Marie-Anne de La Trémoille

Marie-Anne de La Trémoille
Marie-Anne de La Trémoille, princesse des Ursins.

Marie-Anne de La Trémoille, princesse des Ursins (Paris en 1642, Rome le 5 décembre 1722). Fille de Louis II de La Trémoille, marquis puis duc de Noirmoutier et de Renée fille de Jean Aubery seigneur de Tilleport.

Sommaire

Titres

Née Marie-Anne de La Trémoille , elle épousa en 1659, en premières noces, à l'âge de 15 ans, le prince Blaise de Talleyrand-Chalais, un noble français. En fuite après un duel - interdit -, il entra en service du roi d'Espagne. Il est fait prisonnier au Portugal. Marie-Anne a passé plusieurs années à Madrid en attendant la libération de son mari et y a appris la langue et les usages. Peu de temps après sa libération, Chalais meurt en Italie laissant Marie-Anne veuve.
En février 1675, elle devint « princesse des Ursins » en francisant le nom de son second mari, le prince romain Flavio Orsini (1620-1698). Orsini, chef de la puissante famille Orsini, prince de Nerola et duc de Bracciano, était plus âgé qu'elle de 22 ans - un mariage de raison dont il avait espéré obtenir des grâces financières de la part de Louis XIV, car malgré ses nombreuses possessions, il croulait sous les dettes. Il était un des chefs de file du parti français à Rome, position difficile sous les papes Innocent XI, Alexandre VIII et Innocent XII. Son duché de Bracciano tomba entre les mains du rapace Livio Odescalchi, neveu d'Innocent XI.
De nouveau veuve en 1698, la princesse des Ursins était réputée immensément riche, mais en réalité son mari ne lui a laissé que dettes et procès, notamment avec Livio Odescalchi, qui se considérait héritier des titres et possessions.

Rôle politique

La Princesse des Ursins, école française, 1670, Chantilly, Musée Condé.

Elle joua un rôle politique de premier ordre à la cour d'Espagne au XVIIIe siècle en tant que camarera mayor de la première épouse du roi Phillipe V, Marie-Louise Gabrielle de Savoie, un poste de confiance lui ayant été attribué par Louis XIV et Madame de Maintenon, et qui lui permettait un contrôle absolu sur le couple royal. Louis XIV la considérait comme garante de son influence en Espagne. Fine politicienne, elle promut la popularité du jeune roi de 18 ans et sa reine de 14. Ayant rapidement gagné leur entière confiance, seule à y avoir accès (elle les habillait le matin, et les déshabillait le soir), elle devint toute-puissante. Elle fit renvoyer du Despacho (ou « Bureau ») les ministres espagnols et diplomates français qu'elle considérait inefficaces (comme le cardinal Portocarrero et le cardinal d'Estrées), et essaya quelques réformes. Elle mit de l'ordre dans les finances, l'étiquette de la cour, le gouvernement (la bureaucratie était quasiment autonome) et essaya de diminuer l'influence de l'Inquisition. L'économiste Jean Orry travailla, sous sa protection, à un vaste programme d'assainissement et de centralisation des finances qui étaient désastreuses (il réussit à doubler les revenus de l'État). S'identifiant trop avec les intérêts de l'Espagne et court-circuitant la diplomatie française, réussissant à renvoyer les nombreux courtisans et diplomates français qui croyaient que la naïveté du jeune roi leur garantirait une carrière espagnole brillante, elle s'aliéna graduellement l'appui de la cour de Versailles, tout en restant maîtresse du royaume. Les courtisans en place ou renvoyés l'accablèrent de médisances et de fausses accusations, obtenant même son renvoi temporaire en 1704, mais la jeune reine, intelligente, sachant qu'elle n'avait qu'une seule amie à la cour, lui resta fidèle.

À la mort de la reine, Philippe V se remarie, en 1714, avec Élisabeth Farnèse, nièce du duc de Parme : la nouvelle reine fait renvoyer prestement la princesse des Ursins (probablement sur instigation du futur cardinal Jules Alberoni, qui prit sa place d'éminence grise), et la poursuit de sa haine. La princesse avait alors plus de 70 ans. Elle se réfugia à Gênes puis à Rome, où elle fut respectée, malgré la vindicte de la reine d'Espagne. Louis XIV lui garantissait une pension, le roi d'Espagne lui écrivait des lettres en cachette, et, plus tard, on lui témoigna - indirectement - des honneurs (son frère Joseph fut nommé archevêque de Cambrai). À sa mort, elle eut les honneurs de princesse, et fut ensevelie dans le tombeau des Orsini à Saint-Jean-de-Latran.

