sémiotique greimassienne, s'intéresse aux structures de l'histoire qui compose le récit, soit au "contenu". Sur ce plan, l'histoire peut se définir comme un enchaînement d'actions prises en charge par des acteurs. Par définition, l'acteur est l'instance chargée d'assumer les actions qui font fonctionner le récit. En effet, il ne peut y avoir de récit sans actions.

En ce qui concerne les actants, on se réfère surtout au schéma actanciel tel qu'établit par A.J. Greimas. Selon lui, les rôles actantiels (ou actants) sont au nombre de six:

  • le sujet
  • l'objet
  • l'opposant
  • l'adjuvant
  • le destinateur
  • le destinataire

Finalement, le rôle thématique désigne l'acteur qui est porteur de sens, notamment au niveau figuratif. Il renvoie donc à des catégories (psychologiques, sociales) permettant d'identifier le personnage sur le plan du contenu. Selon Vincent Jouve [5] "si le rôle actantiel assure le fonctionnement du récit, le rôle thématique lui permet de véhiculer du sens et des valeurs. De fait, la signification d'un texte tient en grande partie aux combinaisons entre rôles actantiels et rôles thématiques".

Le modèle sémiologique

Une approche est qualifiée de sémiologique lorsqu'elle choisit d'étudier un aspect (par exemple le personnage) sur le modèle du signe linguistique. Ainsi, le personnage devient le "signe" du récit et se prête à la même qualification que les signes de la langue. De ce fait, on peut classer les personnages d'un récit en trois catégories:

  • les personnages référentiels : ils reflètent la réalité (personnages historiques, mythologiques, personnages types);
  • les personnages embrayeurs : ils dessinent la place de l'auteur ou du lecteur dans la fiction (narrateur-témoin, observateur);
  • les personnages anaphores : ils rappellent des données importantes ou préparent la suite du récit (historien, enquêteur, biographe, devin, prophète).

Philippe Hamon retient aussi trois champs d'analyse :[6]

  • l'être (le nom, le portrait physique, la psychologie, etc.);
  • le faire (les rôles thématiques et les rôles actantiels);
  • l'importance hiérarchique (statut et valeur).

Le modèle sémio-pragmatique

Dans la lignée des travaux effectués par Umberto Eco dans Lector in fabula (1985), une approche sémio-pragmatique étudie le personnage comme "effet de lecture". En d'autres termes, la narration (la manière dont le narrateur effectue sa présentation, sa mise en scène) influence l'image que retient le lecteur d'un personnage et les sentiments qu'il lui inspire.

Selon Vincent Jouve les personnages peuvent induire trois types différents de lecture :[7] "Un personnage peut se présenter comme un instrument textuel (au service du projet que s’est fixé l’auteur dans un roman particulier), une illusion de personne (suscitant, chez le lecteur, des réactions affectives), ou un prétexte à l’apparition de telle ou telle scène (qui, sollicitant l’inconscient, autorise un investissement fantasmatique). On nomme respectivement ces trois lectures : l’effet-personnel, l’effet-personne et l’effet-prétexte."

Les actions et l'intrigue

Selon Paul Larivaille[8], l'intrigue (l'histoire) se résume dans toute œuvre selon un schéma quinaire:

  1. Avant - État initial - Équilibre
  2. Provocation - Détonateur - Déclencheur
  3. Action
  4. Sanction - Conséquence
  5. Après - État final - Équilibre

Bref, selon ce schéma, le récit se définit comme le passage d'un état à un autre par la transformation (étapes 2, 3 et 4):

"Un récit idéal commence par une situation stable qu'une force quelconque vient perturber. Il en résulte un état de déséquilibre; par l'action d'une force dirigée en sens inverse, l'équilibre est rétabli; le second équilibre est bien semblable au premier, mais les deux ne sont jamais identiques. Il y a par conséquent deux types d'épisode dans un récit; ceux qui décrivent un état (d'équilibre ou de déséquilibre) et ceux qui décrivent le passage d'un état à l'autre."

(Tzvetan Todorov, Qu'est-ce que le structuralisme?, tome 2, "Poétique", Paris, Éd. du Seuil, 1968, p. 82)

La narratologie post-classique (Baroni 2007) est venue redéfinir les notions de schéma narratif et d'intrigue en insistant sur l'actualisation du récit par un interprète et sur les émotions (suspense, curiosité, surprise) générées par la "mise en intrigue" des événements. La séquence narrative repose dès lors sur l'alternance entre un noeud textuel qui agit comme un inducteur d'incertitude chez l'interprète, un retard qui entretien la tension narrative par une narration réticente, et enfin un dénouement textuel qui viendra éventuellement répondre aux questions engendrées par le noeud. Cette conception de la séquence narrative fait ressortir deux modalités alternatives de l'intrigue suivant le type de noeud textuel: l'interrogation peut porter soit sur le développement ultérieur d'un événement sous-déterminé (alors les pronostics de l'interprète accompagnent un sentiment de suspense), soit sur la nature d'un événement mystérieux actuel ou passé (alors les diagnostics de l'interprète accompagnent un sentiment de curiosité) (Baroni 2007: 110-152). Cette approche renouvelée permet de définir l'intrigue non seulement en tant que logique de l'action ou structure immamente de l'histoire, mais également en tant que dispositif textuel et fonctionnel dont dépend en partie l'intérêt anthropologique de la narrativité et ses effets passionnels ou "thymiques" sur un auditoire (cf. catharsis). Il devient en outre possible de tisser des liens entre narratologie thématique (Bremond, Larivaille, etc.) et narratologie modale (Genette) en insistant sur la nécessaire interdépendance entre histoire (fabula) et discours (sujet).

