Formule d'Euler-Maclaurin

Formule d'Euler-Maclaurin

En mathématiques, la formule d'Euler-Maclaurin (appelée parfois formule sommatoire d'Euler) est une relation entre sommes discrètes et intégrales. Elle fut découverte indépendamment, aux alentours de 1735, par le mathématicien suisse Leonhard Euler (pour accélérer le calcul de limites de séries lentement convergentes) et par l'écossais Colin Maclaurin (pour calculer des valeurs approchées d'intégrales).

Sommaire

Énoncé

Soient deux entiers relatifs p et q. Pour une fonction 2k fois continûment dérivable sur le segment [p,q], la formule s'énonce ainsi :

\frac{f\left( p\right) +f\left( q\right) }{2}+\sum_{j=p+1}^{q-1}f\left(
j\right) =\int_p^q f(x)\,dx
+\sum_{j=1}^k\frac{b_{2j}}{(2j)!}\left(f^{(2j-1)}(q)-f^{(2j-1)}(p)\right)+R_k

avec :

 R_k = - \int_p^q f^{(2k)}(x) {B_{2k}(x-\lfloor x \rfloor) \over (2k)!}\,dx,

La notation Bi désigne le i-ème polynôme de Bernoulli, et B_i(x-\lfloor x \rfloor) en est une version périodisée. Les nombres bi désignent les nombres de Bernoulli : b1 = −1/2, b2 = 1/6, b3 = 0, b4 = −1/30, b5 = 0, b6 = 1/42, b7 = 0, b8 = −1/30.

Bien sûr, un simple changement de variable permet d'obtenir une formule analogue pour une fonction définie sur un segment à bornes non entières.

Démonstration

On se contentera de faire la démonstration sur l'intervalle [n,n + 1] avec n \in \mathbb{Z}  ; la formule précédente s'en déduit par sommation.

Soit g une fonction continûment dérivable sur [n,n + 1] . En utilisant la propriété des polynômes de Bernoulli :  \forall k \in \mathbb{N} B_{k+1}' = \left(k+1\right) B_{k} , on trouve en faisant une intégration par parties :

\int_n^{n+1} g \left( t \right) B_k \left( t-n \right) dt = \left[ \frac{g \left( t \right) B_{k+1} \left( t-n \right)}{k+1} \right]_n^{n+1} - \frac{1}{k+1} \int_n^{n+1} g' \left( t \right) B_{k+1} \left( t-n \right) dt

Or, sachant que pour  k \ge 2 , on a B_k \left( 1 \right) = B_k \left( 0 \right) = b_k , on en déduit :

\int_n^{n+1} g \left( t \right) B_k \left( t-n \right) dt = \frac{b_{k+1}}{k+1} \left( g \left( n+1 \right) - g \left( n \right) \right) - \frac{1}{k+1} \int_n^{n+1} g'\left( t\right) B_{k+1} \left( t-n \right) dt

Par récurrence sur k de 0 à 2p, en prenant g = f(2p), on obtient :

\int_n^{n+1} f \left( t \right)  dt = \frac{f\left( n\right) +f\left( n+1\right) }{2}+\sum_{k=2}^{2p} \frac{\left( -1 \right)^{k-1} b_k}{k!} \left( f^{(k-1)}\left(n+1\right) - f^{(k-1)}\left(n\right) \right) + \frac{1}{(2p)!} \int_n^{n+1} f^{(2p)} \left( t\right) B_{2p} \left( t-n \right) dt

Enfin, avec la propriété : \forall k \ge 1 , b_{2k+1} = 0 , on en déduit :

\int_n^{n+1} f \left( t \right)  dt = \frac{f\left( n\right) +f\left( n+1\right) }{2}+\sum_{k=2}^{\lfloor \frac{p}{2} \rfloor} \frac{b_{2k}}{(2k)!} \left( f^{(2k-1)}\left(n+1\right) - f^{(2k-1)}\left(n\right) \right) + \frac{1}{(2p)!} \int_n^{n+1} f^{(2p)} \left( t\right) B_{2p} \left( t-n \right) dt

Applications

La formule sommatoire peut être utilisée pour approcher des intégrales par un procédé discret, par exemple dans la méthode des trapèzes ou celle de Romberg, ou à l'inverse pour transformer une somme discrète (finie ou non) et lui appliquer les techniques du calcul infinitésimal.

