La Dame À L'hermine

La Dame À L'hermine

La Dame à l'hermine

La Dame à l’hermine
The Lady with an Ermine.jpg
Léonard de Vinci, entre 1488 et 1490
Huile sur panneau de bois
54 × 39 cm
musée Czartoryski

La Dame à l’hermine est un tableau de 54 × 39 cm peint par Léonard de Vinci entre 1488 et 1490. Il est peint sur du bois de noyer, provenant du même tronc d’arbre que La Belle Ferronnière[1]. Le fond du tableau a été repeint dans une couleur sombre à une époque tardive. Des analyses menées grâce à une caméra multi-spectrale en 2007 ont montré qu'à l’origine, « il s’agissait d’un bleu-gris modulé différemment de gauche à droite du tableau, ce qui permettait de donner une impression de profondeur[2] ». Des repeints ont aussi été repérés (dans la zone inférieure notamment, ainsi que sur la coiffe ou sur la main droite). Le pelage de l’hermine a perdu de son éclat. En dépit des dommages subis, le tableau est néanmoins dans un meilleur état de conservation que plusieurs autres peintures de Léonard.

Sommaire

Historique

La peinture est acquise en 1798 par Adam Jerzy Czartoryski, pour sa mère la princesse Izabela Czartoryska et intégrée dans les collections de la famille Czartoryski en 1800. Entre 1830 et 1876, elle est accrochée à l’hôtel Lambert, siège de l’immigration polonaise monarchiste à Paris et propriété des Czartoryski, puis elle revient ensuite en Pologne, à Cracovie dans le nouveau musée Czartoryski. En 1914, la Princess Maria Ludwika la confie à la Gemalde Gallerie de Dresde. Elle est restituée en 1920, puis saisie en 1939 par les nazis et envoyée au Kaiser Friedrich Museum à Berlin. En 1940 Hans Frank, gouverneur général de la Pologne, demande qu'elle soit restituée à la ville de Cracovie et il l’accroche, par la suite, dans ses bureaux. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle est découverte par les troupes alliées dans la maison de Frank en Bavière. Elle revient en Pologne en 1946 et est actuellement exposée au musée Czartoryski à Cracovie.

Le modèle

La peinture est l’un des quatre portraits connus de femme peints par Léonard, les trois autres étant le portrait de la Joconde, celui de Ginevra de' Benci et celui de la Belle Ferronnière. On pense que l’œuvre représente Cecilia Gallerani, la maîtresse de Ludovic Sforza, duc de Milan. Cecilia Gallerani (1473-1536) était devenue la maîtresse de Ludovic Sforza très jeune (vers 1488-1489). Leur liaison dura jusqu’au milieu de l’année 1492, après qu’elle eut donné naissance à un fils, César. En 1490, Ludovic Sforza épousa Béatrice d’Este, qui le contraint à mettre fin à cette relation. On peut donc dater le tableau soit des années 1488-1489 avant le mariage, soit un peu plus tard, si l’on admet comme Frank Zöllner qu’il puisse s’agir d’un cadeau d’adieu de Ludovic Sforza à son ancienne maîtresse[3].

Nous possédons une correspondance datant de 1498 entre Cecilia Gallerani et Isabelle d’Este[4] faisant directement référence à ce tableau. Isabelle d’Este s’adresse ainsi à Cécilia : « Ayant eu aujourd’hui l’occasion de voir quelques tableaux de Giovanni Bellini, j’ai réfléchi à l’œuvre de Léonard avec le désir de la comparer et me souvenant qu’il avait fait votre portrait d’après nature, je vous prie […] de bien vouloir m’envoyer le portrait[5]. »

Une inscription erronée figure dans le coin haut gauche de la toile, « LA BELE FERIONIERE. LEONARD D’AWINCI. », probablement une confusion faite par un restaurateur avec le portrait de profil du Louvre attribué par Bernard Berenson à Bernardino dei Conti[6], et considéré tout au long du XVIe siècle comme un portrait authentique de la Belle Ferronnière.