"les éléments textuels qui sont susceptibles de nouer une intrigue - c'est-à-dire les "complications" actionnelles ou les obscurités provisoires du texte - ne peuvent être ressentis et perçus comme des "événements" dans le procès narratif qu'en fonction de leur caractère "tensif", qui est plus ou moins marqué ou diffus. (...) Tension et intrigue se trouvent dès lors indissociablement liés, ce sont deux dimensions du récit qui se définissent réciproquement à partir d'un point de vue thymique et compositionnel."

(Raphaël Baroni, La Tension narrative, "Poétique", Paris, Éd. du Seuil, 2007, p. 54)

L'analyse de Genette

Le temps narratif

Il est important de toujours bien distinguer ce qui relève ou non de la narratologie, c'est-à-dire ici, le temps de l'univers représenté et les temps du discours.

La narratologie peut analyser le temps du récit. Il en existe plusieurs : l'ordre, la durée, la fréquence, etc. L'ordre du récit est l'ordre des faits. Il peut y avoir rétrospection ou anticipation, l'ordre peut aussi être linéaire mais aussi anachronique. La durée quant à elle est le temps que dure les faits, le rythme de la narration. Aussi, la fréquence est le nombre de fois qu'un événement s'est passé.

On peut distinguer :

  1. l'ellipse : Certains événements dans la narration sont passés sous silence et à ce moment on utilise une ellipse temporelle pour que le lecteur puisse se situer dans le texte. Exemple : « Le jour J (ellipse temporelle) arriva ». On peut supposer que les jours précédents n'ont pas été narrés.
  2. le sommaire : on résume en quelques lignes des événements de longue durée, le récit va plus vite que l'histoire.
  3. la scène : le temps de narration est égal au temps du récit. On raconte les événements tels qu'ils se sont passés. Exemple : dans un dialogue.
  4. la pause : le récit avance, mais l'histoire est suspendue, on omet une période de l'histoire. Exemple : lors d'une description.

Les moments de la narration

On distingue au moins quatre moments différents dans la narration :

  1. ultérieur : on raconte après ce qui s'est passé avant;
  2. antérieur : on raconte avant ce qui va se passer;
  3. simultané : on raconte directement ce qui se passe;
  4. intercalé : on mélange présent et passé.

Les modes narratifs et les points de vue

  • Focalisation externe

L’histoire est racontée à travers le regard d’un narrateur extérieur à l’histoire qui n’y participe pas.

  • Focalisation interne

L’histoire est racontée à travers le regard d’un personnage

  • Focalisation zéro (point de vue omniscient)

Le narrateur sait tout et en sait même plus que les personnages (surtout dans le roman, permet de donner des informations en très peu de lignes)

Dans la majorité des romans, les 3 points de vue coexistent en alternance et s’inscrivent donc dans la focalisation variable (zéro) : la focalisation se déplace d’un personnage à un autre ou est indéterminable.

Lorsque le narrateur se confond avec l'un des personnages qui raconte l'histoire de son point de vue, il s'agit d'un récit à la première personne. Cette technique est différente de la focalisation interne. En effet, le narrateur peut prendre une distance avec le regard du personnage tout en utilisant la focalisation interne. Il peut pour cela utiliser l'ironie, à la manière de Flaubert.

Références

  1. Vincent Jouve, L’effet-personnage dans le roman, coll. « Écriture », Paris, PUF, 1992, p. 18
  2. JOUVE, Vincent. L’effet-personnage dans le roman, coll. « Écriture », Paris, PUF, 1992, p.21
  3. WAGNER, Frank. "Analogons (de quelques figures de lecteurs/lectrices dans le texte et de leurs implications pragmatiques)", in Revue d'études cuturelles (Lecteurs et lectrices, théories et fictions), Dijon, Association bourguignonne d'Etudes Linguistiques et Littéraires, n°3, automne 2007, pp. 11 à 33.
  4. JOUVE, Vincent. La Lecture, Hachette, coll. "Contours littéraires", 1993.
  5. La poétique du récit, Éd. Armand Colin, 1997, p.53
  6. Pour un statut sémiologique du personnage Seuil, coll. Point, 1977
  7. L'effet-personnage dans le roman PUF, coll. Écriture, 1992
  8. L'analyse morpho-logique du récit, in Poétique n°19, 1974

Voir aussi

Bibliographie

  • Umberto Eco, Lector in fabula : Le rôle du lecteur ou la Coopération interprétative dans les textes narratifs, Paris, Grasset biblio essais, 1985
  • Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil Poétique, 1972
  • Raphaël Baroni, La Tension narrative, Paris, Seuil Poétique, 2007

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