Jean d'Éphèse

Jean d'Éphèse
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Jean d'Éphèse ou Jean d'Asie, ou encore Jean d'Amida, est un évêque monophysite et écrivain religieux de langue syriaque né vers 507 à Amida et mort peu après 585.

Sommaire

Biographie

Tout enfant, il fut confié par ses parents à un moine stylite nommé Maron. À quinze ans, il entra au monastère Saint-Jean-l'Ourtéen, près d'Amida. En 529, il fut ordonné diacre par le fervent évêque monophysite Jean de Tella. En 534, il séjournait en Palestine, et de là se rendit à Constantinople. Il y fit la connaissance de Jacques Baradée, et aussi d'un certain Deutérius, qui fut ensuite pendant très longtemps son collaborateur. Il était de retour à Amida quand, pendant l'hiver 536-537, une violente persécution anti-monophysite fut lancée par Éphrem, patriarche d'Antioche, lui-même originaire d'Amida, et par Abraham, l'évêque de la ville. Vers 540, il était revenu à Constantinople, où il fut bientôt chargé de plusieurs missions par l'empereur Justinien et l'impératrice Théodora.

Il semble que l'empereur, dont la politique à l'égard des monophysites fut toujours très ambiguë, l'ait placé à la tête de la communauté monophysite de la capitale, et il dit avoir été chargé à la fin du règne de l'administration de l'ensemble des revenus de l'Église. D'autre part, Justinien lui confia en 542 la mission d'éradiquer les pratiques païennes qui subsistaient dans la province d'Asie[1]. Il affirme y avoir baptisé 70 000 païens ; il y fonda 41 églises aux frais des convertis, et l'empereur en ajouta 55 aux frais de l'État ; il établit également un important monastère près de Tralles, sur une colline dominant la vallée du Méandre ; une grande part de ces fondations se fit sur les ruines de temples païens qu'il avait fait détruire.

Son activité dans la région fut également dirigée contre des sectes chrétiennes hétérodoxes, notamment les montanistes : il dirigea une expédition contre leur grand centre religieux de Pépuza, situé en Phrygie, et que la secte appelait la « Nouvelle Jérusalem » ; le sanctuaire fut détruit, les corps des fondateurs Montanus, Priscilla et Maximilia déterrés et brûlés, et tout le reste incendié. De nouvelles persécutions sous Tibère II semblent être venues à bout de l'existence de ce groupe religieux[2].

Il s'intéressa aussi à une mission d'évangélisation des Nubiens, mais sans faire lui-même le voyage. En 546, l'empereur le chargea d'une mission d'enquête sur la persistance de pratiques païennes dans les milieux dirigeants de Constantinople[3] ; il s'en acquitta avec un zèle fanatique, n'hésitant pas à faire torturer des suspects. Phocas, ancien préfet du prétoire d'Orient, fut acculé au suicide par le poison[4]. Jean se prévalut ensuite des titres d'« Instructeur des païens » et de « Briseur des idoles »[5].

En 558, Jacques Baradée fit de lui l'archevêque d'Éphèse des monophysites, mais il semble qu'il ait continué à résider à Constantinople. Après la mort, en 566, de Théodose d'Alexandrie, qui vivait en résidence surveillée dans la capitale, il fut considéré comme le plus haut dignitaire de l'Église monophysite[6]. Mais à partir de 571, Justin II, successeur de Justinien, ordonna une campagne de persécution violente contre cette Église, et Jean d'Éphèse en fut l'une des cibles en vue : sur l'ordre du patriarche Jean III le Scholastique, il fut jeté en prison et maltraité, puis expulsé de la capitale en 580. Forcé de fuir et de se cacher, il consacra son collaborateur Deutérius comme évêque de Carie et lui confia les communautés de la province d'Asie qu'il avait converties. On ne sait ni où ni quand il mourut, mais ce fut sans doute peu après 585, car son Histoire s'arrête cette année-là.

