- Pierre-Yves Gomez
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Pierre-Yves Gomez, économiste, docteur en gestion, est professeur de stratégie à l'École de Management de Lyon (EM Lyon) où il a fait toute sa carrière. Entre 1998 et 2000, il a été professeur invité puis chercheur associé à la London Business School. Il dirige l'Institut Français de Gouvernement des Entreprises, centre de recherche et laboratoire social (think-tank) sur les questions de gouvernance d'entreprise. Il tient une chronique mensuelle dans le supplément économique du journal Le Monde depuis 2008. Il est président de la Société Française de Management en janvier 2011.
Le travail académique de Pierre-Yves Gomez se déploie dans trois directions principales : les fondements idéologiques et théoriques du management ; le gouvernement d'entreprise ; la théorie des croyances en économie dite théorie des conventions.
Sommaire
Les fondements idéologiques et théoriques du management
Lecteur de Foucault, d’Illich comme de Marx, Gomez pose la question des hypothèses qui permettent de « rationaliser » la gestion, notamment dans les entreprises. Ces hypothèses sont, pour lui, d’ordre anthropologiques parce qu’elles définissent la manière dont les idéologies réduisent l’homme et notamment l’homme au travail. Elles déterminent non seulement l’efficacité des outils de gestion, mais, plus radicalement, la manière dont la société tout entière est construite par des hypothèses anthropologiques qui sont effectivement réalisées dans et par les entreprises.
Dès son premier ouvrage, Qualité et Théorie des conventions, Gomez montre comment les comportements économiques sont définis par les croyances sous-jacentes, partagées par les acteurs. Mais la question traverse tout son travail jusqu’à L’entreprise dans la démocratie (2009), cosigné avec Harry Korine, où il déconstruit l’idéologie libérale comme source légitimant le gouvernement des entreprises à partir d’une conception de l’homme supposé libre mais qui ne peut se trouver sa liberté qu’en s’inscrivant dans un espace économique, l’entreprise. La « libre pensée » accouche finalement de la « libre entreprise », mais c’est cette dernière qui l’emporte parce qu’elle donne les conditions de vivre. L’entreprise réalise alors le projet libéral en imposant à l’homme la discipline du travail pour contenir la promesse intenable d’une liberté politique sans bornes. Le management fait office de politique, il est le recueil politique principal des sociétés modernes.
Le gouvernement des entreprises
La démarche de Gomez ne pouvait pas passer à côté de la question du gouvernement des entreprises : qui est légitime pour diriger l’entreprise dans une société libérale ? Au nom de quoi ? Comment comprendre que le fractionnement individualiste produit par le libéralisme ait conduit aussi à l’émergence d’entreprises de plus en plus grandes et globalisées. Ces questions sont posées à partir de la gestion et du point de vue de l’entreprise. C’est l’originalité de Gomez par rapport aux chercheurs en sciences politiques qui posent des questions similaires mais du point de vue de l’Etat. Dans Le gouvernement de l’entreprise (1997), il montre comment les hypothèses théoriques du contractualisme libéral (théorie économique des droits de propriété, théorie des coûts de transaction et théorie de l’agence) définissent un soubassement solide légitimant la gouvernance de type actionnariale, qu’il serait illusoire de vouloir combattre sans connaître ses hypothèses. Dans La république des actionnaires (2001) il s’interroge sur l’émergence possible d’un « pouvoir actionnarial » dû à la massification de l’actionnariat et à son degré de démocratisation. Mais moins d’une décennie plus tard, dans L’entreprise dans la démocratie (2009), cette éventualité semble abandonnée et la description de la relation entre l’entreprise et la démocratie est présentée comme une dialectique inexorable qui conduit les sociétés occidentales vers la prévalence de l’économie sur le politique et la morale.
Parallèlement à ces fresques académiques très larges, Gomez a rédigé le Référentiel pour une Gouvernance Raisonnable des Entreprises Françaises. Il a participé à l’élaboration du code MiddleNext des entreprises moyennes cotées, intervenant dans l’actualité des questions de gouvernance au nom de la responsabilité des chercheurs et aussi d’une croyance assez manifeste dans le rôle de la pédagogie pour faire évoluer les pratiques.
La théorie des conventions
Au fond, tous les travaux de Gomez sont traversés par la question : « A quoi croyons-nous lorsque nous agissons collectivement notamment dans les entreprises? ». Très influencé par René Girard, Gomez est ainsi à l’origine du développement, en France, du courant des conventions appliqué au management qui est une variante de la théorie mimétique de Girard. Le courant des conventions ou économie des conventions a émergé en France à la fin des années 1980. Il cherche à comprendre notamment comment la rationalité des décisions économiques s’appuie sur des croyances partagées, des conventions et des consensus implicites. Révéler ces croyances est donc indispensable pour comprendre mais aussi pour « dénaturaliser » les décisions économiques. Sous l’influence de Jean-Louis Le Moigne et de la rigueur analytique de l’économie, Gomez a proposé dans divers articles et livres, une grille de lecture formalisée des conventions. Mais alors qu’il était fortement en pointe dans les années 1990 sur ces questions, il semble les avoir abandonnées au profit d’analyses politiques et entrepreneuriales.
Principales publications
- Qualité et théorie et des conventions, Economica, 1994.
- Le gouvernement de l’entreprise, interEditions, 1996.
- La République des actionnaires: le gouvernement des entreprises entre démocratie et démagogie, Syros, 2001
- The leap to globalization, Jossey Bass, 2002, avec Harry Korine.
- Entrepreneurs and Democracy : A political Theory of Corporate Governance’’, Cambridge University Press, 2008, avec Harry Korine.
- L’entreprise dans la démocratie, De Boeck, 2009, avec Harry Korine.
Liens et documents externes
Catégorie :- Économiste français
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