Bignou

Bignou

Biniou

Sonneur de binioù kozh (à droite), accompagné d'une bombarde.

Le binioù est le terme générique en breton pour désigner la cornemuse, instrument à vent à anche double et à poche de réserve d'air. Il est joué par un sonneur (soner ou biniaouer). Traditionnellement, le terme désigne les cornemuses utilisées en Bretagne bretonnante qui ne sont pas les mêmes que celles utilisées dans d'autres pays celtiques.

Binioù est la transcription en français de binioù, le pluriel de beni en breton. Le mot est passé au singulier en français : biniou. On distingue essentiellement le binioù kozh (litt. : « vieux biniou ») et le binioù bras (« grand biniou »).


Sommaire

Historique

Sous sa forme actuelle, il apparaît très tardivement dans l'iconographie et dans les textes. Jusqu'au XVIIIe siècle, il semble que la cornemuse de Basse Bretagne soit un instrument ressemblant beaucoup à la veuze, ou aux versions archaïques (à bourdon unique) de la gaïta espagnole ou du war pipe irlandais. Elle est alors utilisée seule ou en couple avec la bombarde, voire en trio avec un tambour, suivant la générosité du client.

Au début du XIXe siècle, des talabarderien, dont le plus célèbre est Matilin an Dall (qui jouera à Versailles devant Louis-Philippe), arrivent à faire « octavier » leur bombarde, rejoignant ainsi la nouvelle tessiture du biniou dont le levriad (le tuyau mélodique) se raccourcit vers cette époque ou peut être dès le milieu du XVIIIe siècle, sans qu'on puisse savoir lequel des deux événements est la cause de l'autre.

À partir de la Seconde Guerre mondiale, les talabarderien prennent l'habitude d'accompagner des cornemuses écossaises. Il leur faut donc respecter la gamme normalisée et très particulière de cet instrument. Les facteurs de bombarde prennent alors l'habitude de les produire en si bémol avec la gamme de la cornemuse écossaise. En raison de la pénurie d'instruments et d'instrumentistes, les facteurs de binious (souvent les mêmes), stabilisent la gamme du biniou pour que la même bombarde puisse jouer aussi bien avec un biniou braz qu'un biniou kozh.

Vers cette même époque, une intense activité de collectage d'airs de mélodie, de marche et de danse a été engagée à l'initiative des associations SKV (fondée par Georges Épinette) et Dastum[1].

Binioù kozh

Le biniou kozh (« biniou ancien ») est très ancien en Bretagne[2]. Sa forme et ses dimensions ont changé au cours du temps. Il est apparu dans la région de Quimperlé.

Facture

Le biniou kozh d'aujourd'hui se compose d'un bourdon et d'un levriad (nom breton pour le chalumeau ou hautbois). Il est généralement accordé en si bémol. Le levriad, très court, joue sur une octave très aigüe, le bourdon étant deux octaves au-dessous. Depuis le renouveau de la musique bretonne, on trouve des binious kozh accordés dans d'autres tonalités (les mêmes que la bombarde), notamment en sol.

Un biniou Kozh démonté
(Luthier : Jorj Bothua)
Un biniou Kozh monté
(Luthier : Jorj Bothua)
Un lévriad de biniou Kozh et une bombarde (Luthier : Jorj Bothua)

Jeu

Depuis toujours cet instrument est joué en couple avec la bombarde dans les danses traditionnelles : la bombarde joue une ligne mélodique à l'unisson (ou non, selon les choix d'accompagnement du biniawer) avec le biniou, puis s'arrête pour laisser le biniou rejouer cette ligne mélodique[3]. Le biniou joue donc sans arrêt.

Le couple bombarde / biniou kozh était très utilisé dans les campagnes pour accompagner les festivités, notamment les mariages. Certains joueurs étaient même professionnels et leur réputation dépassait le département. Après la Première Guerre Mondiale, l'instrument a subi une désaffection quasi-totale. Il a fallu attendre les années 70 pour le voir réapparaître sur les scènes, toujours en couple avec la bombarde.

Le couple biniou-bombarde est souvent considéré comme un instrument unique servi par deux instrumentistes. La bombarde expose la mélodie sur les deux octaves, pendant que le biniou effectue un accompagnement qui peut être mélodique ou purement rythmique, puis le biniou répète seul la mélodie à l'octave supérieure, en y introduisant ou non des variations.

