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Nord-picène
Le nord-picène ou picène du nord est la langue parlée dans la partie septentrionale de l'ancienne province romaine du Picenum par le peuple homonyme. On la connaît au travers d'un certain nombre d'inscriptions gravées sur de la pierre. Le corpus collecté est cependant notoirement insuffisant pour pouvoir trancher quant à son appartenance au groupe indo-européen ; l'hypothèse actuelle la plus prudente est que cet idiome n'est pas indo-européen, ce qui le différencie fondamentalement de son voisin du sud.
Sommaire
La stèle de Novilara
La stèle de Novilara, découverte dans les environs de la ville (l'endroit précis est inconnu), maintenant exposée au museo preistorico Pigorini à Rome, comporte douze lignes sinistroverses gravées dans un alphabet dérivé de l'étrusque, sur un support de type grès. Le texte est accompagné d'éléments figuratifs, parmi lesquels : au sommet une roue à cinq rayons, un triangle à sa gauche et une croix à sa droite ; l'épigraphe est encadrée par des frises diverses, la principale d'un motif ophidien. Elle a été datée du Ve ou VIe siècle avant J.C.
Selon un consensus assez bien établi, le texte se translittère comme suit [1][2] : mimniś . erút . caareś (.) tadeś | ro(t)nem . úvlin . part(en) . úś | polem . iśairon . tet | šút . trat (.) neši. kr(úš/úví) | ten(a)c . trút . ipiem . rotne(š/m) | lútúiś . θ(a)lú . iśperion . vúl | teś . rotem . teú . aiten . tašúr | śoter . merpon . kalatne | niś . vilatoś . paten . arn | úiś . baleśtenac . andś . et | (š)út . (l)akút . treten . teletaú | (ne)m . p(o)lem . tišú . śotriś . eúś.
Les lettres entre parenthèses ne sont pas assurées.
Les théories les plus diverses circulent quant à ce texte, puisqu'il s'agit d'un hapax. Certains auteurs [2] croient identifier dans le texte des mots ou noms d'origine grecque, comme le mot śoter, nom d'un prêtre, plus loin le génitif śotris ; iśperion pour ἑσπέριον, le couchant, l'Ouest, (< ϝἑσπέριον, cf. latin vesper), ainsi que 'polem'. [1] récuse ces identifications et n'y voit que de simples coïncidences sans fondement. On a avancé l'hypothèse invraisemblable d'un faux. Une autre hypothèse voudrait qu'il s'agisse d'une pierre votive laissée là par d'hypothétiques navigateurs à l'occasion de la mort de l'un des leurs ; supposition invérifiable.
[3] récapitule simplement la situation en mettant en avant que l'unique consensus au sujet de la stèle est qu'aucun de ses mots ne peut être traduit avec certitude.
Toponymie
Certains auteurs ont vu dans le mot iśairon la forme primitive du toponyme Pesaro, anciennement Isaurum, et du fleuve qui l'arrose, l'Isaurus. Adjoint au préfixe épi- (sur), épi-isairon aurait finalement donné le nom moderne de la ville après l'évolution phonétique « standard » de l'italien.
L'inscription bilingue de Pesaro
Il s'agit d'un fragment de marbre, sur lequel se trouve une inscription votive en latin et en nord-picène :
(A) L. caf(at)ius . l . f . ste . haruspex | fulguriator
(B) cafates. lr. lr. netšvis . trutnvt . frontac
(A) est dextroverse, (B) sinistroverse, le texte est entouré de deux roues.
D'après [1] : si l'identification de caf(at)ius avec cafates est évidente, celle de frontac avec fulguriator également, il faut donc voir dans netšvis . trutnvt l'équivalent de haru / spex. [1] voit dans netšvis la même racine non-indoeuropéenne que le grec νηδύς avec le sens d'entrailles, correspondant au latin haru, le mot trutnvt, peut-être adjectif verbal, correspondant au latin -spex et signifiant examinant, examinateur.
lr répété correspondrait au nom du père et du fils Larθ, le ste (= stellatina) présent dans la partie latine, correspondant au nom de la tribu, ayant été omise dans la partie picène qui ne connaîtrait pas ce genre de pratique onomastique.
D'après [2] : le mot frontac se rapporterait à l'origine du devin, et correspondrait ainsi au ste.
Relations entre les deux inscriptions
[1] établit une relation entre le trut de la première inscription et le trutnvt de la seconde. Si l'on suppose le sens de trut- = examiner, deviner, la première inscription pourrait être rituelle ou religieuse — avec concordance de la roue comme symbole solaire (parallèle au culte d'Apollon en Grèce ?).
[2] réfute une relation entre ces deux formes, arguant du fait que la seconde est postérieure de quatre siècles à la première et peut résulter d'un emprunt à l'étrusque.
Bibliographie
[1] Vittore Pisani, Le lingue dell'Italia antica oltre il latino, seconde édition, Rosenberg & Sellier, Turin, 1986.
[2] Marcello Durante, Nord piceno: la lingua delle iscrizioni di Novilara, in Popoli e civiltà dell'Italia antica, tome 6, Biblioteca di Storia patria, Rome, 1978.
[3] J.P. Mallory, In search of the indo-europeans, Language, Archaelogy and Myth, Thames & Hudson, Londres, 1989.
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