Œuvre

Jean d'Éphèse est l'auteur de deux ouvrages importants pour les historiens, tous deux écrits en syriaque :

  • d'une part les Vies des bienheureux orientaux, ensemble de 58 biographies de moines et d'ascètes de la région d'Amida, qu'il écrivit à différents moments et réunit en un recueil vers 570 ;
  • d'autre part une Histoire ecclésiastique en trois parties de six livres chacune, couvrant une période allant de Jules César (donc un peu avant la naissance de l'Église) à 585 (interruption, sans doute, par la mort de l'auteur). La première partie, qui allait jusqu'à la mort de l'empereur Zénon en 491, est entièrement perdue. La deuxième[7], couvrant la période 491-571, constitue en fait (peut-être avec des lacunes) la troisième partie de la Chronique du Pseudo-Denys de Tell-Mahré, dite aussi Chronique de Zuqnîn (une chronique universelle composée à la fin du VIIIe siècle par un moine jacobite de Zuqnîn, près d'Amida, et retrouvée en 1715 par le savant maronite J.-S. Assemani ; manuscrit conservé à la bibliothèque du Vatican). La troisième partie, qui commence avec la persécution ordonnée par Justin II en 571, a été conservée, avec quelques lacunes importantes, dans un manuscrit indépendant du VIIe siècle conservé à la British Library.

Éditions des textes

  • Les Vies des bienheureux orientaux (vers 580), dans Anecdota Syriaca, éd. J. P. N. Land, vol. II, p. 1 à 288 (Leyden, 1868). Traduction anglaise : Lives of Eastern Saints, Brépols, Turnhout, 1974.
  • La deuxième partie de l'Histoire ecclésiastique: fragments en syriaque provenant de deux manuscrits de la British Library dans les Anecdota Syriaca, vol. II, p. 289-329 et 385-390 ; traductions anglaises de la 3e partie de la Chronique de Zuqnîn, par Amir Harrak (Toronto, 1999), et par Witold Witakowski (Liverpool, 1997).
  • La troisième partie : Iohannis Epheseni Historiae Ecclesiasticae pars tertia, éd. E. W. Brooks, dans Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium (Louvain, 1935), texte syriaque et traduction latine ; traduction anglaise par R. Payne Smith (Oxford, 1860), et allemande par J. M. Schonfelder (Munich, 1862).

Bibliographie

Notes et références

  1. Le culte de Cybèle, par exemple, était l'objet d'un attachement très fort de la part des populations rurales de Carie. Cosmas de Jérusalem (Scholia in Gregorii Nazianzeni Carmina, 502) affirme qu'il existait toujours au VIIIe siècle.
  2. Une novelle de Léon III datée de 722 ordonne le baptême forcé des Juifs, des manichéens et des montanistes, mais il est possible que les deux derniers termes soient impropres.
  3. Jean d'Éphèse lui-même témoigne qu'il y eut des païens clandestins y compris dans les élites dirigeantes au moins jusqu'au temps de Tibère II (578-582).
  4. Quand Justinien apprit que Phocas s'était suicidé, écrit Jean d'Éphèse, « il ordonna à juste titre qu'on l'enterrât comme un âne ».
  5. Jean d'Éphèse (Hist. Eccl., III, 27-34) rapporte que pendant les persécutions anti-païennes qui eurent lieu sous Tibère II (578-582), on assista à des lynchages d'accusés que la foule estimait traités avec trop de mansuétude (tirés de leur prison et brûlés vifs). L'auteur attribue ces comportements, qui étaient d'ailleurs nouveaux, à l'ardente piété de la population.
  6. Bar-Hebraeus (Chron. Eccl., I, 195) affirme qu'il succéda à Anthime comme patriarche de Constantinople des monophysites.
  7. Cette seconde partie intégrait probablement en son début la Chronique de Josué le Stylite.

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