Michel Feintuch

Michel Feintuch

Jean Jérôme

Jean Jérôme, pseudonyme de Mikhaël ou Michel Feintuch, né en 1906, décédé en 1990.

Sommaire

Biographie

Juif de Galicie, d'une famille de 7 enfants dont le père était marchand forain. Marqué dés le début de sa vie par l'éducation religieuse et un judaïsme militant, il apprend dans les écoles confessionnelles à traduire la bible de l'hébreu en yiddish. Mikhaël commençe à travailler très tôt comme petit employé. La guerre de 14-18 est alors terminée, et la Galicie est redevenue polonaise. Mikhaël se syndique rapidement et fréquente le parti communiste clandestin dés sa seizième année. Deux fois arrêté, il ne trouve plus de travail et quitte la Pologne pour échapper au service militaire et à ses bataillons disciplinaires qui attendent inévitablement un militant révolutionnaire.

Il se fixe en Belgique à partir de 1927, manœuvre aux laminoirs Espérance-Londoz et étudiant à l'université de Liège, il est difficile de savoir exactement à partir de quelle date, Avant ou après son départ de Pologne, il est en rapport direct avec le Komintern. Expulsé de Belgique en 1928, il passe clandestinement en France. Des appuis lui permettent de trouver du travail, et donc de régulariser sa situation. Ouvrier électricien dans une société de téléphone, il participe aux activités de la CGTU et de la direction de la commission polonaise de la MOE (Main-d'œuvre étrangère) auprès du comité central du Parti français. En 1931, il est expulsé de France en Belgique, mais regagne clandestinement la région parisienne. Il restera clandestin de longues années. On ne cherchera pas à connaître en détail ses activités de cette période-là. Son engagement à la CGTU et au Profintern, l'internationale des syndicats, est substantiel. Il rencontre en 1933 Fried, le représentant du Komintern à Paris. En 1937, le futur Jean Jérôme est impliqué dans le section d'aide qui organise les envois d'armes et de matériel de guerre à l'Espagne républicaine. Il a pu se trouver en contact dés ce moment-là avec Joanovici.

Quand la République d'Espagne s'effondre, les réseaux d'aide à l'effort de guerre des républicains se réoriente vers l'aide aux réfugiés qui arrivaient en France par dizaines de milliers. A côté, et peut-être derrière cette action humanitaire, il est sans nul doute impliqué dans certains transferts comme ceux de l'or et des bijoux de la couronne d'Espagne.

Il est en tous cas évident qu'il est quelqu'un de très important dans l'appareil technique du Parti, puisque c'est lui que Duclos fait rechercher dès qu'il rentre à Paris en Juin 1940. Il est l'homme à qui l'on doit s'adresser, pour se procurer aussi bien de l'argent que du papier pour les imprimeries clandestines. C'est à cette époque que Mikhael Feintuch prend le pseudonyme de Jean Jérome, qui lui restera jusqu'à la fin de sa vie. L'historien Philippe Robrieux pense que Jean Jérôme a été désigné pour remplacer Cerreti, l'ancien responsable de France-Navigation et de la caisse noire du Komintern, alors rappelé à Moscou , comme Thorez. Cette interprétation est vraisemblable.

En plus de ces responsabilités techniques, Jean Jérome établit également, de mars à mai 41, des contacts avec des personnalités que l'on pourrait qualifier d'intellectuels antifascistes. Carnet d'adresse du Komintern, ou relations du milieu de Montparnasse de son beau-frère, le cinéaste Jean Vigo ? difficile à trancher. On retrouve Jean Jérome et ses relations dans les premiers contacts avec les gaullistes.

Jean Jérome est arrêté en Avril 43, à l'occasion d'un contact avec Betka Brikner, une femme qui faisait les liaisons de Gronowski, responsable national de la MOI.

Jean Jérome est toujours resté un personnage un peu mystérieux, et qui, selon ceux qui l'ont cotoyé, se plaisait à cultiver autour de lui une part de mystère qui se trouve renforcé par le rôle occulte qu'il joua au sein du parti jusque dans les années 70. Il semble être bien plus que simple administrateur qui est son seul titre officiel. C'est lui qui a gardé la haute main sur toutes les entreprises commerciales et les affaires d'export-import, circulant sans cesse d'Est en Ouest, même pendant la guerre froide, brassant d'innombrables affaires en Pologne et en Tchécoslovaquie. Son intimité avec les dirigeants du Parti, Thorez et Duclos, sa présence fréquente aux séances du comité central dont il n'était pas membre, sa liberté de ton, suggèrent qu'il était plus qu'un grand argentier. De même que la confiance dont il bénéficiait de toute évidence de la part des soviétiques, son implication personnelle dans le traitement de certaines affaires internes ont fait penser qu'il aurait pu être l'œil de Moscou, voire une sorte de proconsul, comme l'avait été Fried avant-guerre. Ces hypothèses sont renforcées par l'aspect du personnage qui, selon les termes de Robrieux, promène partout son visage dur et inquiétant, surmonté de sortes de lorgnons (mais aucun témoin direct n'a vu Jean Jérôme avec des lorgnons ce qui rend les affirmations de Robrieux fort peu crédibles) et son regard en vrille qui semble vouloir plonger à l'intérieur de chacun… il apparaît à ceux qui le fréquentent comme un dirigeant de sang-froid, glacial et impitoyable quand il le faut, réaliste, habile, dominateur et sûr de lui, mais aussi comme un homme jovial qui sait se montrer à la fois intéressant dans la conversation et bon compagnon avec ses intimes. Il avait gardé jusqu'à la fin un léger accent qui trahissait ses origines.

Dans la biographie qu'il a remise à J.Maitron pour le dictionnaire du mouvement ouvrier, Jean Jérome ne mentionne pour l'après-guerre que des responsabilités de type intellectuel: Reconstitution du CDLP (Centre de diffusion du livre et de la presse), création des éditions sociales et d'un réseau de librairies, reconstitution de la maison de disques "Le Chant du Monde" et société cinématographique "Cinéfrance"…

Jean Jérôme meurt en 1990. Il avait été décoré de la médaille de la Résistance, de la croix de guerre et de la légion d'honneur.

Ouvrages autobiographiques

  • JEROME Jean, La Part des Hommes, Acropole, 1983
  • JEROME Jean, Les Clandestins (1940-44), Acropole, 1986

Sources

  • R. Lemarquis, J. Maitron, Cl. Pennetier, Le Dictionnaire Bibliographique du Mouvement Ouvrier Français, Editions Ouvrières .
  • ROBRIEUX Philippe, Histoire Intérieure du Parti Communiste, 4 Tomes (1920-45), Fayard, 1980-84.
  • DE CHAMBOST Emmanuel, La direction du PCF dans la clandestinité (1941-44), L'Harmattan, 1997

Voir aussi

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