Analyse

Le tableau concentre toutes les innovations du portrait inspirés à Léonard par l’exemple d’Antonello de Messine : la pose de trois-quart, le visage tourné vers le spectateur, la grâce du geste de la main (depuis l’abandon du portrait de profil, les peintres sont devenus particulièrement attentifs aux gestes des mains) « la définition de la forme par la lumière », et « le sens du mouvement interrompu[7] » (Cécilia semble tourner la tête comme si quelqu’un lui parlait). Cécilia porte une robe somptueuse, « préfigurant la mode espagnole, et peut-être rapportée de Naples par Ludovic Sforza[8] » Sa tête est enveloppée d’un précieux voile transparent. Léonard a mis un soin tout particulier rendre le collier de perles, ainsi que ses reflets noirs sur la chair rose du modèle. Le décalage entre la richesse des vêtements, le geste ferme et le visage encore juvénile ajoutent au charme du tableau.

Ce portrait très raffiné est à l’image de son modèle. Cecilia Gallerani avait appris très tôt le latin. Elle composait des poèmes, pour lesquels on la comparait à Sapho. Plus tard, Matteo Bandello la qualifiera même d’un des « grands phares de la langue italienne[9] ».

Plusieurs interprétations iconographiques de l’hermine que tient la jeune femme ont été proposées. On y a vu le symbole de la pureté. Léonard de Vinci lui-même le rappelle dans le Manuscrit H : « L’hermine (…) se laisse capturer par les chasseurs plutôt que de se réfugier dans un terrier plein de boue, pour ne pas entacher sa pureté[10] ». Ce pourrait être aussi un calembour sur son nom de famille, Gallerani, l’hermine en grec se disant galay, ou encore l’emblème du More, qui était « l’ermellino », une petite hermine, depuis qu’il avait été décoré de l’ordre d’ell’ermillino en 1488 par Ferdinand II de Naples...[11]

Doutes

Bien que ce tableau s’appelle La Dame à « l’hermine », l’énorme animal représenté ne semble pas appartenir à cette espèce et un doute existe entre hermine et furet, animal dont la taille et l’allure générale seraient plus adéquats[12], même si Léonard souhaitait symboliser une hermine.

Influences

L’écrivain britannique Philip Pullman reconnait avoir trouvé l’inspiration en étudiant entre autres le rapport entre le personnage et son animal spirituel pour sa trilogie À la croisée des mondes, publiée à partir de 1995[13].

La Dame à l’hermine a été choisie en illustration sur la couverture du coffret 15 Years After (2005) du projet musical Enigma, créé par Michael Cretu.

Notes et références

  1. Pietro.C.Marani, Léonard. Une carrière de peintre , 1999 (édition française : Actes Sud / Motta 1999), p.177
  2. La Dame à l’hermine de Léonard de Vinci photographiée par la caméra multispectrale et pour un compte-rendu complet de la restauration virtuelle de La Dame à l’hermine par l’équipe de Lumiere-Technology voir :
  3. Frank Zöllner, Léonard de Vinci, tout l’œuvre peint et graphique, Taschen, 2003, p 226
  4. Isabelle d’Este commanda à Lorenzo Costa une version domestique de la Dame à l’hermine, avec un petit chien à la place de l’hermine. Le tableau est aujourd’hui visible à Hampton Court.
  5. Françoise Viatte, Isabelle d’Este, rmn, p. 92, 1999
  6. Carlo Vecce, Léonard de Vinci, Flammarion p. 96-98
  7. Janice Shell, Léonard de Vinci, rmn, 1993, p. 32
  8. hypothèse émise par Carlo Vecce
  9. Matteo Bandallo, Nouvelles, 1554 puis 1573, édition française, Imprimerie nationale, 2002, p.102
  10. Ms H, fol. 12 r
  11. (en) Christina Moss, Cecilia Gallerani and The Ermine, 2003. Lire le document
  12. Manon Tremblay, vétérinaire, LE FURET, le jour, Canada, 2005 (réimpr. 2005), 205 p. (ISBN 2-8904-4742-1)  Introduction / Les utilisations du furet / Les furets célèbres. p 18 et 19
  13. (en) Interview de Philip Pullman The art of darkness dans INTELLIGENT LIFE magazine, 3 Decembre 2007

Voir aussi

Articles connexes

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