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Anomie
Pour les articles homonymes, voir Anomie (homonymie).L’anomie (du grec ἀνομία / anomía, du préfixe ἀ- a- « absence de » et νόμος / nómos « loi, ordre, structure ») est l'état d'une société caractérisée par une désintégration des normes qui règlent la conduite des hommes et assurent l'ordre social. L'anomie se comprend peut-être mieux entre autonomie et hétéronomie.
Sommaire
Désordre individuel
Après avoir introduit le terme en 1893 dans De la division du travail social, Émile Durkheim, sociologue français du XIXe siècle, emploie en 1897 le mot d'anomie dans son livre sur les causes du suicide, Le Suicide, pour décrire une situation sociale, caractérisée par la perte ou l'effacement des valeurs (morales, religieuses, civiques...) et le sentiment associé d'aliénation et d'irrésolution. Le recul des valeurs conduit à la destruction et à la diminution de l'ordre social : le manque de lois et de règles ne peut plus garantir la régulation sociale. Cet état amène l'individu à avoir peur et être insatisfait, ce qui peut conduire au suicide. L'anomie provient du manque de régulation de la société sur l'individu. Il ne sait comment borner ses désirs, souffre du mal de "l'infini". Durkheim considère également l'anomie domestique comme une cause potentielle de suicide, le taux de divorce élevé favorisant statistiquement le suicide, par exemple.
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« L’anomie est donc, dans nos sociétés modernes, un facteur régulier et spécifique des suicides ; elle est une des sources auxquelles s’alimente le contingent annuel. […] [Le suicide anomique] diffère en ce qu’il dépend, non de la manière dont les individus sont attachés à la société, mais de la façon dont elle les réglemente[1]. »
— Émile Durkheim, Le suicide
L'anomie est en fait assez courante quand la société environnante a subi des changements importants dans l'économie, que ce soit en mieux ou en pire, et plus généralement quand il existe un écart important entre les théories idéologiques et les valeurs communément enseignées et la pratique dans la vie quotidienne.
L'anomie se comprendrait peut-être mieux et plus profondément entre autonomie et hétéronomie à travers les concepts chez Marx des valeurs d'usage et d'échange et les idées chez Jung d'introversion et d'extraversion reprises par Erich Fromm avec la distinction entre "aimer" et "être aimable".
Désordre social
Le terme anomie est aussi utilisé pour désigner des sociétés ou des groupes à l'intérieur d'une société qui souffrent du chaos dû à l'absence de règles communément admises implicitement ou explicitement de bonne conduite ou, pire, dû au règne de règles promouvant l'isolation ou même la prédation plutôt que la coopération.
Robert K. Merton s'est intéressé à l'anomie et a décrit les règles qui, non suivies, y mènent :
- les buts culturels comme souhaits et attentes des membres de la société
- des normes, qui prescrivent les moyens permettant aux gens d'atteindre leur but
- la répartition de ces moyens
L'anomie est dans ce cas davantage une dissociation entre les objectifs culturels et l'accès de certaines couches aux moyens nécessaires. La relation entre le moyen et le but s'affaiblit.
Actuellement, la relativisation des moyens culturels à travers la pluralisation mène surtout au problème de l'insécurité du comportement et de l'orientation, de l'individualisation et de la désintégration sociale.
Pourtant, l'anomie apparaît pour la première fois comme concept sociologique sous la plume du philosophe Jean-Marie Guyau dans Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction (1885) comme phénomène intrinsèque de toute société et bénéfique.
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« L'anomie, pour Guyau, est créatrice de formes nouvelles de relations humaines, d'autonomies qui ne sont pas celles d'une référence à des normes constituées, mais ouvertes sur une créativité possible. Elle ne résulte pas, comme chez Durkheim, d'un trouble statistique, elle incite l'individu à des sociabilités jusque-là inconnues - dont il dira que la création artistique est la manifestation la plus forte. »
Friedrich Hayek utilise le terme anomie dans ce sens-là.
Distingo entre anarchie et anomie
L'anomie comme désordre social n'est pas à confondre avec l'anarchie. L'anarchie renvoie étymologiquement à l'absence de commandement (privatif an- et grec archos) et désigne stricto sensu une organisation sociale et politique sans autorité coercitive. Le mot « anomie » se réfère à l'absence de règles, de structure, d'organisation. Bien que l'idée que l'anarchie mène nécessairement à l'anomie soit répandue, et au cœur des oppositions à l'anarchisme, les anarchistes s'en défendent. Pour eux, les sociétés actuelles hiérarchisées créent le chaos plutôt que l'ordre, là où l'anarchie serait l'établissement d'un ordre naturel, juste et égalitaire. Il est à ce titre révélateur que le symbole traditionnel de l'anarchie, le A cerclé, représente l'union de l'anarchie et de l'ordre (l'ordre moins le pouvoir [2] ), illustrant ainsi la célèbre maxime de Proudhon : « La plus haute perfection de la société se trouve dans l'union de l'ordre et de l'anarchie ».
Références bibliographiques supplémentaires
- Jean Duvignaud, « Anomie et mutation sociale », in Sociologie des mutations (Georges Balandier éd.), Anthropos, 1970
- Marco Orrù, L'anomie. Histoire et sens d'un concept, L'Harmattan, 1998
- Jordi Riba, La morale anomique de Jean-Marie Guyau, Paris [etc.] : L'Harmattan, 1999
Notes et références
- ↑ Le suicide, p. 288.
- ↑ d'après Normand Baillargeon ou Daniel Guérin
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Lire en ligne : Alain Pessin, « Anarchie et anomie », Réfractions no 1 (www.plusloin.org)
- Lire en ligne Définition du concept de l’anomie (pasmollir.com)
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