- Nous avons gagné ce soir
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Nous avons gagné ce soir (The Set-Up) est un drame américain réalisé en 1949 par John Indrisano (pour les séquences de boxe) et Robert Wise.
Sommaire
Synopsis
Bill « Stoker » Thompson est un boxeur raté en fin de carrière. Le film nous invite à le suivre lors de son dernier combat dans une petite ville américaine. Ce combat a été acheté et il doit se « coucher », mais dans un dernier sursaut d'orgueil, il décide de le mener à terme provoquant la colère de la pègre.
Autour du film
Le montage est spécifique au cinéma tout comme l'est la construction à l'architecture. Il nécessite une certaine dextérité, cela afin de parvenir au « passage d'images mortes à des images vivantes » (R. Bresson). Les deux temps importants du cinéma sont le tournage et le montage : « le tournage est comme le chantier du film, ses fondations alors que le montage lui permet de donner une vie et une forme au film » (T. Schoonmaker, monteuse de M. Scorsese). The Set-Up est exemplaire tant au niveau du découpage, de la mise en scène (en relation avec l'espace) que du montage (en relation au temps). Mais un bon montage, tout comme une bonne mise en scène, est par définition invisible: « le spectateur ne doit pas avoir conscience de la caméra, il ne doit pas la sentir » (R. Wise); Otto Preminger dit la même chose: "je crois que le film idéal est celui où l’on est jamais conscient que le metteur en scène ait fait quoi que ce soit délibérément". Chez Wise, fond et forme se rejoignent et en cela il se démarque de Welles, son maître, surtout dans Touch of Evil, qui est une véritable démonstration formelle.
Dans The Set-Up, relevons deux types de montage: le premier est un « montage parallèle » entre l'errance de Julie dans les rues de la ville et la préparation du combat de Stoker dans les vestiaires (qui regarde régulièrement par le caniveau s'il y a toujours de la lumière dans la chambre d'hôtel, située en face des vestiaires). Le second est le montage du combat, filmé avec trois caméras. La mise en scène alterne des plans longs et des plans courts. La caméra est ondoyante au début du film, pour saisir les attitudes des spectateurs d'avant le match. Le héros est introduit par son nom tracé de l'affiche par son manager, le plan suggérant ainsi déjà sa future trahison. Ensuite la caméra, par un "travelling avant" passe de la rue à la chambre d'hôtel du héros, où l'on pénètre dans l'intimité du couple. Orson Welles, par son fameux "plan séquence" d'ouverture de Touch of Evil "répondit", d'une certaine manière, au plan de Wise. Comme on l'a dit, le combat fut filmé simultanément avec trois caméras, dont une à l'épaule (qui donne l'impression d'être sur le ring avec les boxeurs). Filmer de cette manière est très peu courante à Hollywood. Deux ans auparavant, Robert Rossen, dans Body and Soul, avait innové: James W. Howe filma le combat final sur des patins à roulettes.
Techniquement, Wise utilise une courte focale pour augmenter la "profondeur de champs". Ce procédé est souvent employé dans les films noirs américains de cette époque. Une des utilisations les plus belle de cette technique se trouve la scène du suicide de la femme de Kane, dans Citizen Kane: on y voit au premier plan, en net, le verre d'eau et au fond, la porte de la chambre, également nette, d'où surgira Kane. Wise a beaucoup apprit au contact (difficile) de Welles en travaillant sur ce film clé du cinéma.
Le temps dans le film est continu, cas très rare au cinéma. L'histoire se déroule donc en "temps réel" (la durée du film est égale à la durée de ce qui est montré à l'écran): un plan sur une horloge nous montre l'heure au début (21h05) et à la fin du film (22h17). Un autre exemple fameux est The Rope, de Hitchcock (10 scènes de 10 minutes chacune montée de manière quasi imperceptible). Cette contrainte, loin de peser sur le film de Wise, le libère. Une série de plans sur des réveils, cadrans, cloches, gongs, etc., tout au long du film, agissent comme des rappels de la durée. Ces rappels temporels sont également sonores (encore une leçon retenue de Welles): gong durant le combat, cliquetis du réveil pendant l'attente de Julie, etc. Un plan admirable nous montre le reflet de Julie sur le cadran du réveil de la chambre d'hôtel: il parle du temps (qui passe), de l'attente (de la femme) et de l'absence (du mari). Les unités de lieux et d'action sont également respectés.
Les décors sont entièrement créés en studio (RKO) à l'exception de deux scènes: la première est très "expressionniste" (c.f. cinéma allemand): Julie est sur le pont ferroviaire et regarde passer les trains (exprimés par les points lumineux des phares dans la nuit); dans la seconde Stoker essaie de trouver une issue pour sortir du stade qui est d'autant plus inquiétant qu'il est vide (plan "à la Hitchcock"). Les décors sont réalistes: rue, café, chambre d'hôtel, etc. (Wise: "j'aime la sueur") et se caractérisent par la précision des détails et des figurants (vendeur de journaux, etc.). Ils sont donc à l'opposé de l'esthétique extravagante du précédent film montré au CinéClub : Lola Montès.
Le film de boxe, sous-genre du "film noir", a donné nombre de chefs-d'œuvres. Gentleman Jim (en 1942) pose les fondements esthétiques du genre: rapidité narrative, montage serré, rythme, etc. Ce film nous montre la boxe sous un aspect positif et esthétique (rapprochement d'avec la danse, le théâtre, etc.). Mais autant le film de Walsh est fictionnel que celui de Wise est réaliste (ce qui est paradoxal dans la mesure où le premier a son origine dans une biographie et le second dans un poème -J. Moncure: The Day of the Fight). The Set-Up annonce par son réalisme, le néo-réalisme italien. En 1947, Body and Soul, de R. Rossen (excellent montage de R. Parrish) fit sensation: la boxe y est montrée sans concession dans un univers noir et corrompu. Le hasard fit que la même année que The Set-Up, sortit un autre film de boxe: The Champion, de M. Robson, film réaliste et pessimiste (le film est d'ailleurs un remake du film homonyme de King Vidor). En 1980 Martin Scorsese fournit sa contribution au genre avec l'exceptionnel Raging Bull. Avec le recul, on peut affirmer que le film de Wise n'a pas été dépassé.
Fiche technique
- Titre : Nous avons gagné ce soir
- Titre original : The Set Up
- Réalisation : Robert Wise
- Scénario : Art Cohn, d'après le poème de Joseph Moncure March
- Photo : Milton R. Krasner
- Direction artistique : Albert S. D'Agostino, Jack Okey
- Décors de plateau : James Altwies, Darrell Silvera
- Musique : Constantin Bakaleinikoff
- Montage : Roland Gross
- Pays : États-Unis
- Genre : drame
- Format : Noir et blanc - mono
- Durée : 72 minutes
- Sortie : 29 mars 1949 (USA), 14 octobre 1949 (France)
Distribution
- Robert Ryan : Bill « Stoker » Thompson
- Audrey Totter : Julie Thompson
- George Tobias : Tony
- Alan Baxter : Little Boy
- Wallace Ford : Gus
- Percy Helton : Red
- James Edwards : Luther Hawkins
- Tommy Noonan (non-crédité) : Masher on Street
Lien externe
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