Comme tous les instruments à bourdon le biniou est un instrument juste (ou non tempéré), c'est dire qu'il ne joue que des notes qui sont des fractions simples de la fréquence du bourdon. Il en est en conséquence de même de la bombarde. Dans la pratique, jusqu'aux années 1940, les gammes de deux binious différents peuvent être différentes. On trouve encore, sinon des binious, du moins des bombardes qui devaient jouer sur une gamme équidistante (non diatonique). Il se dit même, qu'afin d'accorder une bombarde et un biniou, il fallait les tailler dans le même arbre sinon, leurs harmoniques différaient et l'ensemble ne sonnait pas juste.

La pratique des concours est très enracinée dans l'activité des sonneurs de couple. Chaque pays a instauré son propre concours, où les sonneurs se confrontent en trois épreuves : mélodie, marche et danse.

Les meilleurs sonneurs de couple se retrouvent le premier dimanche de septembre à Gourin pour participer au Championnat de Bretagne. La première édition s'est tenue en 1955 à l'initiative de l'abbé Le Poulichet de Gourin, qui a pris contact avec l'association Bodadeg Ar Sonerion (BAS) pour ajouter au traditionnel pardon de la Saint-Hervé une procession de sonneurs[4]. En 1957, Polig Montjarret[5] propose au maire de Gourin d'organiser chaque année autour du pardon un concours de sonneurs, auquel Bogadeg Ar Sonerion fournit un règlement et un jury. Depuis 1993, le championnat se déroule à Gourin sur le site de Tronjoly devant plusieurs milliers de connaisseurs.

Binioù bras

Pupitre des binioù braz précédant celui des bombardes dans un bagad.

Le binioù bras (« grande cornemuse écossaise », voir Great Highland Bagpipe) a été importé d'Écosse en Bretagne en 1895 par Charles Le Goffic à Belle-Isle-en-Terre (près de Guingamp). Le biniou bras s'est très vite répandu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale grâce à l'essor des bagadoù, ensembles instrumentaux calqués sur les pipe-bands écossais. Dans les années 1960, les sonneurs bretons ont pris conscience de l'importance d'une technique rigoureuse et plusieurs d'entre eux sont tout naturellement allés l'apprendre chez leurs « cousins » écossais.

Des bagadoù comme Brest Ar Flamm, Brest St Mark, Bleimor et Kadoudal ont poussé déjà très loin la technique et la recherche en arrangements.

Peu avant, Jef Ar Penven avait réuni pour la première fois binioù bras, bombardes et orchestre classique.

Alan Stivell a également mélangé binioù bras et autres instruments, comme l'orgue électronique ou les cordes dans ses deux premiers albums. Puis, pour la première fois, il associa cet instrument avec ceux du Rock (avant même les écossais) dans Ian Morrisson reel (1973).

Facture

Le biniou bras est accordé en si bémol, avec 3 bourdons et un levriad.

Jeu

Un bagad comportant un pupitre de bombardes, les sonneurs de bombarde se sont habitué à jouer avec des sonneurs de binious braz ; il n'est donc pas rare de voir le biniou bras accompagner les danses là où l'on pourrait utiliser un biniou kozh.

Biniou et culture populaire

  • Le mot biniou sert dans plusieurs expressions de la langue française, où le souffle, ou bien le son strident de l'instrument, sont mis en exergue.
  • Le festival des Vieilles Charrues 2009 propose un championnat du monde d’Air Biniou. Basé sur les mêmes principes que le air guitar, ce championnat récompensera les meilleurs « sonneurs » sans instruments.

Références

  1. De SKV à Dastum, revue Musique Bretonne, n°200, Janvier/Février 2007
  2. Musique Bretonne: Histoire des sonneurs de tradition, ouvrage collectif rédigé sous l'égide de la revue ArMen, Le Chasse-Marée / Armen, 1996, ISBN 2-903708-67-3.
  3. Yves Castel, Sonerien daou ha daou (Méthode de biniou et de bombarde), Ed. Breizh Hor Bro, 1980
  4. Gourin, un demi-siècle de championnat, Revue Ar Soner, n°382, 4e trimestre 2006
  5. Polig Monjarret 1920-2003, numéro spécial de la revue Ar Soner, n°372, Janvier/Février 2004

Liens externes

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