- Lingua Ignota
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La Lingua Ignota (en latin « langue inconnue »), a été décrite au XIIe siècle par l'abbesse de Rupertsberg, Hildegarde de Bingen, une sainte de l'église Catholique Romaine, dans un ouvrage intitulé: Lingua Ignota per simplicem hominem Hildegardem prolata.
La langue s'écrit avec 23 caractères, les litterae ignotae, et était apparemment utilisée pour une mystique particulière.
Hildegarde de Binge décrit partiellement cette langue dans un ouvrage intitulé Lingua Ignota per simplicem hominem Hildegardem prolata, qui nous est parvenu en deux manuscrits datant tous les deux approximativement de 1200, le Wiesbaden Codex et un manuscrit de Berlin. Le texte est un glossaire de 1011 mots en Lingua Ignota, dont la plupart des gloses sont en Latin, ou parfois en Allemand. Les mots apparaissent à priori comme étant des néologismes, souvent nommés par plusieurs adjectifs. Grammaticalement, la Lingua Ignota semble être une relexification partielle du Latin, ce qui en ferait donc une langue construite en intégrant un nouveau vocabulaire à une grammaire déjà existante.
L'usage de la langue nous est inconnu. Nous ignorons également si d'autres, mise à part sa créatrice, l'utilisaient. Au XIXe siècle, certains pensaient que Hildegarde souhaitait faire de la Lingua Ignota une idéale langue universelle. Il est cependant aujourd'hui généralement admis que la Lingua Ignota fut mise au point comme un langage secret. Tout comme pour sa "musique inentendue", elle a pu lui venir par inspiration divine. En considérant que la langue ait été créée par Hildegarde de Bingen, il s'agirait alors d'une des plus anciennes langues construites connues.
Dans une lettre adressée à Hildegarde, son ami et prévot Wolmarus, appréhendant la mort d'Hildegarde, lui demanda ubi tunc vox inauditae melodiae ? et vox inauditae linguae ? (Descemet, p. 346, "Ou donc est la voix de la mélodie inentendue ? Et la voix du langage inentendu ?" ), suggérant que l'existence du langage d'Hildegarde était connu, mais il n'y eut aucune initiative qui put permettre à sa langue d'être préservée après sa mort.
Sommaire
Texte de référence
Voici le seul texte utilisant quelques mots de cette langue qui nous soit parvenus, un des chants composés par l'abbesse :
- O orzchis Ecclesia, armis divinis praecincta, et hyacinto ornata, tu es caldemia stigmatum loifolum et urbs scienciarum. O, o tu es etiam crizanta in alto sono, et es chorzta gemma.
Ces deux phrases sont la plupart du temps écrites en Latin avec cinq mots clés en Lingua Ignota. Comme un seul de ces mots a été trouvé sans ambiguïté dans le glossaire ( loifol, "personnes, gens" ), il est clair que la langue contenait plus que 1011 mots.
- Ô orzchis Église,/guidée par des bras divins,/et ornée de jacinthe,/tu es la caldemia des plaies du loifol/ et la cité des connaissances./Ô, ô, tu es crizanta, parmi les sons élevés,/et tu es une gemme chorzta.
loifol ( "personnes" ) est apparemment dérivé du latin, donnant loifol-um, en complaisance avec stigmatum, le pluriel génitif de stigma. Newman (1987), propose une traduction :
- Ô incommensurable Église,/guidée par des bras divins,/et ornée de jacinthe,/tu es le parfum des plaies du peuple/ et la cité des connaissances./Ô, ô, tu es oint, parmi les sons élevés,/et tu es une gemme éclatante.
Le glossaire
Le glossaire est rédigé dans un ordre hiérarchique, donnant d'abord les termes désignant Dieu et les anges, suivis par les mots associés aux êtres humains, et aux relations familiales, les parties du corps, les maladies, les rangs religieux ou mondains, les artisans, les jours, les mois, les vêtements, les outils domestiques, les plantes, et quelques oiseaux ou insectes. Les termes pour les mammifères sont absents (excepté pour les chauves-souris, l'Ualueria, classés parmi les oiseaux, et le griffon, l'Argumzio, un semi mammifère, également listé avec les oiseaux).
Les 30 premières entrées sont (d'après Roth 1880):
- Aigonz: deus (Dieu)
- Aieganz: angelus (ange)
- Zuuenz: sanctus (saint)
- Liuionz salvator (sauveur)
- Diueliz: diabolus (diable)
- Ispariz: spiritus (esprit)
- Inimois: homo (être humain)
- Jur: vir (homme)
- Vanix: femina (femme)
- Peuearrez: patriarcha (patriarche)
- Korzinthio: propheta (prophète)
- Falschin: vates
- Sonziz: apostolus
- Linschiol: martir (martyr)
- Zanziuer: confessor (confesseur)
- Vrizoil: virgo (vierge)
- Jugiza: vidua (veuve)
- Pangizo: penitens (pénitence)
- Kulzphazur: attavus (arrière arrière arrière-grand-père)
- Phazur: avus (grand-père)
- Peueriz: pater (père)
- Maiz: maler (sic, pour matrice, mère)
- Hilzpeueriz: nutricus (beau-père)
- Nilzmaiz: noverca (belle-mère)
- Scirizin: filius (fils)
- Hilzscifriz: privignus (beau-fils)
- Limzkil: infans (enfant)
- Zains: puer (garçon)
- Zunzial: iuvenis (jeunesse)
- Bischiniz adolescens (adolescent, adolescence)
La composition nominale peut être observée dans peueriz "père" : hilz-peueriz "beau-père", maiz "mère" : nilz-maiz "belle-mère" , et scirizin "fils" : hilz-scifriz "beau fils", ainsi qu'avec phazur : kulz-phazur. Dérivation sufficale dans peueriz "père", peuearrez "patriarche".
Annexes
Articles connexes
Bibliographie
- (de) Wörterbuch der unbekannten Sprache, éd. M.-L. Portmann, A. Odermatt, Bâle, BHG, 1986.
- Ch. Descemet, Un erbario del secolo XII ossia nomenclatura botanica ricavata dall'ignota lingua di santa Ildegarda A. D. 1100-1179, estratto dalle Memorie della Pontificia Accademia dei Nuovi Lincei, vol. 1, Roma, Tipografia della pace di Filippo Cuggiani, 1884.
- F.W.E. Roth, Die Lieder und die unbekannte Sprache der hl. Hildegardis, Wiesbaden, 1880.
- Jeffrey T. Schnapp, "Virgin's words : Hildegard of Bingen's Lingua Ignota and the Development of Imaginary Languages Ancient to Modern", Exemplaria, III, 2, 1991, pp. 267-298.
- L. Moulinier, "Un lexique trilingue du XIIe siècle : la lingua ignota de Hildegarde de Bingen", dans Lexiques bilingues dans les domaines philosophique et scientifique (Moyen Âge-Renaissance), Actes du colloque international organisé par l’Ecole Pratique des Hautes Etudes-Ive Section et l’Institut Supérieur de Philosophie de l’Université Catholique de Louvain, Paris, 12-14 juin 1997, éd. J. Hamesse, D. Jacquart, Turnhout, Brepols, 2001, p. 89-111.
- Jonathan P. Green, « A new gloss on Hildegard of Bingen's Lingua ignota », Viator, 36, 2005, p. 217-234.
Hildegard of Bingen's Unknown Language: An Edition, Translation and Discussion by Sarah L. Higley. (Palgrave Macmillan, 2007)
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