En Espagne, Alberoni et la reine congédièrent les fidèles de la princesse, mais continuèrent son programme de bonne gestion et d'assainissement. Malheureusement, le succès leur monta à la tête et l'Espagne se retrouva bientôt de nouveau en guerre. Les bûchers de l'Inquisition, éteints sous son « gouvernement », brûlèrent à nouveau.

La princesse était notamment amie de Saint-Simon[1] et de Cosnac : « C'était une femme plutôt grande que petite, brune avec des yeux bleus qui disaient sans cesse tout ce qui lui plaisait, avec une taille parfaite, une belle gorge, et un visage qui, sans beauté, était charmant; l'air extrêmement noble, quelque chose de majestueux en tout son maintien, et des grâces si naturelles et si continuelles en tout, jusque dans les choses les plus petites et les plus indifférentes, que je n'ai jamais vu personne en approcher, soit dans le corps, soit dans l'esprit, dont elle avait infiniment, et de toutes les sortes ; flatteuse, caressante, insinuante, mesurée, voulant plaire pour plaire, et avec des charmes dont il n'était pas possible de se défendre quand elle voulait gagner et séduire ; avec cela un air qui, avec de la grandeur, attirait au lieu d'effaroucher, une conversation délicieuse, intarissable, et d'ailleurs fort amusante par tout ce qu'elle avait vu et connu de pays et de personnes, une voix et un parler extrêmement agréables, avec un air de douceur. Elle avait aussi beaucoup lu, et elle était personne à beaucoup de réflexion. Un grand choix des meilleures compagnies, un grand usage de les tenir, et même une cour ; une grande politesse, mais avec une grande distinction, et surtout une grande attention à ne s'avancer qu'avec dignité et discrétion. D'ailleurs la personne du monde la plus propre à l'intrigue, et qui y avait passé sa vie à Rome par son goût ; beaucoup d'ambition, mais de ces ambitions vastes fort au-dessus de son sexe et de l'ambition ordinaire des hommes, et un désir pareil d'être et de gouverner. C'était encore la personne du monde qui avait le plus de finesse dans l'esprit sans que cela parût jamais, et de combinaisons dans la tête, et qui avait le plus de talent pour connaître son monde et savoir par où le prendre et le mener. » Malgré leur ancienne amitié (et même leur voisinage à Paris, rue Taranne), et des marques d'amitié (Saint-Simon usa de son influence pour faire nommer son frère archevêque de Cambrai), Saint-Simon ne la ménage pas. Dans ses Mémoires, il donne même crédit à quelques mensonges que des courtisans ont proféré sur elle et ses protégés et il se délecte à raconter sa chute humiliante. Les nombreux services que cette femme d'État a rendus à la France en tant que partisane française à Rome (y compris son rôle dans l'élection du pape Grégoire XI, favorable à la France), et le gouvernement courageux et compétent qu'elle a exercé sur l'Espagne pendant quatorze ans, se réduisent, à cause de ces médisances, et à Saint-Simon, à un mot ingrat : une intrigante.

Néroli et Fleur d'oranger

En hommage à la terre de Nerola, la princesse, qui mit à la mode l'usage de l'essence de bigaradier (ou oranger amer) baptisa ce parfum « néroli », nom encore utilisé aujourd'hui en parfumerie pour désigner l'essence de fleur d'oranger amer. On tire de ce même arbre la célèbre eau de fleur d'oranger.

Notes et références

  1. Saint-Simon, Mémoires (1701-1702), Tome II, Éditions de la Pléiade-Gallimard, 1983, p. 53

Annexes

Bibliographie

Voir son histoire romancée dans les livres de :

  • Claude Pujade-Renaud, La Nuit la neige, paru chez Actes Sud ;
  • Jacques Almira, Le Bal de la guerre ou la vie de la princesse des Ursins, Gallimard.

Articles connexes

Liens externes


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