Le problème de Bâle

Le problème de Bâle demandait de déterminer la somme

 1 + \frac14 + \frac19 + \frac1{16} + \frac1{25} + \cdots = \sum_{n=1}^\infty \frac{1}{n^2}.

Euler calcula cette somme à 20 décimales en utilisant seulement quelques termes de la formule d'Euler–Maclaurin. Ce calcul le convainquit probablement qu'elle valait π2 / 6, résultat qu'il publia en 1735 (mais avec des arguments incorrects ; il lui fallut dix années supplémentaires pour trouver une démonstration rigoureuse)[1].

Sommes polynomiales

Si f est un polynôme et k est choisi assez grand, le reste disparait. Par exemple, si f(x) = x3, on peut prendre k = 2 pour obtenir, après simplification,

\sum_{i=0}^n i^3=\left(\frac{n(n+1)}{2}\right)^2

(voir les formules de Faulhaber).

Intégration numérique

La formule d'Euler–Maclaurin peut aussi être utilisée pour une estimation précise de l'erreur commise dans le calcul numérique d'une intégrale ; en particulier, c'est sur elle que reposent les méthodes d'extrapolation. La méthode d'intégration de Clenshaw-Curtis (en) est essentiellement un changement de variables ramenant une intégrale arbitraire à l'intégration de fonctions périodiques, pour lesquelles la formule sommatoire est très précise (dans ce cas, elle prend la forme d'une transformée en cosinus discrète).

Développements asymptotiques de sommes

Pour déterminer des développements asymptotiques de sommes et de séries, la forme la plus utile de la formule sommatoire est sans doute

\sum_{n=a}^b f(n) \sim \int_a^b f(x)\,dx + \frac{f(a)+f(b)}{2} + \sum_{k=1}^\infty \,\frac{B_{2k}}{(2k)!}\left(f^{(2k-1)}(b)-f^{(2k-1)}(a)\right), \,

a et b sont entiers. Ce développement reste souvent valide même lorsque l'on prend les limites quand {\scriptstyle a\to -\infty} ou {\scriptstyle b\to +\infty}, ou les deux. Dans de nombreux cas, l'intégrale de droite peut être évaluée de manière exacte en termes de fonctions élémentaires, alors que ce n'est pas le cas de la somme ; ainsi,

\sum_{k=0}^\infty \frac{1}{(z+k)^2} \sim \underbrace{\int_0^\infty\frac{1}{(z+k)^2}\,dk}_{=1/z}+\frac{1}{2z^2}
+\sum_{t=1}^\infty \frac{B_{2t}}{z^{2t+1}}.\,

Ici, le membre de gauche est égal à {\scriptstyle \psi^{(1)}(z)}, c'est-à-dire à la fonction polygamma d'ordre 1 (définie à partir de la fonction Gamma : {\scriptstyle \psi^{(1)}(z)=\frac{d^2}{dz^2}\ln \Gamma(z)}) ; ceci amène à un développement asymptotique de {\scriptstyle \psi^{(1)}(z)}, lequel permet une estimation précise de l'erreur de la formule de Stirling.

Notes

  1. David J. Pengelley, "Dances between continuous and discrete: Euler's summation formula" (en), dans : Robert Bradley and Ed Sandifer (Eds), Proceedings, Euler 2K+2 Conference (Rumford, Maine, 2002) , Euler Society, 2003.

Références

  • N. Bourbaki, Éléments de mathématiques, Fonctions d'une variable réelle, chapitre VI
  • Jean Dieudonné, Calcul infinitésimal, Ed. Hermann, Paris, 1980
  • Gérald Tenenbaum, Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres, Ed. Belin, 2008
  • J.-P. Demailly, Analyse numérique et équations différentielles, Presses universitaires de Grenoble

Wikimedia Foundation. 2010.

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